L'Union démocratique du centre toujours en tête des sondages à une semaine des élections fédérales suisses

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

17 octobre 2011
null

Versions disponibles :

FR

EN

Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

L'Union démocratique du centre toujours en tête des sondages à une semaine des é...

PDF | 152 koEn français

Environ 5 millions de Suisses sont appelés à renouveler les 200 membres du Conseil national et les 46 membres du Conseil des Etats le 23 octobre prochain.

La campagne électorale est considérée par les analystes politiques comme atone comparativement à celle des précédentes élections fédérales du 21 octobre 2007 qui s'était déroulée dans un climat de polarisation extrême. Le thème de l'immigration avait alors figuré au cœur des débats. La campagne de l'Union démocratique du centre (UDC/SVP) contre l'immigration avait suscité de vives réactions en Suisse et au-delà des frontières. Des affiches électorales représentant trois moutons blancs chassant un mouton noir avec le texte "Pour plus de sécurité" ou encore une femme voilée illustrant une question : "Aarau ou Ankara ?" avaient suscité la polémique. "Les élections fédérales de 2011 ne connaissent ni un tel climat ni une telle personnalisation" a déclaré Claude Longchamp, directeur de l'institut d'opinion gfs.berne. "Les débats sont moins durs, il y a moins d'explosivité et d'énergie dans le débat politique" indique l'historien Jakob Tanner. "Je diagnostique une sorte de fatigue de la politique" avance Gerhard Schwartz, directeur du think tank Avenir suisse.

L'Union démocratique du centre (UDC/SVP) a pourtant tenté de miser de nouveau sur le sujet de l'immigration et de la politique de l'asile. Le Parti démocrate-chrétien (PDC/CVP) et le Parti écologiste-Les Verts (PES/GPS) se sont fortement positionnés contre l'énergie nucléaire, le Parti socialiste (PSS/SPS) a mis l'accent sur les problèmes sociaux. Tous ces sujets ont toutefois été détrônés par les thèmes économiques, notamment l'appréciation du franc suisse.

Le franc fort menace environ 120 000 emplois. Durant l'été, les chefs d'entreprise ont à plusieurs reprises demandé l'intervention de la Banque nationale suisse. Le 17 août, le Conseil fédéral a débloqué 2 milliards CHF pour aider les entreprises exportatrices et le secteur de l'hôtellerie. Ce plan comprend deux parties : un premier versement immédiat de 870 millions et le reste en décembre prochain, si besoin est. Le 6 septembre, la Banque nationale suisse annonçait qu'elle ne tolérerait pas un cours du franc inférieur à 1,20 CHF pour 1 € et se disait prête à acheter des devises en quantité illimitée.

Néanmoins, le franc fort ne bénéficie pas à un parti précis. Face à la crise actuelle, le Parti radical-démocratique (PRD/FDP) et le Parti démocrate-chrétien ont mis en avant leur image de partis responsables, le Parti socialiste (PSS/SPS) a demandé des garanties sociales et l'UDC/SVP proposé une baisse de la TVA pour redonner du pouvoir d'achat à l'ensemble des Suisses. Ces derniers s'interrogent sur leur avenir et s'inquiètent du ralentissement économique que leur pays connaît, craignant que celui-ci ne se transforme en véritable récession.

L'UDC/SVP n'est plus le seul parti à parler d'immigration. "On aborde enfin les vraies problématiques : l'apport ou non des étrangers pour notre économie, le logement, les salaires, la démographie. Ce sont des vraies questions que tout le monde se pose" s'est réjoui Ada Marra (PSS/SPS). Bastien Girod (PES/GPS) pense que les forces de gauche devraient être plus offensives sur ce sujet. "La gauche joue au mikado sur ce thème. Elle craint de perdre en bougeant. Mais si on ne fait rien pour mieux accompagner cette migration, au final les gens seront opposés à la libre circulation. Il ne s'agit pas de fermer les frontières mais de cesser de vouloir attirer à tout prix les entreprises étrangères" a-t-il déclaré. L'association Ecologie et population (Ecopop) souhaite lancer une initiative populaire pour limiter l'immigration à 0,2% (contre 1,3% actuellement) afin de réduire l'impact environnemental de la croissance démographique. "Nous ne voulons pas que l'extrême droite soit la seule à s'occuper de politique migratoire" a indiqué le porte-parole d'Ecopop, Albert Fritsch. Pour mettre en place un contingentement des immigrés, la Suisse devrait toutefois résilier ou renégocier certains des traités qu'elle a précédemment signés.

Le programme de l'UDC/SVP met l'accent sur 11 points dont l'application rigoureuse de la loi sur l'asile renforcée en 2006 pour envoyer un signal clair aux organisations de passeurs, l'accélération massive des procédures et la restriction des possibilités de recours, la conclusion de nombreux accords de réadmission pour expulser les requérants déboutés accompagnés de mesures de rétorsion pour les pays qui n'en concluent pas ou qui ne respectent pas ceux qu'ils ont signés. "Il faut envisager le renvoi vers des pays africains tiers moyennant de nouveaux accords (éventuellement avec des indemnités financières) pour pouvoir expulser les gens qui refusent de donner leur identité" a affirmé Hans Fehr, conseiller national de l'UDC/SVP, qui parle de "supprimer le droit au regroupement familial au bénéfice d'une admission provisoire", demande la résiliation des accords de Schengen et de ceux de Dublin et enjoint le Conseil fédéral à faire pression sur l'agence européenne Frontex.

A propos de la nouvelle initiative populaire présentée par l'UDC/SVP (les modalités de renvoi des criminels étrangers seraient fixées dans la Constitution), Christoph Blocher a affirmé : "Nous voulons simplement mettre sur la table les sujets qui intéressent les Suisses. A part nous, personne n'aborde les vrais problèmes du pays" ajoutant "Le droit international est un prétexte pour ne pas appliquer la volonté populaire" précisant que l'initiative est nécessaire pour faire appliquer une modification constitutionnelle acceptée par le peuple et les cantons le 28 novembre 2010. Les Suisses ont en effet accepté par référendum la modification de l'article 121 de la Constitution pour priver de leur titre de séjour et interdire d'entrée sur le territoire suisse pour une période allant de 5 à 15 ans les étrangers ayant été condamnés pour des infractions graves ou ayant perçu de façon abusive des prestations sociales. L'UDC/SVP souhaite rendre automatique l'expulsion des étrangers condamnés quelle que soit la peine prononcée.

Enfin, le 28 septembre dernier, le Conseil national a adopté, par 101 voix, contre 77, et contre l'avis du gouvernement, l'interdiction de la burqa dans certains lieux publics dont les transports en commun.

Le mode de scrutin majoritaire en vigueur pour l'élection des conseillers des Etats oblige cependant l'UDC/SVP, qui souhaite augmenter son nombre d'élus (ils sont actuellement 7), à adopter une posture plus conciliante. Le parti cherche à séduire les électeurs centristes, ce qui l'oblige à mettre en sourdine les provocations qui ont fait son succès.

"Notre objectif est de faire aussi bien qu'il y a 4 ans (28,9% des suffrages) malgré un contexte difficile avec la scission du Parti bourgeois-démocratique (PBD). Quoi qu'il arrive, nous n'aurons pas droit à plus de 2 sièges au Conseil fédéral" a déclaré Christoph Blocher.

La progression de l'UDC/SVP est une donnée fondamentale de la vie politique suisse depuis plus de 10 ans. Une stabilisation du parti populiste – certes à un niveau élevé – à l'issue des élections fédérales n'est cependant pas à exclure.

Le Parti radical-démocratique de Fulvio Pelli s'affiche comme le parti de l'économie, capable de favoriser l'emploi et de développer la création d'entreprises. Il est opposé au revenu minimal et au plafonnement des hauts salaires. Il souhaite renforcer les petites et moyennes entreprises et promouvoir la recherche et le développement dans le domaine énergétique.

"Les électeurs aiment élire des gens modérés, plutôt pragmatiques au niveau cantonal mais lors des élections fédérales, ils privilégient les positions tranchées" a déclaré Pascal Sciarini, politologue à l'université de Genève. Depuis 1979, de nombreux électeurs ont quitté le Parti radical-démocratique, pour l'UDC/SVP mais aussi pour le Parti vert-libéral (GLP/VL) et le Parti bourgeois-démocratique. "Progresser jusqu'à 20% reste notre ambition" a affirmé Isabelle Moret, vice-présidente du Parti radical-démocratique.

Le Parti démocrate-chrétien s'est quelque peu déporté sur sa gauche en passant des accords avec le Parti vert-libéral dirigé par Martin Bäumle ou encore avec le Parti évangélique (PEV/EVP) de Heiner Studer. Ce dernier parti a lancé sa campagne électorale en présentant 10 thèses sur la politique migratoire : accélération des procédures d'asile, respect de la dignité humaine dans les décisions de justice, extension des compétences des services de la migration et de la police, application des mesures prévues par les accords de Schengen et de Dublin.

Christophe Darbellay, leader chrétien-démocrate, aime à rappeler le rôle de son parti dans "la décision la plus importante et la plus symbolique de ces 25 dernières années, la sortie du nucléaire". Le 28 septembre dernier, le Conseil des Etats a en effet confirmé l'arrêt de la construction de toute nouvelle centrale nucléaire sans toutefois interdire le développement de la technologie et en garantissant l'avenir de la recherche. "On ne prend pas de décision d'une telle portée au milieu d'une crise" a souligné Adrian Amstutz (UDC/SVP). L'Union démocratique du centre et le Parti radical-démocratique sont tous deux partisans de l'énergie nucléaire.

Christophe Darbellay a enjoint le candidat de l'UDC/SVP au Conseil fédéral de prendre ses distances avec l'initiative populaire (sur le renvoi des étrangers), un texte, selon lui, "dommageable à la place économique suisse" et qui "impliquerait une renégociation de l'accord sur la libre circulation des personnes". "La Suisse a besoin des étrangers. Sans eux, il n'y aurait pas de Suisse" a t-il déclaré, indiquant "ne pas donner cher de la peau de la Suisse si le pays s'isole et se replie dans une sorte de réduit."

L'annonce le 7 septembre dernier par Micheline Calmy-Rey (PSS/SPS), actuelle présidente de la Confédération helvétique et ministre des Affaires étrangères, de son intention de quitter le Conseil fédéral à la fin de son mandat en décembre prochain a créé une situation inédite.

Le Conseil fédéral est formé de 7 membres élus pour 4 ans par le Parlement. Il exerce le pouvoir exécutif. Fonctionnant selon le principe de collégialité, toutes ses décisions sont prises par consensus. En 2003, la non réélection de Ruth Metzler-Arnold (PDC/CVP), une première en Suisse depuis 1872, a modifié la traditionnelle formule magique (2-2-2-1) qui régissait la répartition des sièges de l'assemblée. Le Conseil fédéral regroupe 5 partis : le Parti radical-démocratique (2 sièges), le Parti socialiste (2 sièges), le Parti démocrate-chrétien (1 siège), l'Union démocratique du centre (1 siège) et le Parti bourgeois-démocratique (1 siège). Cette année, le résultat des élections fédérales aura donc pour la première fois des répercussions directes sur la composition du futur Conseil fédéral.

Le Parti radical-démocratique, le Parti socialiste et le Parti démocrate-chrétien espèrent conserver leurs 2 sièges respectifs, l'Union démocratique du centre en conquérir un deuxième, le Parti écologiste-Les Verts (PES/GPS) en obtenir un et le Parti bourgeois-démocratique garder le sien.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut gfs.berne pour la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSRT) place l'UDC/SVP en tête des élections fédérales du 23 octobre prochain avec 29,3% des suffrages, devant le Parti socialiste (19,9%), le Parti radical-démocratique (15,2%), le Parti démocrate-chrétien (14,2%) et le Parti écologiste-Les Verts (9,3%).

L'Union démocratique du centre toujours en tête des sondages à une semaine des é...

PDF | 152 koEn français

Pour aller plus loin

Élections en Europe

 
2017-11-08-10-59-32.2521.jpg

Corinne Deloy

7 juillet 2024

Grande surprise et manifeste soulagement pour beaucoup lors du 2e tour des élections législatives le 7 juillet : le Rassemblement national (RN), parti de droite radicale présid&ea...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-24-26.9152.jpg

Corinne Deloy

1 juillet 2024

Le Rassemblement national (RN), parti de droite radicale présidé par Jordan Bardella, est arrivé en tête du 1er tour des élections législatives anticipé...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-24-26.9152.jpg

Corinne Deloy

24 juin 2024

Coup de tonnerre dans le ciel français au soir du 9 juin lorsque une heure après la fermeture des bureaux de vote pour les élections européennes  - et alors que les pr...

Élections en Europe

 
parlement-europeen-strasbourg.jpg

Pascale Joannin

17 juin 2024

Les dixièmes élections européennes, qui se sont tenues du 6 au 9 juin dans les 27 Etats membres de l’Union européenne, montrent une certaine stabilité dans le ...

La Lettre
Schuman

L'actualité européenne de la semaine

Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais

Versions :