Référendum sur l'Union Européenne en Pologne, le point à quelques jours du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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8 juin 2003
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

« Je vais voter avec la conscience que ma lutte se terminera le jour du référendum. Le plan de ma vie est réalisé. La Pologne a la possibilité de choisir. Nous sommes parvenus à la démocratie et j'y ai été pour quelque chose » a déclaré le 30 mai le chef historique du syndicat Solidarité, Lech Walesa. L'ancien Président de la République a appelé les Polonais à voter « oui » au référendum sur l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne qui se déroulera les 7 et 8 juin prochains dans le quotidien Gazeta Wyborcza. « C'est notre double victoire, nous avons renversé le système communiste et battu l'adversaire qui a finalement renié l'option Est et adopté notre programme : la direction Ouest, l'OTAN et l'Union européenne (...) Je ne crois pas les Polonais, qui ont payé un lourd tribut à leur histoire, capables de gâcher une telle occasion » a t-il conclu. Le même jour, dans le même journal, le général Jaruzelski, l'un des derniers hommes forts du pouvoir communiste en Pologne dans les années quatre-vingts, a lui aussi appelé ses compatriotes à se prononcer en faveur de l'intégration européenne. « J'encourage chaleureusement tous ceux avec qui nous avons parcouru une route longue et difficile à participer au référendum des 7 et 8 juin et à voter « oui ». Je tiens à rassurer ceux de mes anciens camarades qui doutent encore. L'Union européenne est une chance pour la Pologne » a déclaré l'auteur de la loi martiale qui, en 1981, écrasa le premier syndicat non communiste d'Europe de l'Est : Solidarité.

A une semaine du référendum polonais, le « oui » reste largement majoritaire (75%) au sein de la population (16% de « non » selon les dernières enquêtes d'opinion). Néanmoins, le niveau du taux de participation reste inquiétant. Rappelons que celui-ci doit obligatoirement être supérieur à la moitié des inscrits pour que la consultation électorale soit validée. Les derniers sondages indiquent que la participation devrait tout juste dépasser les 50% d'inscrits. En cas d'échec du référendum, l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne devra alors être ratifiée par le Parlement. Si ce vote ne devrait pas poser de problème, il reste que l'invalidité du référendum affaiblirait la légitimité de l'ensemble du processus et, dans ce cas, « l'adhésion passera mais en laissant un arrière-goût désagréable » selon le porte-parole du gouvernement, Michal Tober.

Le Président de la République Aleksander Kwasniewski (Alliance de la gauche démocratique, SLD), les membres du gouvernement de Leszek Miller (SLD) et de nombreuses organisations non gouvernementales parcourent actuellement le pays pour convaincre les Polonais de se rendre aux urnes les 7 et 8 juin prochains et de voter en faveur de l'adhésion du pays à l'Union européenne. « Vous êtes maintenant devant un test de maturité, a souligné la ministre de l'intégration européenne, Danuta Hübner, s'adressant aux jeunes électeurs, vous écrivez aujourd'hui l'Histoire de votre pays ». Le Président de la Commission européenne, Romano Prodi, qui s'est rendu en Pologne le 19 mai, a qualifié le référendum « d'événement historique pour la Pologne » et affirmé le rôle « vital et essentiel » du pays pour l'Europe. Enfin, Tony Blair a également visité le pays le 30 mai pour convaincre les Polonais de voter « oui » à l'intégration européenne. « Il est important non seulement pour le bien de la Pologne mais pour le bien de l'Europe dans son ensemble que les Polonais votent « oui » » a affirmé le Premier ministre britannique. Depuis deux semaines, à l'initiative de l'association des Jeunes Européens, une trentaine de jeunes d'une dizaine des pays de l'Union sillonnent le pays pour expliquer à la population comment ils vivent l'Union européenne au quotidien.

L'église polonaise, institution de première importance dans ce pays à forte majorité catholique, a également apporté son soutien à l'intégration européenne du pays. Le pape Jean-Paul II a appelé ses compatriotes à se prononcer en faveur de l'adhésion à l'Union. « Je sais que de nombreux Polonais s'opposent à l'intégration de la Pologne dans l'Europe. J'apprécie leur sollicitude pour le maintien de l'identité culturelle et religieuse de notre pays. Je partage leurs inquiétudes. Je dois cependant souligner que la Pologne a toujours représenté une partie importante de l'Europe et qu'elle ne peut pas abandonner aujourd'hui cette communauté qui, c'est vrai, connaît quelques crises, mais qui représente toujours une famille de nations fondée sur la tradition chrétienne commune. L'Europe a besoin de la Pologne. L'église en Europe a besoin du témoignage de foi des Polonais. La Pologne a besoin de l'Europe » a déclaré le 19 mai le souverain pontife, s'adressant à vingt mille de ses compatriotes, dont le Président Aleksander Kwasniewski et plusieurs cardinaux et évêques, réunis pour une audience spéciale sur la place Saint-Pierre.

A quelques jours du référendum, un nouveau scandale de corruption a éclaté en Pologne à propos d'irrégularités dans la gestion de stocks de blé. L'Agence de sécurité nationale (ABW) a mis à jour la disparition d'importantes quantités de blé des silos gérés par l'Agence agricole de l'Etat (ARR). Le Premier ministre a immédiatement demandé à son ministre de l'Agriculture Adam Tanski de révoquer le président de l'agence ainsi que ses adjoints et ordonné que les contrôles en cours soient poursuivis. Le pays, déjà mis à mal par de nombreux scandales impliquant les formations au pouvoir, est donc de nouveau ébranlé. Le commissaire européen à l'élargissement, Günter Verheugen, craint d'ailleurs que cette instabilité politique ne finisse par affecter le référendum d'adhésion à l'Union des 7 et 8 juin.

Le 26 mai dernier, le Président Aleksander Kwasniewski a déclaré souhaiter qu'un remaniement politique ait lieu à l'issue du référendum. « Après le référendum, la Pologne aura besoin d'une majorité parlementaire pour adopter au moins le projet de réforme des finances publiques pour 2004 » (la coalition gouvernementale est aujourd'hui minoritaire en Pologne, puisque les deux formations qui la constituent, l'Alliance de la gauche démocratique et l'Union du travail, ne disposent plus que de deux cent douze députés sur les quatre cent soixante que compte la Diète, Chambre basse du Parlement). « Il est impossible de mener à bien ces réformes sans disposer d'une majorité parlementaire. Après le référendum, soit cette majorité sera confirmée à la Diète, soit on lancera des discussions pour l'élargir » a souligné le Président. En avril dernier, le Premier ministre avait déjà proposé d'organiser des élections législatives anticipées le 13 juin 2004, jour des prochaines élections européennes, soit un an avant la date prévue. Leszek Miller avait aussi annoncé en avril 2002 que son gouvernement démissionnerait en cas d'échec du référendum avant de revenir sur ses déclarations.

Les opposants à l'adhésion de la Pologne dans l'Union européenne ont échoué dans leurs dernières tentatives de faire annuler le référendum des 7 et 8 juin prochains. Le 27 mai dernier, la Cour constitutionnelle a autorisé le Parlement à ratifier le traité d'adhésion en cas d'échec du référendum. Il y a quelques semaines, certains opposants à l'intégration européenne du pays avaient également essayé de faire annuler la loi électorale sur le référendum, arguant du fait que la campagne électorale était en partie financée par des fonds européens « mettant en danger la souveraineté nationale ». La semaine dernière, la Ligue des familles polonaises (LPR), formation catholique ultranationaliste dirigée par Roman Giertych et regroupant le Parti national, le Mouvement catholique national, l'Entente polonaise, l'Alliance pour la Pologne et d'autres formations d'extrême droite, ont présenté à la Diète une motion visant à repousser le référendum, celui-ci ne pouvant se tenir, selon eux, avant la fin des travaux de la Convention et la future Constitution européenne. La motion n'a pas pu être soumise au vote, le porte-parole de la Diète, Marek Borowski, ayant reporté la session, qui devait se tenir initialement la semaine prochaine, après le référendum. Espérant bloquer le processus électoral, le député Bogdan Pek (LPR) avait déposé le 8 mai trois cent huit amendements à la loi sur le référendum finalement rejetés par une majorité de députés. La Ligue des familles polonaises (LPR) a également demandé de bénéficier durant la campagne électorale de dix minutes d'antenne quotidiennes sur la télévision publique, annonçant qu'elle pourrait appeler au boycott du référendum au cas où sa demande ne serait pas satisfaite.

Lors du Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002, qui avait vu l'Union européenne, accepter son élargissement à dix nouveaux membres pour le 1er mai 2004, l'ancien Premier ministre Tadeusz Mazowiecki avait souligné, dans une lettre écrite avec l'ancien Président de la République allemande Richard von Weizsäcker, « qu'un soutien populaire était nécessaire et qu'il était du devoir des dirigeants de faire comprendre à leurs populations la dimension historique et morale de l'intégration européenne ». Les autorités disposent de quelques jours encore pour convaincre l'opinion publique qu'elle vit l'un des plus importants moments de son histoire, celle de l'unification de l'Europe après de longues décennies de divisions meurtrières.

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