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Victoire annoncée de Vladimir Poutine à l'élection présidentielle

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

14 mars 2004
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Comme attendu, Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Russie. Le Président sortant a recueilli 71,2% des suffrages (soit 18,3 points de plus que lors de la dernière élection présidentielle du 26 mars 2000) contre 13,8% à son principal adversaire Nikolaï Kharitonov, candidat du Parti communiste (PCFR), un résultat inattendu et honorable bien qu'inférieur de 15,4 points à celui obtenu par Guenadi Ziouganov quatre ans auparavant. Enfin, la candidate libérale, Irina Khakamada, recueille 3,9% des voix et réalise un score supérieur à celui que lui prédisaient les enquêtes d'opinion. Cette réélection du Président sortant peut être vue comme « le serment de fidélité du peuple russe à son suzerain », selon les mots d'Alexeï Venediktov, rédacteur en chef de la radio L'écho de Moscou.

L'abstention, seul véritable objet d'inquiétude de la part du Kremlin qui était assuré de la victoire de son candidat, s'est élevée à 35,73%. L'Eglise orthodoxe avait largement appelé ses fidèles à se rendre aux urnes. « Traditionnellement, le patriarche, nos hiérarques et notre clergé participent aux élections. Les pasteurs appellent les croyants à suivre leur exemple » a déclaré le père Vsevolod Tchapline, numéro deux du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou. Il a été suivi par le président du Conseil des muftis de Russie, Ravil Gaïnoudine, et par le grand rabbin de Russie Berl Lazar qui a affirmé « L'homme exerce son droit en votant mais surtout il remplit un commandement divin ». Dans de nombreuses régions, des mesures avaient été mises en place afin de lutter contre l'apathie des Russes. Ainsi, à Omsk, les transports publics étaient gratuits le jour du vote. Des concerts gratuits étaient offerts aux électeurs de Sverdlosk ; à Iakoutsk, les votants pouvaient bénéficier d'une réduction de cinq cents roubles sur leur loyer ou sur leur facture d'électricité pour le mois de mars, les jeunes de Sakhaline, Novorossisk ou Kaliningrad ont reçu des entrées gratuites dans des discothèques, à Doudinka, c'est une entrée gratuite pour la troisième partie du film « le Seigneur des anneaux » qui était offerte. Sur l'ensemble du territoire, des magasins proposant des produits soldés à 20% jouxtaient les bureaux de vote. Enfin, jeudi dernier, le Président en personne avait appelé ses concitoyens à se rendre aux urnes. « Chaque voix à un énorme importance, a t-il affirmé, seul votre soutien donnera au futur Président de la Russie la certitude de ses forces ». « Les procédures démocratiques pour choisir les autorités deviennent une habitude pour vous. Mais cela ne doit pas conduire à affaiblir l'importance de ces événements dans la conscience collective. Imaginez pendant une seconde ce qui arriverait dans un pays où l'on échouerait à former les plus hauts organes du pouvoir » a ajouté Vladimir Poutine.

Sous une image de vertu et de transparence, Vladimir Poutine a travaillé durant les quatre années de son premier mandat à remettre la Russie en ordre. Son action a surtout visé à se débarrasser des proches de l'ancien régime de Boris Eltsine et des oligarques, hommes d'affaires ayant constitué leur empire lors des privatisations réalisées sous l'ère de Boris Eltsine et qui contrôlent les principales richesses du pays (Mikhaïl Khodorkovski, ancien patron de IoukosSibneft, arrêté le 25 octobre dernier, en est l'un des symboles) pour installer ses propres hommes à tous les postes de pouvoir.

Sûr de sa victoire avant l'heure, Vladimir Poutine a assuré trois jours avant le vote lors d'une allocution télévisée que le gouvernement nommé il y a 15 jours resterait en place et ne serait pas remanié après l'élection présidentielle. « Il s'agit de l'équipe qui, après le scrutin, prendra en main, immédiatement et avec détermination, le développement du pays et l'amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens » a déclaré le Président. Au sein de ce nouveau gouvernement, Sergueï Ivanov conserve son poste de ministre de la Défense et Sergueï Choïgou celui de ministre aux Situations d'urgence. Rachid Nourgaliev, ancien des services secrets, est nommé ministre de l'Intérieur et Sergueï Lavrov, ancien ambassadeur de Russie auprès des Nations unies, devient ministre des Affaires étrangères. Le maintien d'Alexeï Koudrine aux Finances et de Guerman Gref au Développement économique confirme la volonté du Président de moderniser la Russie et d'en faire une société plus libérale. Enfin, Dimitri Kozak, fidèle parmi les fidèles de Vladimir Poutine, prend la tête de l'administration gouvernementale et obtient le rang de ministre.

Désormais, Vladimir Poutine domine l'ensemble des institutions et contrôle tous les rouages de la Russie. Le Conseil de la Fédération, Chambre haute du Parlement, a été neutralisé, la Douma (Chambre basse) lui est dévouée depuis les élections législatives du 7 décembre dernier, les services secrets et le contre-espionnage, qualifiés maintenant de services fédéraux, ont été débarrassés des membres de l'ère Eltsine, le gouvernement ne compte que des fidèles du Président et enfin, les médias sont sous le contrôle du Kremlin.

Le chef de l'Etat a annoncé qu'il augmenterait les taxes sur les compagnies pétrolières pour accroître les recettes de l'Etat, « Stopper la dilapidation des ressources naturelles et remettre de l'ordre dans leur utilisation » constituant l'une des priorités du prochain mandat de Vladimir Poutine. Il devrait également proposer des mesures pour lutter contre la pauvreté, qui touche un quart de la population du pays, et qui, selon toutes les enquêtes d'opinion, constitue la principale préoccupation des Russes.

Si, en leur offrant l'image d'une Russie puissante et stable, Vladimir Poutine rassure ses concitoyens, dont la moitié estime, selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Romir, que leur pays a besoin d'être gouverné par «une forte poigne », ceux-ci attendent cependant que durant le deuxième mandat de leur Président, cette puissance et cette stabilité se concrétisent enfin dans leur quotidien.

Rappel des résultats de l'élection présidentielle du 14 mars 2004

Participation : 64,27 %

Source Agence France Presse

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