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Élections en Europe
Corinne Deloy
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L'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPSZ), parti du Premier ministre sortant Vikor Orban, a obtenu une large victoire aux élections législatives organisées le 3 avril en Hongrie. Le parti a recueilli 53,0% des suffrages et remporté 135 sièges (+ 2 par rapport aux précédentes élections législatives du 8 avril 2018)[1]. Unis pour la Hongrie (EM), alliance de 6 partis d'opposition - le Parti socialiste (MSZP), la Coalition démocratique (DK), le Parti du dialogue (PM), Faire de la politique autrement-Parti vert (LMP), Momentum et le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik) - conduite par Peter Marki-Zay, a obtenu 35,04% voix et 56 sièges (- 10). Les électeurs ont fait mentir les derniers sondages qui prédisaient une bataille serrée entre le Premier ministre sortant et l'opposition. Viktor Orban peut même s'enorgueillir d'avoir conservé sa majorité des deux tiers de députés au parlement, ce qui lui permet d'amender la Constitution. Notre patrie (MHM), parti de Laszlo Toroczkai, qui se présente ouvertement comme un parti homophobe, antitsigane et antisémite, créé en 2018, contre la volonté de normalisation et de recentrage politique de Gabor Vona, à l'époque dirigeant du Mouvement pour une meilleure Hongrie, fait son entrée à l'Orszaggyules (Assemblée nationale), chambre unique du parlement, avec 6,17% des suffrages et 7 élus. Le parti a fait campagne contre ce qu'il appelait la "dictature Covid".
La participation a été quasiment équivalente à celle enregistrée lors du scrutin de 2018 : 68,7% (+ 1,14 point).
On notera que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait envoyé une mission exceptionnelle de 200 observateurs pour ce scrutin du 3 avril. Avant cela, seule la Bulgarie avait été amenée à recevoir une telle mission pour des élections législatives du12 mai 2013. L'OSCE avait qualifié les scrutins de 2014 et 2018 de "libres mais pas équitables" et précisé que les élections de 2018 aveint été "caractérisées par une imbrication massive entre les ressources de l'État et du parti au pouvoir, ce qui a compromis la capacité des rivaux à s'affronter sur un pied d'égalité".
Résultats des élections législatives du 3 avril 2022 en Hongrie
Participation : 68,7%
Source : https://vtr.valasztas.hu/ogy2022
"Nous avons gagné parce que nous avons une passion commune pour ce qu'on appelle la Hongrie (...) Nous avons remporté une victoire si large qu'elle peut même être vue depuis la lune, et en tout cas certainement depuis Bruxelles !" a déclaré le Viktor Orban à l'annonce des premiers résultats. "Nous avons défendu la souveraineté et la liberté de la Hongrie" a affirmé celui qui se veut le protecteur de la Hongrie. "La guerre a éclaté et la guerre a tout changé" a analysé le chef du gouvernement sortant. Les Hongrois ont en effet plébiscité sa position prudente dans le conflit ukrainien. Viktor Orban, proche du président russe Vladimir Poutine, a souhaité prendre une position neutre lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Si la Hongrie a accueilli des réfugiés, elle refuse d'envoyer une aide militaire à Kiev et elle a interdit le transfert d'armes létales par son territoire.
Viktor Orban a sans doute été aidé par le leader de l'opposition, Peter Marki-Zay, qui a déclaré à la télévision, respecter les décisions que prendrait l'OTAN, y compris si des troupes devaient être envoyées en Ukraine. "Si l'OTAN le demandait, nous enverrions des armes et des soldats en Ukraine" a-t-il maladroitement indiqué. Viktor Orban a eu beau jeu par la suite de répéter : "La gauche veut offrir du sang aux gens à la place du pétrole. Choisir la gauche, c'est choisir la guerre. Nous voulons la paix. Avec nous, la Hongrie restera en dehors du conflit" ajoutant "Nul doute que si la gauche gagne, dès le lendemain les transports d'armes vont démarrer".
Dès l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, Peter Marki-Zay a dénoncé l'isolement de Viktor Orban qu'il a qualifié de "dernier allié de Vladimir Poutine au sein de l'Union européenne et de l'OTAN". "Le choix n'a jamais été aussi simple. Il faut faire celui de l'Europe, pas de l'Est (la Russie et la Chine). Voter pour Viktor Orban, c'est choisir Vladimir Poutine. Voter pour moi, c'est choisir l'Europe" a répété le leader de l'opposition.
"Le choix entre "l'Est et l'Ouest", dont l'opposition a voulu faire le principal enjeu de l'élection, est moins puissant dans l'opinion publique que le choix proposé par le FIDESZ entre "la guerre et la paix"" a indiqué le politologue Robert Laszlo. "Le gouvernement a réussi à circonscrire la problématique de l'invasion russe en Ukraine à une question très simple : la Hongrie doit-elle prendre part ou non à la guerre ? Ce message a été bien plus efficace que celui de l'opposition, qui a axé ses critiques sur les liens de Viktor Orban avec le Kremlin" a souligné Bulcsu Hunyadi, politologue de l'institut de recherche Political Capital.
Les Hongrois ont validé la politique de Viktor Orban qui mêle redistribution sociale et conservatisme en se targuant d'assurer une stabilité au pays. Le 12 février, le Premier ministre sortant annonçait ainsi que le plafonnement des prix du carburant et des aliments de base, qui devait expirer le 21 février, était prolongé de 3 mois, soit au-delà du scrutin du 3 avril. Au début de l'année, le gouvernement avait déjà décidé de l'augmentation du salaire minimum de 19,5% (à 200 000 forints, soit 360 € nets), de l'exemption d'impôt sur le revenu pour les jeunes travailleurs de moins de 25 ans, du versement d'une prime équivalente à 6 mois de salaire aux militaires et aux policiers, d'une augmentation de 20% des salaires des infirmiers et des travailleurs sociaux et d'un rabais de 1,7 milliard € d'impôts pour les familles, du rétablissement d'un treizième mois de versement de pension pour les retraités et surtout du remboursement de l'impôt sur le revenu payé en 2021 à toutes les familles élevant des enfants (dans la limite de l'impôt sur le salaire moyen). Le Premier ministre sortant a toujours affirmé que son seul objectif était que chaque Hongrois puisse bénéficier de la transition, ce dont la population lui est redevable. "Viktor Orban l'a bien compris : comme le pouvoir d'achat est le souci n° 1 des Hongrois, il a pris soin de remplir leur porte-monnaie avant les élections. Difficile pour l'opposition de le battre sur ce terrain" a déclaré la politologue Eszter Soos, ajoutant "Pour l'opposition, c'était un exercice très délicat de promettre des changements sans vraiment toucher aux bases de ce système social. Il y avait une partie de leur message qui disait : Viktor Orban doit partir mais plusieurs choses perdureront, par exemple, les allocations familiales et le système de taxation. Le message était ambigu".
Originaire de Szekesfehervar (nord-est du lac Balaton) et âgé de 58 ans, Viktor Orban est diplômé de droit de l'université Lorand Eötvös de Budapest (en 1989, il a fait un séjour d'études de quelques mois au Pembroke College à l'université d'Oxford grâce à une bourse délivrée par George Soros). En 1988, il fait partie des membres fondateurs de l'Alliance des jeunes démocrates. Deux ans plus tard, il est élu député (il sera réélu à chaque scrutin législatif) et en 1993, il prend la présidence de son parti. En 1998, il devient, à 35 ans, le plus jeune Premier ministre d'Europe avant de devoir s'incliner, quatre ans plus tard, devant l'opposition de gauche qui remporte les élections législatives des 7 et 20 avril 2002, une défaite que Viktor Orban n'a jamais acceptée. Il prend sa revanche huit ans plus tard en 2010, année où il retrouve la tête du pays. L'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPSZ) remporte de nouveau les élections législatives en 2014 et en 2018 et Viktor Orban conserve son poste de Premier ministre. Le 3 avril 2022, il a donc signé sa quatrième victoire consécutive et il s'apprête à diriger le pays pour quatre années supplémentaires.
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