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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Corinne Deloy
Le Parti populaire (ÖVP), dirigé depuis le 14 mai dernier par le ministre sortant de l'Europe, de l'Intégration et des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, est arrivé en tête des élections législatives le 15 octobre en Autriche. L'ÖVP a recueilli 31,4% des suffrages et remporté 61 sièges (+ 14 par rapport au précédent scrutin législatif du 29 septembre 2013). Ces élections législatives étaient anticipées d'un an et ont été provoquées par Sebastian Kurz, qui a mis fin à dix années de grande coalition avec les sociaux-démocrates (SPÖ) du chancelier sortant Christian Kern.
Le jeune dirigeant, 31 ans, qui pour mieux convaincre de sa volonté de changement avait choisi de présenter ses candidats sous l'appellation Liste Sebastian Kurz-Le nouveau Parti populaire et qui a remplacé le noir, couleur traditionnelle de l'ÖVP, par le turquoise, a indéniablement réussi son pari
Le Parti libéral (FPÖ), populiste, dirigé par Heinz-Christian Strache, est arrivé en deuxième position avec 26% des voix. Il a obtenu 51 sièges (+ 13).
Le Parti libéral est suivi de près du Parti social-démocrate (SPÖ), conduit par le chancelier sortant Christian Kern, qui a recueilli 26,9% des suffrages et remporté 52 sièges (=). Les sociaux-démocrates ont été fragilisés par la révélation de la mise en ligne de deux pages Facebook diffusant de fausses informations visant à discréditer Sebastian Kurz par leur conseiller électoral Tal Silberstein. La première page, intitulée " La vérité sur Sebastian Kurz ", affirmait que le dirigeant de l'ÖVP était au service du milliardaire américain George Soros et qu'il avait pour projet d'ouvrir les frontières de l'Europe à une nouvelle vague de migrants islamistes. La deuxième page, " Nous sommes avec Kurz ", faisait de lui un propagateur de haine. Si le chancelier sortant a affirmé tout ignorer de cette entreprise de dénigrement, le scandale a néanmoins conduit le numéro deux des sociaux-démocrates, Georg Niedermühlbichler, à la démission.
NEOS la nouvelle Autriche, parti libéral dirigé par Matthias Strolz, a obtenu 5% des suffrages et 9 sièges. La Liste Peter Pilz, du nom de l'ancien député écologiste (il a quitté le parti le 17 juillet dernier), positionnée au centre gauche, a réussi son pari et fait son entrée au Conseil national (Nationalrat), chambre basse du parlement, avec 4,1% des voix et 8 élus. Enfin, Les Verts-L'Alternative verte (DG), présidés depuis le 19 mai dernier par Ingrid Felipe mais qui s'étaient divisés en amont du scrutin, sont évincés de cette même assemblée dans laquelle ils possédaient 24 sièges : ils ont recueilli 3,3% des voix, soit au-dessous du seuil minimum de 4% des suffrages exprimés indispensable pour être représenté à la chambre.
La participation a été supérieure de 5 points par rapport à celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 29 septembre 2013 et s'est élevée à 79,5%.

" Les électeurs nous ont accordé de grandes responsabilités. Nous devons en être conscients et nous devons également être conscients de l'espoir que nous représentons. Il y a beaucoup à faire. Il s'agit d'établir un nouveau style politique en Autriche. Je veux lutter de toutes mes forces pour apporter des changements dans ce pays " a déclaré Sebastian Kurz à l'annonce des résultats. " Nous formerons une coalition pour les cinq prochaines années avec le parti qui nous permettra d'apporter le plus de changement à ce pays ", a indiqué la secrétaire générale de l'ÖVP, Elisabeth Köstinger.
" Les Autrichiens ont peur de l'immigration et de la crise des réfugiés. Sebastian Kurz a su jouer avec ces craintes " a analysé Reinhard Heinisch, politologue de l'université de Salzbourg. " Sebastian Kurz a réussi un coup de génie à la fois tactique et stratégique. Il était le représentant d'un des deux grands partis qui ont gouverné depuis plusieurs décennies et il a quand même su représenter l'alternance " a affirmé Anton Pelinka, professeur de science politique à l'université d'Europe centrale de Budapest. " Le dirigeant libéral Heinz-Christian Strache est dans le paysage depuis onze ans et ne peut plus jouer sans arrêt la carte de la provocation. Sebastian Kurz a réussi à introduire une dose de transgression dans les débats publics sans déraper et à incarner le désir de changement " a souligné Thibault Muzergues, directeur européen de l'International Republican Institute.
Les Autrichiens sont las des gouvernements de grande coalition rassemblant l'ÖVP et le SPÖ e et tout laisse accroire que le FPÖ pourrait faire son retour au pouvoir onze années après en avoir été évincé. Une alliance entre l'ÖVP et le FPÖ semble en effet l'hypothèse la plus probable. Sebastian Kurz n'a en effet jamais caché qu'il était proche des populistes, notamment sur la question migratoire, et a déclaré durant sa campagne qu'il était prêt à s'allier avec le FPÖ pour obtenir une majorité au Parlement. " Une alliance avec l'extrême droite est la seule option alternative à une grande coalition. Une majorité à gauche du centre n'a jamais existé en Autriche " a déclaré Laurenz Ennser-Jedenastik, politologue à l'université de Vienne.
L'ÖVP a gouverné avec le FPÖ entre 2000 et 2006 sous la houlette du chancelier Wolfgang Schüssel (ÖVP). L'Union européenne avait alors imposé à l'Autriche des sanctions politiques sans précédent pour tenter d'isoler le parti populiste, dirigé à l'époque par Jörg Haider dont les membres avaient été nommés au poste de vice-chancelier, de ministre des Finances, de la Défense, des Transports et des infrastructures et des Affaires sociales ainsi que de secrétaires d'Etat à la Santé et au Tourisme. Durant sept mois, le gouvernement et les diplomates autrichiens avaient été mis au ban de l'Europe avant que les autres Etats membres constatent l'improductivité des sanctions et décident de les lever le 14 septembre 2000. Le chancelier Wolfgang Schüssel avait su transformer l'ostracisme de l'Union européenne en avantage politique, en rassemblant l'ensemble des Autrichiens derrière son gouvernement.
Le dirigeant du FPÖ Heinz Christian Strache a indiqué qu'il revendiquerait pour son parti plusieurs ministères, dont celui de l'Intérieur et des Affaires étrangères.
Né en 1986 et originaire de Vienne, Sebastian Kurz a rejoint le Parti populaire (ÖVP) à l'âge de 16 ans. En 2009, il abandonne ses études de droit pour prendre la tête de la section jeunes du parti. L'année suivante, il est élu conseiller municipal de Vienne. En avril 2011, il accède au poste de secrétaire d'Etat à l'Intégration. Il entre au Parlement à l'occasion des élections législatives du 29 septembre 2013 et est nommé ministre de l'Europe, de l'Intégration et des Affaires étrangères dans le gouvernement du chancelier Werner Faymann (SPÖ), remplacé en 2016 par Christian Kern.
A l'issue des élections législatives du 15 octobre 2017, celui que l'on surnomme parfois Milchbubi (le petit jeune) ou encore Wunderwuzzi (l'enfant prodige) devrait devenir le plus jeune chancelier de l'histoire de l'Autriche et, plus largement, le plus jeune dirigeant d'Europe.
Critique de la politique de portes ouvertes menée par la chancelière allemande Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU) en 2015 comme de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie sur les migrants, opposé à la répartition européenne des migrants et à la mise en place d'une politique d'asile au niveau communautaire, Sebastian Kurz, représentant de l'aile droite du Parti populaire (ÖVP), est favorable à un durcissement de la politique migratoire de son pays. Il a ainsi affirmé qu'il souhaitait diminuer l'aide accordée aux réfugiés. Actuellement, chaque personne qui obtient l'asile en Autriche perçoit environ 850 € par mois. Sebastian Kurz veut réduire cette aide à 560 €. Il souhaite faire cesser les migrations économiques et accroître les contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne. Il veut ainsi fermer la route des Balkans, utilisée par les migrants qui arrivent de Grèce. Il souhaite enfin clore les négociations d'adhésion avec la Turquie.
Le chef de l'Etat autrichien Alexander Van, der Bellen devrait demander, dès l'annonce des résultats définitifs, à Sebastian Kurz d'entamer des négociations en vue de former un gouvernement stable.
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