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Référendum sur l'Union Européenne en Lituanie 10-11 mai 2003

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

10 mai 2003
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Fondation Robert Schuman

« Je soutiens l'adhésion de la Lituanie à l'Union européenne », tel est l'intitulé du bulletin que devraient déposer dans l'urne la majorité des Lituaniens les 10 et 11 mai prochains lors du référendum européen organisé dans cet Etat balte dont la population soutient, depuis toujours, l'intégration européenne du pays. Les autorités lituaniennes sont d'ailleurs plus effrayées par l'éventualité d'une abstention massive que par l'insuffisance du soutien populaire à l'adhésion. Le Seimas (Chambre unique du Parlement) a ainsi voté le 25 février dernier un amendement à la loi électorale : alors qu'auparavant la législation exigeait que la décision faisant l'objet d'un vote soit entérinée par au moins un tiers des inscrits, une simple majorité d'électeurs suffira désormais pour rendre le référendum à la fois valide et contraignant. De même, le référendum se déroulera sur deux jours afin de permettre au maximum de Lituaniens de se rendre aux urnes.

La candidature de la Lituanie

La République balte poursuit, depuis son accession à l'indépendance le 11 mai 1990, l'objectif d'intégrer l'Union européenne. Première ex-République soviétique à avoir fait sécession de l'URSS, la Lituanie est, de fait, un très ancien pays européen, proche par la culture des Etats d'Europe mais que les aléas de l'Histoire ont souvent séparé de la partie occidentale du continent.

Démocratie parlementaire depuis l'adoption de la Constitution par référendum en octobre 1992, la Lituanie est un Etat de droit respectant l'ensemble des critères politiques de Copenhague. Au niveau économique, le pays peut afficher d'honorables résultats. La hausse des exportations (+ 20% en un an) et la reprise de la demande intérieure ont permis une relance de la croissance de 5,9% en 2001 contre 2,7% l'année précédente. Le déficit public continue à se réduire représentant, en 2002, 1,9% du PIB contre 3,1% en 2000 et surtout 8% en 1999 ; les investissements directs étrangers (IDE) ont augmenté de 37% en 2001 et la croissance de la production industrielle est passée de 5,3% en 2000 à 16,9% en 2001. Les réformes structurelles et les privatisations se poursuivent, la sphère privée contribuant à hauteur de 75% à la formation du PIB. Conséquence de ses bons résultats, la monnaie, le litas, a été arrimée à l'euro en février 2002. L'inflation est maîtrisée : elle atteint 1,2% pour 2001. Seul le taux de chômage reste élevé 11,1%. Enfin, l'économie lituanienne est très tournée vers l'Union européenne qui représente 47,8% de ses exportations et 44% de ses importations.

La centrale nucléaire d'Ignalina, qui produit 70% de l'électricité du pays, a longtemps constitué un contentieux important entre la Lituanie et l'Union européenne. La Lituanie s'est engagée à fermer avant 2005 l'un des deux réacteurs de la centrale (équipée des mêmes réacteurs de conception soviétique que celui qui a explosé à Tchernobyl (Ukraine) le 26 avril 1986) et à procéder à la fermeture définitive de la centrale avant 2009. Les trois Républiques baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) ont engagé une réflexion commune sur la possibilité de construire une nouvelle centrale nucléaire. L'Union européenne s'est engagée à apporter son soutien financier à la fermeture d'Ignalina, une opération estimée à trois milliards d'euros.

La Lituanie est également parvenue avec l'Union européenne à un accord avec la Fédération de Russie à propos de l'enclave de Kaliningrad. Un texte, signé le 11 novembre dernier par les autorités de Bruxelles et le Président de la Fédération de Russie, prévoit, qu'à partir du 1er juillet 2003, des documents de transit facilité (FTD), des visas à entrées et sorties multiples, seront fournis, gratuitement ou pour un faible montant, par la Lituanie aux voyageurs (Russes, Biélorusses ou Ukrainiens) traversant son territoire en train ou en voiture pour se rendre à Kaliningrad. Ce système sera revu au plus tard en 2005. Jusqu'à la fin de 2004, les passeports internes russes seront suffisants pour obtenir un visa ; ils seront ensuite remplacés par des passeports internationaux. Par ailleurs, la construction d'un train à grande vitesse assurant la liaison entre Kaliningrad et la Russie est à l'étude. Le dossier concernant la question spécifique de l'enclave russe sera ajouté au Traité d'adhésion de la République balte à l'Union européenne.

La Lituanie a estimé à plus de trente milliards d'euros la mise en œuvre des accords et l'organisation à travers son territoire du transit de Russie vers l'enclave de Kaliningrad. Par ailleurs, l'Union européenne versera à la Lituanie entre 2004 et 2006 cent trente six millions d'euros pour renforcer ses 920 kilomètres de frontières avec la Biélorussie et la Russie qui deviendront le 1er mai 2004 les frontières de l'Union européenne. Les 17 et 18 avril derniers, des entretiens entre la Russie, la Lituanie et l'Union européenne ont permis de régler les questions techniques encore en suspens. Les Lituaniens ont accepté la proposition des Russes de réduire au maximum les formalités : les citoyens russes recevront donc leurs documents de transit facilité lors de l'achat de leur billet de train.

L'opinion publique et l'intégration européenne

Depuis juin 1992, date de la première enquête nationale d'opinion sur l'Union européenne, les Lituaniens se déclarent majoritairement favorables à l'intégration européenne de leur pays. Ils étaient 62,5% il y a onze ans (contre 4,3% de personnes opposées et 32,3% estimant ne pas pouvoir répondre à la question) à se prononcer en faveur de l'entrée de la Lituanie dans l'Union européenne. Les pro-Européens ont toujours été plus nombreux que les adversaires de l'intégration, à l'exception d'une période de quelques mois allant de la fin 1999 au mois de juin 2000, date à laquelle la Commission européenne a officiellement exigé de la Lituanie la fermeture de la centrale nucléaire d'Ignalina et l'abolition de la peine de mort. Depuis cette date, le nombre de Lituaniens favorables à l'adhésion de leur pays n'a cessé d'augmenter dans toutes les enquêtes d'opinion jusqu'à atteindre le pourcentage le plus élevé depuis onze ans.

Le dernier sondage, réalisé début avril par l'institut Vilmorus, crédite le « oui » à l'Union européenne de 66% des suffrages contre 13% seulement d'électeurs souhaitant voter « non ». Le soutien à l'Europe accuse une très légère baisse par rapport aux premiers mois de l'année puisque 67,7% des Lituaniens se déclaraient favorables à l'intégration européenne de leur pays en janvier 2003. Les habitants de la circonscription de Kaunas, capitale du pays de 1919 à 1940 durant l'occupation de Vilnius par la Pologne, sont de loin les plus fervents Européens parmi les Lituaniens. L'avenir des jeunes, l'emploi et le développement économique sont les trois items les plus fréquemment cités par les personnes interrogées sur les domaines que l'adhésion de la Lituanie à l'Union européenne permettra d'améliorer. Mais si nul ne doute du résultat positif du référendum des 10 et 11 mai prochains, le taux de participation inquiète les instituts de sondage. Celui-ci pourrait effectivement être beaucoup plus bas que prévu (autour de 65% selon les enquêtes d'opinion).

La campagne électorale

« Je suis certain que l'an prochain la Lituanie deviendra membre de l'Union européenne et de l'OTAN » a déclaré le chef de l'Etat Rolandas Paksas lors de son discours d'investiture devant le Parlement le 26 février dernier. Son élection, le 5 janvier 2003, avait inquiété les milieux politiques européens, notamment en annonçant qu'il souhaitait renégocier certains points de l'accord conclu avec les Quinze dans le domaine de l'agriculture.

Le Président a inauguré, le 27 mars dernier, une série d'allocutions radiophoniques par lesquelles il souhaite s'adresser le dernier jeudi de chaque mois à ses compatriotes. Lors de cette première intervention, Rolandas Paksas a appelé l'ensemble des Lituaniens à se rendre aux urnes les 10 et 11 mai prochains. « Nous avons achevé nos négociations d'adhésion, aujourd'hui, la partie la plus importante et la plus difficile du travail qui reste à faire nous attend. Les Lituaniens vont maintenant devoir choisir leur avenir et celui de leurs enfants » a t-il déclaré, remerciant tous ceux qui, par leur travail et leur foi, ont contribué à faire avancer la cause européenne en Lituanie.

L'ensemble des formations politiques du pays appellent à voter « oui » au référendum. La confédération industrielle, rassemblant de nombreux chefs d'entreprise et les représentants de différentes associations industrielles, a publié le 11 avril dernier dans Lietuvos Rytas, premier quotidien lituanien, un appel à soutenir l'adhésion du pays à l'Union européenne. Même les agriculteurs - l'agriculture représente 22% de la population active lituanienne- admettent qu'il n'existe pas d'alternative à l'intégration européenne sinon un retour dans le giron russe, que personne ne souhaite, ou encore la stagnation économique et l'isolement politique à l'image de ce que peut être la situation actuelle de la Moldavie. Enfin, l'Eglise catholique, qui rassemble 75% des Lituaniens, a appelé les électeurs à voter « oui » au référendum. « Nous n'avons pas d'autre choix aujourd'hui que de faire partie d'une Europe unie. Nous avons fait partie de l'Europe pendant des siècles, maintenant nous devons dire haut et fort que nous voulons en être » indique un communiqué signé par les plus hauts responsables religieux.

La campagne a officiellement démarré dans la République balte. Un Eurobus, reconnaissable à ses étoiles européennes et orné du slogan « Soyons Européens », parcourera cinq mille kilomètres à travers le pays qu'il sillonnera durant un mois. Pro et anti-Européens disposeront chacun de sept heures d'antenne à la télévision et la radio lituaniennes pour défendre leurs opinions et exposer leurs arguments. Le budget prévu pour le référendum s'élève à onze millions de litas (3,3 millions d'euros) dont trois millions pour la campagne électorale. Soit la moitié seulement de la somme que dépensera le gouvernement letton ; trois fois moins que le budget prévu par le gouvernement estonien et sept fois moins que celui du gouvernement polonais. 1,7 million de litas iront au Comité européen et au ministère de l'Agriculture, tous deux responsables d'une campagne médiatique pour le soutien à l'adhésion de la Lituanie à l'Union européenne.

Les 10 et 11 mai prochains, les Lituaniens devraient, sauf énorme surprise, se prononcer en faveur de l'intégration de leur pays dans l'Union européenne. Ils attendent beaucoup de l'Europe : prospérité économique, sécurité, amélioration de leur vie quotidienne. Mais, ils ne souhaitent pas être des sous-citoyens de la future Europe à 25.

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