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La surprise
Le 31 mai dernier, le Président de la République fédérale d'Allemagne, Horst Köhler, a jeté la stupéfaction en annonçant sa "démission avec effet immédiat", une première dans l'histoire du pays. Visiblement ému, celui que les Allemands surnomment "Super Horst" a indiqué avoir pris sa décision après avoir pris connaissance des réactions à l'interview qu'il a donnée à une radio publique le 22 mai dernier à son retour d'Afghanistan et dans laquelle il justifiait l'engagement militaire des 4 500 soldats allemands en Afghanistan par des raisons économiques. "A mon avis, la société dans son ensemble est en train d'accepter progressivement que dans le doute et en cas de nécessité, un engagement militaire peut être nécessaire pour protéger nos intérêts, par exemple la liberté des voies commerciales, en empêchant, dans certaines régions, l'instabilité qui aurait des effets négatifs sur nos échanges, nos emplois et nos revenus" avait-il déclaré.
Ces propos ont choqué car ils ne sont pas à l'unisson de la ligne officielle du gouvernement qui fait de l'engagement militaire de l'Allemagne en Afghanistan une contribution à la lutte contre le terrorisme international. "Les raisons économiques ne constituent pas une justification au déploiement en Afghanistan" a souligné le ministre de la Défense, Karl-Theordor zu Guttenberg. Les motifs de sa démission évoqués par le Chef de l'Etat n'ont pas convaincu la classe politique allemande. Elu le 23 mai 2004 puis réélu 5 ans plus tard à la tête de l'Etat, Horst Köhler est souvent vu comme un Chef de l'Etat atypique. Au nom du respect de la Constitution, le Président de la République avait ainsi refusé de signer certaines lois, notamment, en 2006, sur la privatisation de la sécurité aérienne. Il avait qualifié de "monstres" les marchés financiers – propos dont il s'était excusé par la suite – et jugé "décevants" les débuts de l'actuelle coalition gouvernementale dirigée par la Chancelière Angela Merkel qui rassemble l'Union chrétienne-démocrate (CDU/CSU) et le Parti libéral-démocrate (FDP). "On a pu observer un désaccord croissant entre l'action du gouvernement et l'analyse que le Chef de l'Etat a fait de la crise grecque et de l'euro. Horst Köhler ne pouvait plus remplir sa mission comme il le souhaitait et la nouvelle coalition qu'il a lui-même portée ne menait pas la bonne politique à ses yeux" a indiqué Frank Baasner, directeur de l'Institut franco-allemand (DFI) de Ludwigsburg.
"Je regrette au plus haut point. Je crois que les gens en Allemagne sont très tristes. Il était le Président des citoyens" a déclaré la Chancelière Angela Merkel après l'annonce de la démission du Chef de l'Etat. "C'est comme si j'avais été frappé par la foudre" a déclaré le vice-Chancelier et président du FDP, Guido Westerwelle. "Je suis assez admiratif face à ce geste qui ne manque pas de classe. Il n'y avait pas d'affaire Köhler, personne ne lui demandait de démissionner. Il faut sans doute voir dans son geste la très haute considération qu'il avait pour sa charge" a souligné Henrik Uterwedde, directeur adjoint du DFI de Ludwigsburg.
Cette démission tombe à un mauvais moment pour la Chancelière Angela Merkel. "Elle se trouve dans une situation à peu près aussi désespérée que celle du Chancelier Schröder (SPD) après la défaite en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (22 mai 2005) quand il a convoqué des élections anticipées" a déclaré Nils Diederich, politologue de l'université libre de Berlin.
Les candidats
Ursula von der Leyen (CDU) a un temps été pressentie pour succéder à Horst Köhler. Soutenue par Angela Merkel, l'actuelle ministre du Travail et des Affaires sociales est populaire auprès des Allemands mais ne fait pas l'unanimité parmi les conservateurs et catholiques de l'Union chrétienne-sociale (CSU), alliée de la CDU depuis 1953, qui se sont opposés à la politique qu'elle a menée lorsqu'elle était ministre de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse (2005-2009). Angela Merkel a dû céder aux pressions des caciques de la CDU comme à celles de son partenaire au gouvernement, le FDP.
Le 3 juin, la Chancelière a présenté le candidat choisi par la coalition gouvernementale, Christian Wulff, ministre-président du Land de Basse-Saxe depuis 2003. Etoile montante de la CDU, il peut être considéré à la fois comme le dauphin et le rival d'Angela Merkel. Catholique et représentant de l'aile libérale de la CDU, il est apprécié du FDP comme de la CSU.
Joachim Gauck, qui a dirigé les recherches dans les archives de l'ancienne police politique de la République démocratique allemande (RDA), la Stasi, sera le candidat du Parti social- démocrate (SPD) et des Verts.
La fonction présidentielle
Le Chef de l'Etat est élu par l'Assemblée fédérale allemande (Bundesversammlung) qui comprend 1 224 membres : 612 membres du Bundestag, Chambre basse du Parlement, et un nombre égal d'élus des 16 Länder, députés des Parlements régionaux ou personnalités de la société civile. L'élection se fait à bulletins secrets à la majorité absolue lors des 1er et 2e tours. Si aucun candidat n'atteint cette majorité (soit 613 voix), un 3e tour est organisé au cours duquel celui ou celle qui réunit le plus grand nombre de suffrages sur son nom est élu(e).
La fonction présidentielle est, en Allemagne, essentiellement honorifique : le Chef de l'Etat constitue toutefois une autorité morale, son rôle dépassant les prérogatives que lui assigne la Loi fondamentale. Elu pour 5 ans, le Président allemand représente le pays sur la scène internationale. Il conclut les traités avec les Etats étrangers, accrédite et reçoit les représentants diplomatiques. Il est le gardien du droit et de la Constitution, nomme et révoque les juges et fonctionnaires fédéraux, les officiers et les sous-officiers. Enfin, il peut dissoudre le Bundestag dans 2 cas précis : lorsque celui-ci ne réussit pas à élire un Chancelier (c'est-à-dire si aucun candidat ne parvient à réunir la majorité des voix des députés au bout de 3 jours, article 63 de la Loi fondamentale) ou lorsqu'une motion de confiance proposée par le Chancelier n'obtient pas l'approbation de la majorité des membres du Bundestag (article 68). Des élections législatives doivent alors être convoquées dans les 60 jours suivant la dissolution (article 39). 3 dissolutions ont eu lieu: le 23 septembre 1972, le 6 janvier 1983 et le 21 juillet 2005, sous le 1er mandat du Chef de l'Etat sortant, Horst Köhler.
Tout candidat à la fonction présidentielle doit être âgé d'au moins 40 ans et ne peut être réélu qu'une seule fois. Selon la Loi fondamentale, le Président ne peut appartenir ni au gouvernement ni à un organe législatif de la Fédération (Bund) ou de l'un des seize Länder. Il ne peut exercer aucune autre fonction publique (ou privée) rémunérée et n'est pas autorisé à faire partie de la direction ou du conseil d'administration d'une entreprise poursuivant des buts lucratifs.
Les 2 partis de la coalition gouvernementale détenant une majorité d'environ 20 voix à l'Assemblée fédérale allemande, Christian Wulff devrait, à moins d'une nouvelle surprise, être élu Président de la République fédérale d'Allemagne le 30 juin prochain.
Jusqu'à cette date, l'intérim à la tête de l'Etat est assuré par le président de la Chambre haute du Parlement (Bundesrat), Jens Böhrnsen (SPD).
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