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L'opposition de droite s'impose aux élections législatives en Islande

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Corinne Deloy

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2 mai 2013
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

L'opposition de droite s'impose aux élections législatives en Islande

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Une large victoire de la droite

Le Parti de l'indépendance (Sja), principal parti d'opposition de droite, est arrivé en tête des élections législatives islandaises le 27 avril 2013. Le parti, dirigé par Bjarni Benediktsson, a recueilli 26,7% des suffrages et remporté 19 sièges (+3 par rapport aux précédentes élections législatives du 25 avril 2009). Il a devancé le Parti du progrès (Fram), conduit par Sigmundur David Gunnlaugsson, qui a obtenu 24,4% des voix et le même nombre de députés (+10).

L'Alliance-Parti social-démocrate (Sam) de la Première ministre sortante Johanna Sigurdardottir dirigée par Arni Pall Arnason a subi un net revers, perdant plus de la moitié de ses sièges (-11) et recueillant 12,9% des suffrages (9 sièges). Le Mouvement de gauche-Les Verts (Vg), parti écologiste d'extrême gauche dirigé par la ministre de l'Education, de la Culture et de la Science sortante, Katrin Jakobsdottir, a connu le même sort : il a obtenu 10,9% des suffrages et remporté 7 sièges (-7).

Deux nouveaux partis ont fait leur entrée à l'Althing, chambre unique du Parlement: le Parti de l'avenir radieux (8,2% des voix et 6 sièges) et le Parti pirate (5,1% des suffrages et 3 sièges). Le premier est un parti favorable à l'adhésion de l'Islande à l'Union européenne qui se bat pour la simplification du système fiscal et la création d'industries propres ; le deuxième défend les droits civils, la démocratie directe, la liberté et la transparence de l'information. Les Pirates islandais sont les premiers au monde à entrer dans un parlement national. Leur dirigeante Birgitta Jonsdottir a indiqué que son parti "ne se battait pas pour entrer au gouvernement" mais qu'il était prêt à travailler avec tous les partis intéressés par les enjeux mis en avant par les Pirates. Elle souhaite établir "des lois du XXIe siècle sur le respect de la vie privée sur Internet, la liberté d'information, la transparence du gouvernement". "Beaucoup de gens voient l'Islande comme une sorte de laboratoire pour la démocratie. Nous devons être à la hauteur de cette réputation" a-t-elle signalé.

La participation s'est établie à 81,4%, soit -3,7 points par rapport aux précédentes élections législatives du 25 avril 2009.

Le retour de la coalition Parti de l'indépendance-Parti du progrès

"Le Parti de l'indépendance est rappelé aux responsabilités. La situation est une demande de changement" s'est réjoui Bjarni Benediktsson à l'issue des résultats. La victoire de l'opposition de droite met donc fin à quatre ans de gouvernement de gauche, qui ont constitué une première dans l'histoire de l'Islande. Le Parti du progrès de Sigmundur David Gunnlaugsson s'est déclaré prêt à gouverner avec le Parti de l'indépendance. Les deux partis ont une longue habitude de collaboration à la tête du pays.

A la tête de leurs partis respectifs, Bjarni Benediktsson et Sigmundur David Gunnlaugsson ont, au cours des dernières années, rajeuni les équipes dirigeantes. "Le Parti du progrès a renouvelé son personnel. Ce ne sont plus les mêmes têtes" a indiqué Olafur Hardarson, politologue à l'université de Reykjavik. La nomination attendue de Bjarni Benediktsson au poste de Premier ministre marquera indéniablement un renouvellement de génération puisque l'homme est âgé de 43 ans.

La percée du Parti du progrès

Le plus ancien des partis islandais, le Parti du progrès, a réalisé une percée importante. Les analystes politiques expliquent ce résultat par la position adoptée par son dirigeant Sigmundur David Gunnlaugsson dans l'affaire Icesave. Dans les années 2000, la banque en ligne était parvenue à attirer les liquidités d'environ 320 000 Britanniques et Néerlandais en s'appuyant sur les taux d'intérêt élevés et sur la promesse d'une forte rémunération. Après l'effondrement du système financier et la nationalisation des banques islandaises, Reykjavik s'est retrouvé redevable d'une dette de 3,8 milliards € envers Londres et La Haye. Par deux fois cependant, les Islandais ont rejeté par référendum les accords signés entre les trois pays et ratifiés par l'Althing. Le dirigeant du Parti du progrès s'est toujours opposé au remboursement par Reykjavik de la dette de la banque en ligne. "Sigmundur David Gunnlaugsson martèle que la crise est venue de l'extérieur, que ce sont les investisseurs étrangers qui en sont responsables, pas les Islandais. C'est une véritable rhétorique nationaliste" a indiqué Helgi Gunnlaugsson, sociologue à l'université de Reykjavik. Le 28 janvier dernier, la Cour de l'Association européenne de libre-échange (AELE) a cependant acquitté l'Islande de toutes les charges concernant une éventuelle violation de l'accord signé dans le cadre du litige l'opposant au Royaume-Uni et aux Pays-Bas à propos de la faillite d'Icesave.

Le Parti du progrès s'est engagé durant la campagne électorale à rembourser aux Islandais 20% de leurs crédits immobiliers en prenant l'argent aux "fonds vautours", c'est-à-dire aux bailleurs étrangers et aux futurs propriétaires des banques en liquidation. Il a promis de faire revenir l'indice de remboursement des emprunts immobiliers à son niveau de 2008. De son côté, le Parti de l'indépendance s'est engagé à accorder des crédits d'impôts aux ménages. "Nous ne ferons pas de compromis sur les baisses d'impôts et l'augmentation du niveau de vie des gens" a précisé Bjarni Benediktsson.

La déroute de la gauche

La Première ministre sortante Johanna Sigurdardottir s'est déclarée "très triste" de la défaite des forces de gauche. "Nous savions que notre mission de sauvetage de l'Islande de la banqueroute ne pouvait pas nous rendre populaires" a-t-elle souligné. Durant son mandat, la chef du gouvernement a suivi les recommandations du Fonds monétaire international (FMI) qui a prêté 1,6 milliard € à l'Islande entre 2008 et 2011. "Le gouvernement de Johanna Sigurdardottir a dû faire des choses qu'aucun gouvernement n'aime faire, en particulier ceux de gauche : réduire les dépenses, augmenter les impôts, en un mot réduire le niveau de vie" a analysé Gunnar Helgi Kristinsson, professeur de science politique à l'université d'Islande. Les Islandais semblent en effet avoir estimé que le gouvernement a davantage travaillé à respecter des directives du FMI qu'il n'a tenté d'améliorer les conditions de vie de la population. Si le pays, au bord du gouffre il y a quatre ans, va indéniablement mieux, les Islandais, encore très affectés par la crise économique que leur île a traversée, restent mécontents.

Le nouveau Premier ministre

Agé de 43 ans, Bjarni Benediktsson est né à Reykjavik. Diplômé en droit, il a étudié en Allemagne et aux Etats-Unis et débuté sa carrière professionnelle comme avocat. Entré au Parlement pour la première fois en 2003, il a été élu à la tête du Parti de l'indépendance le 29 mars 2009 avec 58,1% des suffrages, un mois avant les élections législatives du 25 avril 2009 qui ont conduit à la déroute du parti. En quatre ans, il est cependant parvenu à le remettre sur pieds et à incarner le changement sans effrayer son électorat traditionnel.

Clap de fin sur les négociations avec l'Union européenne ?

L'arrivée au pouvoir de la coalition Parti de l'indépendance-Parti du progrès devrait entraîner la fin des négociations engagées par Reykjavik avec Bruxelles. Durant la campagne électorale, le Parti de l'indépendance s'est dit favorable à l'organisation d'une consultation populaire sur la poursuite des négociations. Le Parti du progrès est opposé à l'adhésion à l'Union européenne. "Les discussions ne continueront pas sans référendum. Notre politique, c'est d'arrêter les négociations qui, de fait, avancent si lentement que ce n'est pas difficile" a indiqué Bjarni Benediktsson. "Il nous faut un mandat clair du peuple avant de progresser dans les discussions avec l'Union européenne" a confirmé Sigmundur David Gunnlaugsson.

L'Islande est candidate officielle à l'Union européenne depuis le 16 juillet 2009. Les négociations d'adhésion ont débuté le 17 juin 2010 : 27 chapitres (sur 33) ont été ouverts ; 11 sont d'ores et déjà clos. Le 14 janvier dernier, Reykjavik avait souhaité faire une pause dans ses négociations avec Bruxelles jusqu'aux élections législatives.

L'accord du Parlement islandais à une candidature de l'île à l'Union européenne en 2009 a été le fruit "d'une coalition inhabituelle et de circonstances exceptionnelles" selon Adalsteinn Leifsson, professeur d'économie internationale à l'université de Reykjavik.. Dans une récente enquête d'opinion dans laquelle il était demandé aux Islandais de lister leurs principales préoccupations, ceux-ci ont classé la question de l'adhésion à l'Union européenne en dernière position.

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