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Analyse

Les Croates sont de nouveau convoqués aux urnes le 11 septembre prochain pour leurs premières élections législatives anticipées

Élections en Europe

Corinne Deloy

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24 août 2016
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Les Croates sont de nouveau convoqués aux urnes le 11 septembre prochain pour le...

PDF | 179 koEn français

Le 21 juin dernier, le Hrvatski Sabor, chambre unique du Parlement croate, a voté sa dissolution par 137 voix contre 2 et 1 abstention, devenue effective le 15 juillet, suite à un vote de défiance à l'encontre du gouvernement qui avait eu lieu 5 jours plus tôt : 125 des 142 députés présents, contre 15 et 2 abstentions, avaient voté en faveur de la démission du chef du gouvernement Tihomir Oreskovic, une première en Croatie. Ce vote avait été initié par le principal parti du pays, l'Union démocratique (HDZ), qui accusait le Premier ministre de déstabiliser le gouvernement par ses décisions et ses actes.

A l'issue du vote de défiance, le HDZ disposait de 30 jours pour obtenir la confiance du parlement sur le nom d'un nouveau chef du gouvernement. N'ayant pu y parvenir, la présidente de la République, Kolinda Grabar Kitarovic (HDZ), a dû convoquer, le 16 juillet dernier, des élections législatives anticipées qu'elle a fixées au 11 septembre, les premières de ce genre organisées dans le pays depuis l'indépendance en 1991. Le scrutin se déroulera donc moins d'un an après celui du 8 novembre 2015.

Selon les enquêtes d'opinion, les 2/3 des Croates demandaient des élections législatives anticipées pour sortir le pays de cette crise politique.

Sept mois de crise

L'opposition (droite) était arrivée en tête des élections législatives du 8 novembre 2015, organisées quelques mois après la victoire de Kolinda Grabar Kitarovic (HDZ) à la présidence de la République le 11 janvier 2015 avec 50,74% des suffrages contre le chef de l'Etat sortant Ivo Josipovic (SDP). La coalition Domoljubna Koalicija (Coalition patriotique), emmenée par le HDZ et rassemblant 6 autres partis, était arrivée en tête avec 33,36% des suffrages et 56 sièges. Elle avait devancé la coalition Hrvatska Raste (La Croatie grandit), conduite par le Parti social-démocrate (SDP) du Premier ministre sortant Zoran Milanovic et regroupant 5 autres partis, qui avait recueilli 33,2% des voix et ... 56 députés.

Ne disposant pas de la majorité absolue, les partis de droite avaient mené des négociations avec Most-Nezavisnih Lista (Pont-Listes indépendantes), parti fondé en 2012 par Bozo Petrov, qui avait pris la 3e place du scrutin avec 13,51% des suffrages (19 sièges). Elles ont débouché sur la formation le 22 janvier 2016 d'un gouvernement rassemblant la Coalition patriotique et Most-Nezavisnih Lista, soutenu au parlement par le parti du maire de Zagreb, Milan Bandic, appelé Milan Bandic 365 (MB 365).

Les partis s'étaient entendus pour nommer Tihomir Oreskovic, homme d'affaires croato-canadien dépourvu d'expérience politique, au poste de Premier ministre tandis que leurs dirigeants respectifs, Tomislav Karamarko et Bozo Petrov, étaient nommés vice-Premiers ministres. Le choix de certaines personnalités pour occuper des postes de ministres avait suscité la polémique. Ainsi, l'historien révisionniste, Zlatko Hasanbegovic, nostalgique de l'Etat indépendant croate (1941-1945) de l'oustachi Ante Pavelic, avait été nommé ministre de la Culture.

Sous la conduite de Tomislav Karamarko, le HDZ était devenu de plus en plus nationaliste. Une fois au pouvoir, le parti avait émis le souhait de contrôler les médias, de donner davantage de place à l'église et de remettre en cause certains droits sociaux, avait coupé les subventions attribuées à certaines institutions culturelles et ONG qualifiées de " néocommunistes " et était revenu sur le jugement porté sur les crimes du régime gouvernement oustachi durant la Seconde Guerre mondiale. En avril dernier, la communauté juive et la minorité serbe du pays avaient d'ailleurs boycotté une commémoration organisée au camp d'extermination de Jasenovac, symbole des horreurs du régime oustachi, pour protester contre une relativisation des crimes de ce dernier.

Les relations entre les deux principaux partis du gouvernement se sont. rapidement détériorées et leur alliance fragile a fini par craquer. Le gouvernement de Tihomir Oreskovic est ainsi devenu le plus court de l'histoire de la Croatie (147 jours)

La crise a véritablement été déclenchée lorsqu'au début du mois de mai dernier, l'hebdomadaire Nacional a révélé qu'Ana Saric Karamarko, épouse du dirigeant du HDZ, propriétaire d'une agence de communication, avait touché, entre 2013 et 2015, 60 000 € du lobbyiste Josip Petrovic qui travaillait pour la compagnie pétrolière hongroise MOL, alors en discussion pour la privatisation de la compagnie pétrolière et gazière croate INA. Au cours des dernières années, la Croatie avait tenté d'augmenter la part qu'elle détenait dans cette société (actuellement 44,8%) dont Budapest contrôle 49%. En 2014, le gouvernement croate avait demandé un arbitrage international contre MOL pour tenter d'annuler un accord de 2009 qui autorisait la compagnie hongroise à devenir l'actionnaire majoritaire d'INA.

Vers un retour des sociaux-démocrates au pouvoir ?

Le HDZ se présente seul aux élections du 11 septembre, le ministre des Finances sortant Zdravko Maric (indépendant) est son candidat au poste de chef du gouvernement. Le 21 juin dernier, le HDZ a élu un nouveau dirigeant en la personne d'Andrej Plenkovic, député européen plus modéré que son prédécesseur. " La Croatie a besoin d'une nouvelle approche, d'un programme politique moderne et d'effectuer un demi-tour stratégique " a t-il indiqué après avoir été élu.

" Le déplacement du HDZ vers le centre constitue un revers pour le populisme de droite en Europe centrale et orientale " affirme le professeur de philosophie politique de l'université de Zagreb Zarko Puhovski. " La tendance illibérale qui existe en Hongrie et en Pologne n'a pas pris en Croatie " a t-il indiqué.

De son côté, le SDP s'est allié à 3 autres partis (le Parti populaire (HNS) d'Ivan Vrdoljak, le Parti paysan (HSS) dirigé par Kreso Beljak et le Parti des retraités (HSU) conduit par Silvano Hrelja) au sein de la Coalition du peuple. " Notre coalition rassemble toutes les personnes favorables à une Croatie de progrès " a souligné l'ancien Premier ministre (2011-2016) Zoran Milanovic qui a précisé que " Le travail et l'éducation constituent les deux priorités de la Coalition du peuple ".

La coalition pourrait arriver en tête des élections, car les électeurs pourraient vouloir " punir " le HDZ, mais elle aura besoin de s'appuyer sur un partenaire pour obtenir la majorité absolue nécessaire pour gouverner. Tihomir Cipek, professeur de science politique de l'université de Zagreb, pense que les sociaux-démocrates vont tenter de former une coalition avec des partis représentant des minorités ethniques et éviter de s'allier avec Most.

" Most-Nezavisnih Lista va devoir changer de stratégie et de tactique par rapport aux précédentes élections où le parti se disait ni de droite ni de gauche mais pour la mise en œuvre des réformes, un discours qui lui permettait d'attirer les électeurs de droite comme de gauche " affirme Berto Salaj, politologue de l'université de Zagreb. Most-Nezavisnih Lista, qui est sans doute moins un parti qu'un rassemblement d'opposants au règne des 2 principaux partis que sont le HDZ et le SDP, pourrait néanmoins récupérer une partie des électeurs du HDZ le 11 septembre prochain.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut CRO Demoskop et publiée au début du mois d'août, le SDP arriverait en tête le 11 septembre prochain avec 34,4% des suffrages devant le HDZ qui recueillerait 26,4%. Most-Nezavisnih Lista obtiendrait 10,4% et Zivi zid (Bouclier humain, ZZ), conduit par Ivan-Vilibor Sincic, 6,4%.

Dans ces conditions, la constitution d'une majorité sera difficile à obtenir si Most-Nezavisnih Lista ou Zivi zid (et les autres) ne rejoignent pas l'un des 2 " grands " partis. Celle-ci est pourtant indispensable pour que les Croates puissent disposer d'un gouvernement stable, capable de travailler à l'amélioration de la situation économique et politique du pays.

Le système politique croate

Le parlement croate est monocaméral depuis 2001, année de la suppression de la Chambre des comitats. Le Hrvatski Sabor compte environ 150 députés. Leur nombre varie en effet selon les législatures ; il ne peut cependant être inférieur à 100 ou supérieur à 160. Les députés sont élus tous les 4 ans au scrutin proportionnel au sein de 10 circonscriptions, chacune d'entre elles élisant 14 personnes.

La 11e circonscription qui rassemble les Croates vivant à l'étranger (et qui possèdent une résidence dans le pays) a élu 3 députés lors des dernières élections législatives du 8 novembre 2015. Le vote des Croates de l'étranger est traditionnellement favorable au HDZ mais l'influence de la diaspora sur le résultat des élections est faible. La 12e circonscription désigne les députés représentant les minorités nationales (3 pour les Serbes, 1 pour les Italiens, 1 pour les Hongrois, 1 pour les Tchèques et les Slovaques, 1 pour les Albanais, les Bosniens, les Macédoniens, les Monténégrins et les Slovènes et 1 pour les Autrichiens, les Bulgares, les Allemands, les Juifs, les Polonais, les Roms, les Roumains, les Russes, les Ruthènes, les Ukrainiens et les Valaques, soit 8 au total)

Un parti politique doit obtenir au minimum 5% des suffrages pour être représenté au parlement. La distribution des sièges se fait selon la méthode d'Hondt.

Sont actuellement représentés au Hrvatski Sabor :

• la Coalition Domoljubna Koalicija (Coalition patriotique), qui rassemble l'Union démocratique (HDZ), fondé en 1989 et dirigé depuis le 21 juin dernier par Andrej Plenkovic, le Parti paysan (HSS) emmené par Kreso Beljak, le Parti des droits-Dr Ante Starcevic (HSP-AS) conduit par Ivan Tepes, le Bloc des retraités (BUZ), le Parti social libéral (HSLS), le Parti de la croissance (HRAST) et le Parti chrétien démocrate (HDS), possède 56 sièges ;

• la coalition Hrvatska Raste (La Croatie grandit), qui regroupe le Parti social-démocrate (SDP), créé en 1990 et dirigé par Zoran Milanovic, le Parti populaire-Libéraux démocrates (HNS) de centre-gauche, fondé en 1990 et conduit par Ivan Vrdoljak, le Parti des retraités (HSU) fondé en 1996 et emmené par Silvano Hrelja, les Travaillistes-Parti du travail (HL-SR) de Tomislav Koncevski, le Parti paysan autochtone et le Parti Zagorje (région du nord-est du pays), compte 56 députés ;

• Most-Nezavisnih Lista (Pont-Listes indépendantes), parti fondé en 2012 par Bozo Petrov, possède 19 sièges ;

• la Coalition Notre droit compte 3 députés ;

• la Coalition du travail et de la solidarité possède 2 sièges ;

• l'Alliance démocratique de Slavonie et Baranja (HDSSB), parti de droite, fondé en 2006 et dirigé par Dragan Vulin, compte 2 députés ;

• Zivi zid (Bouclier humain, ZZ), conduit par Ivan-Vilibor Sincic qui avait créé la surprise en prenant le 28 décembre 2014 la troisième place du premier tour de l'élection présidentielle avec 16,42% des suffrages en se présentant comme un candidat anarchiste, possède 1 siège ;

• la Coalition La Croatie victorieuse compte 1 député.

Rappel des résultats des élections législatives du 8 novembre 2015 en Croatie

Source : http://www.izbori.hr/140zas/rezult/1/nrezultati.html

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