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Corinne Deloy
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Comme attendu, le Parti progressiste serbe (SNS), du président de la République Tomislav Nikolic et dirigé par le vice-Premier ministre en charge de la Défense, de la Sécurité et de la Lutte contre la corruption, Aleksandar Vucic, a remporté une éclatante victoire aux élections anticipées organisées le 16 mars en Serbie avec 48,8% des suffrages et 157 sièges à l'Assemblée nationale (Narodna skupstina), chambre unique du parlement, soit quasiment la majorité absolue, une première dans le pays.
Son allié au gouvernement, le Parti socialiste (SPS) du Premier ministre Ivica Dacic, est arrivé en 2e position avec 14% des voix et 45 sièges. Le Parti démocrate (DS), dirigé par Dragan Djilas, a obtenu 5,9% des suffrages et 19 députés. Il est suivi du Nouveau Parti démocrate (NDS), de l'ancien président de la République (2004-2006 et 2006-2012) Boris Tadic, qui a recueilli 5,7% des voix et remporté 18 sièges. 3 partis représentant les minorités ethniques de Serbie (Roms, Hongrois, Croates, Roumains, Bosniaques, etc.) ont également obtenu des élus.
Les élections législatives du 16 mars avaient été anticipées de 2 ans après qu'Aleksandar Vucic a demandé l'organisation d'un nouveau scrutin afin de "confirmer le soutien de l'opinion publique aux réformes". Il avait indiqué que le Premier ministre Ivica Dacic "n'avait pas fait un mauvais travail" mais qu'il "fallait maintenant aller plus vite".
Un peu plus d'un électeur sur deux s'est rendu aux urnes : la participation s'est élevée à 53%, soit -5,7 points par rapport aux élections législatives du 3 mai 2012.

Premier parti politique de Serbie, le Parti progressiste a atteint son objectif d'accroître encore son influence à l'occasion de ce scrutin. "Je souhaite que la Serbie poursuive sa lutte contre la corruption, qu'elle s'emploie à faire progresser son économie, qu'elle puisse accroître le nombre d'emplois et pour cela des réformes structurelles douloureuses sont nécessaires" a déclaré Aleksandar Vucic. Il a annoncé "l'adoption de vingt et unes réformes entre le 15 avril et le 30 juin, avant la pause estivale" et promis "Une période difficile et un important travail nous attendent mais à la fin de cette année, nous devrions voir la lumière au bout du tunnel".
La popularité d'Aleksandar Vucic dans un pays pourtant affecté par une grande fragilité économique repose sur plusieurs éléments. Tout d'abord, les mesures prises par le gouvernement au cours des deux dernières années pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée. Plusieurs hommes d'affaires ont été arrêtés au cours des derniers mois, dont le 12 décembre 2013, Miroslav Miskovic, considéré comme l'homme le plus riche de Serbie, ainsi que son fils Marko et 10 de ses associés. Ils sont accusés de détournements de fonds et d'évasion fiscale. Miroslav Miskovic a été remis en liberté contre le versement d'une caution de 12 millions €. "La corruption étrangle la Serbie. La corruption est un obstacle pour notre politique, pour notre administration, pour notre justice, pour l'environnement des affaires, pour notre économie" a répété Aleksandar Vucic.
Ce dernier peut également s'enorgueillir d'avoir obtenu l'ouverture des négociations d'adhésion de la Serbie à l'Union européenne. Celles-ci ont débuté le 21 janvier dernier. Le Parti progressiste souhaite voir son pays intégrer les Vingt-huit au plus tard en 2018. Contraint par Bruxelles, Belgrade a également entamé un rapprochement avec le Kosovo voisin, pays dont les autorités serbes n'ont pas à ce jour reconnu l'indépendance. Le 13 avril 2013, les deux Etats ont signé un accord de normalisation portant sur plusieurs points. "L'omniprésence d'Aleksandar Vucic mais aussi la faiblesse de l'opposition expliquent pourquoi le Parti progressiste caracole dans les sondages malgré la grave situation économique et le chômage" a indiqué Zoran Stojiljkovic, analyste politique. "Grâce à sa campagne anti-corruption, il bénéficie d'un important soutien parmi les classes populaires. Dans un contexte de crise économique et de chômage en hausse, il leur a offert des gens vers qui diriger leur colère", a souligné Predrag Simic, professeur à la faculté des sciences politiques de l'université de Belgrade, ajoutant "C'est une stratégie démagogique mais qui a fait ses preuves et continue de les faire".
Agé de 44 ans, Aleksandar Vucic est diplômé de la Faculté de droit de l'université de Belgrade. Il rejoint en 1993 le Parti radical (SRS), parti nationaliste d'extrême droite dirigé par Vojislav Seselj, inculpé de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et actuellement en détention à La Haye, dont il devient secrétaire général deux ans plus tard. En 1998, il est nommé ministre de l'Information dans le gouvernement d'union nationale présidé par Mirko Marjanovic qui rassemble le Parti socialiste (SPS) de Slobodan Milosevic, le Parti radical et la Gauche yougoslave (JUL). Il est élu au parlement en 28 décembre 2003 et réélu en janvier 2007. En 2008, il rejoint le Parti progressiste, fondé par Tomislav Nikolic après sa scission avec le Parti radical. Il en devient le vice-président et remporte les élections législatives du 6 mai 2012. Mais, à l'issue de ce scrutin, alors que Tomislav Nikolic accède à la présidence de la République, Aleksandar Vucic se voit contraint de céder le poste de chef du gouvernement au dirigeant du Parti socialiste Ivica Dacic qui a négocié au prix fort la participation de son parti au gouvernement. Les élections anticipées du 16 mars devraient selon toute vraisemblance lui permettre de devenir le prochain Premier ministre.
Aleksandar Vucic a déclaré regretter certaines de ses positions passées, notamment son opposition à l'entrée de Belgrade dans l'Union européenne - qu'il considère désormais comme le meilleur moyen d'assurer la prospérité de la Serbie –, et revendique le droit de chacun à changer d'opinion. "Je ne cache pas que j'ai changé, au contraire je suis fier de cette transformation" a-t-il affirmé. "Aleksandar Vucic est un homme à poigne et les Serbes aiment ça. La situation est telle que les gens recherchent l'autorité" a déclaré Marko Blagojevic, analyste au Centre pour des élections libres et la démocratie (CeSID).
Le futur gouvernement aura la lourde tâche de sortir la Serbie de la crise économique qu'elle connaît depuis des années. Le salaire moyen est dans le pays de 38 000 dinars (327 €) ; le taux de chômage s'élève à 20,1%. Le déficit budgétaire est supérieur à 7% ; la dette dépasse 60% et les investissements étrangers sont en recul depuis 7 ans. Le 17 janvier dernier, l'agence de notation Fitch a d'ailleurs sanctionné les hésitations de Belgrade à engager les réformes structurelles indispensables et dégradé la note de la Serbie de BB+ à BB-.
Le Fonds monétaire international (FMI) a entamé le 26 février dernier une mission dans le pays pour évaluer les finances gouvernementales en vue des négociations pour l'allocation un nouveau prêt à Belgrade. Le précédent, d'un montant d'un milliard €, avait été gelé en février 2012 en raison de l'incapacité du gouvernement à remplir les conditions imposées par l'institution financière internationale.
Selon Marko Blagojevic, le Parti progressiste devrait former une coalition gouvernementale avec d'autres partis. "Pour mettre en œuvre des réformes qui seront douloureuses pour la population, nous aurons besoin d'autres partis à nos côtés" a indiqué Bratislav Grubacic, membre de la direction du Parti progressiste. Le dirigeant du parti socialiste Ivica Dacic a en effet d'ores et déjà affirmé que son parti s'opposerait aux réformes qui seraient dirigées contre les travailleurs ou les retraités.
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