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Corinne Deloy
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Fondation Robert Schuman
Comme l'avait prédit les enquêtes d'opinion, le Parti des régions du président de la République Viktor Ianoukovitch est arrivé en tête des élections législatives qui se sont déroulées le 28 octobre en Ukraine. Il s'agissait du premier scrutin depuis l'arrivée au pouvoir du chef de l'Etat en 2010. Le parti des régions a recueilli 30,99% des suffrages. Il a devancé le groupe des forces d'opposition qui rassemble, entre autres, Batkivshina (Mère patrie), de l'ancienne Premier ministre (janvier-septembre 2005 et 2007-2010) Ioulia Timochenko, et le Front pour les changements dirigé par l'ancien ministre de l'Economie (2005-2006) et des Affaires étrangères (2007), Arseni Iatseniouk. Ce bloc a obtenu 24,84% des voix.
La chef de l'opposition Ioulia Timochenko, condamnée le 11 octobre 2011 par le tribunal de Petcherski à sept années d'emprisonnement, n'a pas été autorisée à se présenter. Quelques jours avant le scrutin, elle a appelé, par la voix de sa fille Evguenia, les Ukrainiens à "chasser la mafia du pouvoir" et à "réduire les risques de fraude" le 28 octobre. "Chacun d'entre nous doit lutter contre cette dictature du mieux qu'il peut" a-t-elle affirmé, ajoutant : "si grâce à votre vote, Viktor Ianoukovitch survit politiquement lors de ces élections, il établira une dictature et ne cédera plus jamais le pouvoir par des voies pacifiques". "Je vote pour que ma mère soit libre, pour la liberté des prisonniers politiques, pour la justice et afin que nous ne nous réveillions pas demain derrière des fils barbelés" a souligné sa fille Evguenia.
Le Parti de l'alliance démocratique ukrainienne pour les réformes (Udar, qui signifie coup) fait son entrée au parlement, pour sa première participation à des élections législatives. Créé en avril 2010 par l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko, il a recueilli 13,62% des suffrages. Le Parti communiste de Piotr Simomenko a pris la 4e place avec 13,56% des voix. "Vitali Klitschko est mieux perçu par les électeurs et ressemble plus au rêve ukrainien. Et Batkivchina est handicapée par l'absence de sa charismatique leader Ioulia Timochenko" a souligné Mikhaïl Pogrebinski, directeur du Centre d'études politiques de Kiev. Le désenchantement des Ukrainiens envers leurs responsables politiques explique sans doute en partie le phénomène Vitali Klitschko, nouveau venu sur la scène politique qui n'est pas impliqué dans des affaires de corruption. "Vitali Klitschko a obtenu le soutien des électeurs déçus par les vieux hommes politiques, tant du pouvoir que d'opposition" a indiqué Irina Bekechkina, directrice de la fondation Initiatives démocratiques.
Autre entrée au parlement : nationaux parti nationaliste d'extrême droite, Svoboda (Liberté), dirigée par Oleg Tiagnibok, qui a recueilli 10,01% des suffrages. "L'entrée de Svoboda est l'événement le plus important. Le bortsch ukrainien est désormais un peu plus épicé. Il y aura davantage de poivre mais sa nouvelle saveur demeure inconnue" a souligné l'analyste Vladimir Fesenko du think tank Penta, qui qualifie le vote en faveur des nationalistes de "patriote, mais aussi protestataire".
La participation s'est élevée à 57,5%, soit 4,52 points au-dessous de celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 30 septembre 2007.
De nombreuses anomalies (pressions sur les élections, tentatives d'achat de voix, etc.) ont été relevées dans plusieurs bureaux de vote. Les élections législatives ukrainiennes, qui constituaient un test important pour les engagements démocratiques du pays, étaient surveillées par 3 800 observateurs étrangers, représentant 28 pays et 35 organisations non gouvernementales internationales, et 240 000 scrutateurs locaux. "Il s'agit de la plus importante mission jamais déployée par l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe. Du parlement européen au Conseil de l'Europe en passant par l'OTAN et l'OSCE, plus de 800 observateurs internationaux sont mobilisées en Ukraine" a indiqué Neil Simon, responsable de cette dernière organisation. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a dénoncé un recul de la démocratie en Ukraine après les élections législatives qui se sont déroulées en l'absence de l'opposante Ioulia Timochenko, incarcérée. L'OSCE dénonce également le recours abusif aux ressources administratives, le manque de transparence durant la campagne et dans le financement des partis, ainsi qu'un déséquilibre dans la couverture médiatique.
Le Parti des régions sort indéniablement renforcé du scrutin législatif. Il avait fait campagne sur le passage "de la stabilité vers le bien-être". Le Premier ministre Mykola Azarov avait appelé les Ukrainiens à voter pour "un parti de gens d'action et pas un parti de bavards". "J'ai voté pour la stabilité, le développement économique du pays et l'amélioration du niveau de vie" a déclaré le président Ianoukovitch après avoir déposé son bulletin dans l'urne. "Je pense que ce scrutin va conduire l'Ukraine vers plus d'unité" a-t-il ajouté.
"Je suis convaincu que nous allons réussir à réunir autour de nous toutes les forces d'opposition dans le nouveau parlement" a déclaré Vitali Klitschko dans un entretien au journal allemand Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung. "Nous n'envisageons pas de travailler avec le Parti des régions et son satellite communiste mais nous acceptons de parler avec les partis qui proposent une voie européenne et démocratique de développement" a-t-il précisé dans un entretien à la chaîne de télévision 1+1.
L'union des partis d'opposition sera toutefois difficile, les partis ayant de nombreux différends. Ils ont tenté en vain de se rassembler avant le scrutin du 28 octobre. "Le refus de Vitali Klitschko de signer un accord sur la création d'une coalition de forces démocratiques est dans l'intérêt du Parti des régions. Cette décision en fait un allié du Parti des régions et participe à dissipation des forces démocratiques au lieu de renforcer leur unité pour lutter contre le régime de Viktor Ianoukovitch" avait déclaré Arseni Iatseniouk après l'échec de ce rapprochement.
Pays à la croisée des chemins, l'Ukraine va désormais devoir faire des choix. Le pays est soumis à la pression de la Russie voisine qui souhaiterait que Kiev adhère à l'union douanière qu'elle a mise en place avec la Biélorussie et le Kazakhstan. Moscou se dit prêt en échange de cette adhésion à accorder à l'Ukraine une réduction sur le prix de son gaz : 160 dollars les mille mètres3 au lieu de 425 dollars actuellement. Une aubaine pour un pays dont la facture énergétique s'est envolée ces dernières années. Mais l'Ukraine souhaite signer un accord d'association avec l'Union européenne instaurant une zone de libre-échange. "Les deux choses répondent aux intérêts nationaux" a déclaré le Premier ministre Mykola Azarov au début du mois d'octobre.
Le prochain gouvernement de Kiev devra faire face à une forte baisse de la croissance économique. En raison du repli des cours de l'acier, principale exportation du pays, celle-ci est tombée à zéro au second semestre de cette année.
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