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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Les trois coalitions de partis d’opposition - la Coalition citoyenne (KO) de Donald Tusk, Troisième voie (Trzecia Droga) et La Gauche – ont remporté les élections parlementaires le 15 octobre en Pologne.
La Coalition citoyenne est organisée autour de la Plateforme civique (PO) de l’ancien Premier ministre (2007-2014) et président du Conseil européen (2014-2019), Donald Tusk, et de trois autres partis (Moderne, Les Verts, Z, Initiative polonaise, iPL).
La coalition de la Troisième voie rassemble deux partis centristes (Pologne 2050, conduit par Szymon Holownia, et la Coalition polonaise, dominée par le Parti du peuple, PSL).
Avec La Gauche, ces deux coalitions obtendriat 248 des 460 sièges que compte la Diète (Sejm), chambre basse du Parlement.
La coalition Droite unie et la Confédération liberté et indépendance, remporteraient ensemble 212 sièges.
La première est emmenée par Droit et justice (PiS) parti conservateur du Premier ministre sortant Mateusz Morawiecki et dirigé par Jaroslaw Kaczynski, aux côtés de quatre autres partis et quelques personnalités indépendantes ; elle est arrivée en tête du scrutin parlementaire du 15 octobre.
Parti ultra-nationaliste dirigé par Slawomir Mentzen, la Confédération liberté et indépendance a réalisé une contre-performance par rapport à ce qu’indiquaient les enquêtes d'opinion préélectorales.
Les Polonais se sont pressés aux urnes pour ce que d’aucuns avaient qualifié de scrutin le plus important depuis 1989, année de la chute du communisme en Pologne. « Ce qui est en jeu, c'est l'avenir de la démocratie en Pologne et l'avenir de la Pologne en tant que démocratie et Etat de droit » avait déclaré Dorota Dakowska, professeur de science politique à Sciences Po Aix-en-Provence. Près des trois quarts des Polonais ont voté (72,78%), soit un nombre record depuis le retour de la démocratie dans le pays il y a 34 ans. Ce qui représente +12,6 points par rapport aux précédentes élections parlementaires du 13 octobre 2019. La mobilisation a été particulièrement importante dans l’ouest et le nord-ouest de la Pologne, une partie du pays qui vote traditionnellement en faveur de la Plateforme civique. La forte mobilisation des femmes et surtout des jeunes a été fatidique pour le PiS.
Les Polonais semblent également avoir suivi Donald Tusk et l’opposition qui avaient appelé au boycott des référendums organisés le jour des élections parlementaires. Seuls 40% des Polonais se sont prononcés sur les quatre questions posées[1], soit un nombre insuffisant pour valider ces consultations populaires pour lesquelles il était obligatoire qu’au moins la moitié des électeurs inscrits votent.
Résultat des élections parlementaires du 15 octobre 2023 en Pologne
Diète
Participation : 74,38%
Source : https://wybory.gov.pl/sejmsenat2023/pl/sejm/wynik/pl
Sénat
Participation : 74,31%
Source : https://wybory.gov.pl/sejmsenat2023/pl/senat/wynik/pl
« Nous avons gagné. La Pologne a gagné. La démocratie a gagné. Nous les avons chassés du pouvoir (...) c'est la fin de cette mauvaise période, c'est la fin du règne de Droit et justice (…) Ce jour restera dans l'histoire comme un jour lumineux, celui de la renaissance de la Pologne » s’est réjoui Donald Tusk à l’annonce des premiers résultats
Le dirigeant de la Plateforme civique a su mener une campagne éloignée de l'orthodoxie budgétaire qui avait été fatale à son parti lors des élections parlementaires du 25 octobre 2015. Il a proposé de voter dès cette année la revalorisation de l'allocation familiale, une promesse de campagne du PiS pour 2024. Il s'est également engagé à ne pas relever l'âge de départ à la retraite fixé à 60 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes. Donald Tusk avait fait passer cet âge à 67 ans en 2012, une mesure qui lui est encore reprochée actuellement.
Surtout, l’ancien président du Conseil européen a assuré qu’il débloquerait les fonds issus du plan de relance européen « le lendemain de son élection ». La réforme judiciaire votée par le PiS a en effet conduit au blocage par les institutions européennes du versement à Varsovie de 35 milliards €, soit sa part du Fonds du plan de relance voté à l’issue de la pandémie de Covid-19. Ce blocage dure depuis deux ans. Donald Tusk a également affirmé que la première mesure qu’il souhaite voir mise en place concerne la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à douze semaines. Plus généralement, l’ancien président du Conseil européen veut restaurer la position de son pays sur la scène internationale et renforcer la coopération avec ses partenaires européens.
Enfin, Donald Tusk et ses alliés se sont imposés au terme d’une campagne qui a été d’une grande violence. Jaroslaw Kaczynski n’a pas hésité à qualifier le leader de l’opposition de « personnification du mal en Pologne », « le mal à l'état pur ». « Toute la campagne électorale du PiS a reposé sur l'hostilité à l'égard de Donald Tusk, une propagande négative martelée par les militants et à la télévision publique, devenue depuis 8 ans la branche médiatique du parti » a souligné Stanislaw Mocek, politologue et recteur de l'université Collegium Civitas de Varsovie.
Dans les discours du PiS; l'ancien président du Conseil européen était toujours décrit comme un traître à la nation pour avoir signé des accords sur le gaz avec la Russie et comme le « larbin de l’Allemagne » en raison de sa bonne entente avec l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel ((2005-2021).
« Le PiS ne formera pas le prochain gouvernement en Pologne. L'opposition a désormais plus de chances pour cela » a déclaré Wojciech Przybylski, analyste politique de Visegrad Insight, qui ne croit pas à une alliance entre le PiS et la Confédération liberté et indépendance. « Il est bien plus facile pour la PO de s’entendre avec la Gauche, le Parti du peuple et Pologne 2050 que pour le PiS et la Confédération liberté et indépendance de former une alliance » a affirmé Wojciech Rafalowski, sociologue à l’université de Varsovie.
Le dirigeant du parti d’extrême droite, Slawomir Mentzen a répété durant la campagne électorale que son parti ne participerait à aucune coalition gouvernementale après les élections parlementaires du 15 octobre et qu'il souhaitait changer les choses plutôt que d'aider l'ancien système à perdurer.
« Nous devons garder espoir et savoir que, que nous soyons au pouvoir ou dans l'opposition, notre projet se poursuivra (...) Nous ne laisserons pas la Pologne perdre (...) le droit de décider de son propre destin (…) Nous ne permettrons pas que la Pologne soit trahie » a indiqué Jaroslaw Kaczynski dès les premiers résultats. Beaucoup d’analystes politiques craignaient qu’un troisième mandat du PiS n’ancre l’autoritarisme en Pologne. « le PiS a fait main basse sur le patriotisme et les valeurs conservatrices, si chères au cœur des Polonais et il les a confisquées » a souligné Aleksander Hall, historien, ancien député et ministre (sans portefeuille) du gouvernement de Tadeusz Mazowiecki (1989-1990).
Le pouvoir sortant a su constituer une classe moyenne, notamment en mêlant redistribution sociale et conservatisme grâce à un vaste et généreux programme d'aides sociales mais au détriment d’investissements à long terme. « En fait, ils ont profondément changé la structure de la dépense publique, avec des versements directs pour de nombreuses catégories de population mais des services publics en piteux état, surtout dans l'éducation » a précisé Hanna Cichy responsable des études économiques chez Polityka Insight. « Toutes les politiques de ce pouvoir se caractérisent par une vision de court terme, selon une logique électoraliste. Le manque de vision stratégique de développement à long terme du PiS laisse présager une atrophie économique et sociale particulièrement dommageable » a indiqué Edwin Bendyk, président de la Fondation Stefan-Batory.
Rappelons que le président polonais est Andrzej Duda, réélu en juillet 2020 pour un mandat de 5 ans.
Agé de 66 ans et originaire de Poméranie orientale (il est membre de la communauté cachoube, minorité slave de la région de Gdansk longtemps disputée entre la Pologne et l'Allemagne), Donald Tusk est diplômé d'histoire de l'université de Gdansk, où il a été durant sa jeunesse un militant actif du syndicat Solidarnosc. Membre du Congrès libéral-démocrate (KLD) puis de l'Union de la liberté (UW), il a fondé la Plateforme civique en mars 2001 avec Andrzej Olechowski et Maciej Plazynski. Elu député en 1991, il devient vice-président de la Diète, chambre basse du Parlement, entre 2001 et 2005. Candidat à l'élection présidentielle du 23 octobre 2005, il recueille 45,53% des suffrages et il est battu par Lech Kaczynski (PiS), qui obtient 54,47% des voix Deux ans plus tard, Donald Tusk devient Premier ministre à l'issue des élections parlementaires du 21 octobre 2007 que la PO remporte avec 41,51% des suffrages. Il conserve son poste à l’issue des élections parlementaires du 9 octobre 2011.
Le 30 août 2014, il est désigné président du Conseil européen. Il remplace Herman Van Rompuy le 1er décembre. Il sera reconduit à ce poste le 9 mars 2017, recueillant 27 voix sur 28, la Pologne s’opposant seule à sa reconduction. Le 20 novembre 2019, Donald Tusk est élu président du Parti populaire européen (PPE), fonction qu’il occupera jusqu’en juin 2022.
Donald Tusk aura donc réussi son retour politique en Pologne, en parvenant à mettre un coup d’arrêt au règne de huit ans du PiS.
[1] Les questions posées étaient les suivantes : - Etes-vous favorable à la vente bradée des actifs de l’Etat à des entités étrangères ? - Etes-vous favorable à la hausse de l’âge de la retraite à 67 ans pour les hommes et les femmes ? - Etes-vous favorable à la suppression de la barrière construite entre la Pologne et la Biélorussie ? - Etes-vous favorable à l’admission de milliers de migrants illégaux en Pologne conformément au mécanisme de relocalisation forcée imposé par l’Union européenne ?
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