Actualité
Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
-

Versions disponibles :
FR
EN
Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Le 2 mars prochain, un peu plus d'un an après le changement de Premier ministre qui a fait suite à une année de turbulences politiques, l'Estonie élira son nouveau Parlement. Le 8 janvier 2002, après les nombreux désaccords intervenus entre les différentes formations gouvernementales (Parti du centre, EK, Parti de la réforme, ER, et Union pour la partie, I), le Premier ministre Mart Laar (Union pour la patrie) démissionnait de ses fonctions laissant le pouvoir au Parti du centre et au Parti de la réforme. L'Union du peuple et le Parti populaire des modérés (RM) refusant de faire alliance avec eux, les deux Partis de la réforme et du centre ont finalement formés seuls un gouvernement conduit par Siim Kallas (Parti de la réforme), ministre des Finances du précédent gouvernement, ancien gouverneur de la Banque centrale du pays et père de la couronne estonienne qui a remplacé le rouble en 1992. Cette alliance iconoclaste de deux formations politiquement opposées (le Parti du centre étant de tendance social-démocrate et le Parti de la réforme se situant à droite de l'échiquier politique) ne devrait pas survivre aux prochaines élections législatives.
Le système politique estonien
Depuis l'indépendance du pays regagnée le 20 août 1991, les cent un membres du Riigikogu (Parlement monocaméral) sont élus tous les quatre ans au scrutin proportionnel. Selon la Constitution adoptée par référendum en 1992, l'Estonie est une démocratie parlementaire dans laquelle le Président (actuellement Arnold Rüütel), élu tous les cinq ans par le Parlement, selon un système complexe, a peu de pouvoirs.
Le mode de scrutin proportionnel en vigueur pour les élections législatives a fait l'objet de nombreux débats politiques dans le pays. Chaque électeur vote pour un candidat qui sera ou non élu selon, d'une part, le nombre de voix recueillies au niveau national par la formation à laquelle il appartient et, d'autre part, la place qu'occupe le candidat sur la liste présentée par le parti. Une formation doit obtenir un minimum de 5% des suffrages exprimés pour être représentée au Riigikogu. Chaque candidat au Parlement doit être âgé d'au moins vingt et un ans et maîtriser la langue estonienne. Outre le Premier ministre, le gouvernement estonien, comprend douze membres. C'est toujours un gouvernement de coalition, car il n'est pas nécessairement formé par le leader de la formation arrivée en tête du scrutin. Ainsi, le Parti du centre, sorti victorieux des précédentes élections législatives de 1999 avec 23,4% des suffrages, s'est retrouvé sur les bancs de l'opposition après que l'Union pour la patrie, le Parti de la réforme et le Parti populaire des modérés se sont alliés pour former une coalition.
Les Estoniens sont généralement peu nombreux à se rendre aux urnes. Ils étaient 67,5% à s'être déplacés pour les élections législatives de 1992 et 57,3% pour le dernier scrutin de 1999. Les élections locales ne rassemblent pas plus d'électeurs, la participation atteignait 52,7% lors du scrutin de 1993 et 50% lors des élections de 1999. Au début des années quatre vingt-dix, le retour de la démocratie a vu naître de nombreuses formations politiques qui ont depuis fusionné. Alors qu'en 1992, trente-huit formations ont participé aux élections législatives, elles n'étaient que douze lors du dernier scrutin de 1999. Seuls trois partis, le Parti de la réforme, le Parti du centre et l'Union pour la patrie, ont participé aux deux dernières élections législatives de 1995 et 1999.
Dix partis sont actuellement représentés au Riigikogu :
- le Parti du centre (EK), formation de centre gauche rassemblant le nombre le plus important de Parlementaires (vingt-neuf) ;
- le Parti de la réforme (ER), parti libéral du Premier ministre Siim Kallas, fondé en 1994. Il compte dix-huit députés;
- l'Union pour la patrie (I), formation chrétienne démocrate comprenant dix-huit députés ;
- le Parti populaire des modérés (RM), parti social-démocrate dirigé par Toomas Hendrik Ilves, personnalité politique la plus populaire du pays après l'actuel Président de la République, Arnold Rüütel. Il compte dix-sept députés;
- le Rassemblement pour la République-Res Publica, formation issue d'un think-tank de droite et dirigée par le politologue Rein Taagepera ;
- le Parti populaire unifié d'Estonie ;
- l'Union populaire d'Estonie ;
- le Parti social-démocrate du travail ;
- le Parti baltique russe en Estonie ;
- Nouvelle Estonie.
Le système partisan estonien est proche du système scandinave, se divisant en quatre courants d'à peu près égale importance : les conservateurs, les libéraux, les sociaux-démocrates et les agrairiens. L'Estonie ne possède pas de formation extrémiste ou véritablement populiste.
La situation de la minorité russophone et le problème de la langue
L'Estonie est la moins peuplée des trois Républiques baltes. Elle compte 1,6 million d'habitants dont 61,5% sont Estoniens, 29% Russes (soit 400 000 personnes), 3,1% Ukrainiens et 1,8% Biélorusses. Le pays est d'ailleurs plus nordique que véritablement balte, l'estonien ne faisant pas partie des langues indo-européennes mais appartenant à la famille ouralique qui regroupe également le finnois et le hongrois.
Juste après l'indépendance, la nouvelle législation postule que toutes les personnes qui résidaient en Estonie avant 1940 ainsi que leur descendants se voient attribuer automatiquement la nationalité estonienne. Un permis de séjour de trois ans est octroyé aux autres citoyens qui se voient également contraints de passer un examen linguistique et de faire allégeance à la République d'Estonie s'ils souhaitent obtenir la nationalité estonienne. En juin 1993, les relations entre Estoniens et Russes se dégradent à la suite de l'adoption d'une loi obligeant les personnes ne bénéficiant pas de la nationalité estonienne de choisir entre l'acquisition de cette dernière ou la décision de rester étranger dans le pays où ils résident. La loi sur l'acquisition de la nationalité entrée en vigueur le 25 février 1992 prévoyait une période de résidence de trois ans assortie d'un test de langue estonienne et d'une déclaration d'allégeance
En 1995, le Riigikogu adopte une nouvelle loi sur la citoyenneté, plus exigeante que la précédente pour les étrangers souhaitant devenir Estoniens. Pour se voir délivrer la nationalité, les étrangers doivent avoir vécu en Estonie au moins les cinq années précédant leur demande et une année supplémentaire après celle-ci. Ils doivent également connaître la Constitution et la loi sur la citoyenneté, percevoir un revenu légal et suffisant pour subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes à leur charge et enfin prêter serment d'allégeance en déclarant : "Je jure fidélité au système constitutionnel de l'Estonie". Mais l'exigence la plus contraignante pour les étrangers reste linguistique. La nouvelle loi a maintenu l'examen d'aptitude à l'estonien obligatoire pour toute personne désireuse d'acquérir la nationalité.
La République balte a en effet pris des mesures draconiennes pour protéger sa langue et sa culture asservies durant des dizaines d'années au joug soviétique. La connaissance de l'estonien a ainsi été rendue obligatoire pour accéder à certaines fonctions. Nombre d'étrangers considèrent que la loi sur la citoyenneté est un obstacle à la naturalisation, les conditions exigées étant trop sévères, les cours de langue trop onéreux et les professeurs trop peu nombreux.
L'Union européenne a beaucoup fait pour que les critères linguistiques requis pour la naturalisation des étrangers ou pour l'accès de ceux-ci à certaines fonctions soient assouplis. A la fin 2001, le Riigikogu a ainsi levé l'obligation pour les candidats aux élections locales et législatives de parler couramment l'estonien.
Aujourd'hui, 170 000 personnes ayant perdu la nationalité russe mais n'étant pas considérées comme citoyens estoniens (et donc apatrides) vivent en Estonie.
Les Estoniens souffrent à la fois de l'oubli dont ils ont été l'objet durant la période soviétique et de la méconnaissance actuelle qui entoure leur pays. C'est pourquoi au début de l'année 2002, l'Estonie a décidé de sortir de l'anonymat en engageant une grande campagne de promotion du pays. Le gouvernement a créé un bureau, Enterprise Estonia, et dépensé treize millions de couronnes (840 000 euros) pour construire une image attirante de l'Estonie. Interbrand, une société britannique spécialiste du country branding (image de marque d'un pays) a été chargée du projet. Il a été envisagé de changer le drapeau du pays en organisant les couleurs (bleu, noir et blanc) le long d'une croix à l'image des pays scandinaves afin de rappeler l'appartenance de l'Estonie au monde nordique, de modifier l'hymne national et même de donner un nouveau nom au pays, Estlande au lieu d'Estonie. Selon les enquêtes d'opinion, environ 60% de la population est favorable à ce renouvellement des symboles nationaux qui, pour l'heure, n'a pas été suivi d'effets.
En cette année 2003, les Estoniens renouvelleront leur Parlement avant de se prononcer, le 14 septembre prochain, sur l'adhésion de leur pays à l'Union européenne.
Rappel des élections législatives du 7 mars 1999:
Participation : 57,3%

Sur le même thème
Pour aller plus loin
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
14 avril 2025
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
24 février 2025
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
17 février 2025
Élections en Europe
Corinne Deloy
—
27 janvier 2025

La Lettre
Schuman
L'actualité européenne de la semaine
Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais
Versions :