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Droite et gauche au coude-à-coude et progression des populistes (SD) moins importante que prévu

Élections en Europe

Corinne Deloy

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10 septembre 2018
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Chose inédite : au lendemain du scrutin législatif suédois du 9 septembre, le véritable vainqueur n'est pas encore connu.

Le Parti social-démocrate (SAP), conduit par le Premier ministre sortant Stefan Löfven, a obtenu le résultat le plus faible de son histoire, mais a cependant conservé sa place de premier parti du pays qu'il occupe depuis 1917 avec 28,4% des suffrages et 101 élus (-12 sièges par rapport aux précédentes élections législatives du 14 septembre 2014). Il est suivi par le Parti des modérés (M), conduit par Ulf Kristersson, qui a obtenu 19,8% des voix et 70 sièges (-14).

Les Démocrates de Suède (SD), parti populiste de droite dirigé par Jimmie Akesson, ont réalisé un résultat moins élevé que celui que leur avaient prédit les enquêtes d'opinion. Ils ont pris la 3e place avec 17,6% des voix et 63 députés (+14).

Du côté des "petits" partis, les résultats ont également été différents de ceux que donnaient les sondages. Ainsi, le Parti du centre (C), emmené depuis 2011 par Annie Lööf, a recueilli 8,6% des suffrages et remporté 30 sièges (+8), le Parti de la gauche (Vp), dirigé par Jonas Sjöstedt, a obtenu 7,9% et 28 députés (+ 7), le Parti chrétien-démocrate (KD), conduit par Ebba Busch Thor, 6,4% des suffrages et 23 élus (+7) ; les Libéraux (L), dont le dirigeant est Jan Björklund, 5,5% des voix et 19 sièges (=).

Enfin, si l'on avait pu penser que la canicule qu'a connue le pays cet été aurait pu entraîner les Suédois à se tourner vers les écologistes, il n'en a rien été. Le Parti de l'environnement-Les Verts (MP), de Gustav Fridolin et Isabella Lövin, a atteint de justesse le seuil de 4% des suffrages exprimés indispensable pour être représenté au parlement avec 4,3% et 15 députés (-10).

Avec 40,6% des suffrages et 144 élus, les 3 partis du bloc de la gauche (SAP, Vp et MP) devancent d'une très courte tête les 4 partis du bloc de la droite (M, C, KD, L) qui ont obtenu 40,3% des suffrages et 143 sièges.

Selon une enquête sortie des urnes, 41% des électeurs ont changé de vote entre le scrutin législatif de 2014 et celui de 2018.

Il faudra donc attendre le dépouillement des bulletins de vote des Suédois vivant à l'étranger (environ 250 000 personnes, 4% de l'électorat) qui aura lieu le 12 septembre pour savoir si la gauche maintient son avance. On notera que les résidents de l'étranger se prononcent habituellement davantage pour les partis de droite.

La participation a été légèrement supérieure à celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 14 septembre 2014. Elle s'est élevée à 84,4%, soit +1,1 point.

"Nous aurions aimé obtenir un résultat plus élevé mais nous restons le premier parti du pays" s'est réjoui le Premier ministre sortant Stefan Löfven à l'annonce des résultats. Le dirigeant social-démocrate avait présenté le scrutin comme un "référendum sur la Maison du peuple (Folkhemmet, Etat-providence)" et avait appelé les Suédois à voter pour un "gouvernement stable capable de diriger la Suède en ces temps incertains", présentant le SAP comme un rempart contre les populistes de droite. "Seul un gouvernement dirigé par les sociaux-démocrates pourra garantir que les Démocrates de Suède, un parti raciste, n'exerceront pas la moindre d'influence sur l'exécutif" a-t-il déclaré.

Jimmie Akesson (SD) avait souhaité faire du scrutin un plébiscite contre la politique migratoire du gouvernement sortant. "Nous allons disposer d'une grande influence sur ce qui va se passer en Suède dans les semaines, les mois et les années à venir" a affirmé le dirigeant populiste. Si les Démocrates de Suède progressent, ils ne réalisent pas la percée souhaitée par son leader qui misait sur un résultat s'élevant à "entre 20% et 30% des voix" et elle n'atteint pas la barre symbolique de 20% des suffrages. "Ils réalisent un très bon résultat, ils renforcent leur statut de 3e parti du pays et ils continuent à former un bloc conservateur et nationaliste entre les deux blocs ordinaires mais la direction du parti et les militants s'attendaient à un meilleur résultat" a souligné Daniel Poohl, rédacteur en chef du magazine Expo.

Jimmie Akesson avait néanmoins prévenu en amont du scrutin les autres leaders politiques qu'ils ne pouvaient plus tenir son parti en marge et le considérer "comme une maladie passagère qui touche temporairement le parlement" et ce quel que soit le résultat. Il s'est également déclaré prêt à collaborer avec les forces de gauche comme avec celles de droite, à condition de pouvoir décider de la politique migratoire du pays.

Selon une enquête sortie des urnes, un peu plus de la moitié des électeurs des Démocrates de Suède (54%) avaient voté pour ce parti lors du scrutin de 2014, 19% s'étaient prononcés à l'époque pour le SAP et 18% pour le Parti des modérés. On peut voir que le parti populiste a su à la fois fidéliser ses sympathisants et attirer des électeurs venus de la droite comme de la gauche.

"Nous sommes devant une tendance européenne où des partis qui ont été au gouvernement depuis des décennies perdent leur assise et où le paysage politique est plus fragmenté" a indiqué David Ahlin, directeur des études d'opinion à IPSOS.

Les deux blocs politiques étant quasiment à égalité, la formation du prochain gouvernement suédois sera difficile. Il existe deux options principales.

La première est que les forces de gauche conservent leur majorité après le dépouillement du vote des Suédois de l'étranger et réussissent à former un gouvernement majoritaire - ou le moins faible des gouvernements minoritaires –, qui devra faire avec une forte opposition. Jonas Sjöstedt a indiqué en amont du scrutin que le Parti de la gauche était prêt à participer à un futur gouvernement de gauche.

On rappellera qu'en Suède le soutien d'une majorité des députés n'est pas nécessaire pour former un gouvernement. Il suffit qu'une majorité de députés ne s'y oppose pas. "Pour savoir qui va gouverner, il faut se poser la question suivante : quelle constellation de partis minimiserait le risque d'un vote négatif ?" explique Li Bennich-Björkman, politologue de l'université d'Uppsala.

La deuxième est que les forces de droite choisissent de briser le tabou de la négociation avec les Démocrates de Suède et tentent de former une coalition gouvernementale avec eux, au risque de faire exploser la droite.

Selon les enquêtes d'opinion, la majorité des Suédois sont opposés à toute collaboration avec les Démocrates de Suède : seuls 22% des électeurs qui ne se prononcent pas pour ce parti y sont favorables.

La veille du scrutin, Jimmie Akesson a voulu mettre le dirigeant du Parti des modérés au pied du mur : "Ulf Kristersson dispose de 24 heures pour répondre à la question : Etes-vous plutôt prêt à coopérer avec moi ou avec Stefan Löfven ?". Réponse le 12 septembre après les résultats définitifs.

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