Analyse
Élections en Europe
Corinne Deloy
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Le 5 mars prochain, 4,4 millions de Slovaques sont appelés aux urnes pour renouveler les 150 membres du Conseil national de la République, chambre unique du Parlement. Environ 250 000 d'entre eux résidant à l'étranger sont également concernés par ce scrutin. Lors du précédent scrutin législatif le 10 mars 2012, seuls 7 051 d'entre eux avaient rempli leur devoir civique.
23 partis, soit -3 par rapport à 2012, sont en lice pour les élections du 5 mars prochain.
La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Ako crédite Direction-Démocratie sociale (SMER-SD) du Premier ministre Robert Fico d'une large avance sur ses rivaux : 40,7% des suffrages. Le parti gouvernemental est suivi par plusieurs partis d'opposition qui obtiennent tous moins de 10% des voix et ne sont pas parvenus à s'unir pour faire barrage au chef du gouvernement sortant. Le SIET (Réseau) recueille 8,1% des suffrages ; Most-Hid obtient 7,9% des voix et le Parti national (SNS), 7,4%. Ces trois partis sont suivis par Liberté et solidarité (SaS), qui recueille 6,2% des suffrages ; le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (OL'aNO), qui obtient 5,7% des voix, et le Parti chrétien-démocrate (KDH), 5,6%.
Les réfugiés au secours de Robert Fico
Le Premier ministre sortant Robert Fico s'est très tôt opposé à l'engagement pris par Bruxelles de relocaliser 160 000 réfugiés de Syrie, d'Irak et d'Erythrée au sein des 28 Etats membres. Il refuse que son pays accueille une partie des réfugiés et est favorable à un plus strict contrôle des frontières, une position qui est approuvée par 89% de ses compatriotes selon les enquêtes d'opinion. Le chef du gouvernement a affirmé que "si l'on accepte les réfugiés, on se retrouvera ensuite avec un demi fou qui atteint 30% de suffrages comme à Banska Bystrica", faisant allusion à Marian Kotleba, dirigeant du parti d'extrême-droite, le Parti populaire Notre Slovaquie (ĽSNS), qui a été élu en novembre 2013 président de la région de Banska Bystrica. "Mes priorités ne sont pas les droits des migrants mais les citoyens slovaques et leur sécurité" a déclaré Robert Fico dans l'émission V politike (En politique) lors d'un débat sur la chaîne de télévision TA3.
Le chef du gouvernement a même déposé plainte contre la décision du Conseil européen de relocaliser les réfugiés devant la Cour de justice de l'Union européenne. Rappelons que Bratislava prendra le 1er juillet prochain la présidence du Conseil de l'Union.
Mais la principale crainte que Robert Fico met en avant est celle de la menace terroriste que, selon lui, représentent les réfugiés. Il a d'ailleurs décidé de faire surveiller chaque musulman que compte le pays. Ceux-ci représentent 1% de la population slovaque et sont principalement des descendants de Bosniaques. La Slovaquie compte également quelques Irakiens et quelques Libyens. Souhaitant exploiter la question des réfugiés au maximum, Direction-Démocratie sociale a changé son slogan de campagne : "Protéger les Slovaques".
La Fondation des musulmans de Slovaquie s'est déclarée choquée des propos du Premier ministre et de la surveillance qu'il veut instaurer sur chaque musulman du pays. "Il insinue qu'une partie des citoyens du pays représentent une menace, pas parce qu'ils auraient fait l'objet d'une décision de justice ou d'une plainte auprès des services de police mais en se fondant sur leur seule foi" peut-on lire sur le site internet de l'organisation.
"Parler de culpabilité collective, cataloguer les gens selon leur religion n'est pas la bonne façon d'accroître la sécurité d'un pays" a souligné le président de la République Andrej Kiska (indépendant). "Encourager la peur et la haine est exactement ce à quoi les terroristes veulent nous voir arriver" a-t-il ajouté.
Pas de doute, les réfugiés constituent un thème fortement mobilisateur pour Direction-Démocratie sociale, c'est pourquoi Robert Fico fait tout pour que cette question, et plus largement celle de l'immigration, reste au cœur des débats. "Sur ce sujet, le Premier ministre apparaît comme le plus compétent" affirme Martin Slosiarik, sociologue et directeur de l'institut d'opinion Focus.
Le bilan de Robert Fico
Le Premier ministre sortant fait campagne sur le bilan de ses quatre années à la tête du pays. Il affirme avoir consolidé les finances publiques du pays, soutenu la croissance et réduit le chômage (celui-ci est passé de 13,8% en 2012 à 10,6%) Il s'enorgueillit également du fait que la Slovaquie soit l'un des Etats les plus faiblement endettés de la zone euro : la dette du pays représentait 53,6% de son PIB en 2015 pour plus de 85% en moyenne de l'Union européenne. Robert Fico a pris plusieurs mesures, toujours bienvenues à la veille de nouvelles élections : baisse de la TVA (de 20% à 10%) sur certains produits alimentaires (pain, lait, beurre, certaines viandes et certains poissons) ; gratuité des voyages en train pour les enfants, les étudiants et les retraités ; baisse des prix des services bancaires et versement d'une nouvelle aide financière aux familles avec enfants.
Robert Fico a indiqué que le salaire minimum, qui a déjà été augmenté en 2014 et 2015, le serait de nouveau et que la TVA pourrait être abaissée sur de nouveaux produits alimentaires s'il conservait son poste à la tête du gouvernement. "Nous voulons que l'Etat partage ses richesses avec les citoyens" a-t-il souligné. Il a également déclaré : "Nous sommes un gouvernement social-démocrate. Pour nous, le développement de l'Etat social et de l'économie de marché doivent aller de pair". Cependant, Direction-Démocratie sociale se bat moins sur son programme que sur la garantie de stabilité et de sécurité qu'il dit incarner. Le parti met en avant les tensions - réelles - existant entre les partis de l'opposition et le fait que lui seul peut garantir que les conflits ne viendront pas troubler le travail du gouvernement.
Une opposition extrêmement fragmentée
L'opposition de droite est, en Slovaquie, extrêmement fragmentée. Pas moins de 6 partis la représentent. Plusieurs d'entre eux ont à diverses reprises tenté de s'unir, en vain. Après les précédentes élections législatives du 10 mars 2012, le Mouvement chrétien-démocrate, Most-Hid et l'Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique s'étaient rassemblés au sein de la Plateforme populaire. De nombreux conflits et la défaite de leur candidat à l'élection présidentielle, Pavol Hrusovsky (KDH), arrivé troisième du premier tour du 15 mars 2014 avec 21,25% des suffrages, ont conduit à la dissolution de la Plateforme au printemps 2014.
L'Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique s'est alors scindée, donnant naissance à 2 partis : l'Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique, conduite par Pavol Fresco, et Prospérité de la Slovaquie, dirigée par Ludovit Kanik.
Dans la perspective des élections législatives du 5 mars, le Parti chrétien-démocrate, Most-Hid et SIET (Réseau), parti centriste fondé par Radoslav Prochazka, ont tenté de s'allier mais ne sont pas parvenus à s'entendre. "Nous voyons une alternative à un gouvernement dirigé par la seule Direction-Démocratie sociale dans l'alliance de Most-Hid, le Mouvement chrétien-démocrate et SIET, partis dont les programmes sont proches et qui partagent les mêmes valeurs. Ces partis pourraient ensemble former un gouvernement stable" avait déclaré Bela Burgar, dirigeant de Most-Hid,
Le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (OL'aNO) de Igor Matovic et NOVA, parti libéral conduit par Daniel Lipsic, se sont rapprochés en juin 2015. Ils se présentent aux élections législatives comme un seul parti et non en coalition, n'étant pas assurés d'atteindre 7% de suffrages exprimés indispensables à une coalition.
"Trop de personnes veulent jouer premier violon" affirme Pavel Haulik de l'institut d'opinion MVK. Par ailleurs, l'opposition peine à imposer ses thèmes de campagne et à offrir un véritable programme alternatif à la politique menée par Robert Fico. Celui-ci a alors beau jeu de répéter que si elle arrivait au pouvoir, la droite annulerait les réformes qu'il a mises en place et baisserait le salaire minimum, augmenterait le prix de l'énergie, supprimerait la gratuité des voyages pour les enfants, les étudiants et les retraités, etc.
Le système politique slovaque
Le Conseil national de la République (Narodna rada Slovenskej republiky) comprend 150 membres élus pour 4 ans au scrutin proportionnel sur des listes bloquées au sein d'une seule circonscription nationale. Chaque électeur exprime 4 votes préférentiels pour les candidats d'une même liste. La répartition des sièges se fait selon le système de Hagenbach-Bischoff. Tout parti doit recueillir au moins 5% des suffrages exprimés pour être représenté au parlement ; une coalition, 7% (10% si elle réunit 4 partis ou plus).
Afin de pouvoir se présenter aux élections, tout parti ou mouvement doit déposer une caution d'environ 15 000 € (qui lui sera restituée s'il recueille au moins 2% des suffrages exprimés) et rédiger une déclaration certifiant qu'il compte au moins 10 000 membres. Si ses effectifs sont inférieurs à ce nombre, un parti peut néanmoins déposer une pétition de soutien contenant un nombre de signatures lui permettant de l'atteindre. Les partis ayant obtenu plus de 3% des voix lors du précédent scrutin législatif ont droit à une subvention d'Etat.
Les candidats aux élections doivent être âgés d'au moins 21 ans et résider de façon permanente en Slovaquie. Enfin, une nouvelle loi limite les dépenses de campagne à 2 millions €.
6 partis politiques sont représentés dans l'actuel Conseil national de la République:
– Direction-Démocratie sociale (SMER-SD), parti social-démocrate créé le 29 octobre 1999 et dirigé par le Premier ministre sortant Robert Fico, possède 83 sièges ;
– le Mouvement chrétien-démocrate (KDH), parti fondé en février 1990 et conduit par Jan Figel, compte 16 députés ;
– le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (OL'aNO), parti de droite créé en octobre 2011 et dirigé par Igor Matovic, possède 16 sièges
– Most-Hid (qui signifie "pont"), parti libéral fondé le 30 juin 2009 par des membres du Parti de la coalition hongroise (SMK-MKP) et conduit par Bela Burgar, compte 13 députés ;
– l'Union démocratique et chrétienne-Parti démocratique (SDKU-DS), créée en 2000 et dirigée par Pavol Freso, possède 11 sièges;
– Liberté et solidarité (Sloboda a Solidarita, SaS), parti libéral fondé en février 2009 par son actuel dirigeant, l'économiste et père de l'impôt à taux unique en Slovaquie, Richard Sulik, compte 11 députés.
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