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Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Les Irlandais sont appelés aux urnes le 8 février prochain pour des élections législatives anticipées. "J'ai toujours dit que les élections législatives devaient être organisées au meilleur moment pour le pays. Ce moment est arrivé" a souligné le Premier ministre (Taoiseach) Leo Varadkar (Fine Gael, FG). "Le scrutin permettra d'avoir un gouvernement en place pour la réunion du Conseil européen de mars prochain et de disposer d'un mandat fort" a-t-il indiqué, ajoutant. "Nous avons un accord sur le Brexit et après le vote positif des députés britanniques sur le texte, il est désormais certain que le Royaume-Uni quittera l'Union européenne le 31 janvier. Cependant, le Brexit n'est pas fait. En fait, nous ne sommes qu'à la mi-temps. Il s'agit désormais de négocier entre l'Union européenne et le Royaume-Uni un accord de libre-échange qui protège nos emplois, nos entreprises, nos communautés rurales et notre économie". Le 31 janvier, jour où le Brexit deviendra réalité, marque en effet le début d'une période de transition de onze mois, jusqu'au 31 décembre 2020, pendant laquelle les Britanniques continueront d'appliquer les règles européennes pendant que Londres et Bruxelles se mettront d'accord sur leurs relations futures.
L'Irlande a beaucoup redouté un Brexit sans accord qui aurait fortement perturbé ses relations et ses échanges avec son voisin britannique. Le Premier ministre Leo Varadkar affirme qu'il a contribué à éviter le rétablissement d'une frontière physique entre son pays et la province britannique d'Irlande du Nord malgré la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Sur le sujet du Brexit, les deux principaux partis politiques irlandais –Fine Gael et Fianna Fail (FF) dirigé par Micheal Martin - partagent les mêmes vues.
On notera que, pour la première fois, le scrutin législatif se déroulera un samedi, au lieu du jeudi. Le Premier ministre sortant Leo Varadkar a expliqué qu'il avait pris conscience qu'il était parfois difficile de voter durant les jours de semaine, et notamment pour les jeunes qui étudient loin du domicile de leurs parents.
Où en est l'Irlande ?
Le Fine Gael du Premier ministre sortant Leo Varadkar gouverne l'Irlande depuis les élections législatives du 26 février 2016 (le parti est cependant au pouvoir depuis le scrutin du 25 février 2011). Leo Varadkar a remplacé Enda Kenny à la tête du gouvernement (et du Fine Gael) en juin 2017.
Dépourvu de majorité absolue, le parti s'appuie sur le soutien des députés indépendants et l'engagement du Fianna Fail à s'abstenir lors des votes. Le gouvernement est cependant devenu de plus en plus fragile au cours des mois. Ainsi, la perspective du vote d'une motion de défiance déposée contre le ministre de la Santé a sans doute joué dans la décision du Taoiseach de dissoudre le parlement et de convoquer des élections législatives anticipées.
"Notre économie n'a jamais été si solide. Le nombre de personnes qui travaillent est le plus élevé de l'histoire, les salaires sont à la hausse, la pauvreté est en recul et les finances publiques sont stabilisées" a affirmé le Premier ministre sortant.
Les domaines du logement et de la santé restent toutefois des sources d'insatisfaction pour la majorité des Irlandais. L'Irlande manque cruellement de médecins et d'infirmiers et le coût des soins ne cesse de croître depuis plusieurs années. Le nombre de logements neufs est également très insuffisant, ce qui contribue à l'augmentation incessante des loyers. "Nous prévoyons la construction d'un peu moins de 20 000 nouveaux logements cette année, il s'agit du nombre le plus élevé depuis une décennie" a déclaré Leo Varadkar.
Jeune (41 ans), métis et homosexuel, Leo Varadkar se présente comme le symbole de l'évolution de l'Irlande, longtemps considérée comme un pays enfermé dans sa tradition catholique. En mai 2018, le Premier ministre a convoqué un référendum historique qui a mis fin à l'interdiction de l'avortement (66,04% de votes favorables). Au cours de cette même année, en octobre, l'Irlande a voté en faveur de la suppression de l'infraction de publication ou de déclaration de blasphème dans la Constitution (64,85%). Le 22 mai 2015, Dublin avait légalisé le mariage entre personnes de même sexe (62,07%).
Le Fianna Fail s'appuie sur le mécontentement des Irlandais pour faire campagne. "Le moment est clairement venu pour un nouveau gouvernement qui concentrera véritablement ses efforts sur des améliorations concrètes dans la santé, le logement et la réduction du coût de la vie" a ainsi déclaré son dirigeant Micheal Martin. Le parti promet d'augmenter les dépenses publiques et de baisser les impôts si elle parvient au pouvoir.
Quelle Irlande pour demain ?
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Ipsos pour le quotidien The Irish Times, le Fianna Fail devrait arriver en tête le 8 février avec 25% des suffrages devant le Fine Gael 23%. Le Sinn Fein (SF), parti de gauche radicale dirigé par Mary Lou McDonad, obtiendrait 21%, le Parti vert (GP) 8% et le Parti travailliste (Labour) 5%.
Aussi bien le Fine Gael que le Fianna Fail ont d'ores et déjà déclaré qu'ils ne gouverneraient pas avec le Sinn Fein. Mais aucun d'entre eux ne semble capable de recueillir la majorité absolue. Les "petits" partis pourraient donc jouer un rôle essentiel au moment de la formation du futur gouvernement qui, comme c'est désormais le cas dans de nombreux pays d'Europe, pourrait prendre du temps. La probabilité de la formation d'un nouveau gouvernement minoritaire à l'issue du scrutin n'est pas à exclure.
Le système politique irlandais
L'Oireachtas (parlement) est bicaméral. Il comprend le Dail Eireann (Chambre des représentants) qui compte 158 teachtai dala (députés) élus pour 5 ans au sein de 40 circonscriptions. Après une réduction du nombre des députés lors des précédentes élections législatives du 26 février 2016, la loi électorale a de nouveau été modifiée en décembre 2017 et le prochain Dail Eireann comptera 160 députés.
Chaque circonscription désigne 3, 4 ou 5 députés. Ceux-ci sont élus au scrutin proportionnel selon le système du vote unique transférable. L'électeur désigne parmi une liste de candidats celui/celle (ou ceux/celles) au(x)quel(le)(s) il souhaite accorder sa voix par ordre de préférence. Il inscrit ainsi le chiffre 1 devant le candidat qui a sa première préférence puis, s'il le souhaite, 2, 3, 4, etc. devant les noms des autres candidats de la liste. Le calcul du quotient électoral, c'est-à-dire du nombre de suffrages minimum que doit obtenir un candidat pour être élu, constitue la première opération du dépouillement. Ce quotient correspond à l'ensemble des voix exprimées divisé par le nombre de sièges à pourvoir (3, 4 ou 5 selon les circonscriptions) augmenté d'une unité. Tout candidat qui recueille ce nombre de suffrages est élu. Les voix excédentaires qu'il a obtenues sont alors réparties entre les candidats ayant été retenus en deuxième préférence.
Les Irlandais sont très attachés à leur système de vote qu'ils partagent avec seulement deux autres pays dans le monde (Malte et l'Australie), au point de refuser par deux fois (1959 et 1968) qu'il soit modifié. Le vote unique transférable ayant été inscrit dans la Constitution irlandaise en 1937, sa modification ou son abandon ne sont possibles que via un référendum. Permettant une représentation fidèle des partis politiques, le système de vote unique transférable est cependant parfois critiqué pour la forte concurrence qu'il engendrerait entre les candidats d'un même parti. Ainsi, les députés regrettent parfois que ce mode de scrutin les oblige à consacrer beaucoup de temps aux demandes individuelles de leurs concitoyens et les empêche de se concentrer sur les questions politiques nationales.
Une loi votée en 2012 oblige les partis politiques à présenter au moins 30% de femmes (40% dans 7 ans) aux élections législatives sous peine de voir la dotation qu'ils perçoivent de l'Etat être réduite de 50%.
Le Seanad Eireann, Chambre haute, comprend 60 membres, dont 43 sont élus au scrutin proportionnel (selon le système du vote unique) par cinq grands corps constitués de parlementaires (les sénateurs sortants et les députés nouvellement élus) et d'élus locaux (conseillers de comtés et conseillers des villes de comtés) représentant divers secteurs de la société (culture, éducation, agriculture, travail, industrie, commerce et administration publique). 11 membres du Seanad Eireann sont nommés par le Premier ministre et 6 par les citoyens inscrits sur les listes électorales ayant obtenu un diplôme de troisième année de l'université nationale d'Irlande ou de l'université de Dublin (Trinity College). Le Seanad Eireann, qui ne sera pas dissous avant l'élection de la nouvelle chambre, est élu traditionnellement au plus tard 90 jours après le Dail Eireann.
Le gouvernement irlandais peut comprendre jusqu'à 15 membres. 2 d'entre eux peuvent être membres du Seanad Eireann, tous les autres doivent obligatoirement être députés.
9 partis politiques sont représentés dans l'actuel Dail Eireann :
– le Fine Gael (FG) (Clan des Gaels), parti du Premier ministre sortant Leo Varadkar, créé en 1933 et situé au centre-droit, possède 50 sièges ;
– le Fianna Fail (FF) (Soldats de la destinée), parti de droite fondé en 1926 et dirigé par Micheal Martin, compte 44 élus ;
– Le Sinn Fein (SF) (Nous-mêmes) a la particularité d'exister (et de participer aux élections) dans deux Etats de l'Union européenne : l'Irlande et le Royaume-Uni. Parti nationaliste de gauche radicale dirigé par Mary Lou McDonad, il possède 23 sièges ;
– Le Parti travailliste (Labour), parti fondé en 1912 et conduit par Brendan Howlin, compte 7 députés ;
– L'Alliance anti-austérité-Le peuple avant les profits (PBP), parti d'extrême gauche, possède 6 sièges ;
– Indépendants pour le changement, parti de gauche radicale, compte 4 élus ;
– Les Sociaux-démocrates, fondés en 2015 et conduits par Catherine Murphy et Roisín Shortall, possèdent 3 sièges ;
– Le Parti vert (GP), dirigé par Eamon Ryan, compte 2 élus ;
– L'Action des travailleurs et des chômeurs (WUA), parti d'extrême gauche dirigé par Seamus Healy, possède 1 siège.
Enfin, 18 députés indépendants sont membres du Dail Eireann.
Les Irlandais élisent également au suffrage universel direct leur président de la République. Ce dernier ne possède toutefois qu'un pouvoir de représentation. Désigné tous les 7 ans, son mandat ne peut être renouvelé qu'une seule fois. L'actuel chef de l'Etat, Michael Higgins, est en fonction depuis le 27 octobre 2011. Il a été réélu à la tête de l'Irlande avec 55,81% des suffrages le 26 octobre 2018.
Rappel des élections législatives du 26 février 2016 en Irlande
Participation : 65,2%

Source : The Irish Times
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