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L'Union Démocratique (HDZ) retrouve le pouvoir en Croatie

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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23 novembre 2003
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Quatre ans après en avoir été évincée, l'Union démocratique (HDZ) retrouve le pouvoir en Croatie en remportant les élections législatives du 23 novembre. La formation, dirigée par Ivo Sanader, a remporté à elle seule soixante-deux des cent quarante sièges du Parlement, le Sabor, et soixante-quinze sièges au total, avec ceux conquis par ses trois alliés potentiels de droite (le Parti social libéral, HSLS, le Centre démocrate, DC, et le Parti du droit, HSP). Le vote de la diaspora, traditionnellement favorable aux nationalistes, devrait encore renforcer cette majorité. La coalition gouvernementale sortante, rassemblant le Parti social-démocrate SPD, le Parti social libéral HSLS, le Parti paysan HSS, le Parti libéral LS, et le Parti populaire HNS, et emmenée par le Premier ministre Ivica Racan, n'a obtenu que soixante-trois sièges. La participation est en baisse par rapport aux précédentes élections législatives du 3 janvier 2000, s'établissant à 60%, pour 69,3% il y a quatre ans.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a estimé que ces élections législatives s'étaient déroulées « conformément aux normes démocratiques internationales », s'est déclarée satisfaite de la couverture du scrutin et de la campagne électorale par les médias et a salué l'attitude des autorités locales envers les électeurs appartenant aux minorités nationales.

Ivo Sanader a donc réussi son pari de ramener au pouvoir l'Union démocratique, formation fortement menacée d'implosion après la mort de son leader, l'ancien Président de la République Franjo Tudjman (9 décembre 1999). L'homme du renouveau du HDZ devrait donc être nommé Premier ministre par l'actuel Président de la République Stepjan Mesic. Durant ces quatre dernières années, Ivo Sanader est parvenu à éliminer les éléments les plus radicaux et compromis de son parti et à modifier son image, auparavant indissociable d'un ultranationalisme fervent, désormais plus conservatrice et modérée. « Nous ne sommes pas des nationalistes, nous sommes un parti conservateur et c'est ce que tout le monde doit comprendre. Le HDZ rejette toute forme de nationalisme, radicalisme, extrémisme et de xénophobie » a t-il affirmé au lendemain des élections. L'Union démocratique est d'ailleurs membre depuis l'an dernier du Parti populaire européen (PPE), formation regroupant les partis chrétiens-démocrates d'Europe. Il a d'ailleurs effectué une tournée des capitales européennes rencontrant entre autres Silvio Berlusconi, Bertie Ahern et Edmund Stoiber. Lors de sa réélection à la tête de sa formation, Ivo Sanader a tenu à présenter ses excuses à tous ceux « qui avaient souffert à l'époque où le HDZ était au pouvoir ».

L'ancien secrétaire de Franjo Tudjman et vice-ministre des Affaires étrangères se pose donc en Européen convaincu. Imbattable sur les critères de convergence, il continue néanmoins à esquiver les questions concernant la coopération de la Croatie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye qui sont au cœur des négociations entre son pays et l'Union européenne. Celle-ci a fait de la coopération de la Croatie avec le TPI et du retour des réfugiés serbes ayant fui le pays pendant la guerre serbo-croate (1991-1995) des conditions « sine qua non » à une potentielle adhésion. Le Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) estime à 280 000 les Serbes qui ont fui la Croatie pendant la guerre ; environ 100 000 seraient rentrés chez eux depuis la fin du conflit. « Il est très important que la Croatie ait un gouvernement qui s'engage à respecter les obligations internationales du pays et à promouvoir les réformes politiques et économiques », a déclaré le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité en Europe, Javier Solana, ajoutant « Je suis confiant que la Croatie continuera dans cette voie une fois le nouveau gouvernement formé ».

Ivo Sanader s'est fixé deux objectifs : intégrer l'Union européenne et l'OTAN d'ici quatre ans. « Nous voulons que la Croatie intègre l'OTAN en 2006 et l'Union européenne en 2007, ce qui est ambitieux mais faisable » a-t-il déclaré, précisant qu'il était prêt à collaborer avec le Tribunal pénal international. Les institutions communautaires devraient décider en avril 2004 de l'octroi officiel du statut de pays candidat à la Croatie. Le leader du HDZ a également affirmé avoir évolué sur la question de la minorité serbe, invitant ses membres à revenir en Croatie : « Nous allons leur garantir tous les droits, dont le droit à la propriété ».

L'Union démocratique affirme également vouloir renforcer ses liens avec les Etats-Unis, liens distendus sous le gouvernement sortant en raison du refus de Zagreb de signer les accords prévoyant la non extradition des ressortissants américains qui pourraient être inculpés par la Cour pénale internationale. Ivo Sanader a déclaré « comprendre la demande américaine » et s'est dit prêt à revoir ce qui avait été négocié par le gouvernement d'Ivica Racan. Le leader du HDZ n'a pas encore décidé de la formation de sa future coalition gouvernementale mais a estimé au lendemain des élections que la formation d'extrême droite, le Parti du droit (HSP), « avait une mauvaise image » et laissé entendre qu'il préfèrerait obtenir le soutien du Parti paysan (HSS), formation membre de l'actuelle coalition. Le Parti du droit (HSP), qui a doublé son nombre de députés au Sabor, passant de quatre à huit, a également tenté ces dernières années d'améliorer son image. La formation, dirigée par Anto Djapic, dit avoir renoncé à son idéologie ultranationaliste proche de celle du régime des oustachis, alliés des nazis durant la deuxième guerre mondiale, et se veut dorénavant un parti pro Européen. Le HSP est toutefois farouchement hostile à toute coopération avec le Tribunal pénal international.

Ivo Sanader devra composer non seulement avec l'opposition mais également avec plusieurs de ses alliés, le Parti du droit, mais aussi les Croates de Bosnie, soit 350 000 personnes, dont la grande majorité (98% selon les enquêtes d'opinion réalisées) souhaitent le rattachement d'une partie de l'Herzégovine (dont la ville de Mostar, toujours divisée huit ans après la fin de la guerre qui opposa les communautés serbe et croate des deux rives de la Neretva) à la Croatie et qui pourrait tenter de peser sur la politique régionale du futur gouvernement. Le HDZ a fait durant sa campagne de nombreuses promesses : baisses d'impôt, créations d'emploi ou encore allocations pour les anciens combattants, les mères au foyer et les retraités. La coalition gouvernementale sortante emmenée par le Parti social-démocrate (SDP) d'Ivica Racan a payé le prix des réformes qu'il a mis en œuvre pour rattraper le retard pris par la Croatie au niveau européen. Pour la population, ces réformes sont responsables de la montée du chômage (18,3% de la population active) et ont entraîné la perte de nombreux avantages sociaux sans parvenir à améliorer le niveau de vie des Croates ni à ramener la prospérité dans le pays. La Croatie possède une importante dette extérieure frôlant les dix-neuf milliards d'euros et représentant 70% de son PIB. Le gouvernement sortant peut pourtant s'enorgueillir d'être parvenu à sortir la Croatie de l'isolement international où elle se trouvait encore il y a quatre ans et d'avoir engagé de façon irréversible le pays sur la voie de l'intégration européenne, souhaitée par 80% de la population.

Le nouveau Parlement doit se réunir dans les vingt jours qui suivront la publication officielle des résultats des élections. A la suite de la formation du nouveau Sabor, le Président de la République Stepjan Mesic désignera un Premier ministre qui disposera de trente jours pour former un gouvernement. « Le HDZ a certainement changé son image. L'avenir nous dira s'il a aussi effectivement changé de politique » a déclaré l'analyste politique Andjelko Milardovic. La composition du futur gouvernement et la politique menée par Ivo Sanader attesteront de la réalité de la rupture de l'Union démocratique avec son passé « nationaliste ».

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