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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Deux partis se sont imposés aux élections parlementaires le 4 mars en Italie : le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue du Nord (Lega). Le M5S, parti populiste conduit par Luigi di Maio, a confirmé sa place de premier parti politique de la péninsule. Selon des résultats encore partiels, il recueillerait 32,68% des suffrages (au scrutin proportionnel[1]) soit un résultat supérieur à celui qu'il avait remporté lors des précédentes élections parlementaires des 24 et 25 février 2013.
La coalition de droite - formée par Forza Italia (FI), parti de l'ancien président du Conseil (1994-1995, 2001-2006 et 2008-2011) Silvio Berlusconi ; la Ligue (Lega), parti populiste, antieuropéen et xénophobe dirigé par Matteo Salvini, et Frères d'Italie (FdI), parti dirigé par Giorgia Meloni, - est arrivée en tête des élections parlementaires. Ensemble, ces partis ont obtenu 35.73% des voix mais ils échouent à remporter la majorité absolue.
Au sein de cette coalition, la Ligue a largement devancé Forza Italia en recueillant 17.6% des suffrages. Matteo Salvini, en abandonnant les revendications régionalistes, a indéniablement réussi son pari de faire de son parti une Ligue nationale ("Les Italiens d'abord"). Forza Italia et la Ligue étaient convenus que le parti qui arriverait en tête prendrait la direction d'un éventuel gouvernement. Quant à Silvio Berlusconi, il n'a pas réussi son retour et a échoué à convaincre les Italiens qu'il pouvait être un rempart contre les populistes et assurer la stabilité de l'Italie. Forza Italia a obtenu 14.1% des voix, le plus faible résultat de son histoire, et Frères d'Italie, 4,3% des suffrages.
Enfin, comme dans de nombreux autres pays européens, la gauche a essuyé un revers. Le Parti démocrate (PD) du président du Conseil sortant Paolo Gentiloni, dirigé par Matteo Renzi et conduit par le ministre sortant de l'Economie et des Finances Pier Carlo Padoan pour ce scrutin, a recueilli 18.72% des suffrages, soit le résultat le plus faible depuis la fondation du parti en 2007. Au total, la coalition de gauche a obtenu 22.85% des voix
Libres et égaux (LeU), parti de gauche opposé à Matteo Renzi fondé par le président sortant du Sénat, Pietro Grasso, a recueilli 3,39% des voix.
"Pour la première fois en Europe, les forces antisystème l'emportent" peut-on lire dans l'éditorial du quotidien La Stampa du 5 mars. En effet, ensemble, le M5S, la Ligue et Frères d'Italie ont obtenu 54,45% des suffrages.
La nouvelle loi électorale, Rosatellum bis, adoptée le 3 novembre dernier, n'aura donc pas permis à l'Italie de dégager une majorité. "Le verdict est toujours le même : le pays vit une instabilité permanente. L'ingouvernabilité est désormais une maladie endémique" a indiqué Claudio Tito, éditorialiste au quotidien La Repubblica.
La participation a été inférieure à celle enregistrée lors des précédentes élections parlementaires des 24 et 25 février 2013 (- 2,29 points). Elle s'est élevée à 72,91%.
Premier parti d'Italie, le M5S ne peut cependant gouverner seul. Les derniers jours de la campagne électorale, il avait évoqué la formation de possibles alliances avec d'autres forces politiques, une possibilité qu'il avait jusqu'alors exclue.
"Le résultat du M5S est un triomphe, une apothéose" a déclaré le député sortant Alessandro Di Battista à l'annonce des résultats. "Surtout cela démontre une autre chose importante : que tous les autres partis politiques devront venir nous parler. Et ce sera probablement la première fois" a-t-il ajouté. "Il y a un élément certain qui émerge de ces premières données qui arrivent, c'est que le M5S sera le pilier de la prochaine législature" a affirmé l'un des responsables du parti, Alfonso Bonafede.
Les populistes ont su faire progresser un électorat déjà stable et se maintient donc comme le premier parti d'Italie.
Luca di Maio souhaitait transformer le M5S en parti capable de gouverner. Le résultat du 4 mars pourrait lui en offrir la possibilité. "On vote désormais pour le M5S pas seulement par protestation mais aussi par adhésion. Le mouvement est très ancré dans l'opinion parce qu'il s'adresse à de multiples catégories d'électeurs, il représente une forme d'attrape-tout en profitant de la crise économique et sociale de l'euroscepticisme de la défiance envers le monde politique" a indiqué Marc Lazar, chercheur à Sciences Po. "Luca di Maio donne une nouvelle impulsion au M5S, il ne veut plus rester dans la contestation. Il dit qu'il faut prendre ses responsabilités et les assumer, être compétents. Il s'agit d'une rupture avec la dimension traditionnelle du M5S parce qu'il n'exclut pas de faire des alliances pour gouverner. C'est une grande première car le M5S s'est toujours basé sur le refus de toute compromission comme lors des dernières élections parlementaires des 24 et 25 février 2013" a-t-il ajouté.
"C'est une grande satisfaction pour la Ligue et pour Matteo Salvini, il s'agit d'un résultat historique. Nous avons obtenu des voix du nord au sud et je pense que le défi de Matteo Salvini a été largement remporté. Naturellement, nous discuterons en premier avec nos alliés. Nous regardons de l'avant avec une grande sérénité et le sens du devoir. Nous savons ce que nous devons faire" a déclaré Giancarlo Giorgetti, numéro 2 de la Ligue, à l'issue de l'annonce des résultats.
Le thème de l'immigration a été au centre de la campagne électorale, notamment après que, le 3 février dernier, Luca Traini, un militant de la Ligue, a ouvert le feu à Macerata, ville située dans la région des Marches, sur des Africains, blessant six d'entre eux, en représailles contre le meurtre d'une jeune fille de 18 ans, affaire dans laquelle trois Nigérians sont soupçonnés. Cette attaque avait entraîné des manifestations violentes et des heurts entre les forces d'extrême gauche et celles d'extrême droite dans plusieurs villes du pays. Le geste de Luca Traini n'a donc pas nui à la Ligue.
Désormais présente dans toute la péninsule, la Ligue est également davantage critique envers l'Union européenne. "Certains disent qu'ils veulent plus d'Europe, je dis qu'il doit y avoir plus d'Italie a répété Matteo Salvini durant la campagne. Certains observateurs politiques affirment que les précédentes attaques du parti contre les Italiens du Sud se sont transformées en attaques contre les responsables européens.
Du côté des forces de gauche, le Parti démocrate de Matteo Renzi apparaît comme le grand perdant des élections. L'ancien président du Conseil (2014-2016), qui, dans un entretien avec le quotidien Il Mattino le 18 février dernier, avait invité les Italiens à voter pour son parti en se bouchant le nez !, a échoué à atteindre l'objectif qu'il s'était fixé de recueillir au moins 25% des suffrages. Il a annoncé être prêt à démissionner.
Le Parti démocrate a sans doute été victime de la sanction infligée parfois aux sortants (depuis 1994, chaque élection parlementaire a débouché sur une alternance dans la péninsule) car même si selon les chiffres, la situation socioéconomique de l'Italie s'est améliorée, les Italiens ne semblent pas partager cette impression. Par ailleurs, le Parti démocrate n'a pas été épargné par la crise profonde qui affecte l'ensemble de la social-démocratie en Europe.
Le Mouvement cinq étoiles (M5S) et la Ligue (Lega) pourraient ensemble dégager une majorité-à la Chambre des députés et au Sénat. Les dirigeants des deux partis ont cependant toujours rejeté la possibilité de s'allier. En tout cas, avant le scrutin...
La prochaine étape est fixée au 23 mars, date à laquelle la Chambre des députés et le Sénat se réuniront pour élire leur président respectif. Ces deux scrutins permettront de voir si une majorité (et quelle majorité) se dessine. Le président de la République italienne Sergio Mattarella ne commencera ses consultations avec les responsables des partis qu'après cette date.
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