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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Cinq semaines après avoir élu François Hollande (Parti socialiste, PS) à la présidence de la République, 46 millions de Français sont appelés aux urnes les 10 et 17 juin prochains pour renouveler les 577 membres de l'Assemblée nationale, chambre basse du parlement. Ce scrutin parlementaire est le premier à avoir lieu après le redécoupage électoral du pays en janvier 2010.
6 611 personnes, dont 2 641 femmes (39,94%), sont officiellement candidates, soit 11 en moyenne par circonscription. Europe écologie-Les Verts (EE-LV) est le meilleur élève en matière de parité (49,57% de femmes) ; le PS présente 45% de candidates et l'Union pour un mouvement populaire (UMP), principal parti d'opposition, moins de 26%. Le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, a fait le choix de ne pas respecter la parité hommes-femmes obligatoire depuis la loi sur la parité du 6 juin 2000 qui oblige les partis politiques à présenter au moins 50% de candidates (à 2% près). "J'ai pris avec mes amis de l'UMP cette décision qui nous coûtera cher en termes d'amende. Chacun doit comprendre que dans la période qui est la nôtre, il nous faut absolument avoir le maximum de députés et que cela passe par le poids, l'ancrage local de beaucoup d'entre nous", c'est-à-dire des députés hommes.
La 8e circonscription de Paris (une partie des 12e et 20e arrondissements) détient le record du nombre de candidats : 23. Pour la première fois, les Français résidant à l'étranger élisent leurs représentants au sein de 11 circonscriptions (6 pour l'Europe, 2 pour l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient, 2 pour le continent américain et 1 allant de la Russie à l'Australie et la Nouvelle-Zélande en passant par l'Asie). La circonscription comptant le plus grand nombre d'inscrits (157 363) est celle comprenant les Etats-Unis et le Canada, celle qui en compte le moins (79 756), la 11e, est également la plus vaste. 700 000 Français de l'étranger (sur 1 075 744 inscrits au total) ont choisi de voter par internet, une procédure appréciée par des électeurs qui sont parfois éloignés des bureaux de vote (786 au total seront ouverts à l'étranger). Le vote électronique s'est déroulé du 23 au 29 mai pour le 1er tour de scrutin et aura lieu du 6 au 12 juin pour le 2e. 178 candidats se disputent les 11 sièges des représentants des Français vivant hors de l'Hexagone.
La campagne électorale pour les élections législatives s'est ouverte le 21 mai dernier.
Quelle majorité pour la gauche ?
Les forces de gauche ne semblent pas en mesure de provoquer un raz-de-marée en leur faveur et personne ne pronostique que le PS et ses alliés d'EELV obtiennent une majorité absolue le 17 juin prochain. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault (PS) mènera la campagne électorale du PS. "Une cohabitation créerait une crise politique éminemment grave" a déclaré Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, pour mobiliser des électeurs qui se déclarent peu intéressés par ce scrutin législatif.
Les négociations entre le PS et le Front de gauche, qui rassemble le Parti communiste (PCF) et le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon, ont échoué. "Le travail a été mené avec le Parti communiste dans un très bon climat mais il y a eu des désaccords au sein du Front de gauche" a déclaré Martine Aubry, secrétaire générale du PS. "Compte tenu de la magnifique bravoure du Front de gauche pour le 2e tour de l'élection présidentielle qui a fait la décision parce que sans les 4 millions de voix de notre parti, quel qu'ait été son brillant niveau, François Hollande ne serait pas parvenu à la majorité, nous avons droit à du respect" a déclaré Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci a choisi de continuer son combat contre la leader du Front national (FN), Marine Le Pen et se présente dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. Avec le slogan "La gauche sans complexe et sans casserole", il mène une campagne très sociale (augmentation du salaire minimum à 1 700 €) et table sur les divisions du PS local. Le pari de Jean-Luc Mélenchon est moins risqué qu'il n'y paraît puisque François Hollande a recueilli dans cette circonscription 60,44% des suffrages lors du 2e tour de l'élection présidentielle.
L'accord signé préalablement (novembre 2011) entre le PS et EELV attribue 63 circonscriptions aux écologistes qui affronteront des dissidents de gauche dans une vingtaine d'entre elles. Le risque de voir la gauche éliminée dès le 1er tour dans le cas où le Front national (FN) obtiendrait des résultats élevés est réel dans 5 à 10 circonscriptions. EELV présente au total 471 candidats, dont 236 femmes.
Le 16 mai dernier, François Hollande a nommé Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, au poste de Premier ministre. Celui-ci a composé un gouvernement comprenant 34 personnes (18 ministres et 16 ministres délégués) dont la grande majorité (29) n'ont jamais exercé de responsabilités ministérielles. Pour la première fois de son histoire, la France est dirigée par un président de la République et un Premier ministre qui n'ont jamais participé à un gouvernement.
L'équipe gouvernementale respecte les équilibres politiques au sein du PS (toutes les tendances sont représentées) et plus largement de la gauche (2 ministres écologistes, 2 radicaux de gauche). La grande absente du gouvernement est Martine Aubry, secrétaire générale du PS, qui a décliné toute proposition autre que Matignon (siège du Premier ministre en France). Celle-ci a annoncé qu'elle abandonnerait ses fonctions à la tête du PS sans toutefois donner de date de départ.
Ce gouvernement est également le premier gouvernement paritaire de la Ve République : 17 hommes et 17 femmes. Toutefois, l'égalité en nombre ne recouvre pas l'égalité des statuts puisque une seule femme occupe un ministère régalien : Christiane Taubira (PRG), à la Justice.
La configuration du gouvernement devrait évoluer après les élections législatives.
24 ministres sont candidats aux élections législatives. Le président de la République François Hollande a informé ses ministres que tous ceux qui seraient battus devront abandonner leurs fonctions. Certains ont renoncé à se présenter comme Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem. Plusieurs ministres sont en situation délicate sont les suivants : la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filipetti, dans la 1ère circonscription de la Moselle ; le ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, dans la 3e du Lot-et-Garonne ; la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, dans la 1ère d'Indre-et-Loire ; le ministre de l'Économie, des Finances et du Commerce extérieur, Pierre Moscovici, dans la 4e du Doubs ; la ministre déléguée à l'Artisanat, au Commerce et au Tourisme, Sylvia Pinel, dans la 2e du Tarn-et-Garonne ; la ministre déléguée aux Personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, dans la 5e des Bouches-du-Rhône et enfin le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Stéphane Le Foll, dans la 4e de la Sarthe.
Lors du premier Conseil des ministres, conformément à la promesse de campagne du candidat François Hollande, les rémunérations des chef de l'Etat, Premier ministre et ministres ont été diminuées de 30%. Chaque ministre a en outre signé une charte de déontologie s'engageant à renoncer au cumul des mandats et à se garder de tout conflit d'intérêt.
Une cohabitation improbable
Le principal parti d'opposition, l'UMP, qui fait campagne avec le slogan "Ensemble, choisissons la France", s'appuie sur le résultat, élevé, de l'ancien président de la République (2007-2012) Nicolas Sarkozy lors du 2e tour de l'élection présidentielle (48,38%). "Nous devons nous mettre partout sur le terrain en position de reconquête" a affirmé le maire de Bordeaux, Alain Juppé (UMP) qui a par ailleurs renoncé à être candidat dans la 2e circonscription de Gironde, indiquant qu'il souhaitait se consacrer à sa tâche municipale et préparer les échéances électorales de 2014.
"Je ne souhaite pas la cohabitation pour la cohabitation mais un vote d'équilibre des pouvoirs et de protection de la fiche de paie et de la feuille d'impôts des Français" a déclaré l'ancien ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé (2010-2012) et ancien secrétaire général de l'UMP(2009-2010), Xavier Bertrand, ajoutant "Le parti doit donner le maximum et faire campagne avec la même énergie que celle que Nicolas Sarkozy a déployée, une campagne de conviction, totalement engagée, combative, pugnace. Ce qui ne veut pas dire agressive".
Le programme de l'UMP veut lutter contre l'assistanat et le matraquage fiscal des classes moyennes, le communautarisme, le droit de vote des étrangers aux élections locales, le laxisme aux frontières de l'Europe, les excès de la mondialisation et les délocalisations. Il propose de baisser de 13 milliards € les charges sociales sur le travail de façon à protéger 14 millions d'emplois, de réserver 20% des marchés publics aux petites et moyennes entreprises, de maintenir le système des heures supplémentaires défiscalisées et d'augmenter le salaire net des Français grâce à une baisse des cotisations salariales de 4 milliards €.
Secrétaire général du parti, Jean-François Copé doit se battre sur son aile droite contre le Front national de Marine Le Pen. "Je dis aux Français qui veulent ou qui ont envie de voter pour le Front national, qu'en votant Front national, on fait passer la gauche" a-t-il averti. "Nous sommes clairs : pas d'alliance avec le Front national. J'aimerais qu'on prenne le temps d'interroger François Hollande sur son alliance avec Jean-Luc Mélenchon et les Verts" a t-il ajouté.
L'UMP est déjà entrée dans la bataille de la succession de l'ancien président de la République qui se déroulera à l'automne prochain. En effet, selon les statuts du parti, celui-ci dispose, en cas de défaite de son candidat à l'élection présidentielle, de 4 à 6 mois pour organiser un congrès et nommer ses nouveaux président, vice-président et secrétaire général.
"L'UMP n'a plus de leader naturel" a déclaré l'ancien Premier ministre (2007-2012) François Fillon à l'hebdomadaire Le Figaro magazine sans craindre d'ouvrir les hostilités. "C'est une évidence. Nicolas Sarkozy manque à l'UMP, c'est lui qui a largement construit le succès de ce parti politique et il y a un vide depuis son départ que personne ne peut nier" a-t-il expliqué. L'ancien chef du gouvernement devrait affronter – entre autres – Jean-François Copé dans sa lutte pour le poste de leader du parti. "Celui qui sera le président de l'UMP de 2012 devra d'abord être un président de combat, un chef de guerre, au sens démocratique du terme" a précisé le secrétaire général. "Qu'il y ait, à l'occasion du congrès, qui statutairement aura lieu à l'automne, des candidats différents et donc des concurrences de candidatures pour la présidence du parti, c'est complètement normal mais le temps n'est pas venu d'évoquer ça" a-t-il précisé espérant faire apparaître son rival François Fillon comme l'homme de la division à l'heure où la priorité devrait être au rassemblement.
"J'espère qu'il s'agit simplement de paroles malencontreuses (...) Nous sommes engagés dans une bataille législative qui peut nous conduire à la victoire, la condition de cette victoire, c'est bien sûr d'être rassemblés. La priorité des priorités, c'est l'unité" a déclaré Alain Juppé. "J'ai fondé, avec d'autres, l'UMP. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter que cet acquis soit remis en question" a-t-il ajouté.
Le nombre de députés que remportera l'opposition le 17 juin, et notamment la façon dont ceux-ci se répartiront entre partisans de l'une ou de l'autre des deux personnalités en lice pour la succession de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP, sera déterminant. Pour l'heure cependant, les électeurs de la droite se montrent plus intéressés par les conséquences de la crise socioéconomique et l'avenir de leur pouvoir d'achat que par le leadership du parti.
Scrutin à risque pour le Front national
Le Front national, non représenté au parlement, espère obtenir des sièges à l'Assemblée nationale. Cependant, le mode de scrutin majoritaire à 2 tours ne lui est pas favorable. L'électorat du FN (comme d'ailleurs l'ensemble des Français) se mobilise moins pour les élections législatives que pour le scrutin présidentiel. Si la participation est faible le 10 juin prochain, par exemple autour de 60%, tout parti devra alors impérativement avoir plus de 20% des suffrages exprimés pour atteindre la barre des 12,5% des inscrits, indispensable pour se maintenir au 2e tour de scrutin.
L'objectif du FN est tout d'abord de démontrer sa capacité à rassembler, à former des alliances avec d'autres partis, d'apparaître comme une force politique attractive. C'est pourquoi le FN se présente pour le scrutin législatif sous le nom de Rassemblement bleu marine. Il a réussi à enrôler sous sa nouvelle appellation Bernard Dutheil de la Rochère (Mouvement républicain et citoyen, MRC), Olivier Eyraud (UMP), qui a de ce fait été exclu de son parti, et Nathalie Huiart, leader locale de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT). "Il y a des gens bien à l'UMP, il y a des élus de terrain, il y a énormément d'électeurs qui ne comprennent pas ce cordon sanitaire entre l'UMP et le FN dont ils ne voient pas les tenants et les aboutissants" a déclaré Marine Le Pen le 22 mai. Celle-ci a précisé que son parti pourrait très "exceptionnellement appeler à voter en faveur de candidats de l'UMP ou du PS en fonction de leur valeur humaine".
Le FN présente 572 candidats, dont 289 femmes. 11 de ses candidats ne sont pas membres du parti comme l'avocat Gilbert Collard, qui se présente dans la 2e circonscription du Gard, seul département où Marine Le Pen est arrivée en tête au 1er tour de l'élection présidentielle du 22 avril dernier, ou Jacques Peyrat dans la 1ère circonscription des Alpes-Maritimes. Outre ces deux départements, le FN espère remporter des sièges en Moselle, dans le Vaucluse et dans le Pas-de-Calais. Le parti s'est fixé pour objectif d'être présent dans 150 à 200 circonscriptions au 2e tour et fait campagne sur le thème de la protection – économique, sociale, physique –, la priorité nationale, le soutien aux retraités et la lutte contre le communautarisme.
Quel avenir pour François Bayrou ?
Enfin, le leader du Mouvement démocrate (MoDem), François Bayou, aura des difficultés à conserver son siège de député dans la 2e circonscription des Pyrénées-Atlantiques. "Il y a évidemment une équation politique qui n'est pas facile" a-t-il déclaré. Arrivé en 5e position au 1er tour de l'élection présidentielle du 22 avril dernier avec 9,13% des suffrages, François Bayrou avait ensuite annoncé qu'il voterait pour François Hollande au 2e tour. "Après un débat profond, j'ai décidé de m'opposer à Nicolas Sarkozy dont l'obsession de l'islam était dangereuse pour notre pays" a-t-il déclaré pour expliquer son choix, ajoutant : "il m'a semblé que le pays avait besoin d'alternance".
Le Modem se présente sous l'étiquette du Centre pour la France (CpF) avec 471 candidats dont un quart ne sont pas membres du MoDem. "Mon engagement pour les élections législatives, c'est précisément qu'il faut à l'Assemblée nationale des voix qui disent quand c'est juste et, inversement, qui disent quand cela ne l'est pas. Si l'on veut servir le pays, alors il faut une force d'équilibre. Si d'aventure, la droite obtenait la majorité dans l'hémicycle, je le dis avec certitude ce serait une catastrophe pour le pays. Il suffit de regarder le climat actuel dans les deux camps. La violence qui est entrée dans les échanges est nuisible. Le risque d'avoir une majorité en guerre contre le nouveau président est réel. Jean-François Copé lui-même a utilisé le mot de guerre" a mis en garde François Bayrou. "La France n'a aucune chance de se redresser si les prochaines élections législatives aboutissent à une cohabitation de blocage" a t-il indiqué, appelant le nouveau président de la République à "reprendre en profondeur son programme économique" car "la crise financière n'est pas derrière nous, mais devant".
Selon toute vraisemblance, les Français devraient donner à François Hollande la majorité qui lui permettra de gouverner durant les cinq années à venir. Les élections législatives organisées dans la foulée d'un scrutin présidentiel ont toujours confirmé le choix effectué lors de ce scrutin. Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Ipsos les 25 et 26 mai dernier, l'UMP recueillerait 35% des suffrages et le PS, 31% des voix. Le FN obtiendrait 15% des suffrages, EELV, 6% et le Front de gauche, 8%. Le sondage de l'institut IFOP publié le 30 mai crédite le PS de 34% des voix et l'UMP de 32%. Le FN serait à 15,5% des voix, EELV à 3,5% et le Front de gauche à 7%.
L'UMP appelle à ne pas donner tous les pouvoirs à la gauche qui détient la présidence de la République, le Sénat (chambre haute du Parlement), la grande majorité des régions et la majorité des départements et des grandes villes du pays. La droite a été dans cette situation par deux fois, la première fois entre 1995 et 1997 et la seconde entre 2002 et 2004.
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