Analyse
Élections en Europe
Corinne Deloy
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Le 12 septembre dernier, le ministre autrichien de l'Intérieur, Wolfgang Sobotka (Parti populaire, ÖVP), annonçait que le " troisième tour " inédit de l'élection présidentielle initialement prévu le 2 octobre était repoussé au 4 décembre en raison de problèmes apparus sur les enveloppes (ces dernières fermaient mal et une enveloppe mal fermée invalide le vote) qui avaient commencé à être distribués aux électeurs souhaitant voter par correspondance. Ces derniers représentaient 16,70% des électeurs lors du 2e tour (invalidé) de l'élection présidentielle du 22 mai.
Le 22 mai dernier, Alexander Van der Bellen (Les Verts, DG) était sorti victorieux du 2e tour de scrutin avec 30 863 voix d'avance sur son concurrent Norbert Hofer (Parti libéral, FPÖ) qui avait contesté les résultats.
Le 1er juillet, après avoir auditionné 90 personnes sur deux semaines, la Cour constitutionnelle a invalidé le 2e tour du scrutin présidentiel indiquant que s'il n'existait aucune preuve de fraude électorale, des irrégularités avaient entaché le scrutin. Celles-ci ont été observées dans 94 des 117 circonscriptions électorales, sur 77 926 bulletins des votes par correspondance, qui ont été dépouillés en dehors des heures légales et dans 14 circonscriptions, sans la présence de scrutateurs assermentés, une pratique habituelle et qui a toujours été tolérée. Le dépouillement de ces bulletins était en effet autorisé seulement le lendemain du scrutin, soit le 23 mai, à partir de 9h. Gerhart Holzinger, président de la Cour, a déclaré que la publication des résultats des votes par correspondance le jour même de l'élection allait à l'encontre du principe de la liberté. " Il n'est pas exclu que la transmission des résultats à certaines personnes ait une influence sur le comportement des électeurs. Et ce d'autant plus que les technologies de communication actuelles rendent possibles une large diffusion dans l'ensemble du pays " a-t-il souligné. La Cour constitutionnelle n'a donc pas eu d'autre choix que d'annuler le 2e tour de l'élection présidentielle et de demander l'organisation d'un nouveau scrutin.
A l'issue du 2e tour de scrutin, le gouvernement conduit par Christian Kern (SPÖ) et qui rassemble le Parti social-démocrate et le Parti populaire (ÖVP) s'est prononcé pour une réforme qui rendrait possible le dépouillement des votes par correspondance le jour même du scrutin. Le Parti libéral (FPÖ) a réclamé un changement des modalités du vote par correspondance, demandant que seuls les Autrichiens présents à l'étranger le jour de l'élection puissent voter de cette façon et non plus les électeurs séjournant hors de leur circonscription.
Le mandat du chef de l'Etat sortant Heinz Fischer s'est achevé le 8 juillet dernier. Son fauteuil est désormais occupé par 3 personnes qui assurent l'intérim de la fonction présidentielle : la présidente du Conseil national, chambre basse du Parlement, Doris Bures (SPÖ) et ses deux vice-présidents que sont Karlheinz Kopf (ÖVP) et Norbert Hofer (FPÖ) !
Le président de la République autrichien prendra ses fonctions le 26 janvier 2017, date fixée de façon à offrir un délai suffisant à l'instruction d'un éventuel nouveau recours en annulation.
Le 2e tour de l'élection présidentielle du 22 mai dernier avait accouché d'un pays divisé : d'un côté, les Autrichiens les plus diplômés, urbains et vivant dans le Sud-Est du pays, qui ont majoritairement voté pour Alexander Van der Bellen et de l'autre, les électeurs les moins éduqués, ruraux et résidant dans le Nord-Ouest du pays, dont la plupart ont accordé leurs suffrages à Norbert Hofer.
Si l'immigration a constitué le thème principal de la campagne électorale du printemps dernier, l'Union européenne pourrait bien être le nouveau. Le Parti libéral (FPÖ) est eurosceptique et favorable à l'organisation d'un référendum sur l'appartenance de l'Autriche à l'Union en cas d'adhésion de la Turquie. " Le FPÖ flirte depuis des années avec une sortie de l'Union européenne et de l'euro " a souligné Alexander Van der Bellen.
Dans un entretien qu'il a donné au journal Österreich le 13 août dernier, Norbert Hofer, qui a voté contre l'intégration européenne de l'Autriche en 1994, a indiqué qu'il recourrait au référendum si l'Union européenne évoluait dans la mauvaise direction vers davantage de centralisme et si Vienne se voyait privée de ses pouvoirs au bénéfice de fonctionnaires de Bruxelles. Le mois précédent, il avait affirmé au quotidien Die Presse : " Je ne veux pas que l'Autriche sorte de l'Union européenne car ce serait une erreur ". Le candidat populiste sait que la majorité des Autrichiens restent opposés à ce que leur pays imite le Royaume-Uni et quitte l'Union européenne. Selon une enquête d'opinion publiée le 8 juillet dernier dans le journal Österreich, 52% d'entre eux sont contre une telle décision, 30% pour et 18% indécis. Six Autrichiens sur dix (60%) se déclarent opposés à l'organisation d'un référendum sur cette question.
" Norbert Hofer a quitté le champ extrémiste. Il a abandonné la dialectique anti-Union européenne, une vague d'analyses lui ayant permis de mesurer combien les Autrichiens redoutent une sortie de l'Union sur le modèle du Brexit " a indiqué Patrick Moreau, politologue et historien.
Soucieux d'apaiser les craintes qu'il pourrait susciter, Norbert Hofer a déclaré qu'il était favorable à la démolition de la maison natale d'Adolf Hitler, située dans le centre de Braunau-sur-Inn, près de la frontière avec l'Allemagne.
Les enquêtes d'opinion donnent les deux candidats au coude-à-coude et l'issue du scrutin demeure donc très incertaine.
Pour Peter Filzmaier, professeur de science politique à l'université du Danube à Krems et à l'université de Graz, l'élection sera déterminée par la mobilisation. " Une participation plus élevée que la moyenne servira plutôt les intérêts du candidat du FPÖ, Norbert Hofer, car cela signifierait qu'il aura réussi à convaincre ses partisans d'aller voter alors qu'ils ont tendance à juger inutile le poste de président de la République " a t-il indiqué. On rappellera qu'en décembre 2009, le dirigeant du FPÖ, Heinz-Christian Strache, avait évoqué l'éventualité d'une abolition de la fonction présidentielle en Autriche.
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