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Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Le Parti socialiste ouvrier (PSOE), dirigé par le Premier ministre sortant Pedro Sanchez, a obtenu une victoire nette aux élections parlementaires organisées le 28 avril en Espagne, un scrutin anticipé à la suite du rejet du budget du pays par le Congrès des députés, chambre basse du parlement espagnol (Cortes generales), le 13 février dernier. Le PSOE a recueilli 28,68% des suffrages et conquis 123 sièges au Congrès des députés, soit + 39 par rapport aux précédentes élections du 26 juin 2016.
Principal parti d'opposition, le Parti populaire (PP), conduit par Pablo Casado, s'est effondré : il a obtenu 16,70% des voix et a divisé son nombre d'élus (66) par deux : - 69 par rapport à 2016. Le parti centriste Ciudadanos conduit par Alberto Rivera a réalisé une performance en prenant la troisième place avec 15,85% des suffrages et remportant 57 élus (+ 25). Ciudadanos a sans doute attiré les électeurs les plus modérés du Parti populaire opposés à la récente droitisation de leur parti.
L'alliance Unidos Podemos, emmenée par Pablo Iglesias, a recueilli 14,31% des suffrages et remporté 42 sièges (- 17). Enfin, Vox (Voix en latin), parti populiste de droite fondé en 2013 à partir d'une scission du Parti populaire et dirigée par Santiago Abascal, a obtenu 10,26% des voix et 24 sièges.
44 ans après la mort du dictateur Francisco Franco, l'extrême droite fait donc son retour au parlement espagnol. " Les enquêtes d'opinion prévoyaient jusqu'à 35 ou 40 sièges, Vox remporte donc un succès en demi-teinte " a déclaré Benoît Pellistrandi, historien spécialiste de l'Espagne
Les partis indépendantistes, et notamment de gauche, sortent renforcés en Catalogne. La Gauche républicaine de Catalogne (ERC) est arrivée en tête dans la région avec 3,90% des suffrages et 15 élus (+ 6). Junts per Catalunya (JxCat) a recueilli 1,91% des voix et conquis 7 sièges (- 1). Au Pays basque, le Parti nationaliste (EAJ/PNV) dirigé par Andoni Ortuzar a recueilli 1,52% des suffrages et remporté 6 élus (+ 1). Euskal Herria Bildu (Réunir le Pays basque, EH Bildu), alliance de quatre partis basques dont la porte-parole est Maddalen Iriarte, a obtenu 0,99% des voix et doublé le nombre de ses sièges (4, + 2). La Coalition canarienne-Parti nationaliste canarien (CC-PNC), alliance d'un parti régionaliste de droite emmené par Claudina Morales et d'un parti régionaliste conduite par Juan Manuel Gracia Ramos, a recueilli 0,52% des suffrages et conquis 2 sièges (+ 1). Navarra Suma (NA+) a également obtenu 2 élus (0,41%des voix) ; la Coalition Compromis (0,66%) et le Parti régionaliste de Cantabrie (PRC) (0,20%) ont enfin obtenu un siège chacun.
La participation a été très élevée : elle a atteint 75,41%, soit + 8,97 points par rapport aux élections parlementaires du 26 juin 2016
Résultats des élections parlementaires du 28 avril 2019 en Espagne
***
Congrès des députés
Participation : 75,41%

Sources : https://www.resultados.eleccionesgenerales19.es/Congreso/Total-nacional/0/es
Sénat
Participation : 75,41%

Sources : https://www.resultados.eleccionesgenerales19.es/Senado/Total-nacional/0/es
Le Premier ministre sortant, Pedro Sanchez, vainqueur des élections parlementaires, a déclaré qu'il souhaitait former un gouvernement " pro-européen ". " Le Parti socialiste a remporté les élections, et avec elles, nous avons remporté l'avenir et nous avons laissé le passé derrière nous " a-t-il indiqué. " Nous avons montré que l'Espagne est une grande et solide démocratie où des millions de personnes ont voté pour défendre la démocratie et l'avenir " a-t-il ajouté. Le PSOE a indéniablement profité le 28 avril de l'éclatement de la droite et du recul des populistes de gauche de Podemos. Il a également bénéficié de la forte participation.
Pedro Sanchez n'a pas cependant obtenu la majorité absolue et sera donc contraint à trouver des partenaires pour diriger l'Espagne. Il pourrait former une coalition gouvernementale avec Podemos mais l'union des deux partis ne sera pas suffisante. Les socialistes devraient alors trouver des alliés parmi les forces régionalistes basques et catalanes, une chose que Pedro Sanchez a tenté d'éviter durant toute la campagne électorale où il a répété : " Nous sommes tout près, la victoire est là, la question est de savoir si elle sera suffisante car gagner ne veut pas dire gouverner ". " Une majorité soutenue par les indépendantistes apporterait une grande crispation et une forte instabilité. Les sécessionnistes peuvent voter l'investiture mais ils ne signeront pas un chèque en blanc " a déclaré Ana Sofia Cardenal, professeur de sciences politiques à l'université Oberta de Catalunya (UOC).
Pedro Sanchez pourrait également choisir de se tourner vers Ciudadanos. A eux deux, les deux partis possèdent la majorité absolue des sièges au Congrès des députés. Cependant, Alberto Rivera a appelé durant la campagne électorale à se débarrasser du Premier ministre sortant : " Ciudadanos jamais ne gouvernera avec Pedro Sanchez " a-t-il averti. Le dirigeant centriste accuse Pedro Sanchez d'" avoir pactisé avec les indépendantistes ". Ciudadanos a voté le 18 février dernier une mesure indiquant qu'il ne s'associerait pas avec le PSOE à l'issue des élections du 28 avril.
Par ailleurs, une partie des électeurs socialistes est également opposée à une alliance avec Ciudadanos. Pedro Sanchez a pu les entendre dès l'annonce des premiers résultats crier " Pas avec Rivera " alors qu'ils saluaient sa victoire. " Pedro Sanchez doit choisir entre la droite et la gauche, entre Ciudadanos et Podemos, et à mon avis, dans le contexte politique, il n'a pas vraiment le choix, il faut qu'il aille avec Podemos " a indiqué Alvaro Oleart, politologue de l'université libre de Bruxelles.
"Il faut voter pour qu'un gouvernement stable sorte des urnes" avait répété le dirigeant du Parti populaire Pablo Casado durant ces dernières semaines. Le jeune dirigeant a mené une campagne électorale très à droite espérant attirer les Espagnols tentés par un vote en faveur de Vox. " 60% des électeurs potentiels de Vox viennent du Parti populaire " soulignait José Pablo Ferrandiz, vice-président de l'institut d'opinion Metroscopia, en amont des élections. " Pablo Casado est confronté à une campagne extrêmement complexe. Lors des précédents scrutins, le Parti populaire était certain de remporter le vote confessionnel, rural et traditionnaliste de droite mas ce n'est plus le cas " a indiqué Cesar Calderon, analyste politique au cabinet de conseil Redlines. Le recul du principal parti d'opposition rend néanmoins impossible ce que certains avaient espéré, à savoir une coalition gouvernementale de droite rassemblant le Parti populaire, Ciudadanos et Vox, à l'image de ce qui existe en Andalousie[1] pour diriger l'Espagne.
Agé de 47 ans et originaire de Madrid, Pedro Sanchez est, entre autres, diplômé en économie de l'université Complutense de Madrid. Il adhère très tôt au PSOE et, entre 2004 et 2009, il est conseiller municipal de Madrid avant de rejoindre le Congrès des députés le 15 septembre 2009 à la suite de la démission de l'ancien ministre de l'Economie et des Finances Pedro Solbes (PSOE). Le 12 juillet 2014, il est élu à la surprise générale avec 48,73% des suffrages à la tête du Parti où il succède à Alfredo Perez Rubalcaba.
Après deux échecs aux élections parlementaires des 20 décembre 2015 et 26 juin 2016 ainsi qu'aux élections régionales du 15 septembre 2016 au Pays basque et en Galice, Pedro Sanchez est poussé à la démission. Il retrouvera la tête du parti le 21 mai 2017.
Pedro Sanchez accède au pouvoir le 1er juin 2018 à la faveur du vote, par 180 voix contre 169, d'une motion de censure du gouvernement de Mariano Rajoy (PP), mis en cause dans un vaste scandale de corruption baptisée l'affaire Gürtel (courroie en allemand, jeu de mots sur le nom de Francisco Correa, principal accusé de cette affaire)[2]. Depuis cette date, le PSOE a pris trois mesures phares : la revalorisation des retraites, la hausse du salaire minimum de 22% (celui-ci est ainsi passé de 740 à 900 €) et l'augmentation des salaires des fonctionnaires. Le gouvernement de Pedro Sanchez, le plus féminin de toute l'histoire espagnole (11 femmes et 6 hommes), a également voté de nombreuses mesures contre les violences faites aux femmes.
Il ressort du scrutin qu'il est désormais quasiment impossible pour les " grands " partis de gouvernement de diriger, seul, un pays en Europe. Le système partisan centré autour de deux forces majeures - les sociaux-démocrates d'un côté et les conservateurs de l'autre - se délite, laissant place à de nouvelles forces, souvent populistes.
La formation du prochain gouvernement espagnol devrait prendre du temps en raison de la fragmentation du parlement mais également à cause des élections (régionales, municipales et européennes) qui seront organisées en Espagne le 26 mai prochain.
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