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Le parti travailliste devrait être reconduit à l'occasion des élections législatives anticipées le 3 juin prochain à Malte

Élections en Europe

Corinne Deloy

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15 mai 2017
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 1er mai dernier, le Premier ministre maltais Joseph Muscat (Parti travailliste, MLP) demandait à la présidente de la République Marie-Louise Coleiro Preca (MLP) de dissoudre la Chambre des représentants, chambre unique du parlement, et de convoquer des élections législatives anticipées.

Le Chef du gouvernement est sous le coup des attaques de la bloggeuse Daphne Caruana Galizia qui a révélé que son chef de cabinet Keith Schembri et le ministre de l'Energie Konrad Mizzi (MLP) étaient les propriétaires respectifs des entreprises Hearnville Inc et Tillgate Inc, deux sociétés panaméennes offshore, qu'ils auraient acquises à travers le cabinet d'avocats maltais Nexia BT grâce à leur confrère panaméen Mossack Fonseca, mis en cause dans le scandale des Panama Papers (le cabinet est notamment accusé d'avoir aidé des citoyens et des entreprises étrangères à frauder leurs administrations fiscales nationales).

Joseph Muscat a refusé de sanctionner les deux hommes, ce qui a attisé la colère contre lui et entraîné des milliers de personnes à manifester contre son gouvernement.

A la fin du mois d'avril, la femme du Premier ministre, Michelle Muscat, a été accusée d'être propriétaire d'une partie d'une entreprise panaméenne offshore, Egrant Inc. L'intéressée a formellement démenti ces informations. Une enquête judiciaire a été ouverte.

Détenir une entreprise offshore n'est pas illégal à Malte mais reste néanmoins vu comme une tentative d'évasion fiscale ou de blanchiment d'argent.

Le Premier ministre sortant a donc choisi de revenir devant les électeurs un peu moins d'un an avant la date prévue pour les élections législatives, par " souci de transparence " a t-il précisé. " Tout le monde connaît les attaques dont ma famille a été l'objet ces derniers jours. Je n'ai rien à redouter parce que je n'ai rien à me reprocher" a t-il déclaré le 1er mai. " Mon devoir n'est pas juste de me protéger mais de protéger également mon pays. J'aurais pu rester tranquille et attendre que mon nom soit lavé mais cela aurait été néfaste à l'économie et à l'emploi. Nous ne pouvons pas permettre que l'incertitude ralentisse le rythme du miracle économique que connaît Malte. J'ai donc pris ma décision " a t-il ajouté.

On rappellera que Malte assure jusqu'au 30 juin la présidence du Conseil de l'Union européenne

Les travaillistes sont les favoris du scrutin législatif. Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Malta Today et publiée le 7 mai, le parti du Premier ministre recueillerait 51,9% des suffrages, son adversaire nationaliste 47,5%. Les Maltais disent faire davantage confiance au chef du gouvernement sortant (41%) qu'à son rival Simon Busuttil (36,30%).

Le bilan du gouvernement travailliste de Joseph Muscat (2013-2017)

" Je ne suis pas satisfait de ce que nous avons accompli. Je suis impatient de vous conduire vers de nouveaux succès. Mon rêve pour Malte est de laisser en quittant le pouvoir ce pays dans l'état le meilleur qu'il ait jamais connu " a souligné Joseph Muscat. Le Premier ministre sortant n'hésite pas à parler de " miracle économique " lorsqu'il évoque son bilan à la tête de l'archipel. Il peut en effet s'enorgueillir de l'état des finances publiques puisque La Valette a connu en 2016 son premier excédent budgétaire (+ 1%) depuis 1981. Par ailleurs, le taux de croissance du PIB est élevé (4,5% en 2013, 3,5% en 2014, 6,2% en 2015 et 4,1% l'an passé) et le chômage à un niveau très faible (4,1%, soit le troisième plus faible de l'Union européenne après celui de la République tchèque et de l'Allemagne).

" Nous sommes ceux qui agissent quand d'autres parlent. Nous avons honoré 95% de nos promesses de 2013 : nous avons réduit les impôts, nous avons augmenté les allocations sociales, nous avons construit des crèches, nous avons donné des tablettes aux étudiants, nous avons combattu la pauvreté et nous avons traité les personnes âgées avec dignité " répète Joseph Muscat. Pour lui,, " Malte doit choisir : continuer sur la voie du succès ou rester sur le bord de la route ".

Le Parti travailliste promet de rénover l'ensemble du système routier de l'archipel, un chantier d'un coût de 700 millions € qui serait en partie financé par l'Union européenne. Il souhaite également aider les ménages qui ne disposent pas de fonds suffisants pour accéder à l'emprunt afin d'acheter leur premier bien immobilier et inscrire la protection de l'environnement dans la Constitution. Enfin, Joseph Muscat veut permettre aux Maltais de récupérer leurs jours fériés quand ceux-ci tombent à la fin de la semaine.

" Le slogan de nos adversaires est " Je choisis Malte " mais il n'a pas de sens. La question est de savoir si Malte veut être gouverné par Simon Busuttil ou par moi-même. J'ai fait des erreurs, des grandes et des petites, et j'en assume la responsabilité mais après 4 ans, le pays est en bonne santé économique " a affirmé le Premier ministre sortant.

Le Parti travailliste a choisi pour slogan électoral " Les meilleurs jours de notre pays ".

L'opposition nationaliste peut-elle revenir au pouvoir ?

" Le problème est clair, c'est la corruption. Joseph Muscat est synonyme de corruption. C'est pourquoi nous demandons sa démission et celle de tous ceux qui sont impliqués dans les affaires de corruption " répète Simon Busuttil (Parti nationaliste, PN).

Le dirigeant du Parti nationaliste et chef de l'opposition accuse le directeur de cabinet de Joseph Muscat Keith Schembri de s'être enrichi en " vendant " la nationalité maltaise. Il affirme avoir des preuves du fait que celui-ci a accepté des pots-de-vin dans une affaire de vente de passeports maltais à 3 citoyens russes.

" Les problèmes que pose la corruption ne vont pas être résolus par des élections. Joseph Muscat pense que le scrutin va agir comme une machine à laver. Vous prenez Joseph Muscat et le Parti travailliste, vous votez pour eux et ils sont blanchis" a déclaré Simon Busuttil. Par ailleurs, ce dernier s'interroge : " Que se passera-t-il quand l'enquête sera terminée et qu'il apparaîtra que Joseph Muscat ou Keith Schembri sont coupables de malversations ? Le Premier ministre démissionnera-t-il juste après avoir été réélu ? ".

De toute façon, Simon Busuttil dit ne pas croire le chef du gouvernement sortant quand celui-ci affirme qu'il démissionnera si l'enquête prouve qu'il existe un lien entre lui et sa femme d'un côté et la société offshore panaméenne Egrant Inc de l'autre. On notera que Joseph Muscat n'a pas précisé ce qu'il ferait si les soupçons pesant sur son chef de cabinet Keith Schembri étaient avérés.

" Nous voulons de nouvelles élections législatives pour que la population vive de nouveau dans le pays qu'elle mérite. Joseph Muscat veut gagner pour que Malte demeure sa propriété, nous voulons gagner pour que Malte soit véritablement le pays du peuple " a indiqué le dirigeant de l'opposition, qui présente le scrutin du 3 juin comme un choix entre Joseph Muscat et Malte, entre " la clique corrompue de l'Auberge de Castille (siège du bureau du Premier ministre) et le pays des Maltais de bonne volonté ".

Parmi les promesses du Parti nationaliste figurent la création d'un poste de magistrat spécialisé dans les affaires de corruption, la réduction des taxes des petites entreprises, la construction d'un métro dans l'archipel, la hausse du minimum vieillesse (de 22 € par semaine), la renationalisation de l'hôpital général de Gozo et la modernisation des villes de Hamrun, Marsa, Bugibba et Qwara. Par ailleurs, le parti nationaliste a choisi de s'adresser directement aux plus jeunes via un manifeste à leur intention. Ces derniers sont particulièrement nombreux à ne pas avoir encore fait leur choix pour les élections législatives ou à déclarer qu'ils ne se rendront pas aux urnes le 3 juin.

Les nationalistes font campagne avec le slogan " Je choisis Malte ".

Le Parti démocrate (PD), fondé en 2016 par Marlene Farrugia, ancienne députée du Parti travailliste, se présente comme une alternative à chacun des deux grands partis de l'archipel. Le 28 avril dernier, le Parti démocrate a néanmoins signé un accord avec le Parti nationaliste, qui stipule que les députés élus sous l'étiquette démocrate rejoindront le parti de Simon Busuttil à l'issue des élections législatives. Pour l'heure, il est difficile de dire si les Démocrates vont plutôt attirer d'anciens partisans du Parti travailliste ou bien s'ils vont grignoter l'électorat du Parti nationaliste.

Le Parti démocrate promet un remboursement d'impôts annuel (d'une somme allant entre 200 et 340 € aux 190 000 personnes qui gagnent plus de 60 000 € par an (coût de cette mesure : 46,5 millions €). Il souhaite également faire profiter les travailleurs à temps partiel et les autoentrepreneurs d'une réduction d'impôt équivalente à 10%-15% de leurs revenus et exempter d'impôt sur le revenu pendant deux ans les étudiants qui soutiendront une thèse. Le Parti démocrate promet également une hausse de 8 € par semaine du minimum vieillesse tu.

3 partis politiques devraient présenter des candidats aux élections législatives du 3 juin, soit le nombre le plus important depuis 1962 : l'Alternative démocratique (AD), parti écologiste dirigé par Arnold Cassola ; le Mouvement patriote Maltin (NPM), parti nationaliste conduit par Henry Battistino, et l'Alliance Bidla (AB), parti chrétien et eurosceptique emmené par Ivan Grech Mintoff.

Le système politique maltais

Depuis l'indépendance de Malte le 21 septembre 1964, seules deux partis politiques ont été représentés au parlement de l'archipel : le Parti travailliste (MLP), positionné à gauche sur l'échiquier politique, et le Parti nationaliste (PN), situé à droite. Les deux partis s'opposent notamment sur la question européenne, la fiscalité et les privatisations. Dans l'archipel, les divisions partisanes sont vives et la loyauté des électeurs à l'égard de leur parti est forte. Enfin, les Maltais sont, de loin, les plus nombreux des Européens à se rendre aux urnes à chaque élection.

Le parlement maltais est monocaméral. La Chambre des représentants compte 65 députés, élus au sein de 13 circonscriptions (5 députés par circonscription) pour 5 ans maximum selon un mode de scrutin complexe (scrutin plurinominal à la représentation proportionnelle appelé système de vote unique transférable) que l'île partage depuis 1921 avec seulement 2 pays : l'Irlande et l'Australie. Plusieurs réformes ont été envisagées pour simplifier ce mode de scrutin. En vain. En 1987 et 1996, plusieurs amendements ont néanmoins été votés, notamment pour assurer l'obtention d'une majorité au parti arrivé en tête aux élections.

L'électeur choisit par ordre de préférence sur la liste alphabétique des candidats ceux pour lesquels il souhaite voter. Il inscrit ainsi le chiffre 1 devant le candidat qui a sa première préférence puis 2, 3, 4, etc. devant les noms des autres candidats de la liste. La première opération du dépouillement est le calcul du quotient électoral (celui de Hagenbach-Bischoff), c'est-à-dire du nombre minimum de voix que doit obtenir un candidat pour être élu. Ce quotient correspond à l'ensemble des suffrages exprimés divisé par le nombre de sièges à pourvoir (variable selon les circonscriptions) augmenté d'une unité. Tout candidat atteignant ce nombre de voix est déclaré élu. Ses suffrages excédentaires sont alors répartis entre les candidats ayant été retenus en 2e préférence. Toute personne souhaitant se porter candidate aux élections législatives doit obtenir le soutien d'au moins 4 électeurs de sa circonscription et déposer une caution de 90 €, qui lui seront remboursés si elle recueille un nombre de suffrages supérieur au dixième du quotient électoral.

Les Maltais résidant à l'étranger doivent obligatoirement revenir sur l'archipel pour voter aux élections législatives. La compagnie aérienne Air Malta affrète d'ailleurs des vols pour leur permettre de remplir leur devoir civique.

A Malte, les dons à des partis politiques et pour des campagnes électorales sont anonymes (en Europe, seuls le Danemark et Andorre garantissent encore cet anonymat). Aucune loi n'oblige les partis politiques à rendre leurs comptes publics.

Enfin, le parlement maltais élit pour un mandat de 5 ans le président de la République de l'archipel qui dispose de peu de pouvoirs et dont la fonction est essentiellement honorifique. L'actuelle présidente, Marie-Louise Coleiro Preca (MLP), a été élue le 4 avril 2014.

2 partis politiques sont représentés dans l'actuelle Chambre des représentants :

– le Parti travailliste (MLP), parti social-démocrate créé en 1920 et dirigé par le Premier ministre sortant Joseph Muscat, compte 39 députés ;

– le Parti nationaliste (PN), parti chrétien-démocrate fondé en 1880 et emmené par Simon Busuttil, possède 30 sièges.

Tableau

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