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Élections en Europe
Corinne Deloy
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Le retour de la gauche après 8 années dans l'opposition
Le Parti social-démocrate (SAP) est arrivé en tête des élections législatives qui étaient organisées le 14 septembre en Suède. Emmené par Stefan Löfven, il a recueilli 31,2% des suffrages et remporté 113 sièges des 349 du Riksdag (parlement) (+1 par rapport aux précédentes élections législatives du 19 septembre 2010). Avec 6,8% des voix et 24 élus (-1), le Parti de l'environnement-Les Verts (MP) a obtenu un résultat très éloigné de ce que prédisaient les enquêtes d'opinion. Enfin, le Parti de la gauche (Vp) de Jonas Sjöstedt a recueilli 5,7% des suffrages et remporté 21 sièges (+2).
Ensemble, les 3 partis de gauche ont obtenu 43,7% des voix et 158 députés, soit loin de la majorité absolue (175).
Le SAP échoué à atteindre l'objectif des 35% de suffrages qu'il s'était fixé (un résultat qu'il a atteint à 26 reprises consécutives entre 1921 et 2006) et Stefan Löfven pourrait prochainement devenir le Premier ministre social-démocrate le plus mal élu de l'histoire du pays. " Ce pourrait être un problème pour son leadership " a indiqué Mikael Sundström, professeur de science politique de l'université de Lund.
La question de la future coalition gouvernementale reste donc entière. La modification de la loi électorale votée en novembre 2010 oblige désormais la personnalité désignée au poste de Premier ministre à obtenir la confiance du parlement et donc à former une majorité dans les 2 semaines qui suivent les élections législatives. Les négociations devraient être ardues. Le SAP pourraient se tourner vers un parti issu du gouvernement sortant de Fredrick Reinfeldt (Parti du rassemblement modéré, M), le Parti du peuple-Les Libéraux (FpL) ou le Parti du centre (C) pour former un gouvernement.
Avec le slogan Une meilleure Suède, pour tous, le SAP a fait campagne en promettant une fiscalité plus favorable aux ménages modestes, des investissements dans les infrastructures et une amélioration du système éducatif. La formation a promis de consacrer 40 milliards de couronnes (4,3 milliards €) aux dépenses sociales et éducatives.
Qui est Stefan Löfven ?
Agé de 57 ans et originaire d'Hägersten, ville de la banlieue de Stockholm, Stefan Löfven a débuté sa carrière comme soudeur dans l'entreprise Hagglund&Sons. Il est devenu un syndicaliste élu en 1981. En 1995, il a été nommé médiateur central de l'Union suédoise des travailleurs de la métallurgie (Metall) ; trois ans plus tard, il est devenu secrétaire international, puis vice-président fédéral avant d'être élu à la tête du syndicat à la fin de l'année 2005. Stefan Löfven a occupé ce poste durant 6 années.
Le 27 janvier 2012, il est élu à la tête du Parti social-démocrate succédant à Hakan Juholt, contraint à la démission après avoir été impliqué dans des affaires suspectes. Issu d'un milieu populaire, Stefan Löfven, qui n'a jamais été élu (ou nommé) à une fonction politique et qui est dépourvu d'expérience internationale, possède cependant l'image traditionnelle du dirigeant social-démocrate.
La droite victime de l'usure du pouvoir
Le Parti du rassemblement modéré (M), conduit par le Premier ministre sortant Fredrik Reinfeldt, a recueilli 23,2% des suffrages et remporté 84 sièges au parlement, soit -23 par rapport à 2010. Le Parti du centre (C), emmené par Annie Lööfle, a obtenu 6,1% des voix et 22 élus (-1) ; le Parti du peuple-Les Libéraux (FpL), dirigé par le ministre de l'Education sortant, Jan Björklund, a recueilli 5,4% des suffrages et 19 sièges (-5). Enfin, le Parti chrétien-démocrate (KD) conduit par Göran Hägglund a recueilli 4,60% des voix et remporté 17 élus (- 2).
Les partis au pouvoir ont été victimes de l'usure du pouvoir mais également de la faiblesse de la croissance (2,7% prévus cette année) et du taux de chômage toujours élevé (8,2%). Au cours des 8 dernières années, les impôts ont été réduits de 14 milliards € et les prélèvements obligatoires sont passés de 49% à 45% du PIB. Mais ces mesures ont contribué à affaiblir l'Etat-providence (Folkhemmet, littéralement, la maison du peuple) : le taux de chômage a augmenté et les services publics (éducation, santé, etc.) ont souffert. Après deux législatures conduites par les partis de centre-droit, les Suédois ont manifesté un désir de changement.
" En 2006, la coalition de l'Alliance avait gagné les élections législatives sur les baisses d'impôts et en 2010, sur sa bonne gestion de la crise. Aujourd'hui, les Suédois pensent qu'on est allé trop loin dans les baisses d'impôts et que cela a dégradé notre système social " souligne l'éditorialiste de Dagens Industri Tobias Wikström.
Les Suédois sont également très sensibles aux inégalités. Or une étude de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) a récemment révélé que la Suède était le pays développé dans lequel celles-ci avaient le plus augmenté au cours des 25 dernières années : le coefficient de Gini, qui mesure l'inégalité des revenus dans un pays, a ainsi cru de 25% en une génération.
Les populistes d'extrême droite poursuivent leur avancée
Ces élections législatives ont montré une forte poussée des populistes, les Démocrates suédois (SD), qui ont recueilli 12,9% des suffrages et remporté 49 sièges (+ 29). Dirigée par Jimmie Akesson, ils ont réussi au-delà de leurs espérances â s'imposer comme la 3e force politique du royaume.
" Nous sommes tout à fait les maîtres du jeu maintenant (...) On ne peut plus nous ignorer de la façon dont on l'a fait ces 4 dernières années. Il est évident que les autres partis devront désormais nous prendre en considération (...) Il faut gouverner ce pays et ce sera difficile s'ils ne veulent pas nous parler " a déclaré Jimmie Akesson.
" Il n'y aura pas de coopération avec eux. Gardons à l'esprit que 87% des Suédois n'ont pas voté pour eux " a indiqué le dirigeant social-démocrate Stefan Löfven.
Les électeurs des Démocrates suédois s'estiment abandonnés par les partis traditionnels de gauche comme de droite et demandent une réforme de la politique d'immigration. Stockholm possède une tradition d'accueil des réfugiés politiques qui date des années 1980 et 1990 mais l'immigration est un phénomène récent. " Les Démocrates suédois sont le seul parti qui veut stopper l'immigration (réduire celle-ci de 90%). Tous les autres sont unanimes et sont favorables à une généreuse politique d'immigration. Mais la moitié des Suédois veulent que leur pays accueille moins d'étrangers " indique le politologue de l'université de Lund, Anders Sannerstedt.
Le parti populiste attire majoritairement les déçus de la social-démocratie suédoise, soit les plus défavorisés, et de nombreux jeunes qui peinent à s'insérer dans la société. " Fondamentalement, les électeurs viennent des classes populaires, ils sont de tous âges, et des hommes pour les 2/3 d'entre eux. Ils ne sont pas des exclus mais des Suédois ordinaires " ajoute Anders Sannerstedt.
Le résultat du 14 septembre est une victoire personnelle pour Jimmie Akesson qui, au congrès de son parti en novembre 2011, avait initié une nouvelle ligne social-conservatrice pour atténuer l'image nationaliste du parti. En novembre 2013, il avait indiqué que le parti souhaitait mettre en avant d'autres thèmes que l'immigration (comme le manque de main d'oeuvre dans certains secteurs ou le temps de travail) afin d'accroître sa visibilité et son influence.
Enfin, Initiative féministe (FI), dirigée par l'ancienne présidente du Parti de la gauche (Vp) (1993-2003) Gudrun Schyman, a échoué à atteindre le seuil de 4% de suffrages obligatoires pour entrer au Parlement.
La participation s'est élevée à 83,3% et a été quasiment équivalente à celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 19 septembre 2010 (- 1,33 point).
" Le nouveau gouvernement aura pour tâche de répondre à l'inquiétude et à la peur que reflète le score des Démocrates suédois " a déclaré Jesper Bengtsson du centre d'études Tiden. " La victoire est devenue une défaite " peut-on lire dans un éditorial du quotidien Dagens Nyheter.
" Stefan Löfven et son équipe ont rétabli le respect pour la social-démocratie suédoise mais cela ne suffit pas. Il doit faire ce que ses prédécesseurs n'ont pas réussi : une nouvelle social-démocratie " écrivait Katrine Kielos, éditorialiste au quotidien Aftonbladet, avant les élections.
Autant dire que Stefan Löfven a une lourde tâche devant lui. Et que le mandat du prochain gouvernement sera décisif pour le pays.
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