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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Les Lettons sont appelés le 7 octobre prochain à renouveler les 100 membres de la Saeima, Chambre unique du Parlement. 19 formations ou alliances politiques, représentant environ 40 partis et 1 025 candidats, sont en lice pour ce scrutin.
Pour la première fois, des formations régionales participent à des élections nationales. Un événement qui, selon certains analystes politiques, n'est pas estimé à sa juste valeur alors que lors des dernières élections législatives du 5 octobre 2002, la présence d'Aleksejs Vidavskis, maire de Daugavpils, sur la liste Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie (PVTCL) avait apporté de nombreux votes à la formation russophone.
Nouvelle ère (JL) a choisi de placer cinq femmes (Solvita Aboltina, Ina Druviete, Linda Murniece, Ilma Cepane et l'ancienne ministre des Affaires étrangères (2002-2004) et ancienne Commissaire européen Sandra Kalniete) en tête de liste au sein de chacun des cinq districts électoraux que compte le pays (Riga, Vidzeme, Latgale, Zemgale et Kurzeme). Enfin, quatre personnes possédant une double nationalité sont candidates aux élections législatives : trois Américano-lettons : Andrejs Mezmalis, candidat de l'Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK), l'ancien secrétaire général de Nouvelle ère (JL), Uldis Ivars, et l'ancien ministre de l'Economie, Krisjanis Karins (JL). Liene Liepina, suédoise et lettone, concourra également sous les couleurs de Nouvelle ère.
Une mission de 16 observateurs venus de 12 pays européens sera chargée de surveiller le scrutin pour l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Les observateurs seront déployés dans les trois districts de Kurzeme, Vidzeme et Latgale.
Inquiète de la faible participation annoncée pour le prochain scrutin législatif, la Présidente de la République, Vaira Vike-Freiberga, a évoqué l'adoption du vote obligatoire en Lettonie. « Lorsque les gens ne votent pas, leur abstention menace la société. La seule alternative à la démocratie est la dictature ou le chaos. C'est pourquoi il me paraît important d'avoir une discussion autour de la question du vote obligatoire » a-t-elle déclaré. Certains analystes politiques s'attendent, en effet, à une faible participation (elle s'était élevée à 72,49% lors du dernier scrutin national du 5 octobre 2002). « La grande question est de savoir si suffisamment de gens vont aller voter ou si les extrémistes seront les seuls à remplir leur devoir civique » interroge le professeur de science politique de l'université de Lettonie, Nils Muiznieks, qui affirme « De plus en plus de gens ont le sentiment que tous les partis se valent et qu'ils sont tous corrompus ».
La Lettonie a été secouée cette année par de nombreux scandales. En mars dernier, une chaîne de télévision a retransmis les enregistrements dans lesquels on pouvait entendre les fondateurs de deux formations de l'actuelle coalition gouvernementale -le ministre des Transports et leader de Premier de Lettonie (LPP), Ainars Slesers, et l'ancien Premier ministre, fondateur du Parti du peuple (TP), Andris Skele- se mettre d'accord sur un achat de voix aux dernières élections municipales du 13 mars 2005 dans la ville de Jurmala. Ainars Slesers a depuis été forcé à la démission par le Premier ministre Aigars Kalvitis (TP). Le scandale dit du « Jurmalagate » avait débuté un an plus tôt lorsqu'un conseiller municipal avait avoué avoir reçu une somme de 10 000 lats pour voter en faveur d'un candidat précis lors de l'élection du premier magistrat de la ville. De même, la décision de l'Union des fermiers et des Verts (ZZS) de choisir comme candidat au poste de Premier ministre le très populaire maire de Ventspils, Aivars Lemberg (Pour la Lettonie et Ventspils, LV), a été très controversée. Le 20 juillet dernier, le premier magistrat de Ventspils été accusé de corruption et de blanchiment d'argent dans des transactions ayant eu lieu entre 1993 et 1995. Il est soupçonné d'avoir reçu 453 000 lats (650 000 euro) de dividendes d'une compagnie suisse d'investissement Multinord AG. Ainars Lemberg s'est vu interdire de quitter le territoire letton et a été condamné à verser une caution d'un million de lats (1,43 million d'euro). Ces scandales pourraient s'avérer particulièrement dommageable pour la participation électorale tout comme ils pèsent sur les relations entre les citoyens et la classe politique qui ne cessent de se dégrader au cours des ans. Ainsi, selon une enquête d'opinion réalisée en août dernier par le centre de recherche SKDS, moins de trois Lettons sur dix déclarent avoir confiance dans leur Parlement, un chiffre en constante régression : 27% en 2006, 37% en 2003, 31% en 2004 et 28% en 2005.
« La participation a été maintenue artificiellement à un haut niveau lors des dernières élections par la création de nouvelles formations et par certains enjeux comme le référendum sur la citoyenneté. Aujourd'hui, il n'existe plus d'enjeux aussi mobilisateurs et aucun nouveau parti ne s'est imposé, il y a donc un risque réel que l'abstention atteigne un record » souligne Pauls Raudseps, éditorialiste politique du quotidien Diena.
Cette question de la participation est encore aggravée par l'émigration qu'a connu la Lettonie ces dernières années. Le pays a perdu 378 000 habitants depuis 1989 ; environ 60 000 Lettons (sur une population de 2,3 millions) ont quitté le pays depuis 2000, dans 99% des cas pour aller travailler au Royaume-Uni ou en Irlande. « Environ 6% de la population active a quitté le pays » déclare le politologue Ivars Indans. La Banque centrale prévoit que 200 000 personnes supplémentaires devraient les imiter dans les six prochaines années. Avec une croissance de son PIB de 10% en 2005, la Lettonie commence à connaître une pénurie de main d'œuvre, notamment dans certains secteurs. Cependant, cette forte croissance mêlée à un taux d'inflation de 6,7% (soit deux fois celui de la Lituanie) rend difficilement envisageable une hausse des salaires, qui pourrait inciter les candidats au départ à rester dans le pays mais dont les conséquences pourraient être dramatiques sans une hausse concomitante de la productivité.
Outre la situation économique, trois autres thèmes figurent au cœur de la campagne électorale.
La question du statut de la population russophone est un thème récurrent de la vie politique lettone. Le pays possède la plus importante minorité russophone des trois Républiques baltes (28,8% de ses habitants). Certains de ses membres (18% de la population) ne possèdent pas la nationalité lettone (sans être ressortissants d'aucun autre pays) et vivent avec un passeport de « non citoyens » qui, s'il leur donne le droit de résider dans le pays et un accès aux services sociaux, ne les autorise pas à voter aux élections nationales et locales et leur interdit de travailler dans la police ou l'armée. Deux formations politiques défendent spécifiquement les intérêts des russophones ou plus largement des Slaves. Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie (PVTCL), dirigé par la députée européenne Tatjana Zdanoka et Jakovs Pliners, et le Centre de l'harmonie (SC), successeur du Parti communiste de la République soviétique socialiste de Lettonie et dont le leader est Nils Usakovs. Ces partis obtiennent traditionnellement un quart des sièges du Parlement, chiffre correspondant à la proportion de russophones parmi les électeurs.
A la pointe du combat pour la défense des intérêts des Lettons, les membres de la formation nationaliste, l'Union pour la patrie et la liberté, ont proposé des amendements au règlement de la Saeima de façon à obliger chaque parlementaire à parler letton non seulement durant les sessions plénières et les réunions de commission, mais également durant les réunions internes de la formation politique à laquelle il appartient. Une demande qui a été rejetée par les autres partis siégeant au Parlement mais qui a reçu le soutien de Premier de Lettonie. Le renforcement de la langue lettone ainsi que des traditions et des valeurs nationales figurent en bonne place dans le programme électoral de cette formation.
Le ministre de la Justice, Guntars Grinvalds (LPP), avait proposé en juillet dernier de rendre les naturalisations plus difficiles en renforçant les exigences de l'examen de langue. L'Union pour la patrie et la liberté a également présenté un nouveau texte sur la citoyenneté en demandant une réduction du nombre des naturalisations et la possibilité de retirer la nationalité à toute personne jugée déloyale envers l'Etat letton. Ce projet de loi a été rejeté par la Saeima le 28 septembre dernier. Le parti nationaliste veut rendre obligatoire l'usage unique du letton dans les écoles accueillant des élèves issus de la minorité russophone. Sur l'autre bord de l'échiquier politique, le Centre de l'harmonie se bat pour la défense de la diversité de la population et le libre choix de chacun de choisir la langue dans laquelle ses enfants seront éduqués. Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie (PVTCL) veut faire du russe la langue officielle des municipalités où il constitue la langue maternelle de plus de 20% des habitants. Elle se bat pour son utilisation dans l'enseignement supérieur et le système judiciaire.
La corruption est aussi un thème omniprésent. La Lettonie a été classée à la 51e place du classement mondial établi chaque année sur la perception de la corruption par la organisation non gouvernementale, Transparency International. La plupart des formations politiques proposent dans leurs programmes électoraux des mesures détaillées pour lutter contre le fléau. Mais certaines, comme l'Union des fermiers et des Verts et Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie, n'abordent pas du tout le sujet.
Enfin, la question homosexuelle est devenue cette année un véritable enjeu politique, surtout depuis les incidents qui ont eu lieu le 22 juillet dernier lors de la Gay Pride de Riga et lors desquels les forces de police se sont avérées incapables d'assurer la sécurité des manifestants qui ont été attaqués par des partisans d'extrême droite. Le Premier ministre Aigars Kalvitis a été vivement critiqué pour ne pas avoir exigé la démission de son ministre de l'Intérieur, Dzintars Jaundzeikars, membre de Premier de Lettonie, formation opposée à l'homosexualité. « La décision du Premier ministre (de ne pas sanctionner son ministre de l'Intérieur) témoigne d'un manque de responsabilité politique » a affirmé Ilze Brands-Kehre, directrice du Centre pour les droits de l'Homme de Lettonie. Le 7 septembre dernier, Premier de Lettonie a proposé aux parlementaires de voter un amendement constitutionnel interdisant la publication d'articles ou d'interviews de personnes homosexuelles dans lesquelles celles-ci évoquent leurs préférences sexuelles, de façon à « assurer que les médias n'affaiblissent pas le rôle de la famille défini par la Constitution lettone et qu'elles ne créent pas de divisions au sein de la société » peut-on lire dans le texte publié par Premier de Lettonie. Le 25 octobre 2005, la Saeima a adopté un amendement constitutionnel restreignant le mariage à une union entre un homme et une femme de façon à rendre le mariage entre homosexuels impossible. Le 12 septembre dernier, le Parlement a voté une loi sur l'interdiction de la discrimination envers les homosexuels dans le monde professionnel, un texte soutenu par le Parti du peuple du Premier ministre Aigars Kaltivis, l'Union des fermiers et des Verts et Nouvelle ère. « Cet amendement va ouvrir la porte à la pédophilie, la pédérastie et à d'autres formes de perversion » a souligné après le vote le député et secrétaire de la Saeima, Janis Smits (LPP).
Interrogés il y a quelques jours pour la télévision publique par l'agence BNS sur l'élément influant le plus sur leur vote, les Lettons ont d'abord cité la personnalité des candidats (40,4%), puis l'idéologie du parti (37,2%). Enfin, 22,4% des personnes interrogées ont déclaré qu'elles choisissent généralement le « moindre mal ».
Avec 13,3% des intentions de vote dans la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Latvijas Fakti à la mi-septembre, le Parti du peuple (TP) du Premier ministre Aigars Kaltivis arrive, pour la première fois, en tête. Il est suivi de l'Union des fermiers et des Verts (ZZS) (12,1%) et de Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie (PVTCL) (9,2%).
Nouvelle ère (JL) n'arrive qu'en quatrième position avec 8,1% des intentions de vote tandis que Premier de Lettonie-La Voie lettone, en hausse de 2 points par rapport au mois précédent, atteint 6,3% des suffrages. Viennent ensuite l'Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK) (5,8%) et le Centre de l'harmonie (SC) avec 5,7%.
Une formation politique doit recueillir au moins 5% des suffrages pour être représentée au Parlement. Selon les sondages, sept ou huit partis devraient entrer à la Saeima le 7 octobre prochain. 16,7% des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir encore fait leur choix et 10,5% ne pensent pas se rendre aux urnes.
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