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Corinne Deloy
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Fondation Robert Schuman
Pour la troisième fois consécutive en treize mois, l'élection présidentielle serbe a été invalidée, faute d'une participation suffisante. En effet, alors que la loi électorale du pays prévoit qu'au moins la moitié des électeurs inscrits plus un se rendent aux urnes pour valider l'élection, seuls 38,3% des Serbes se sont déplacés lors du premier tour de l'élection présidentielle du 16 novembre dernier. Il s'agit donc du troisième scrutin présidentiel invalidé après ceux des 13 octobre et 8 décembre 2002 qui tous deux avaient vu la victoire de Vojislav Kostunica, ancien Président de la République de la Fédération de Yougoslavie et candidat du Parti démocratique de Serbie (DSS).
Six candidats se sont présentés à l'élection présidentielle. Les deux principaux étaient Tomislav Nikolic, vice-président du Parti radical (SRS), et Dragoljub Micunovic, candidat de la coalition au pouvoir dans le pays (Opposition démocratique de Serbie, DOS, regroupant une quinzaine de formations politiques) et actuel président du Parlement de Serbie-Monténégro. Agé de soixante-treize ans, ce professeur de philosophie se présentait comme le candidat du rassemblement de l'ensemble des forces démocratiques du pays, favorable à un rapprochement avec l'Union européenne et partisan d'un dialogue avec les Albanais du Kosovo. Il avait annoncé qu'en cas de victoire, il travaillerait à la consolidation de l'Etat et des institutions serbes, élargirait la commission récemment mise en place pour élaborer une nouvelle Constitution et veillerait à ce que la Serbie honore ses obligations internationales, notamment envers le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie qui siège à La Haye. « La Serbie est confrontée à un choix très clair : la démocratie et les réformes ou la restauration de l'ancien régime » affirme Dragoljub Micunovic. Agé de cinquante et un ans, Tomislav Nikolic a quant à lui été vice-Premier ministre sous Slobodan Milosevic et est actuellement président par intérim du Parti radical, dont le leader Vojislav Seselj, ancien candidat aux deux dernières élections présidentielles (29 septembre, premier tour, et 8 décembre 2002) s'est livré en février dernier au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye qui l'a inculpé de crimes de guerre contre les populations non serbes de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et de Voïvodine. « Si je suis élu, plus aucun Serbe ne sera envoyé à La Haye » a répété le candidat ultranationaliste dans ses meetings qu'il concluait généralement avec « Vive la grande Serbie ! ». « Si qui que ce soit a des preuves sur un Serbe ayant commis un crime de guerre, qu'il les présente ici et nous le jugerons ici. Nous n'aimons pas être appelés criminels de guerre » a-t-il déclaré le 11 novembre dernier lors d'un meeting à Belgrade.
Parmi les quatre autres candidats, un seul, Velimir Ilic, était connu du grand public. Maire de Cacak, ville située à 160 kilomètres au Sud de la capitale Belgrade, il est le dirigeant de la Serbie nouvelle (NS), formation qui a quitté la coalition au pouvoir il y a quelques mois.
La victoire de Tomislav Nikolic a constitué la vraie surprise de ce premier tour de l'élection présidentielle, l'invalidation étant plus attendue. Le candidat ultranationaliste a recueilli 45% des suffrages, pour 36% à Dragoljub Micunovic qui a pâti à la fois des divisions existant au sein des partis réformistes et de l'appel au boycott lancé par les deux anciens candidats à l'élection présidentielle du 13 octobre 2002 Vojislav Kostunica et Mirojlub Labus.
L'organisation de cette élection présidentielle est reprochée au gouvernement serbe. Le fait que celui-ci n'ait pris aucune des mesures nécessaires pour s'assurer que le scrutin soit validé alors que l'ensemble des enquêtes d'opinion montraient que la démobilisation des électeurs était plus importante que jamais a laissé accroire qu'il souhaitait détourner l'attention des Serbes des scandales politiques qui ont éclaté ces dernières semaines et des demandes de l'opposition pour que se tiennent des élections législatives anticipées. Cet état de fait a conduit Vojislav Kostunica et Mirojlub Labus, actuel dirigeant du G 17 Plus et ancien vice-Premier ministre du gouvernement fédéral proche de Zoran Djindjic, Premier ministre serbe assassiné le 12 mars 2003, à appeler au boycott de l'élection présidentielle du 16 novembre Les deux hommes se sont éloignés de la coalition au pouvoir qu'il accusent « de corruption, d'incompétence et de liens avec les oligarques de l'ancien régime ». En outre, la coalition au pouvoir n'avait toujours pas revu, contrairement à ses engagements, les registres électoraux datant de l'époque de Slobodan Milosevic. Si le gouvernement s'est défendu en affirmant que cette élection présidentielle était rendue obligatoire par le calendrier électoral, chacun se souvient que l'Opposition démocratique de Serbie a déclaré à plusieurs reprises son souhait que le chef de l'Etat soit choisi par le Parlement et non élu par le peuple. Cette nouvelle invalidation du scrutin présidentiel arrive donc à point nommé pour offrir à la coalition au pouvoir un nouvel argument en faveur d'une désignation du Président par les parlementaires.
La décision du Parti social-démocrate (SDP) de ne plus soutenir la coalition au pouvoir a entraîné la dissolution du Parlement et l'annonce de l'organisation d'élections législatives anticipées pour le 28 décembre prochain. Par conséquent, la Serbie ne possède plus d'institution habilitée à convoquer une nouvelle élection présidentielle. En effet, Mme Natacha Micic, actuelle Présidente de l'Assemblée de Serbie, qui assurait également depuis octobre 2002 les fonctions de Président par intérim, a perdu ses fonctions depuis la dissolution. Privée de Président et de Parlement, la Serbie n'est plus dirigée que par le gouvernement de Zoran Zivkovic.
Le Parti radical sort renforcé de ce premier tour de l'élection présidentielle et peut espérer obtenir un bon résultat au scrutin législatif du 28 décembre prochain. Le 17 novembre, le Premier ministre a appelé le camp des réformateurs à s'unir en vue des élections : « Nous ne devons pas permettre à la Serbie de s'arrêter sur la voie des réformes et encore moins d'aller en arrière » a déclaré Zoran Zivkovic. Les six semaines restantes jusqu'au scrutin législatif ne seront pas de trop pour que les forces démocrates et réformatrices du pays parviennent à trouver un terrain d'entente.
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