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Élections en Europe
Corinne Deloy
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A la surprise générale, Ivan Korcok, ancien ministre des Affaires étrangères et européennes (2020-2022), est arrivé en tête du 1er tour de l’élection présidentielle le 23 mars. Soutenu par Slovaquie progressiste (PS) de Michal Simecka, le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) de Milan Majersky, Liberté et solidarité (SaS) de Richard Sulik, Les Démocrates (D) de Jaroslav Nad, Bleu-Slovaquie européenne (M) de l’ancien Premier ministre (1998-2006) Mikulas Dzurinda et le Parti conservateur civique (OKS) de Ondrej Dostal, il a recueilli 42,51% des suffrages et devance Peter Pellegrini (Hlas-Social-démocratie), actuel président du Conseil national de la République (Narodna rada Slovenskej republiky), chambre unique du parlement et ancien Premier ministre (2018-2020), qui a obtenu 37,02% des voix. Le candidat était soutenu par le parti du Premier ministre Robert Fico, Direction-Démocratie sociale (SMER-SD). Les deux hommes se retrouveront lors du 2e tour le 6 avril.
Le candidat indépendant Stefan Harabin, ancien ministre de la Justice (2006 2009) et ancien président de la Cour suprême (1998-2003 et 2009-2014), a obtenu 11,73%. Les 8 autres candidats – Krisztian Forro (Alliance hongroise, Szövetseg Aliancia), Igor Matovic (Slovaquie, Slovensko), Jan Kubis (indépendant), Patrik Dubovsky (Union chrétienne, KU), Andrej Danko (Parti national, SNS), Marian Kotleba (Parti populaire-Notre Slovaquie, ĽSNS), Milan Nahlik (indépendant) et Robert Svec (Mouvement renouveau) – ont chacun recueilli moins de 3%.
La participation a été quasi identique à celle enregistrée il y a 5 ans : 51,9%, soit -0,64 point par rapport au 1er tour de l’élection présidentielle du 16 mars 2019.
source : https://www.volbysr.sk/sk/vysledky_hlasovania_kolo1.html
« Je veux m’adresser aux électeurs qui ne sont pas d’accord avec la direction que ce gouvernement donne à la Slovaquie, y compris en matière de politique étrangère (…) Je veux être un président qui représentera le pays à l’étranger et à l’intérieur et qui prendra des décisions indépendantes, sans recevoir d’ordres » a déclaré Ivan Korcok à l’annonce des résultats. Il s’est déclaré prêt à parler aux candidats du premier tour, notamment Igor Matovic, Jan Kubis, Patrik Dubovsky et Krisztian Forro. « Je suis candidat pour aider la Slovaquie à être un pays véritablement européen, pas seulement en ce qui concerne les valeurs mais également en matière de qualité de vie » a-t-il précisé.
« Les résultats ont montré que la plupart des Slovaques ne veulent pas d’un président libéral, de droite ou progressiste. La plupart ont plutôt exprimé leur intérêt pour un président qui défendra les intérêts nationaux de la Slovaquie, qui n’entraînera pas la Slovaquie dans une guerre mais qui parlera de paix, pour un président qui placera les intérêts de la Slovaquie au premier plan » a souligné Peter Pellegrini., ajoutant « Je veux être un président du peuple, pas un président des élites, des médias, des ONG et des pays étrangers. Je veux être un président qui défend fièrement et souverainement les intérêts nationaux de la Slovaquie », affirmant que « Les électeurs vont décider du choix d’un président qui travaillera - ou non – en bonne entente avec le gouvernement de Robert Fico » non sans rappeler que « la Slovaquie est clairement ancrée dans l’Union européenne et dans l’Otan ».
« Si Peter Pellegrini remportait l’élection présidentielle, la Slovaquie pourrait suivre la voie de Viktor Orban (Alliance des jeunes démocrates-Union civique, FIDESZ-MPSZ), Premier ministre de Hongrie, en termes de politique étrangère » a déclaré Tomas Koziak, analyste politique à l’Université des affaires internationales (ISM). « Au cours du dernier débat avant l’élection présidentielle, Peter Pellegrini a réclamé un cessez-le-feu immédiat et l'ouverture de négociations de paix entre Kiev et Moscou. Il agira très probablement comme un allié du gouvernement de Robert Fico alors qu'Ivan Korcok sera très probablement son contrepoids. Il utilisera divers outils pour corriger ses tendances antidémocratiques » a souligné Pavol Babos, sociologue de l’université Comenius de Bratislava. « Si les pouvoirs du président de la République slovaque sont limités, le vote des électeurs sert de thermomètre pour voir si la population soutient le virage nationaliste et pro-russe du nouveau gouvernement » a déclaré Jana Vargovcikova, politologue de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). « Robert Fico sera-t-il (élu) président de la République ? » s’interrogeait d’ailleurs le quotidien Sme la semaine dernière.
Le 24 février dernier, jour du deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes, le Premier ministre slovaque a repris mot pour mot le récit de Vladimir Poutine, faisant porter la responsabilité du déclenchement de la guerre du Donbass en 2014 sur les « néonazis ukrainiens ». « La Slovaquie est malheureusement spécifique dans le sens où ceux qui propagent le plus de désinformation sont les politiciens qui font partie du gouvernement actuel » a indiqué Sonia Szomolanyi, politologue de l’université Comenius de Bratislava. Peter Pellegrini a affirmé qu’Ivan Korcok, s’il était élu, enverrait des soldats slovaques en Ukraine. « C’est d’autant plus mensonger que le président de la République slovaque n’a pas la compétence pour le faire et Peter Pellegrini le sait très bien » a-t-elle ajouté.
« En cas de victoire de Peter Pellegrini, nous pouvons nous attendre à un raffermissement de la position actuelle du gouvernement et des propos qu'il tient. Si Ivan Korcok l’emporte, nous pouvons nous attendre au moins à ce qu'il fasse un contrepoids au gouvernement et au parlement à cet égard » a déclaré Michal Mislovic, analyste politique à l’institut d’opinion Median. « La Slovaquie, comme d’autres pays, est divisée en deux camps qui semblent irréconciliables, et le camp de Peter Pellegrini et Robert Fico est celui qui veut nous faire ressembler à la Biélorussie ou la Hongrie tandis que l’autre camp, qui va voter pour Ivan Korcok, tient plus que tout à l’appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN » a indiqué le comédien et ancien député (1996-1999) (Union démocrate et chrétienne slovaque - Parti démocrate, SDKU-DS), actuel suppléant de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Milan Knazko.
Ivan Korcok critique les appels de Robert Fico à négocier avec Moscou. « La Russie a piétiné le droit international. Je ne pense pas que l'Ukraine doive renoncer à une partie de son territoire pour parvenir à la paix » a-t-il déclaré, ajoutant « La paix ne peut pas être synonyme de capitulation. La première condition préalable pour pouvoir parler d'une solution pacifique à cette guerre est que les missiles russes cessent de frapper les écoles et les hôpitaux ukrainiens ».
Aucune enquête d’opinion n’a donné Ivan Korcok vainqueur au 2e tour contre Peter Pellegrini, d’autant que la majorité des 11,74% des suffrages qui se sont portés sur le candidat indépendant Stefan Harabin semblent acquis au président du Parlement. Selon une enquête réalisée par l’institut d’opinion. Focus/Markiza, 53% d’entre eux voteraient pour Peter Pellegrini au 2e tour et 6% en faveur d’Ivan Korcok. « Mes électeurs savent ce qu’ils doivent faire » a déclaré le candidat indépendant, qui a précisé que la préservation de l’Etat, la souveraineté nationale et la paix constituaient les priorités de la Slovaquie. Toutefois, « aucun sondage ne prévoyait qu’Ivan Korcok disposerait d’une avance de cinq points au 1er tour » rappelle Tomas Koziak, ajoutant « Maintenant, celui-ci apparaît comme un candidat puissant ».
Selon les analystes politiques, la politique étrangère continuera d’être un sujet majeur avant le second tour. « Si Ivan Korcok est élu, la Slovaquie conservera une attitude critique à l’égard de la Russie, des positions pro-européennes et son soutien à l'Ukraine. Peter Pellegrini suivrait la voie de Robert Fico dans le relâchement de nos liens avec nos alliés et nos partenaires de l'OTAN et de l'Union européenne, un soutien plus faible à l'Ukraine et un penchant pour la Russie » a déclaré Grigorij Meseznikov, directeur de l'Institut des affaires publiques de Bratislava. « Il existe une chance que l’Orbanisation de la Slovaquie ne se réalise pas » veut croire Tomas Koziak.
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