Election présidentielle en France, le point à une semaine du deuxième tour

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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30 avril 2007
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Election présidentielle en France, le point à une semaine du deuxième tour

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Le 6 mai prochain, 44,5 millions de Français sont, de nouveau, appelés aux urnes pour désigner leur futur(e) Président(e) de la République. Ils choisiront entre les deux candidats arrivés en tête au premier tour le 22 avril dernier : Nicolas Sarkozy (Union pour un mouvement populaire, UMP), qui a obtenu 31,18% des voix au premier tour, et Ségolène Royal (Parti socialiste, PS), qui a recueilli 25,87% des suffrages.

La candidate socialiste a reçu le soutien du Parti communiste (PCF) (1,93%), des Verts (1,57%) et des formations d'extrême gauche (Ligue communiste révolutionnaire, LCR ; Parti des travailleurs, PT et, ce qui constitue une première en France, celui de Lutte ouvrière, LO) qui ont rassemblé, ensemble, 7,07% des voix lors du premier tour.

Philippe de Villiers, candidat du Mouvement pour la France (MPF) qui a recueilli 2,23% des suffrages et qui, le 22 avril au soir, avait déclaré ne donner aucune consigne de vote pour le deuxième tour, est revenu sur sa décision et a finalement appelé, le 25 avril dernier, à voter en faveur de Nicolas Sarkozy. Le leader du Front national (FN), Jean-Marie Le Pen, qui a obtenu 10,44% des voix, rassemblera, comme chaque année, les membres de sa formation et ses sympathisants le 1er mai à Paris. Il pourrait, ce jour-là, donner une consigne de vote ou, au contraire, appeler à ne pas choisir entre les deux candidats du deuxième tour.

Aucun des deux camps n'a rassemblé, le 22 avril, 50% des suffrages. En effet, la gauche a réalisé l'un de ses résultats les plus faibles lors d'un premier tour d'élection présidentielle en recueillant 36,44% des suffrages. La droite n'a pas fait beaucoup mieux : obtenant 43,85% des voix, elle atteint le plus faible score de son histoire. Les 6,82 millions de suffrages (18,57%) qui se sont portés sur le candidat centriste François Bayrou (Union pour la démocratie française, UDF) constituent donc un réservoir de voix extrêmement convoité par les deux candidats du deuxième tour.

Non qualifié pour le 2e tour en dépit de son résultat très honorable, François Bayrou a occupé entièrement la scène politique de la première semaine de l'entre-deux tours. Dès le 23 avril, Ségolène Royal a appelé le président de l'UDF à un débat public « en toute clarté, en toute transparence et devant tout le monde » et s'est dit prête à nommer des ministres issus de l'UDF dans son futur gouvernement. « J'ai entendu l'appel qu'ont adressé les électeurs sur le besoin de rénovation et de prendre les idées d'où qu'elles viennent » a-t-elle déclaré. De son côté, Nicolas Sarkozy s'est tourné vers les élus de la formation centriste dont la très grande majorité ont choisi de le soutenir publiquement au deuxième tour. Les députés de l'UDF, élus avec des suffrages de droite, n'oublient pas que les élections législatives auront lieu cinq semaines après le deuxième tour de l'élection présidentielle.

Le 25 avril, le candidat centriste a tenu une conférence de presse très attendue au cours de laquelle il s'est, comme prévu, refusé à donner une quelconque consigne de vote. Chacun a cependant pu noter qu'il a « épargné » Ségolène Royal, qui représente à ses yeux « une inquiétude chronique », alors qu'il a tenu des propos très durs sur Nicolas Sarkozy dont il a dénoncé « le goût de l'intimidation et de la menace » et qui constitue, selon lui, « une inquiétude aigue ». « A l'heure qu'il est, je ne sais pas ce que je ferai, mais je commence à savoir ce que je ne ferai pas » a-t-il répondu sur son vote du 6 mai prochain. François Bayrou a également annoncé la fin de l'UDF et la création d'une nouvelle formation politique, le Parti démocrate, qu'il souhaite voir présenter des candidats dans l'ensemble des circonscriptions lors des élections législatives qui se dérouleront les 10 et 17 juin prochains. Enfin, le président de l'UDF a accepté la proposition de débat que lui a adressée la candidate socialiste, se disant « ouvert à toute discussion de bonne foi » et exprimant le souhait que leur dialogue soit retransmis à la télévision.

Après bien des incertitudes, ce débat, au cours duquel François Bayrou a farouchement défendu son indépendance à laquelle il ne peut renoncer sans compromettre son avenir politique et Ségolène Royal rien lâché de son Pacte présidentiel qu'elle s'est cependant dit prête à « compléter », a finalement eu lieu le 28 avril et a été diffusé par la chaîne de télévision BFM TV et retransmis sur la radio RMC. Ce dialogue, inédit sous la Ve République, s'est déroulé autour de cinq thèmes : les institutions, l'Europe, l'éducation, l'emploi et les finances publiques. Il a permis de mettre à jour de nombreuses convergences entre Ségolène Royal et François Bayrou, par exemple sur l'Etat et les institutions, mais également révélé de nettes divergences, notamment dans le domaine économique et social. Ainsi, le président de l'UDF s'est déclaré en désaccord avec l'idée selon laquelle on peut relancer la croissance en donnant de l'argent à un grand nombre de Français. C'est « un déséquilibre considérable supplémentaire apporté à nos dépenses publiques. Je pense que c'est un mauvais choix et que, d'ailleurs, ça ne sera pas soutenable. Ça n'a jamais marché et ça ne peut pas marcher dans une économie ouverte comme la nôtre » a t-il affirmé. « Le Pacte présidentiel n'est pas un pacte étatique, bien au contraire et c'est sa grande modernité. Toutes les réformes économiques et sociales sont faites en partenariat, sous forme de contrats avec les entreprises, les partenaires sociaux ou les régions » lui a répondu Ségolène Royal. Les deux protagonistes se sont également divisés sur l'Europe. Critiquant le discours de la candidate socialiste sur la Banque centrale européenne (BCE), discours largement relayé par Nicolas Sarkozy, François Bayrou a défendu la maîtrise de l'inflation, mission de la BCE, rappelant qu'un euro moins cher s'accompagnerait d'une hausse des taux d'intérêt. La candidate du PS a répété qu'elle plaiderait si elle est élue pour une réforme du statut de la BCE : « Je veux que l'Europe s'occupe aussi de croissance et d'emploi » a-t-elle déclaré

Si une partie des forces de gauche ont vu dans ce débat un dialogue constructif et de très bonne qualité, d'autres se sont violemment élevés contre ce qu'ils considèrent comme un recentrage du Parti socialiste. Ainsi, le député Henri Emmanuelli (PS) a fait sécession et affirmé la veille de la rencontre qu'il souhaitait créer une nouvelle formation « progressiste » de gauche rassemblant l'ensemble des anti-libéraux. « Ce débat a été à l'honneur de ses acteurs et à la hauteur de cette élection présidentielle. Il est un acte majeur de rénovation démocratique par la preuve, qui met en lumière l'archaïsme des conceptions autoritaires de Nicolas Sarkozy et de son refus de débattre» a souligné Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Chambre basse du Parlement français.

A droite, les critiques ont été unanimes. « Faire croire à des rapprochements bricolés et factices alors que tout oppose sur le fond les socialistes les plus archaïques d'Europe et les élus de l'UDF ayant voté la plupart des projets de loi gouvernementaux depuis cinq ans constitue une véritable supercherie intellectuelle » a déclaré le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer. De même, Nicolas Sarkozy a qualifié ce débat de « contraire à l'esprit des institutions françaises (...) Il a incarné, à mes yeux, le summum de ce que la Ve République a de plus caricatural. Redescendons sur terre ! François Bayrou n'a pas été qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle. Je ne laisserai personne voler aux Français le deuxième tour de l'élection présidentielle. Je ne laisserai personne confisquer le débat pour lequel les Français se sont prononcés massivement dimanche dernier. Ce serait un véritable déni de démocratie. Il nous reste une semaine pour que l'élan du premier tour ne se brise pas sur le mensonge, sur la mauvaise foi, sur la hargne de mauvais perdants qui ne se résignent pas à quitter la scène » a souligné le candidat de l'UMP qui a dénoncé la « politique de caniveau » que mènent, selon lui, ses adversaires.

François Bayrou s'est déclaré satisfait de son dialogue avec la candidate socialiste. « On a ouvert là un chemin qu'un jour beaucoup d'autres emprunteront. Il n'y a rien de plus simple dans une période aussi importante que celle-là que d'éclairer les citoyens en leur donnant le jugement des responsables politiques sur les grands sujets. On a pu vérifier qu'on pouvait être en accord ou en désaccord sans avoir besoin de faire allégeance les uns aux autres. Quel que soit celui qui va être élu, il aura besoin de faire travailler ensemble des courants politiques différents. Aucun des problèmes de notre pays ne peut trouver de réponse si on n'est pas capable de dépasser ces affrontements » a-t-il déclaré ajoutant qu'il était prêt à débattre avec Nicolas Sarkozy, une offre que ce dernier a toujours rejetée.

Les deux candidats du deuxième tour ont donc opté pour des stratégies opposées pour rallier à eux la majorité des électeurs de François Bayrou, ce qui leur est indispensable pour espérer remporter l'élection présidentielle.

Nicolas Sarkozy, qui a semblé un peu en retrait durant cette première semaine de l'entre-deux tours où Ségolène Royal et François Bayrou ont largement occupé le terrain, a choisi d'évoquer de plus en plus souvent les sujets de politique étrangère tout en restant fidèle à son discours du premier tour centré sur la valeur travail. « Je veux être le candidat de la France qui travaille, de la France qui bosse dur. J'ai voulu mettre toute ma campagne présidentielle sous le signe du respect du travail et des travailleurs et sous le signe du maintien des usines. J'ai besoin de vous et je vous demande de me faire confiance » a-t-il déclaré le 28 avril. Le candidat de l'UMP a également répété son engagement de parvenir dans les cinq ans à venir au plein emploi, soit à un taux de chômage de 5% (contre 8,3% actuellement), et de protéger les ouvriers des délocalisations. Il s'est néanmoins adressé aux électeurs centristes lors de son meeting à Paris le 29 avril : « Puisque François Bayrou veut en finir avec l'Union pour la démocratie française, je dis aux élus de l'UDF qui me soutiennent qu'ils sont les bienvenus en femmes et hommes libres. Moi je ne veux pas en finir avec l'UDF. Je la respecte, l'UDF, ses électeurs, ses valeurs, ses idées et ses convictions. J'ai besoin d'eux. Je ne leur demande de ne renoncer à rien. Je veux m'adresser aux électeurs du centre, dont les valeurs sont si proches des miennes. Je veux leur dire que leur sensibilité a toute sa place dans la majorité présidentielle que je veux construire et autour de laquelle je veux rassembler les Français » a-t-il affirmé. Il a, pour la première fois, proposé de discuter, s'il est élu, avec l'ensemble des forces politiques de l'introduction d'« un peu de proportionnelle au Sénat ou à l'Assemblée nationale sans créer le risque d'une instabilité qui serait désastreuse ». « Je veux que chacun se sente représenté dans la République mais que nous gardions le scrutin majoritaire qui est la clef de la stabilité de la République » a t-il souligné.

De son côté, Ségolène Royal a choisi de recentrer – ou de décentrer - sa formation, poursuivant de la sorte un mouvement qu'elle avait esquissé au début de sa campagne. S'affirmant « libre et prisonnière d'aucun dogme », elle tente désormais de transformer le Parti socialiste en une véritable formation sociale-démocrate à l'image des autres partis européens de gauche. « C'est autour d'une élection présidentielle qu'il peut y avoir une rénovation de la vie politique. C'est un moment que je ne veux pas laisser échapper » a t-elle déclaré semblant résolue à accomplir en deux semaines la mutation que le Parti socialiste a maintes fois repoussée lors de la défaite de Lionel Jospin (PS) au 1er tour de l'élection présidentielle du 21 avril 2002, ou lors de la mort de François Mitterrand, seul élu socialiste à la Présidence de la République (1981-1995) à ce jour ou encore en 1983 lors du tournant de la rigueur. Cette stratégie, si elle déplaît à certains « éléphants » du PS (les dirigeants des fédérations départementales les plus importantes ou les membres du bureau national), semble en revanche recevoir l'approbation de la majorité des électeurs : une enquête d'opinion, réalisée par la SOFRES et publiée dans le Figaro Magazine du 28 avril, révèle que François Bayrou serait le Premier ministre préféré des Français en cas de victoire de la candidate socialiste (37% de réponses, contre 29% pour Dominique Strauss-Kahn, PS). « Je ne m'interdis rien » a répondu Ségolène Royal, interrogée sur ce sujet le 29 avril.

Dans l'enquête réalisée les 26 et 27 avril derniers par la SOFRES pour la radio RTL, la chaîne de télévision LCI et le quotidien Le Monde, soit avant le débat entre Ségolène Royal et François Bayrou, et publiée le 29 avril, 41% des électeurs de François Bayrou envisageraient de voter pour Ségolène Royal et 32% pour Nicolas Sarkozy. 27% n'ont pas exprimé d'intention de vote.

« Samedi 21 et dimanche 22 avril, vous avez été plus de onze millions, en métropole, outre-mer, à l'étranger, à m'apporter vos suffrages. Un immense espoir s'est levé dans le pays » est-il écrit dans la nouvelle profession de foi de Nicolas Sarkozy que recevront tous les électeurs. « Vous avez été plus de neuf millions à m'accorder votre confiance dès le premier tour et je vous en remercie de tout cœur. Vous le savez : je suis une femme libre et sincère » peut-on lire dans le texte signé par Ségolène Royal. La campagne officielle du deuxième tour de l'élection présidentielle a débuté le 27 avril à minuit; elle s'achèvera à la même heure le 4 mai (ou le 3 mai pour les électeurs votant sur le continent américain et en Polynésie française).

Le 2 mai, les deux candidats se retrouveront pour un débat télévisé retransmis en direct à 21 heures par les principales deux chaînes de télévision françaises, TF1 et France 2, plusieurs radios, ainsi que sur Internet comme, par exemple, sur le site de la chaîne de télévision européenne Arte (http://www.arte.tv/fr/70.html) qui proposera également aux internautes une traduction simultanée en allemand.

Tous les instituts de sondages d'opinion donnent Nicolas Sarkozy gagnant le 6 mai prochain. Selon la dernière enquête réalisée les 26 et 27 avril derniers par l'institut SOFRES pour la radio RTL, la chaîne de télévision LCI et le quotidien Le Figaro et publiée le 29 avril, le candidat de l'UMP l'emporterait par 52% des suffrages contre 48% à Ségolène Royal. Cependant, 17% des personnes interrogées déclarent ne pas encore avoir fait leur choix.

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