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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 12 mai prochain, les Islandais sont appelés à renouveler les 63 membres de leur Parlement. Peuplé de 300 000 habitants (environ 10 000 Islandais vivent à l'étranger) et indépendante depuis seulement 63 ans, l'Islande est un pays méconnu. Les élections législatives du 12 mai 2007 devraient marquer l'entrée dans une nouvelle époque de la vie politique. En effet, David Oddsson (Parti de l'indépendance, SJ), Premier ministre de 1991 à 2004 puis ministre des Affaires étrangères, a quitté la scène politique en septembre 2005 pour rejoindre la Banque centrale d'Islande qu'il préside. Autre figure emblématique, Halldor Asgrimsson, ancien Premier ministre (2004-2006) et leader du Parti du progrès (SF) de 1994 à 2006, a quitté ses fonctions de Chef du gouvernement le 5 juin dernier à la suite de l'échec de sa formation aux élections municipales du 27 mai 2006. Le départ de ces deux « poids lourds » de la vie politique rend les élections législatives à venir beaucoup plus incertaines que les précédents scrutins (1991, 1994, 1999 et 2003), tous remportés par le Parti de l'indépendance.
Le système politique islandais
L'Islande possède le plus vieux Parlement du monde. L'Althing a, en effet, été fondé en 930 regroupant à l'époque une Assemblée législative et un tribunal. A la fin du XIIe siècle, l'Althing n'était plus qu'une simple cour de justice qui fut supprimée en 1800 puis rétablie dans ses fonctions d'Assemblée consultative en 1843 par le roi du Danemark.
L'Althing actuel, unique Chambre du Parlement depuis la disparition de la Chambre haute en 1991, compte 63 membres élus au scrutin proportionnel (méthode d'Hondt) pour une durée ne pouvant excéder quatre ans. Chaque formation politique doit recueillir au moins 5% des suffrages pour être représentée au Parlement. L'Islande est divisée en six circonscriptions : Nord-Ouest, Nord-Est, Sud, Sud-Ouest, Reykjavík-Sud et Reykjavík-Nord. Chaque circonscription élit neuf députés à l'Althing. Les neuf sièges restants, appelés « sièges d'égalisation », sont décernés selon une méthode prenant en compte les résultats des partis au niveau national et la répartition de leurs suffrages au sein des circonscriptions afin d'obtenir une représentation parlementaire la plus proche possible du vote exprimé par les électeurs. Le Parlement comprend 21 femmes, soit le tiers du total des parlementaires.
Cinq formations politiques sont représentées à l'Althing :
- le Parti de l'indépendance (SJ), formation libérale de l'actuel Premier ministre, Geir H. Haarde, qui a succédé le 16 octobre 2005 à l'ancien Chef du gouvernement (1991-2004) David Oddsson, personnalité qui a dominé la vie politique durant quinze ans et conduit à quatre reprises (1991, 1995, 1999 et 2003) le parti à la victoire. Le SJ compte 22 députés ;
- le Parti de l'alliance social-démocrate (SF), principal parti d'opposition dirigé par Ingibjorg Solrun Gisladottir et né en janvier 1999 de la fusion du Parti social-démocrate, de l'Alliance du peuple et du Parti des femmes. Il possède 20 sièges ;
- le Parti du progrès (SF), formation centriste agrarienne, longtemps deuxième parti politique du pays et membre de la coalition gouvernementale depuis 1995. Dirigé par l'actuel ministre de l'Industrie et du Commerce, Jon Sigurdsson, qui a succédé à l'ancien Premier ministre Halldor Asgrimsson le 19 août 2006, il compte 12 députés ;
- l'Alliance rouge-Les Verts (VG), parti d'extrême gauche dirigé par Steingrimur Sigfusson et rassemblant une partie des militants de l'Alliance du peuple ayant refusé la fusion avec le Parti social-démocrate, possède 5 sièges ;
- le Parti libéral (XF), formation située à droite sur l'échiquier politique et dirigée par Gudjon Kristjansson, compte 4 députés.
Le Président de la République est élu tous les quatre ans lors d'une élection à un tour au suffrage universel direct. L'actuel Président est Olafur Ragnar Grimsson élu une première fois le 29 juin 1996 (40,9% des voix), réélu en juin 2000 sans passer devant les électeurs puisqu'aucun concurrent ne se présentait contre lui, et enfin réélu le 26 juin 2004 avec 85,6% des suffrages (participation : 62,5%). Le Président de la République d'Islande possède peu de pouvoirs, s'abstenant en fait d'utiliser l'ensemble de ceux que lui accorde la Constitution. Le 2 juin 2004, Olafur Ragnar Grimsson a pourtant apposé son veto à une loi sur les médias votée le 25 mai précédent par le Parlement. Ce veto présidentiel, qui constituait une première dans l'histoire du pays, avait fait l'effet d'un coup de tonnerre sur l'île. La loi sur les médias entendait lutter contre les concentrations jugées susceptibles de restreindre la liberté du consommateur au niveau économique et au plan politique. Le Président de la République avait cependant rappelé l'importance de la liberté d'expression et la nécessité pour l'Islande d'avoir des médias libres et justifié sa décision d'apposer son veto par le fait que la loi votée par le Parlement était trop controversée. Selon l'article 26 de la Constitution, le texte aurait dû être soumis à référendum, mais la loi a finalement été abrogée le 22 juillet 2004.
La situation politique et socioéconomique de l'Islande
L'Islande fait exception à la règle qui veut que les pays du Nord de l'Europe soient traditionnellement des terres sociales-démocrates. Le pays est dirigé par une coalition gouvernementale rassemblant, depuis 1995, le Parti de l'indépendance et le Parti du progrès et conduite par Geir H. Haarde qui a succédé à Halldor Asgrimsson (SF) le 7 juin 2006 après l'échec de sa formation aux élections municipales du 27 mai 2006. Lors de ce scrutin, le Parti du progrès a en effet perdu onze points, obtenant 12% des suffrages. Le Parti de l'indépendance est arrivé en tête avec 42% des voix, suivi du Parti de l'alliance social-démocrate (30%) et de l'Alliance rouge-Les Verts (13%, soit sept points de plus que lors des précédentes élections de mai 2002). A la suite de ces élections municipales, le Parti de l'indépendance a également repris le contrôle de la capitale Reykjavik, administrée par une majorité de gauche depuis 1994 et que dirige actuellement Viljhalmur Th. Vilhjamsson.
Geir H. Haarde a poursuivi la politique mise en place par son prédécesseur. Après une période de forte croissance (1996-2005), l'Islande était, il y a deux ans, menacée de surchauffe économique et le pays s'est trouvé face à de dangereux déséquilibres aussi bien internes qu'externes causés par la forte demande des ménages (financés à crédit) et l'importance des investissements réalisés dans le secteur de l'énergie. Conséquences de cette situation : la confiance des investisseurs a reculé, les taux de change se sont appréciés et l'inflation a fortement augmenté. Le gouvernement a alors réagi en mettant en place une politique d'austérité budgétaire, ce qui a eu pour effet de faire passer la croissance du PIB qui s'élevait à 7,7% en 2004 et 7,5% en 2005, à 2,5% en 2006. Pour l'heure, le pays semble avoir réussi à juguler les principales menaces. La consommation et l'investissement ont baissé, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur une modération salariale, l'inflation, qui s'élevait à 6,8% en 2005, a atteint 3,7% en 2006 et ne devrait pas dépasser 3,8% en 2007 et enfin, le chômage, qui touchait 1,3% de la population active en 2006, devrait remonter à 2% en 2007 et 3,3% l'année suivante. Cependant, le gouvernement reste prudent. Le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi conseillé à Geir H. Haarde de restreindre un peu plus les dépenses publiques. Celui-ci a annoncé l'été dernier des mesures pour ralentir la consommation publique en différant plusieurs investissements de l'Etat. Un gel temporaire des projets nationaux, régionaux et municipaux a été décidé. Mais les baisses d'impôts entrées en vigueur le 1er janvier 2007 en faveur des familles et des revenus les plus faibles sont jugées risquées par de nombreux économistes qui mettent en avant les faiblesses de l'économie : fort endettement des ménages et des entreprises, déficit du commerce extérieur et persistance d'un taux d'inflation élevé. Le Premier ministre a cependant rappelé en janvier dernier que la baisse des taxes avait été bénéfique à l'économie. Ainsi, l'impôt sur le bénéfice des sociétés, qui est passé en 2001 de 30% à 18%, rapporte 34 milliards de couronnes, contre 9 seulement six ans auparavant. Geir H. Haarde s'est donné deux ans pour remettre l'économie islandaise sur de bonnes bases.
La campagne électorale
Au début du mois de novembre 2006, plusieurs membres du Parti libéral ont critiqué la politique d'immigration du gouvernement. Ils ont qualifié de grave erreur la décision d'ouvrir les frontières aux travailleurs en provenance des pays d'Europe centrale et orientale ayant adhéré à l'Union européenne le 1er mai 2004, arguant du fait que ces nouveaux immigrés faisaient une concurrence déloyale aux travailleurs islandais et qu'ils contribueraient à faire monter le taux de chômage. L'Office des statistiques a publié en septembre dernier les chiffres de l'immigration. Les travailleurs étrangers constitueraient 5,5% de l'ensemble des salariés (contre 2,4% en 1998). Parmi eux, les plus nombreux sont les Polonais (1 970 personnes), puis les Danois (560), les Philippins et les Portugais (510 dans les deux cas), les Allemands (500) et enfin, arrivés plus récemment, les Chinois (470).
Dans un pays où le thème de l'immigration n'a jamais été utilisé par aucun parti politique au contraire de ce qui a pu se passer dans les Etats voisins de Norvège ou du Danemark, ces discours ont provoqué des réactions très négatives parmi les autres formations politiques comme au sein du Parti libéral. Certains militants ont quitté le parti, les électeurs eux-mêmes n'ont guère apprécié la nouvelle orientation de la formation puisque selon les enquêtes d'opinion, une importante partie des sympathisants de la formation libérale se seraient repliés vers le Parti de l'indépendance. Le Parti libéral parie cependant sur un mouvement d'humeur ponctuel et continue à croire que la majorité de ses électeurs lui restera fidèle.
A la fin du mois de février, l'Alliance rouge-Les Verts a tenu sa convention nationale durant laquelle elle a rappelé qu'elle avait été la première formation à s'intéresser aux problèmes écologiques et à présenter un véritable programme de protection de l'environnement. La formation a également mis en avant ses propositions en matière économique et sociale : parité hommes-femmes, refus de certaines privatisations, notamment celles concernant les ressources naturelles, nouvelles mesures en faveur des personnes âgées et handicapées et nouvelle orientation de la politique étrangère.
Le 30 septembre dernier, les 300 derniers soldats américains stationnés en Islande sur la base de Keflavik ont quitté le pays à la suite de la décision en mars 2006 du gouvernement américain de rapatrier l'ensemble des soldats présents sur l'île depuis 55 ans. L'accord bilatéral de défense signé entre les Etats-Unis et l'Islande en mai 1951 stipulait en effet que les Etats-Unis assuraient la sécurité de l'Islande. Si les Américains restent prêts à intervenir en cas de menace sur l'île, il revient désormais au gouvernement islandais de prendre en charge la défense du territoire. L'opposition social-démocrate a critiqué les engagements pris par le gouvernement en faveur d'une poursuite de la collaboration avec les Etats-Unis, la formation de gauche se prononçant pour un rapprochement avec l'Union européenne.
La responsable du Parti de l'alliance social-démocrate, Ingibjorg Solrun Gisladottir, a réaffirmé sa volonté de voir l'Islande entamer des négociations avec l'Union européenne. Favorable à l'adoption de l'euro par l'Islande, elle a répété les propos de la ministre des Affaires étrangères, Valgerdur Sverrisdottir (FF), qui qualifiaient la couronne islandaise de « petite monnaie très instable et fluctuante ». La question européenne est au cœur de profonds désaccords entre les partis de l'opposition : si le Parti de l'alliance est favorable à l'adhésion de l'Islande à l'Union, l'Alliance rouge-Les Verts y est complètement opposée. Ce sujet constitue l'un des points d'achoppement d'une éventuelle alliance des deux formations. Le sujet divise également les Islandais : selon une enquête d'opinion publiée par le quotidien Bladid, la moitié se montre favorable à l'adoption de la monnaie européenne, l'autre moitié souhaite garder la couronne.
Si le débat sur les « faiblesses » de la monnaie islandaise n'est pas nouveau, la Banque centrale d'Islande, comme le porte-parole de la Commission européenne, ont chacun rappelé que l'adoption de l'euro n'était pas envisageable sans une adhésion à l'Union européenne. Le 7 mars dernier, le Parti de l'indépendance et les Verts ont adressé au Comité européen (institution fondée en 2004 par l'ancien Premier ministre David Oddsson et qui a pour fonction d'examiner les avantages et les inconvénients d'une éventuelle adhésion européenne de Reykjavik) une déclaration exprimant leur opposition à voir l'Islande rejoindre l'UE. La perte de sa souveraineté sur les 200 miles de sa zone de pêche qu'entraînerait l'adhésion du pays à l'Union européenne constitue le principal frein à une entrée de l'Islande dans l'UE. L'économie du pays dépend essentiellement de la mer ; l'industrie de la pêche emploie plus de 12% de la population active et représente près de 20% du PIB et 54,5% du total de ses exportations.
Il y a six mois, le leader de L'Alliance rouge-Les Verts, Steingrimur Sigfusson, a appelé le Parti de l'alliance social-démocrate à s'allier avec sa formation en vue de la préparation des élections législatives du 12 mai prochain. Mais Ingibjorg Solrun Gisladottir souhaite garder ses liens privilégiés avec le Parti du progrès dont de nombreux membres partagent ses vues sur l'Union européenne. De son côté, Jon Sigurdsson, actuel ministre de l'Industrie et du Commerce, tout juste élu à la tête du Parti du progrès le 19 août 2006, a déclaré que la question européenne n'était pas à l'ordre du jour et qu'il convenait de stabiliser et de renforcer les fondements économiques de l'Islande avant de parler d'un éventuel resserrement des liens avec Bruxelles. Jon Sigurdsson entend positionner sa formation en dehors d'un libéralisme pur et dur comme de toute expérience socialiste qui, selon lui, ne peuvent convenir à l'Islande. Selon certains analystes politiques, Ingibjorg Solrun Gisladottir pourrait, en cas de victoire de son parti aux élections, être intéressée par la formation d'une grande coalition avec le Parti du progrès et le Parti de l'indépendance.
Deux nouvelles formations politiques seront candidates aux élections du 12 mai : l'Union combattante (B) et le Mouvement de l'Islande-terre de vie. Ancien syndicat qui s'est allié à l'Union du capital (H) et dirigée par Arndis Björnsdottir, l'Union combattante défend les droits des personnes âgées et handicapées. Le Mouvement de l'Islande-terre de vie, dirigé par le journaliste Omar Ragnarsson et dont la vice-présidente est une ancienne membre du Parti libéral Margret Sverrisdottir, souhaite « élargir la base du mouvement écologiste au Parlement » et mettre un coup d'arrêt à la politique industrielle du gouvernement actuel. Les thèmes écologiques sont très présents dans ces premières semaines de campagne électorale. Lors de la dernière session du Parlement, 18 députés, majoritairement membres de l'Alliance rouge-Les Verts, ont signé le Pacte pour l'avenir du pays, intitulé « Gris ou vert », en faveur d'une meilleure protection de l'environnement et de l'arrêt de certains projets industriels. Jonina Bjartmarz est la seule membre du Parti du progrès et la seule ministre à avoir signé le texte qui a également été paraphé par la responsable du Parti de l'alliance social-démocrate, Ingibjorg Solrun Gisladottir. De même, fin mars, les habitants de Hafnarfjördur ont rejeté (50,6%) par référendum une extension d'une fonderie d'aluminium de l'entreprise Alcan.
Cette montée des thèmes écologistes se constate dans les enquêtes d'opinion où l'on observe une nette percée de l'Alliance rouge-Les Verts. Dans le dernier sondage réalisé par l'institut Gallup et publié le 27 mars dernier, si le Parti de l'indépendance arrive en tête avec 36% des intentions de vote (soit 25 députés), il est suivi de l'Alliance rouge-Les Verts, qui est créditée de 28% des suffrages (17 sièges). Le Parti de l'alliance social-démocrate recueillerait 20% des voix (13 députés), le Parti du progrès serait en recul avec 9% (5 sièges) et le Parti libéral obtiendrait 7% des suffrages (3 députés).
Les retraits des deux leaders historiques des formations de la coalition gouvernementale actuelle, David Oddsson et Halldor Asgrimsson, ont indéniablement ouvert la voie à une recomposition de la scène politique. De nombreuses alliances sont envisageables et la campagne électorale qui ne fait que débuter nous dira si l'Alliance rouge-Les Verts se maintient à ce niveau élevé dans les enquêtes d'opinion au fur et à mesure que d'autres thèmes, socioéconomiques par exemple, s'imposeront dans le débat.
Rappel des résultats des élections législatives du 10 mai 2003:
Participation : 87,80%
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