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Les Bulgares sont de nouveau appelés aux urnes le 11 juillet pour désigner leurs députés

Élections en Europe

Corinne Deloy

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28 juin 2021
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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3,4 millions de Bulgares sont de nouveau appelés aux urnes le 11 juillet pour désigner les 240 membres de l'Assemblée nationale (Narodno sabranie), chambre unique du Parlement. Les élections législatives du 4 avril dernier n'ont en effet pas permis de dégager de majorité stable de gouvernement.

Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), parti du Premier ministre sortant Boïko Borissov, avaient recueilli 25,8% des suffrages et remporté 75 sièges. Un tel peuple existe (Ima takuv narod, ITN), parti populiste créé par le chanteur et présentateur de télévision Slavi Trifonov, avait pris la deuxième place avec 17,4% des voix (51 élus). Ce parti était suivi du Parti socialiste (BSP) de Kornelia Ninova, qui avait obtenu 14,79% des suffrages et 43 députés ; du Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), parti représentant la minorité turque dirigé par Mustafa Karadayi, qui avait recueilli 10,36% des voix (30 sièges) et de la coalition libérale Bulgarie démocratique, rassemblant trois partis (Oui Bulgarie, les Démocrates pour une Bulgarie forte et les Verts) qui avait obtenu 9,31% des suffrages et 27 élus. Enfin, Lève-toi Bulgarie ! Sortez les bandits ! (Izpravi se BG ! Moutri van !) de l'ancienne ombudsman Maya Manolova et du Trio empoisonné (nom donné par le journaliste Sasho Dikov au trio composé par l'avocat Nikolai Hadjigenov, le sculpteur Velislav Minekov et le spécialiste des relations publiques et ancien journaliste de la radio, Arman Babikyan) avait recueilli 4,65% des voix, soit juste au-dessus du seuil de 4% des voix obligatoire pour être représenté au parlement, et remporté 14 sièges.

A l'issue du scrutin du 4 avril, le président de la République Roumen Radev avait donné mandat à trois personnalités - le Premier ministre sortant Boïko Borissov, Slavi Trifonov et Kornelia Ninova - pour former un gouvernement. En vain. Aucune d'entre eux n'y est parvenu. Boïko Borissov avait appelé à la constitution d'un vaste gouvernement d'union nationale mais son invitation était restée sans réponse, les cinq autres partis ayant obtenu des élus au Parlement refusant de s'allier avec lui. Le Premier ministre sortant avait alors qualifié ses rivaux de "poltrons" et les avait accusés d'avoir "peur" de se hisser au pouvoir.

"Notre parti n'a pas le nombre nécessaire de députés ou de partenaires pour diriger un gouvernement stable" avait déclaré Slavi Trifonov, qui refusait toute alliance avec les partis traditionnels. "Le soutien qui nous est offert provient de factions politiques qui sont nuisibles, avides et dont la compromission est avérée. Ce qu'elles offrent n'est pas un soutien mais une dépendance" avait-il affirmé. La socialiste Kornelia Ninova n'a pas été plus chanceuse dans la formation d'un gouvernement capable de diriger le pays.

Ces trois échecs ont ouvert la voie à un nouveau scrutin législatif. La loi électorale bulgare prévoit en effet seulement trois tentatives de formation d'un gouvernement à l'issue des élections. Le président confie, en premier lieu, cette responsabilité au parti arrivé en tête, puis à celui arrivé en deuxième position et enfin à un parti de son choix. En cas d'un triple échec, le président nomme un gouvernement intérimaire chargé de gérer les affaires courantes et de convoquer de nouvelles élections dans les deux mois. Stefan Yanev, conseiller à la Défense du chef de l'Etat, a été nommé à ce poste. La crise politique actuelle constitue une première dans l'histoire de la Bulgarie démocratique.

18 partis politiques et 9 coalitions participent au scrutin du 11 juillet prochain (contre 22 partis et 8 coalitions le 4 avril dernier). 791 bureaux de vote seront ouverts dans 68 pays en dehors du territoire national pour les Bulgares résidant à l'étranger, contre 464 lors du précédent scrutin. Cette augmentation s'explique par l'adoption de récents amendements au Code électoral qui prévoient l'ouverture automatique de bureaux de vote là où au moins 100 électeurs ont rempli leur devoir citoyen au cours des 5 dernières années ainsi que la suppression du plafond de 35 bureaux dans les pays hors Union européenne. Les Etats qui accueilleront le plus grand nombre de bureaux de vote sont le Royaume-Uni (135), la Turquie (112), l'Allemagne (117), l'Espagne (67) et les États-Unis (58).

La loi électorale a également été modifiée pour généraliser l'utilisation de machines à voter en vue de limiter la fraude électorale. La campagne électorale a débuté le 11 juin dernier.

Le 14 avril, Boïko Borissov a annoncé qu'il n'était pas candidat à sa succession. Il a justifié sa décision par sa volonté de " ne pas diviser la nation " tout en précisant qu'" il n'existait personne de plus compétent que lui pour ce poste ". " Je vais soumettre le nom d'un autre Premier ministre, avec une orientation pro-européenne et pro-OTAN claire " a-t-il indiqué. Quelques jours plus tard, on apprenait que son choix s'était porté sur Daniel Mitov, 43 ans, ancien ministre des Affaires étrangères de 2014 à 2017.

"Le prochain Premier ministre bulgare doit être tout l'opposé de Boïko Borissov : parler des langues étrangères, être diplômé d'une université prestigieuse, avoir une expertise professionnelle (...) Je m'y prépare depuis des années et je suis prêt pour tout ce qui peut m'arriver " a déclaré Slavi Trifonov. Dans un entretien accordé à la radio nationale (BNR), il a indiqué que son projet politique s'enracinait dans le référendum national du 6 novembre 2016. Ce jour-là, les Bulgares avaient été appelés à se prononcer sur trois points de la réforme de la loi électorale. 71,92% des électeurs avaient dit " oui " au remplacement du vote à la proportionnelle par un vote au scrutin majoritaire ; 61,83% s'étaient prononcés en faveur du " vote obligatoire " et 72,16% pour la réduction des subventions publiques versées aux partis.

Quelque 2,5 millions de personnes avaient voté, un chiffre toutefois insuffisant alors que seulement 12 000 électeurs supplémentaires auraient permis au référendum de devenir contraignant. Slavi Trifonov avait dénoncé le résultat qu'il avait qualifié de "fraude monstrueuse". A l'issue de cette consultation populaire, il avait décidé de créer son parti, Il existe un tel peuple. " Je ne suis pas entré en politique parce que je mourrais d'envie de devenir politicien. Je me suis engagé car tout le système politique a refusé de prendre en compte l'avis de 3,5 millions de Bulgares " a-t-il affirmé.

Ce dernier qualifie les concepts de " droite " et de " gauche " d'obsolètes ; il répète également que la Bulgarie conservera toujours un attachement émotionnel à l'égard de la Russie et qu'elle lui sera toujours reconnaissante de sa libération du pays du joug ottoman ". Ce qui ne l'empêche pas de souligner que " l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne et à l'OTAN constitue une bonne chose ".

Le Mouvement national (IMRO-BNM), parti d'extrême droite de Krasimir Karakatchanov, le Front national pour le salut de la Bulgarie dirigé par Valeri Simeonov ; Volya (Volonté), parti populiste de droite dirigé par l'homme d'affaires Vesselin Mareshki, ont formé une alliance pour les élections législatives du 11 juillet prochain sous le nom de Patriotes bulgares. Sur la proposition du président du Mouvement national, chacun des 3 dirigeants a renoncé à se porter candidat afin de surmonter les luttes internes qui avaient menées à l'éclatement de Patriotes unis, du nom de la coalition qui regroupait le Front national pour le salut de la Bulgarie, le Mouvement national bulgare et, jusqu'au 25 juillet 2019, Ataka (A), parti populiste de droite fondé en 2005 et conduit par Volen Siderov. Cette alliance a été la partenaire du GERB au sein du gouvernement sortant.

Du côté de l'opposition de gauche, l'Alternative au renouveau (ABV), parti créé par l'ancien président de la République (2002-2012) Gueorgui Parvanov après son exclusion du Parti socialiste (BSP) en 2014, et Etat normal, créé par un autre ancien socialiste Gueorgui Kadiev, exclu du parti en 2015, se sont engagés à soutenir le programme électoral du Parti socialiste pour le scrutin du 11 juillet.

Au sein du BSP, plusieurs membres se sont regroupés dans une plateforme, " Socialisme du XXIe siècle ". Ils demandent notamment la démission de la présidente Kornelia Ninova et du Conseil national à l'issue du prochain scrutin législatif.

D'après l'ensemble des analystes politiques, le résultat des élections législatives du 11 juillet ne devrait pas être différent de celui du 4 avril : le prochain parlement bulgare devrait donc être fragmenté rassemblant partis traditionnels et protestataires. " Ces nouvelles élections législatives risquent de se solder par un parlement tout aussi fragmenté, voire plus, parce que de profonds désaccords existent au sein de la société " a déclaré Antony Galabov, politologue.

Selon l'enquête opinion réalisée par l'institut Trend entre le 11 et le 18 juin pour le quotidien 24 Heures, 6 partis politiques devraient être représentés dans le prochain parlement. Le GERB devrait arriver en tête avec 21,7% des suffrages, suivi de près par Il existe un tel peuple, qui recueillerait 20,2%. Le BSP prendrait la troisième place avec 16,1% ; la coalition Bulgarie démocratique obtiendrait 11,2% ; le Mouvement pour les droits et les libertés, 10,9% et Lève-toi Bulgarie ! Sortez les bandits ! (Izpravi se BG! Moutri van !), recueillerait 5%.

Dimitar Ganev, analyste politique de l'institut Trend, considère que la bataille pour la première place sera très disputée entre la coalition GERB-UFD et Il y a un tel peuple tout comme la quatrième place entre Bulgarie démocratique et le Mouvement pour les droits et les libertés. Selon lui, cette dernière " bataille " pourrait se jouer à l'étranger, les deux partis comptant sur le vote des Bulgares résidant en dehors des frontières. Enfin, Dimitar Ganev pense que les 3 partis " protestataires " (Il y a un tel peuple, Bulgarie démocratique et Lève-toi Bulgarie ! Sortez les bandits !) ont peu de chances d'obtenir une majorité mais qu'ils pourraient cependant réussir à former un gouvernement avec le soutien du Parti socialiste et du Mouvement pour les droits et les libertés.

Rappel des résultats des élections législatives du 4 avril 2021 en Bulgarie

Participation  : 49,1%

Source : https://results.cik.bg/pi2021/rezultati/index.html

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