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Sans surprise, le Premier ministre sortant Viktor Orban remporte les élections législatives en Hongrie

Élections en Europe

Corinne Deloy

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7 avril 2014
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Comme attendu, l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPP) a remporté les élections législatives le 6 avril 2014 en Hongrie. Elle a recueilli 44,54% des suffrages (résultat du seul scrutin proportionnel), devançant l'Alliance pour un changement de gouvernement, formée de 4 partis de gauche qui a obtenu 25,99% des voix. Le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik Magyarorszagert Mozgalom), parti d'extrême droite dirigé par Gabor Vona, a recueilli 20,54% des suffrages. Enfin, Faire de la politique autrement (LMP), parti écologiste libéral d'Andras Schiffer et Bernadett Szel, sera représenté à l'Orszaggyules, chambre unique du parlement, ayant obtenu 5,26% des voix.

Les élections législatives du 6 avril étaient les premières à avoir lieu avec la nouvelle loi électorale votée le 26 novembre 2012 par le gouvernement de Viktor Orban. Le système de report de voix du nouveau mode de scrutin favorise le parti arrivé en tête. "Avec ce nouveau système électoral, la FIDESZ peut désormais remporter la majorité des2/3 des élus au parlement avec seulement la moitié des suffrages du vote proportionnel" avait souligné Robert Laszlo du think tank Political Capital.

De même, pour la première fois, environ 250 000 personnes d'origine hongroise, vivant le plus souvent dans les pays voisins de la Hongrie et qui ont acquis la nationalité au cours de la dernière législature grâce à une loi votée en 2011 (au total, 550 000 personnes sont devenues hongroises au cours des 9 dernières années), étaient autorisées à voter (au seul scrutin proportionnel). Le pouvoir en place avait également encouragé les "petits" partis à participer au scrutin : ainsi, 18 partis étaient en lice pour seulement 6 en 2010.

La participation a été légèrement inférieure à celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 11 avril 2010 : elle s'est élevée à 60,2%, soit -4,17 points.

Le seul enjeu du scrutin n'était pas de connaître le nom du vainqueur mais l'ampleur de sa victoire. La FIDESZ conserverait-elle sa majorité des 2/3 au parlement ? Telle était la question. Viktor Orban semble avoir réussi son pari puisqu'il a remporté 133 sièges de députés selon les derniers résultats.

Source : http://www.valasztas.hu/en/ogyv2014/416/416_0_index.html

"Nous pouvons dire en toute sécurité que nous avons gagné" a déclaré le Premier ministre sortant, qui s'est réjoui que la Hongrie soit "le pays le plus uni au monde". "Montrons-leur que nous sommes forts et unis. Montrons-leur que nous n'essayons pas de faire plaisir à qui que ce soit mais que nous sommes maîtres de notre destin" avait souligné Viktor Orban durant la campagne électorale. "Nous avons transformé et rénové la Hongrie, nous avons fait de l'ancienne voiture aux pneus crevés une voiture de course" avait-il indiqué. Son slogan était "La Hongrie s'en sort mieux".

Le Premier ministre sortant a fait campagne sur ses résultats économiques. En 2009, la Hongrie était au bord de la faillite et le gouvernement avait dû faire appel au Fonds monétaire international (FMI) et à l'Union européenne qui avaient préconisé des mesures radicales : réformes structurelles, privatisations, coupes dans les dépenses. L'arrivée au pouvoir de la FIDESZ avait entraîné un changement radical. La politique économique de Viktor Orban mêle mesures libérales (hausse de la TVA de 24% à 27% - la plus élevée de l'UE–, réductions des aides sociales et des indemnités de chômage) et politique étatiste (taxations des banques et des multinationales, nationalisations des fonds de pension, relance de la demande intérieure, baisse des tarifs de l'énergie -qui représentent 30% des dépenses des ménages hongrois-) complétées par un fort clientélisme politique.

Quatre ans plus tard, le chômage s'établit à 8,6%, soit le taux le plus faible depuis 5 ans ; le déficit public est passé sous la barre de 3% exigé par le Pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne et l'endettement est en recul (il est passé de 82% à 80% du PIB mais reste toutefois le plus élevé d'Europe centrale). L'agence de notation Standard & Poor's a d'ailleurs revu à la hausse la perspective de dette souveraine de la Hongrie en raison de "risques plus équilibrés". Les investissements restent faibles (16% du PIB) et le revenu disponible moyen par habitant reste parmi les plus faibles des pays de l'OCDE.

Originaire de Szekesfehervar, ville située au nord-est du lac Balaton, et âgé de 50 ans, Viktor Orban est diplômé de droit. Le 30 mars 1988, il fait partie des membres fondateurs de l'Alliance des jeunes démocrates. En 1990, il est élu député au parlement ; en 1993, il prend la présidence du parti. En 1998, il devient, à 35 ans, le plus jeune Premier ministre d'Europe avant de devoir s'incliner, 4 ans plus tard, devant l'opposition de gauche qui remporte les élections législatives des 7 et 20 avril 2002. Une défaite que Viktor Orban n'a jamais vraiment acceptée. L'homme prendra sa revanche en 2010, année où il redevient chef du gouvernement. Un poste qu'il conservera donc pour les 4 années à venir.

"Viktor Orban est un dirigeant qui a su inspirer un attachement personnel. Pour le cœur de son électorat, il n'est pas seulement un dirigeant politique mais aussi spirituel, charismatique et idéologique. A côté de ce phénomène, l'adoption d'un texte prévoyant la baisse de 6,5% des factures de gaz, de 5,7% de celles d'électricité et de 3,3% de celles du chauffage a eu un large écho auprès des électeurs" a indiqué Peter Kreko directeur du think tank Political Capital. "Les critiques ont renforcé chez ses partisans l'image d'un chef au service de la liberté, prêt à combattre sans relâche pour la souveraineté nationale face aux empiètements de l'Occident, des multinationales, des banques. A chaque nouveau grief venu du dehors, il a pu développer à satiété son discours sur la nécessité de se battre pour préserver l'indépendance contre les ingérences extérieures" a-t-il ajouté.

Les Hongrois ont accordé à leur Premier ministre les "4 années de plus" qu'il leur réclamait pour "forger le destin de la Hongrie". "C'est un homme politique non dénué de charisme qui sait s'adresser aux foules, attire les gens et peut fasciner. Dans un pays qui regrette son rayonnement d'antan, d'avant la Première Guerre mondiale, qui a été en même temps dominé par de grandes puissances à plusieurs reprises - d'où un imaginaire victimaire –, son attitude frondeuse, notamment vis-à-vis de l'Union européenne, peut être appréciée" a déclaré Antonela Capelle-Pogacean, chercheur au CERI de sciences Po.

Si la politique de la FIDESZ est loin de satisfaire tous les Hongrois, l'opposition est désormais quasi inexistante. Alors que la modification de la loi électorale a renforcé la dimension majoritaire du scrutin au détriment de la représentation proportionnelle, les forces de gauche sont extrêmement divisées. L'Alliance pour un changement de gouvernement, qui avait fait des élections législatives du 6 avril un référendum sur le Premier ministre et dont le programme consistait essentiellement à se débarrasser de Viktor Orban, s'est formée difficilement et tardivement, en raison de divergences entre ses membres. Le dirigeant socialiste et candidat de la gauche au poste de Premier ministre, Attila Mesterhazy, avait promis durant la campagne électorale qu'en cas de victoire de l'alliance des forces de gauche, il augmenterait le salaire minimum et baisserait les prix des produits de première nécessité. Ces propos n'ont pas convaincu ses compatriotes et ont été insuffisants pour attirer les abstentionnistes et les indécis et séduire les déçus de la FIDESZ. "Ne nous faisons pas d'illusions : la défaite est cuisante et c'est une grande déception pour ceux qui voulaient changer de gouvernement" a déclaré l'ancien Premier ministre (2009-2010) Gordon Bajnai.

Une grande partie des mécontents du système Orban, et notamment les plus jeunes, se sont tournés vers le Mouvement pour une meilleure Hongrie. La formation d'extrême droite, considérée comme fascisante et ouvertement antisémite et anti roms (la Hongrie compte 600 000 Roms, soit environ 7% de sa population), a entrepris ces derniers mois de se recentrer et de se rendre plus respectable. "Ils ont décidé, il y a environ un an, de se refaire une image loin de tout extrémisme afin de survivre et de progresser" a indiqué Kristof Domina, président de l'institut Athena, observatoire des mouvements extrémistes en Europe. Les efforts semblent avoir été profitables au Mouvement pour une meilleure Hongrie qui a donc dépassé le seuil de 20% des suffrages le 6 avril.

Au cours de la précédente législature, le Premier ministre Viktor Orban a placé ses fidèles à la tête de toutes les institutions publiques qui pouvaient constituer des contre-pouvoirs (Cour constitutionnelle, Cour des comptes, Parquet général, Autorité des médias, Banque centrale, Office de la concurrence, etc.). "Pendant la mandature, on a assisté à une frénésie législative - avec 859 lois adoptées - qui a permis à Viktor Orban de centraliser les structures étatiques, de renforcer le rôle du gouvernement et de redéfinir la balance des pouvoirs" a indiqué Antonela Capelle-Pogacean. Avec sa victoire électorale du 6 avril, le Premier ministre sortant détient tous les leviers de pouvoir. "Viktor Orban concentre entre ses mains le plus grand nombre de pouvoirs depuis la période communiste" a souligné Gabor Filippov, analyste politique à l'institut Magyar Progressziv Intezet.

Pour la première fois depuis la chute du communisme (1989), un parti de droite est en mesure de se maintenir au pouvoir pour un 2e mandat consécutif.

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