Analyse

Le président de la République sortant Bronislaw Komorowski est le grand favori de l'élection présidentielle en Pologne

Élections en Europe

Corinne Deloy

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13 avril 2015
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 10 mai prochain, les Polonais se rendront aux urnes pour le 1er tour de l'élection présidentielle. Si aucun des 11 candidats en présence ne parvient alors à obtenir la majorité absolue, un 2e tour sera organisé deux semaines plus tard, soit le 24 mai. Le principal parti d'opposition, Droit et justice (PiS), a critiqué les dates choisies pour le scrutin : en effet, le 1er tour aura lieu deux jours après les commémorations du 70e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale (une cérémonie internationale est organisée à Gdansk le 8 mai en présence du chef de l'Etat sortant Bronislaw Komorowski (Plateforme civique, PO).

Cette élection présidentielle prend une importance particulière dans la perspective du scrutin parlementaire qui aura lieu en Pologne, probablement en octobre prochain. La campagne pour ces élections débutera d'ailleurs le lendemain de la désignation du président de la République.

Selon toutes les enquêtes d'opinion, le chef de l'Etat sortant Bronislaw Komorowski devrait être élu pour un 2e mandat en mai prochain. Le dernier sondage réalisé par l'institut IBRiS pour le quotidien Rzeczpospolita et publié le 30 mars dernier le crédite de 41% des suffrages au 1er tour de scrutin devant Andrzej Duda (Droit et justice, PiS), qui recueillerait 27% des voix. La candidate de gauche Magdalena Ogorek, Janusz Korwin-Mikke (Coalition pour la restauration de la liberté et de l'espoir de la République, KORWiN) et Adam Jarubas (Parti populaire, PSL) obtiendraient chacun 5% des suffrages. Environ 11% des personnes interrogées déclarent ne pas avoir encore fait leur choix pour l'élection présidentielle.

11 personnes sont officiellement candidates au scrutin présidentiel :

– Bronislaw Komorowski (Plateforme civique, PO), chef de l'Etat sortant ;

– Andrzej Duda (Droit et justice, PiS), député européen ;

– Magdalena Ogorek, soutenue par l'Alliance de la gauche démocratique (SLD), historienne (spécialiste de l'histoire de l'église catholique), journaliste et actrice. Elle a également travaillé pour diverses institutions dont la Banque centrale polonaise ;

– Janusz Palikot (Ton mouvement, TR), homme d'affaires libéral et anticlérical, élu député lors des dernières élections parlementaires du 9 octobre 2011, mandat dont il a depuis démissionné ;

– Adam Jarubas (Parti populaire, PSL), vice-président et maréchal (président de la région) de la voïvodie de Sainte-Croix ;

– Janusz Korwin-Mikke (Coalition pour la restauration de la liberté et de l'espoir, Koalicja Odnowy Rzeczypospolitej Wolność i Nadzieja, KORWiN), député européen et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle des 20 juin et 4 juillet 2010 sous l'étiquette de Liberté et règne du droit (2,48% des suffrages au 1er tour) ;

– Grzegorz Braun, écrivain, journaliste et documentariste ;

– Marian Kowalski (Mouvement national, RN), candidat nationaliste et eurosceptique ;

– Pawel Tanajno (Démocratie directe, DB), homme d'affaires, ancien membre de la Plateforme civique ;

– Jacek Wilk (Congrès de la nouvelle droite, KNP), avocat ;

– Pawel Kukiz, candidat indépendant, chanteur de rock, acteur et député régional de Basse-Silésie. Il condamne la similitude existant selon lui entre la Plateforme civique et Droit et justice et veut "rendre l'Etat aux citoyens".

Bronislaw Komorowski vers un deuxième mandat

Le président sortant Bronislaw Komorowski a annoncé qu'il était candidat à sa propre succession le 6 février dernier. Il a affirmé que la satisfaction exprimée par ses compatriotes à l'égard de son 1er mandat (70% des Polonais se déclarent satisfaits de l'action du chef de l'Etat) et le taux de confiance élevé dont il jouit dans les enquêtes d'opinion - même si certains analystes considèrent qu'il a été le dirigeant polonais le plus passif depuis 1989 - l'avaient décidé à se représenter.

Bronislaw Komorowski a fait de la sécurité le coeur de sa campagne électorale. Ancien ministre de la Défense (2000-2001), il aime à affirmer que le président de la République doit posséder les compétences et l'expérience nécessaires pour assumer la direction des forces armées. "Un conflit se déroule sur notre frontière orientale, il est de notre responsabilité de tenter d'empêcher qu'éclate une véritable guerre civile et le chef de l'Etat a sur ce point un rôle crucial à jouer" a-t-il déclaré. Il a promis d'œuvrer en faveur de la compétitivité et de lutter contre la crise démographique que connaît la Pologne ; il a présenté un programme centré sur la politique familiale, le développement des zones rurales, le droit du travail et la fiscalité. Il est favorable à l'adoption rapide de la monnaie unique par son pays, une action qu'il juge "stratégique".

La candidate de la gauche Magdalena Ogorek est également favorable à l'euro tandis que le principal rival du président sortant Andrzej Duda comme son parti y a toujours été opposé. Selon lui, le zloty a préservé la Pologne de la crise économique et le chef de l'Etat ne doit pas être "celui qui abandonne la souveraineté du pays en liquidant la monnaie nationale". Andrzej Duda, qui souhaite qu'un débat sur la monnaie unique soit organisé en amont du scrutin du 10 mai, a d'ailleurs affirmé que s'il remportait l'élection présidentielle, Varsovie ne rejoindrait pas la zone euro.

La présidence de la République est, en Pologne, un poste conçu pour une personnalité à la fois connue et expérimentée. Dans le contexte actuel, Bronislaw Komorowski est le seul à posséder une envergure d'homme d'Etat. De nombreux analystes politiques considèrent d'ailleurs que le chef de l'Etat sortant pourrait être élu dès le 1er tour de scrutin, ce qui constituerait alors un tremplin pour son parti à quelques mois des élections parlementaires. Le chef de l'Etat sortant pourrait cependant pâtir quelque peu de la lassitude des électeurs à l'égard de la Plateforme civique, au pouvoir depuis 2007.

Le 16 juin 2014, l'hebdomadaire Wprost publiait des enregistrements révélant qu'un accord avait été conclu en 2011 entre le ministre de l'Intérieur de l'époque, Bartlomiej Sienkiewicz, et le président de la Banque centrale polonaise, Marek Belka, dans lequel ce dernier s'engageait à soutenir la politique économique du gouvernement de Donald Tusk si le Premier ministre acceptait de se séparer de son ministre des Finances, Jacek Rostowski. Quelques jours plus tard, Wprost publiait un nouvel enregistrement dans lequel on entendait selon toute vraisemblance le ministre des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski affirmer à un interlocuteur, probablement l'ancien ministre des Finances Jacek Rostowski, que l'alliance de Varsovie avec Washington "ne vaut rien, elle est même nuisible, car elle offre à la Pologne un faux sentiment de sécurité". Ces révélations avaient fait scandale en Pologne et déstabilisé le gouvernement de Donald Tusk qui avait dû se soumettre à un vote de confiance, qu'il avait finalement remporté le 25 juin par 237 voix contre 203.

Plus récemment, le gouvernement, désormais dirigé par Ewa Kopacz, a dû affronter le mécontentement d'une grande partie des Polonais après l'annonce par le gouvernement le 8 janvier d'un plan de restructuration des mines de charbon qui prévoyait la fermeture de quatre d'entre elles en Silésie (Sud), principale région minière du pays. Après plusieurs jours de grève, syndicats et gouvernement sont parvenus à un accord prévoyant le maintien en activité des mines de l'Etat. Le gouvernement a retiré son plan le 17 janvier, le lendemain de son adoption par le parlement. Les mines emploient 100 000 personnes.

Les autres candidats en lice

Le 11 novembre dernier, le dirigeant du PiS, l'ancien Premier ministre (2006-2007) Jaroslaw Kaczynski, a annoncé qu'il renonçait à se présenter de nouveau à l'élection présidentielle et a appelé à soutenir la candidature d'Andrzej Duda. Ce dernier promet d'être un président actif et de travailler à améliorer le dialogue social. Il a fait de l'abandon de la réforme des retraites (qui élève l'âge de fin d'activité à 67 ans) par le gouvernement d'Ewa Kopacz le point central de son programme. Il reproche également à Bronislaw Komorowski de ne pas s'être suffisamment opposé au gouvernement d'Ewa Kopacz. "Le président de la République parle de conciliation, dommage qu'il ne l'ait pas recherchée. Il aurait dû par exemple œuvrer pour un accord entre le gouvernement et les mineurs ou au moins jouer un rôle d'arbitre dans le conflit" a déclaré Andrzej Duda.

Le résultat du principal candidat de l'opposition le 10 mai dépendra fortement de celui des "petits" candidats. En effet, si ces derniers parviennent à séduire un grand nombre d'électeurs, le PiS sera affaibli à quelques mois des élections parlementaires.

Magdalena Ogorek, qui n'a aucune affiliation partisane, se veut la candidate de la gauche polonaise. Le président du SLD, Leszek Miller, voit en elle un "symbole d'ouverture de la politique à la nouvelle génération". Magdalena Ogorek souhaite une augmentation des salaires et des pensions de retraite, l'accès de tous à l'éducation, à la santé et au logement, la réduction des impôts pour les plus pauvres, des contrats de travail et la fin des stages non rémunérés pour les jeunes. Elle demande une simplification des formalités administratives pour les entrepreneurs. Elle n'a en revanche pas détaillé la façon dont elle agirait pour atteindre ses objectifs pas plus que la façon dont elle comptait les financer. Elle affirme également que son pays n'est pas l'ennemi de la Russie et dénonce l'attitude hostile du gouvernement d'Ewa Kopacz à l'égard de Moscou. Elle affirme que le SLD condamne l'attitude de la Russie en Ukraine mais souhaite que Varsovie et Moscou dialoguent. "Je n'aurai pas peur de répondre aux messages de Vladimir Poutine et je décrocherai le téléphone s'il m'appelle. La Russie est et demeurera notre voisin" a-t-elle indiqué.

La candidate de la gauche, souvent moquée en raison de son nom qui, en polonais, signifie concombre, reproche au président sortant Bronislaw Komorowski, le coût de son 1er mandat.

La fonction présidentielle en Pologne

Principalement honorifique, le rôle du chef de l'Etat polonais est cependant non négligeable. Elu pour 5 ans, celui-ci dispose d'un droit de veto que la Diète, Chambre basse du parlement, ne peut rejeter qu'à la majorité des 3/5e des voix, un vote qui doit en outre intervenir en présence d'au moins la moitié des députés. Le président de la République peut décider seul de la tenue d'un référendum, une procédure toutefois peu utilisée en raison des faibles taux de participation habituellement enregistrés dans le pays pour les consultations électorales.

Le Président polonais est le chef des forces armées ; il ratifie les accords internationaux, nomme, révoque les ambassadeurs et enfin exerce un droit de grâce par lequel il peut casser les décisions en appel des tribunaux. En vertu de la Constitution, il ne peut effectuer plus de deux mandats consécutifs.

Tout candidat à la fonction présidentielle doit être âgé d'au minimum 35 ans. Pour se présenter au scrutin, il doit recueillir 1 000 signatures d'électeurs qu'il présentera à la Commission électorale polonaise. Sa candidature ne sera enregistrée qu'après le dépôt de 100 000 signatures de votants.

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