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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
« Ce serait bizarre qu'après dix ans dans cette direction, nous devions tout à coup changer de route » déclarait le Premier ministre Juhan Parts (Res Publica). Tel a été l'avis de ses compatriotes qui ont approuvé massivement par référendum (67% de « oui ») l'adhésion de leur pays à l'Union européenne. Les opposants à l'intégration ont recueilli 33% des suffrages exprimés. La participation a été importante (63%) et plus élevée qu'aux dernières élections législatives du 2 mars dernier (+ 5 points). La participation des électeurs autorisés par dérogation à voter durant trois jours avant la date du scrutin a été la plus importante jamais enregistrée lors d'une élection. De même, près de cinq mille Estoniens vivant à l'étranger (principalement en Suède, en Finlande et au Canada) ont voté pour ce référendum, soit deux mille de plus que lors des dernières élections législatives. Rappelons qu'aucun seuil de participation minimale n'était requis en Estonie pour la validation du scrutin.
Longtemps réputés eurosceptiques, les Estoniens avaient, au cours de l'été, témoigné dans les enquêtes d'opinion d'un désir d'Europe allant croissant. Les derniers sondages révélaient que plus de 70% de la population s'apprêtaient à voter en faveur de l'adhésion du pays à l'Union européenne, soit quinze à vingt points de plus qu'au printemps dernier. L'intense campagne électorale menée par le gouvernement mais également par les différentes organisations non gouvernementales et par la presse a été décisive. Les autorités politiques n'ont pas hésité à déployer tous les moyens mis à leur disposition (des méthodes traditionnelles aux SMS envoyés aux possesseurs de téléphones portables) pour informer et convaincre les Estoniens de l'importance du scrutin. « Le référendum est le choix le plus significatif de l'Histoire contemporaine de l'Estonie » déclarait lors de son ultime discours de campagne le Président de la République Arnold Rüütel. « Si le résultat est négatif, nous devrons affronter une situation, qu'aucun autre pays avec une histoire similaire n'a expérimenté. Il serait très irresponsable de souhaiter qu'une telle chose se produise » a t-il ajouté. Selon les analystes politiques, le succès du référendum doit beaucoup à la personnalité du Président Rüütel, homme politique très apprécié par la population en raison de ses origines rurales et de son rôle de négociateur au moment de l'indépendance du pays, qui a su convaincre les nombreux indécis d'un pays initialement eurosceptique. L'église luthérienne, majoritaire en Estonie, avait également appelé la semaine dernière les fidèles à voter « oui », suscitant une controverse au sein d'une partie de la hiérarchie qui voyait dans cet appel une stigmatisation des eurosceptiques. De leur côté, les orthodoxes sont restés neutres durant cette campagne.
En visite à Tallinn le 12 septembre dernier, Günter Verheugen, commissaire européen à l'élargissement, a mis en garde contre les risques d'isolement politique en cas de victoire du « non ». « Vous avez le choix des couleurs. En disant « non », vous risquez de vous mettre dans la zone grise. Je ne suis pas sûr qu'il y ait une meilleure solution pour l'Estonie, l'avenir politique et économique de ce pays dépend beaucoup de l'intégration européenne ». De même, la Présidente de la Finlande voisine, Tarja Halonen, a fortement incité les Estoniens à voter en faveur de l'adhésion à l'Union européenne : « Les pays baltes et l'Estonie en particulier sont très proches pour moi et très importants. Notre façon de penser est souvent très similaire et nous pourrions constituer un groupe dan l'Europe élargie. Ce serait triste de ne pas vous voir dans l'Union européenne .
Les opposants à l'intégration européenne, dont le slogan (« D'une Union à l'autre, Non ») assimilant l'Union soviétique à l'Union européenne tentait d'effrayer la population, n'ont donc pas été suivis. Le Président de la République Arnold Rüütel s'est élevé de multiples fois contre cette comparaison : « L'Union soviétique était un régime totalitaire et l'Union européenne est une union de pays libres ». La campagne des adversaires de l'adhésion à l'Union européenne s'est achevée samedi soir par un lâcher de tracts au dessus de la capitale Tallinn, tracts sur lesquels étaient inscrits les mots suivants « La liberté n'est pas une saucisse que l'on commercialise, c'est un idéal enfoui dans le cœur de chacun et il est impossible de l'acheter. Dites « non » car cette liberté est notre trésor ».
Le « oui » des Estoniens est le dernier acte de leur indépendance retrouvée à l'égard de la Russie. Ils rejoignent donc l'Europe à laquelle ils appartiennent et ont signifié de façon claire qu'ils estimaient que leur avenir politique et économique comme leur indépendance, notamment à l'égard de la Russie, étaient mieux garantis au sein de l'Union européenne qu'en dehors. « La Russie considère l'Estonie comme un nain sans consistance et dont elle doit tolérer l'existence à cause de la surveillance exercée par la communauté internationale. Une attaque militaire contre l'indépendance de l'Estonie est improbable dans le contexte international actuel mais il existe d'autres méthodes pour miner notre indépendance », a souligné l'ancien Premier ministre et président du Parti de la réforme Siim Kallas dans une lettre consacrée au référendum. Nombreux sont ceux qui partagent l'espoir que l'adhésion du pays à l'Union européenne permettra d'améliorer les relations de la République balte avec son puissant voisin. « L'Estonie dans l'Union européenne sera différente de l'Estonie d'aujourd'hui. Cela aidera notre voisin de l'Est à modifier son attitude à notre égard et à accepter psychologiquement que l'Estonie est un Etat entièrement indépendant » a déclaré le Premier ministre Juhan Parts. Soucieux de réunir les Estoniens face aux nouvelles échéances, le Président Rüütel a déclaré dimanche qu'il souhaitait dès lundi matin « mettre autour d'une même table eurosceptiques et partisans de l'Union européenne pour aller de l'avant ensemble ».
L'Estonie devient donc le huitième des dix pays candidats à faire approuver son adhésion à l'Union européenne par sa population. Le Premier ministre a affirmé son désir de voir ses voisins lettons faire samedi prochain (les Lettons votent le 20 septembre pour leur adhésion à l'Union européenne) le même choix que les Estoniens ; « Nous avons parcouru la route ensemble » a t-il souligné. Enfin, Juhan Parts a souhaité l'émergence au sein de l'Union européenne « d'une coopération rapprochée informelle » entre les trois Républiques baltes et les pays nordiques (Finlande, Suède et Danemark) : « Nous avons beaucoup de positions communes, ce qui créé une base solide pour un travail conjoint au sein de l'Union européenne élargie ».
Résultats du référendum du 14 septembre 2003 sur l'adhésion à l'Union européenne en Estonie :
Participation : 63%
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