Calin Georgescu (indépendant), que personne n’a vu venir et que les dernières enquêtes d’opinion créditaient d’un maximum de 9% des suffrages, a dominé le 1er tour de l’élection présidentielle organisé le 24 novembre en Roumanie. Le candidat d’extrême droite a recueilli 22,95% des voix et devancé Elena-Valeria Lasconi (Sauvez la Roumanie, USR), qui a succédé à la tête du parti libéral à Catalin Drula qui a démissionné à l’issue des résultats décevants de l’USR aux élections provinciales et locales du 9 juin. Elle a obtenu 19,17% des suffrages. La candidate libérale devance de peu le Premier ministre sortant Marcel Ciolacu (Parti social-démocrate, PSD), qui a recueilli 19,15% des voix. 
Calin Georgescu et Elena-Valeria Lasconi s’affronteront donc le 8 décembre lors du 2e tour de l’élection présidentielle. Entre les deux tours, la Roumanie organise, le 1er décembre, ses élections parlementaires.

Donné à la deuxième place par toutes les enquêtes d’opinion, l’autre candidat populiste de droite, George-Nicolae Simion (Alliance pour l’union des Roumains, AUR), a pris la 4e place avec 13,87%. Nicolae-Ionel Ciuca (Parti national-libéral, PNL), ancien Premier ministre (2021-2023) et ministre de la Défense (2019-2021), a obtenu 8,79% et l’ancien Secrétaire général adjoint de l’OTAN Mircea-Dan Geoana (indépendant), 6,32%.  Les huit autres candidats ont recueilli moins de 5% des suffrages.

La participation s’est établie à 52,55%, soit légèrement supérieure à celle enregistrée lors du 1er tour de l’élection présidentielle du 10 novembre 2019 (+ 1,37 point).

Résultats du 1er tour de l’élection présidentielle du 24 novembre 2024 en Roumanie
Participation : 52,55%

Source : https://prezenta.roaep.ro/prezidentiale24112024/pv/romania/results/ 

« Ce soir, le peuple roumain a crié pour la paix. Et il a crié très fort, extrêmement fort » a déclaré Calin Georgescu à l’annonce des résultats qu’il a qualifiés de « réveil extraordinaire du peuple roumain » ; ajoutant « L’incertitude économique qui a pesé sur le peuple pendant 35 ans est devenue une incertitude pour les partis politiques ».
Peu connu du grand public, Calin Georgescu est pourtant présent depuis de nombreuses années dans la vie politique. Il a travaillé dans différents ministères et son nom a même été proposé à plusieurs reprises pour le poste de Premier ministre. 
Professeur à l'université de Pitesti, située non loin de Bucarest, Calin Georgescu est un expert en environnement et en développement durable. Il a représenté la Roumanie au sein du comité national du Programme des Nations unies pour l'environnement entre 1999 et 2012. Il s’est présenté à l’élection présidentielle comme candidat indépendant et ia mené l’essentiel de sa campagne électorale sur le réseau social Tik Tok, appelant ses compatriotes à « sauver la nation roumaine » et à faire cesser l’aide accordée à l’Ukraine. 
Ces dernières années, Calin Georgescu a suscité la polémique en qualifiant Ion Antonescu, principal responsable de la Shoah en Roumanie de « héros de la nation ». Il décrit le monde comme « manipulé par des lobbies internationaux » et s’est illustré en voyant dans la pandémie de Covid-19 une invention des politiques pour soumettre le peuple.
Se présentant comme un candidat antisystème, il a indéniablement profité de la lassitude et du mécontentement exprimés par les Roumains à l’égard des partis politiques traditionnels – le Parti social-démocrate (PSD) et le Parti national-libéral (PNL) – qui gouvernent la Roumanie depuis la chute du communisme en 1989 et qui l’ont dirigée ensemble au cours des 4 dernières années au sein d’une grande coalition. « J’ai voté pour les victimes d’injustice, pour les humiliés, pour ceux qui ont l'impression de ne pas compter et qui, en réalité, sont ceux qui comptent le plus » a déclaré Calin Georgescu.

« Le refus des candidats du PSD et du PNL de débattre à la télévision avant le 1er tour est le symptôme d’une classe politique qui ne sait plus parler à ses propres citoyens » a noté Elena Calistru, présidente et cofondatrice de l’ONG Funky Citizens. « La performance inattendue de Calin Georgescu constitue un vote de protestation ou une révolte contre l'establishment (…) Les principaux partis politiques ont perdu le contact avec les Roumains ordinaires » a affirmé Cristian Andrei, analyste à l’agence d’évaluation politique.

« La démocratie roumaine est en danger, pour la première fois depuis la chute du communisme, en 1989. Avec une donne qui s’est compliquée depuis la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine » a indiqué Cristian-Romulus Pirvulescu, politologue de l’Ecole nationale de science politique et d’administration publique de Bucarest. « S’il a su capitaliser sur la détresse d’une partie de la population appauvrie par la forte inflation, George Simion, grand fan de Donald Trump, a aussi voulu renvoyer une image modérée qui l’a desservi auprès des plus radicaux » a souligné Cristian Pirvulescu pour expliquer le résultat décevant du candidat de la droite populiste alors que les enquêtes d’opinion le qualifiaient pour le 2e tour.

Elena-Valeria Lasconi, ancienne journaliste pour qui la corruption constitue l'un des plus importants problèmes de la Roumanie, est favorable à une augmentation des dépenses de défense et à la poursuite de l'aide à Kiev. La Roumanie partage une frontière de 650 kilomètres avec l’Ukraine. Depuis la dernière invasion des forces armées russes en Ukraine le 24 février 2022, Bucarest a permis l'exportation de millions de tonnes de céréales via le port de Constanta sur la mer Noire et il a fourni une aide militaire à Kiev, notamment en faisant don d'une batterie de défense aérienne Patriot. 

Quel que soit le résultat final de l’élection présidentielle, le 1er tour est une victoire pour les forces populistes. Il est un très sévère revers pour le Premier ministre sortant Marcel Ciolacu et, au-delà, pour l’ensemble des responsables politiques « traditionnels », membres des partis de gouvernement. Marcel Ciolacu voulait incarner la stabilité. Il a mis en avant son expérience à la tête du pays et il s’est posé en rempart aux forces d’extrême droite, notamment à George Simion, qui ‘il voyait comme son adversaire au 2e tour..

Elena-Valeria Lasconi va-t-elle faire appel aux modérés et mettre en garde contre le danger que représenterait l’élection de Calin Georgescu à la présidence de la République pour rassembler sur son nom lors du 2e tour ? Les résultats du 1er tour obligent à aborder le suivant avec grande prudence. 
Avant même le 8 décembre, le 1er tour de l’élection présidentielle devrait avoir des conséquences sur le scrutin parlementaire qui sera organisé le 1er décembre. « Le résultat du 1er tour de l’élection présidentielle est annonciateur d’un désastre pour les élections parlementaires de la semaine prochaine, surtout pour les partis au pouvoir, ce qui risque de compliquer la formation d'une coalition » a déclaré Cristian Pirvulescu.