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Tony Blair remporte une troisième victoire consécutive aux élections législatives du Royaume Uni

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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6 mai 2005
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

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Tony Blair a fait mentir l'adage britannique qui veut que les Conservateurs, qui ont occupé le pouvoir pendant les trois quarts du XXème siècle, soient les « gouvernants naturels » du Royaume-Uni, en devenant jeudi 5 mai le deuxième Premier ministre -et le premier travailliste- à remporter une troisième victoire consécutive aux élections législatives, un exploit qu'avait réalisé Margaret Thatcher dans les années quatre-vingts.

Le Labour arrive en tête du scrutin législatif avec 35,2% des suffrages (- 5,5 points par rapport au précédent scrutin), soit trois cent cinquante-six sièges. Les Travaillistes perdent quarante-sept élus par rapport aux dernières élections législatives du 7 juin 2001 mais gardent une avance de cinquante-neuf sièges sur les Conservateurs.

Ce résultat, qui représente un inscrit sur quatre, fait néanmoins du Parti travailliste la formation politique la moins bien élue de l'histoire britannique. En 1974, le travailliste Harold Wilson, qui avait remporté les élections législatives avec moins de voix que les Conservateurs, avait toutefois recueilli 37,2% des suffrages. Avec 35,2% des voix, le Labour retombe, principalement à cause de la faiblesse de la participation, à son niveau des années quatre-vingts ou encore d'avant la Seconde Guerre mondiale.

Le parti conservateur, principale formation d'opposition, obtient 32,3% des voix, soit une très légère progression de 0,6 point par rapport aux élections du 7 juin 2001, et remporte cent quatre vingt dix-sept sièges à la Chambre des Communes (+ 33). Il recule cependant en nombre de voix, retombant à son plus faible niveau depuis 1924, à l'exception de la déroute de 2001. « L'apparent progrès des Conservateurs en termes de sièges cache mal une complète stagnation en termes de voix » a souligné Michael Bruter, chercheur à la London School of Economics (LSE), ajoutant « C'est un échec des Tories qui avaient tout pour réussir avec un pouvoir travailliste usé après huit ans de pouvoir et une presse très dure contre le Premier ministre Tony Blair ». En effet, en dépit de leur progression, les Conservateurs sont encore loin d'être sortis du marasme dans lequel ils sont plongés depuis plus de dix ans et peinent toujours à convaincre les Britanniques qu'ils représentent une alternative crédible à la politique menée par les Travaillistes.

Les Libéraux-démocrates sont la seule formation à réellement progresser à la fois en voix et en sièges. Recueillant 22% des suffrages (+ 3,7 points) et soixante-deux sièges (+ 11), ils obtiennent leur « meilleur résultat depuis bien des générations » selon leur leader Charles Kennedy. Ils ont élargi leur implantation à de nouvelles villes et régions du Royaume-Uni. « La véritable leçon de ces élections législatives est que le jour où la marée, inévitablement, se retirera pour le Labour, les gens vont chercher une alternative politique nationale et crédible, et je pense que c'est ce que nous sommes » a –t il déclaré lors de l'annonce des résultats. Les Libéraux-démocrates doivent en grande partie leur succès à leur opposition à l'intervention militaire en Irak. Il semble que les électeurs travaillistes -qui souhaitaient sanctionner le Labour tout en prenant garde de ne pas risquer une victoire des Conservateurs- se soient tournés vers la troisième formation du pays. Dans une enquête d'opinion réalisée par l'institut MORI, un tiers des anciens électeurs travaillistes -ayant choisi, le 5 mai, de se prononcer en faveur des Libéraux Démocrates (33%)- déclarent que la guerre en Irak a été un élément déterminant de leur vote.

Les Verts échouent dans leur objectif de s'imposer à Brighton Pavilion où leur candidat Keith Taylor arrive en troisième position recueillant 22% des suffrages, soit treize points de plus que lors des élections législatives de 2001. A Lewisham Deptford, autre circonscription visée par les Verts, ceux-ci obtiennent 11,5% des voix. La formation écologiste recueille 1,07% des suffrages au niveau national (contre 0,7% en 2001) et réalise le meilleur résultat de son histoire en Ecosse.

Le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) échoue également à remporter la circonscription de Totnes (Devon) où son leader, l'ancien député conservateur Roger Knapman, ne recueille que 7,74% des suffrages. De même, à Thanet dans le Kent, le député européen Nigel Farage (UKIP) obtient 5,04% des voix, soit beaucoup moins que les 20% qu'il escomptait rassembler sur son nom.

Enfin, la formation d'extrême droite, le Parti national britannique (BNP) ne progresse que très légèrement lors de ces élections législatives, obtenant 0,74% des voix au niveau national, contre 0,55% en 2001. Son leader, Nick Griffin, ne recueille que 9,16% des voix dans la circonscription de Keighley (West Yorkshire). C'est à Barking, située à l'Est de Londres, que la formation réalise son meilleur résultat : Richard Barnbrook, qui affrontait, entre autres, la ministre de l'Enfance, Margaret Hodge, obtient 16,89% des voix.

Les formations nationalistes ont, de leur côté, obtenu des résultats contrastés. Le Parti national écossais (SNP) perd environ cinquante mille voix en quatre ans mais gagne tout de même un siège par rapport au précédent scrutin (six élus) et ce en dépit de la réduction de soixante-douze à cinquante-neuf du nombre de circonscriptions en Ecosse. La formation obtient 18% des voix, arrivant en troisième position derrière le Parti travailliste (40%) et les Libéraux-démocrates (22%). Avec 12,55% des suffrages au Pays de Galles, le Plaid Cymru, en revanche, enregistre un recul de ses suffrages (- 30 000) et de ses sièges (trois, soit un de moins). La formation échoue dans son objectif de remporter la circonscription d'Ynis Mon.

En Irlande du Nord, les formations modérées ont été devancées, côté protestant comme côté catholique, par les partis extrêmes. Le Parti démocratique d'Ulster (DUP) du pasteur Ian Paisley, chef de file de l'opposition anticatholique, dont le nombre de députés passe de cinq à neuf, est le grand vainqueur du scrutin. Le Sinn Fein (SF) de Gerry Adams obtient cinq sièges (+ 1), soit le meilleur résultat jamais obtenu en Irlande du Nord par une formation catholique. Fidèles à leur tradition, les élus du Sinn Fein, qui refusent de prêter serment à la Reine Elizabeth, ne siègeront pas à la Chambre des Communes. Les modérés du Parti social-démocrate et travailliste (SDLP) conservent leurs trois députés, dont celui de la circonscription de Belfast-Sud en territoire protestant, en dépit d'une perte d'environ 5% de leurs suffrages en quatre ans. Enfin, les modérés du Parti unioniste d'Ulster (UUP) ont subi une défaite historique perdant cinq de leurs sièges et n'en conservant qu'un. Leur leader David Trimble a été battu dans sa circonscription de Upper Bann par David Simpson (DUP).

Signataire des accords de paix de Belfast le 10 avril 1998 et co-lauréat du Prix Nobel de la Paix cette même année (avec John Hume, leader du Parti social-démocrate et travailliste), David Trimble, soixante ans, dirigeait depuis dix ans le Parti unioniste d'Ulster, formation dominant la vie politique « nord-irlandaise » depuis la partition de l'île en 1921. Il avait été, de 1999 à 2002, Premier ministre du gouvernement de l'Ulster où il partageait le pouvoir avec les Catholiques. David Trimble a annoncé le 7 mai qu'il se retirait de la vie politique : « Je suis heureux d'avoir eu le privilège de diriger ce que je crois être la meilleure et la plus démocratique des formations d'Ulster » a t-il déclaré.

La participation est en hausse par rapport au très faible résultat enregistré lors des dernières élections législatives du 7 juin 2001 (+ 1,9 point) et s'élève à 61,3%. Elle est plus élevée dans le Sud (65,45%) que dans la partie Nord (57,15%), inférieure à la moyenne en Ecosse, 60,6% contre 62,4% au Pays de Galles. Plus de six Irlandais du Nord sur dix (62,5%) se sont rendus aux urnes, soit 5,5 points de moins que lors du dernier scrutin législatif. Six des vingt-six millions d'électeurs ont choisi de voter par correspondance.

A Londres, le Parti travailliste a perdu onze de ses sièges. Le Labour a recueilli 38,9% des suffrages dans la capitale, soit 8,4 points de moins que lors du précédent scrutin et remporte quarante-quatre sièges. L'ancien Travailliste George Galloway, candidat de Respect, formation qu'il a lui-même fondée en 2004, a battu de quelque huit cent voix la Travailliste Oona King dans la circonscription de Bethnal Green and Bow, un quartier dont la moitié de la population est d'origine bangladaise. Le recul du Labour profite essentiellement aux Conservateurs qui gagnent huit sièges et obtiennent 31,77% des voix dans la capitale, soit 1,41 point de plus que le 7 juin 2001. Les vingt et un sièges remportés par les Conservateurs se situent en grande majorité dans les quartiers aisés de Londres (Wimbledon, Hammersmith, Putney) mais également dans ceux plus périphériques de Croydon Central, Enfield Southgate ou Ilford North. Comme ailleurs dans le pays, ce sont les Libéraux-démocrates qui ont réalisé la plus forte progression, recueillant 22,02% des suffrages (+ 4,42 points). Cette hausse ne se traduit cependant pas par un gain de sièges en raison du système politique britannique qui favorise fortement les deux premières formations. Dans la capitale, la participation qui s'est élevée à 58,2% est supérieure à celle enregistrée le 7 juin 2001 mais reste inférieure à la moyenne nationale (- 3,1 points).

« C'est un honneur et un privilège énormes d'avoir été élu pour un troisième mandat de Premier ministre et je suis conscient de cet honneur et de ce privilège » a déclaré Tony Blair. Si les Britanniques ont renouvelé leur confiance à leur Premier ministre, ils ne l'ont cependant pas plébiscité. Rappelons que lors de sa troisième réélection, Margaret Thatcher avait obtenu une majorité de cent sièges à la Chambre des Communes. Tony Blair a affirmé avoir compris le message. « Il semble que les gens ont souhaité le retour d'un gouvernement travailliste, mais avec une majorité réduite. Nous devrons les écouter et leur répondre de manière sensée, avec sagesse et de façon responsable » a-t-il ajouté. Le Premier ministre a également promis de mettre en place « un programme législatif radical » et déclaré souhaiter « se focaliser en priorité sur le maintien d'une économie forte ». « J'ai écouté et appris et je me concentrerai sans relâche sur les priorités des Britanniques » a-t-il affirmé. « Je sais que l'Irak a divisé le pays mais j'espère que nous pourrons à nouveau nous unir et regarder vers l'avenir » a déclaré Tony Blair après l'annonce de sa réélection dans son fief de Sedgefield, situé au Nord-Est. Dans cette circonscription, le candidat Reg Keys, dont le fils Thomas est mort en Irak en juin 2003 quelques jours avant ses vingt et un ans, a recueilli environ 10% des suffrages.

Du côté des Conservateurs, Michael Howard, après avoir félicité Tony Blair, a reconnu sa défaite tout en estimant que sa formation avait franchi un « pas significatif » dans la reconquête du pouvoir. « Je crois que le temps est venu pour Tony Blair d'agir sur les sujets qui importent réellement aux gens de ce pays » a-t-il affirmé. Le leader conservateur a annoncé son intention de démissionner dès que son parti aura désigné un nouveau leader et a exprimé ses regrets « de ne pas avoir amélioré le résultat des Tories « en dépit de ses efforts » ». Depuis 2001, la désignation du dirigeant des Conservateurs s'effectue en deux temps : les députés du parti retiennent deux candidats qui sont ensuite départagés par les adhérents du parti.

Le lendemain du scrutin, Tony Blair a nommé son nouveau gouvernement reprenant la majorité de ses personnalités les plus importantes. Ainsi, Gordon Brown est maintenu à son poste de Chancelier de l'Echiquier, nom donné au ministre de l'Economie et des Finances au Royaume-Uni. Jack Straw reste aux Affaires étrangères, Charles Clarke à l'Intérieur, Alistair Darling aux Transports et Ruth Kelly à l'Education.

Quelques changements sont cependant à noter, comme le retour, au ministère du Travail et des Retraites, de David Blunkett. Ce dernier avait été contraint d'abandonner son poste de ministre de l'Intérieur en décembre 2004 après l'accusation lancée contre lui d'abus de pouvoir dans une affaire privée et après le scandale provoqué par sa liaison avec Kimberly Quinn, directrice de l'hebdomadaire conservateur The Spectator. John Reid, ancien ministre de la Santé, remplace à la Défense Geoff Hoon qui est nommé leader de la Chambre des Communes, et Douglas Alexander remplace Denis MacShane aux Affaires européennes. En outre, trois secrétaires d'Etat, battus aux élections, n'ont pu rester au gouvernement.

Grande absente de la campagne électorale, l'Europe devrait pourtant rapidement s'imposer dans le débat public, ne serait-ce que parce que le Royaume-Uni prendra à partir du 1er juillet prochain la présidence de l'Union européenne pour six mois. En outre, la campagne pour le référendum de ratification de la Constitution européenne, prévu au premier semestre de 2006, devrait commencer dès septembre. Les dernières enquêtes d'opinion révèlent que si le vote avait lieu aujourd'hui, 60% des Britanniques diraient « non » au texte européen. Tony Blair devrait aussi très probablement annoncer une hausse des impôts, indispensable au financement de la poursuite de la modernisation des services publics.

Pour Patrick Dunleavy, expert politique de la London School of Economics, « les gens sont contents du Labour mais mécontents de Tony Blair à cause de la guerre en Irak ». C'est pourquoi de nombreux analystes estiment que le Premier ministre, qui a promis d'aller au bout de son nouveau mandat, pourrait, plus rapidement que prévu –et notamment en cas de victoire du « non » au référendum sur la ratification de la Constitution européenne l'an prochain, passer le relais à son dauphin, le Chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown.

S'il a égalé, le 5 mai, l'exploit de Margaret Thatcher, Tony Blair n'a pas encore battu l'autre record détenu par la Dame de fer, celui de la longévité au poste de Premier ministre (onze ans, six mois et vingt-six jours de 1979 à 1990). Pour faire mieux, Tony Blair devra rester au 10 Downing Street jusqu'au 26 novembre 2008.

Pour l'heure, Tony Blair peut, pour son cinquante-deuxième anniversaire qu'il a fêté le lendemain des élections, savourer sa troisième victoire électorale qui, si elle n'atteint pas les records des deux précédentes, n'en reste pas moins nette. Les Britanniques, même s'ils n'ont guère apprécié l'envoi de troupes en Irak, ont néanmoins renouvelé leur confiance à l'équipe en place depuis huit ans pour maintenir la bonne santé économique et sociale de leur pays.

Résultats des élections législatives du 5 mai 2005 au Royaume Uni*

Participation : 61,3%

* : Les résultats portent sur 645 des 646 circonscriptions, le décès d'un candidat ayant conduit à un report du scrutin dans l'une des circonscriptions.

Source : BBC

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