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Les forces libérales devraient s'imposer aux élections parlementaires du 6 décembre prochain en Roumanie

Élections en Europe

Corinne Deloy

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16 novembre 2020
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 3 septembre dernier, les autorités roumaines annonçaient que les prochaines élections parlementaires seraient organisées le 6 décembre prochain. 18 981 242 personnes sont appelées aux urnes et 39 238 Roumains vivant à l'étranger (le Royaume-Uni est le pays qui compte le plus grand nombre d'inscrits, suivi par l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la France) devront remplir leur devoir civique. Le nombre de candidats à ces élections parlementaires s'élève à 7 136 personnes (ils étaient 6 476 lors du scrutin du 11 décembre 2016).

Le Parti social-démocrate (PSD), principal parti d'opposition, a beaucoup bataillé au cours des dernières semaines pour obtenir un report de ce scrutin, arguant de la situation sanitaire de la Roumanie qui, comme tous les pays européens, est très affectée par la pandémie due au coronavirus et accusant le gouvernement dirigé par Ludovic Orban (Parti national-libéral, PNL) de ne penser qu'à une victoire au mépris de la santé ou de l'économie du pays. Le dirigeant social-démocrate, Marcel Ciolacu, a mis en avant le fait que les Roumains résidant à l'étranger pourraient être empêchés de voter dans certains pays en raison de la situation sanitaire. Selon la loi électorale, les élections parlementaires peuvent être organisées jusqu'à trois mois après la fin de la législature en cours, soit jusqu'au 14 mars 2021. De ce qu'on a pu observer lors des élections locales qui se sont tenues en Roumanie le 27 septembre dernier, la pandémie a peu joué sur la participation.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut IMAS au début du mois de novembre, le Parti national-libéral devrait arriver en tête avec 32,6% des suffrages, suivi du Parti social-démocrate avec 21,7% des voix. L'Union Sauvez la Roumanie-Parti de la liberté, de la solidarité et de l'unité (USR-PLUS) prendrait la troisième place du scrutin avec 20,4% des suffrages. Loin derrière, le Parti du mouvement populaire (PMP) obtiendrait 6% ; l'union Pro Romania-Alliance des libéraux et démocrates, 5,2% et, enfin, l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), 4,2%.

Le Parti social-démocrate a remporté 1 438 mairies (mais seulement deux grandes villes, Craiova et Galati) et 20 conseils régionaux lors des élections locales du 27 septembre ; le Parti national-libéral (PNL) en a gagné 1 237 (dont Constanza, un fief social-démocrate, et Iasi) (- 8) et 17 régions (+ 8).

Ce résultat n'est cependant pas une victoire pour le PSD de Marcel Ciolacu qui contrôlait la moitié des conseils municipaux et régionaux avant le scrutin. Il reste néanmoins bien implanté dans les campagnes alors qu'il est largement devancé dans les villes. Le plus souvent, le SPD a reculé au profit du Parti national-libéral.

A Timisoara, Dominic Fritz (USR-PLUS) a créé la surprise en battant le maire sortant, Nicolae Robu (PNL). Nicusor Dan, fondateur de l'Union Sauvez la Roumanie (USR), soutenu par le PNL, a remporté Bucarest en s'imposant devant Gabriela Firea (SPD). Le parti social- démocrate s'est toutefois imposé au Conseil général de Bucarest avec 21 sièges ; ensemble, l'Union Sauvez la Roumanie et le Parti de la liberté, de l'unité et de la solidarité ont obtenu 17 élus et le Parti national-libéral, 12 sièges.

Les partis d'opposition

Le Parti social-démocrate domine la vie politique roumaine depuis la chute du communisme en 1989. Il préconise une politique d'aide sociale souvent clientéliste et le renforcement de l'Etat protecteur, il s'appuie sur une idéologie très nationaliste et est proche de l'église orthodoxe. Ainsi, les sociaux-démocrates ont été les seuls des " grands " partis à soutenir le changement de la Constitution par l'inscription dans la Loi fondamentale de l'interdiction du mariage entre deux personnes du même sexe lors du référendum des 6 et 7 octobre 2018 (les autres ont prôné l'abstention)[1]. De même, les sociaux-démocrates ont alloué de considérables moyens financiers à la cathédrale de Bucarest, une décision à laquelle l'Union Sauvez la Roumanie était opposée.

De ce fait, son électorat rassemble de nombreuses personnes âgées et des ruraux. Les électeurs les moins diplômés et les moins fortunés sont également plus proches du PSD que de toute autre parti.

Le vote en 2017 d'une modification du Code pénal, réduisant certaines peines de prison, notamment en cas d'abus de pouvoir et facilitant les amnisties et les grâces, a fait descendre dans les rues des milliers de Roumains qui ont manifesté durant des semaines leur colère contre ces mesures affectant la justice. Le premier gouvernement, mis en place après les élections du 11 décembre 2016, conduit par Sorin Grindeanu (PSD) a chuté. Au cours de la précédente législature, pas moins de trois Premier ministres PSD se sont succédé à la tête de la Roumanie. ; Viorica Dancila, a chuté le 10 octobre 2019 à la suite du vote d'une motion de censure du Parlement par 238 des 465 députés et sénateurs. Sans le soutien de l'Alliance des libéraux et démocrates (ALDE) dont les ministres avaient démissionné du gouvernement le 26 août 2019, les sociaux-démocrates ne disposaient plus de la majorité absolue au parlement. Cinq jours plus tard, le 15 octobre, le président de la République Klaus Iohannis nommait Ludovic Orban, dirigeant du Parti national-libéral, au poste de Premier ministre.

Le PSD promet une croissance de 4,4% du PIB sur les quatre années à venir et affirme que, s'il revient au pouvoir, le PIB du pays atteindra 80% de la moyenne du PIB de l'Union européenne en 2024. Les sociaux-démocrates proposent d'augmenter de 57% le salaire minimum (celui-ci atteindrait alors 7 010 leu, soit 1 445 € en 2024), et de 32% le point de retraite afin d'atteindre la hausse de 40% qui avait été votée par le parlement à l'été 2019 mais qui n'est jamais entrée en vigueur. Ils indiquent qu'ils doubleront le montant des allocations familiales, qu'ils moduleront les impôts sur le revenu des personnes selon leur nombre d'enfants et qu'ils supprimeront l'impôt sur le revenu des Roumains qui perçoivent le salaire minimum. Les sociaux-démocrates s'engagent à créer un million d'emplois et à réduire le déficit budgétaire à moins de 3% du PIB. Il y a quatre ans, le PSD avait un programme électoral similaire (promesses de hausse des salaires, des pensions de retraite et des investissements), mais assez difficile à concrétiser. Selon les enquêtes d'opinion, le PSD aurait perdu la moitié de son électorat au cours des quatre dernières années. Il semble très affaibli et ses responsables, dont aucun ne s'impose réellement (Marcel Ciolacu est dirigeant par intérim), ne semblent plus en phase avec un pays de plus en plus séduit par des leaders très diplômés et formés à l'étranger. Une cure d'opposition semble nécessaire au parti pour se réorganiser et se renforcer

Deux partis proches du PSD - l'Alliance des libéraux et démocrates et Pro Romania - ont récemment fusionnés. L'Alliance des libéraux et démocrates de Calin Popescu-Tariceanu a choisi de s'écarter du PSD en s'alliant à un parti dirigé par un ancien dirigeant social-démocrate et ancien Premier ministre (2012-2015), Victor Ponta, qui n'est pas en bons termes avec le PSD. Cette fusion constitue donc une mauvaise nouvelle pour le principal parti d'opposition.

Les partis au pouvoir

Le Parti national-libéral est le plus grand parti de Roumanie. C'est le parti auquel les citoyens accordent la plus confiance et il est par conséquent logique qu'il se présente seul aux élections. Une seule chose est certaine : nous ne gouvernerons pas avec le PSD. Nos partenaires potentiels au gouvernement sont nos alliés au sein du Parti populaire européen (PPE) et l'Union Sauvez la Roumanie-Parti de la liberté, de la solidarité et de l'unité (USR-PLUS). Je préférerais néanmoins que le Parti national-libéral obtienne la majorité absolue " a déclaré le Premier ministre sortant Ludovic Orban. Si tel n'est pas le cas (et si l'on en croit les enquêtes d'opinion), le PNL qui se refuse donc à toute alliance préélectorale, pourrait faire alliance avec l'USR-PLUS et le Parti du mouvement populaire (PMP), emmené par Eugen Tomac, ce qui devrait lui donner une majorité pour gouverner. L'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), conduite par Hunor Kelemen, devrait également soutenir cette coalition gouvernementale.

L'Union Sauvez la Roumanie (USR), parti libéral dirigé par Dan Barna, a fusionné le 15 août dernier avec le Parti de la liberté, de la solidarité et de l'unité (PLUS), parti centriste de l'ancien Premier ministre (2015-2017) et actuel député européen, Dacian Ciolos. Troisième force électorale de Roumanie, l'USR-PLUS, dont les responsables sont jeunes et formés à l'étranger, a le vent en poupe dans les sondages. Elle a obtenu de bons résultats dans les villes lors des élections locales du 27 septembre, mais manque néanmoins d'une véritable base territoriale.

Les deux partis libéraux ont quelques désaccords sur les réformes à mener. En outre, la hausse de l'USR-PLUS dans les enquêtes d'opinion ne peut qu'inquiéter le PNL. En effet, un résultat élevé de l'USR-PLUS pourrait remettre en cause la reconduction de Ludovic Orban au poste de Premier ministre. Certains membres de l'USR-PLUS ont d'ores et déjà laissé entendre que le parti présenterait son propre candidat pour cette fonction (selon toute vraisemblance Dacian Ciolos), ce qui a créé quelques tensions supplémentaires entre les partenaires potentiels.

L'USR-PLUS propose un programme intitulé Révolution de la bonne gouvernance qui met en avant six priorités (sur 40 propositions). La première est la " réparation de tout ce que le PSD a détruit en matière de justice " ; la deuxième est la dépolitisation du système éducatif ; la troisième, la création d'un fonds national pour moderniser les infrastructures de santé (le coût s'élèverait à 1 milliard € sur 4 ans pour financer la rénovation ou la construction d'hôpitaux) ; la quatrième est le reboisement de la Roumanie et la création d'un directoire national anticorruption des forêts ; la cinquième, le développement des industries du futur, des technologies vertes, des énergies propres, de l'industrie digitale 4.0, de l'industrie à main d'œuvre qualifiée et de l'écotourisme et, enfin, la sixième concerne l'accès à l'internet haut débit pour tous les Roumains.

Le système politique roumain

Le parlement roumain est bicaméral : il comprend la Chambre des députés (Camera deputatilor) et le Sénat (Senatul). Les deux assemblées sont renouvelées tous les 4 ans.

La chambre basse élue en 2016 compte 329 membres au total élus au scrutin proportionnel de liste au sein de 43 circonscriptions : 41 représentent les comtés du pays et désignent 279 députés, Bucarest constitue une circonscription qui désigne 29 députés. Enfin, la dernière représente les Roumains de l'étranger et a élu 4 députés au scrutin majoritaire.

Certains sièges sont réservés aux minorités nationales (17 actuellement). Une minorité nationale a droit à un siège de député si l'organisation de citoyens la représentant possède un élu au Conseil national des minorités et si elle a recueilli au moins 5% du nombre moyen de suffrages exprimés.

Pour entrer à la Chambre des députés, tout parti politique doit recueillir au moins 5% du total des suffrages exprimés au niveau national ou 20% du total des suffrages exprimés dans au moins quatre circonscriptions (8% pour une alliance de 2 partis, 9% pour une alliance de 3 partis et 10% pour une alliance de 4 partis ou plus). Une personne qui recueille le soutien d'au moins 0,50% des électeurs d'une circonscription est autorisée à s'y présenter de façon individuelle. Tout électeur doit être âgé d'au moins 23 ans pour participer aux élections parlementaires.

Le Sénat compte 136 membres dont 2 représentent les Roumains de l'étranger.

6 partis politiques ont obtenu des élus lors des élections parlementaires du 11 décembre 2016:

– le Parti social-démocrate (PSD), conduit par Marcel Ciolacu (par intérim), compte 133 députés et 68 sénateurs ;

– le Parti national-libéral (PNL), dirigé par le Premier ministre sortant Ludovic Orban, possède 82 sièges à la Chambre des députés et 31 au Sénat ;

– l'Union Sauvez la Roumanie (USR), parti libéral créé par Nicusor Dan en 2016 et emmené par Dan Barma, compte 25 députés et 13 sénateurs ;

– l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), conduite par Hunor Kelemen, possède 20 sièges à la Chambre des députés et 9 au Sénat ;

– l'Alliance des libéraux et des démocrates (ALDE), présidée par Calin Popescu Tariceanu, compte 21 députés et 3 sénateurs ;

– le Parti du mouvement populaire (PMP), dirigé par l'ancien président de la République (2004-2014) Traian Basescu et conduit par Eugen Tomac, possède 16 sièges à la Chambre des députés et 6 au Sénat.

17 députés représentent les diverses minorités nationales à la Chambre des députés.

La Roumanie élit également son président de la République au suffrage universel direct. Le chef de l'Etat, Klaus Iohannis, a été réélu à ce poste le 24 novembre 2019 avec 66,09% des suffrages. Il a largement devancé l'ancienne Première ministre (2018-2019) Viorica Dancila (PSD), qui a recueilli 33,91% des voix. La participation s'est élevée à 55,07%.

Rappel du résultat des élections parlementaires du 11 décembre 2016 en Roumanie

Chambre des députés

Participation  : 39,46%

Source : http://www.cdep.ro/pls/parlam/structura2015.de?idl=3

Sénat

Participation  : 39,44%

Source : https://www.senat.ro/default.aspx?Sel=257814B4-6EF6-4452-8F1E-F5ACF5CD4C9C

[1]93,4% des électeurs ont voté en faveur de l'interdiction mais seulement un cinquième (21,1%) des Roumains se ont rendus aux urnes, soit un chiffre inférieur à 30%, seuil obligatoire pour que le référendum soit valide.

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