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Le 20 février dernier, le gouvernement néerlandais chutait sur les problèmes posés par une mission de paix en Afghanistan. Les Pays-Bas ont déjà vécu une situation similaire le 16 avril 2002 lorsque le gouvernement de Wim Kok (Parti travailliste, PvdA) a démissionné après la publication du rapport officiel de l'Institut néerlandais de documentation critiquant les actions de l'armée néerlandaise lors de la chute de l'enclave de Srebrenica en juillet 1995 et admettant "la co-responsabilité politique des Pays-Bas" dans le massacre des populations civiles. 8 ans plus tard, l'Afghanistan est à l'origine de la crise politique, 21 soldats (dont le propre fils du chef d'état major, le général Peter van Uhm) y ont été tués depuis août 2006.
Le gouvernement dirigé par le Premier ministre Jan Peter Balkenende (Appel chrétien-démocrate, CDA) est donc tombé après le départ du PvdA. Celui-ci s'opposait à la décision du Premier ministre de maintenir les 1 950 soldats néerlandais déployés dans le cadre de la force d'assistance internationale à la sécurité (ISAF) de l'OTAN (forte au total d'environ 85 000 soldats) en Afghanistan jusqu'à l'été 2011. Cette prorogation du mandat du contingent néerlandais avait été demandée le 4 février dernier aux autorités néerlandaises par l'OTAN qui souhaitait que les soldats du royaume forment les forces afghanes.
Environ 500 000 Néerlandais résidant à l'étranger sont autorisés à voter pour ces élections législatives, par courrier ou par procuration. Lors du dernier scrutin législatif du 22 novembre 2006, 26 000 d'entre eux avaient rempli leur devoir citoyen.
L'ensemble des partis politiques néerlandais sont favorables à des coupes dans les dépenses publiques, indispensables pour réduire les déficits publics. La plupart des partis prévoient des réductions budgétaires de l'ordre de 15 milliards € en moyenne d'ici à 2015.
Le PvdA souhaite augmenter les impôts des plus riches en imposant à 60% les revenus dépassant 150 000 € annuels et réduire de 30% la déductibilité fiscale des intérêts sur les prêts immobiliers à partir de 2014.
Les Libéraux du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) veulent réduire les charges sociales comme les sommes consacrées par l'Etat à l'aide internationale et à l'Union européenne. Ils entendent limiter les coûts administratifs.
Tous les partis promettent de développer l'emploi. Le PvdA affirme qu'il créera 200 000 emplois, ce nombre s'élève à 300 000 pour la Gauche verte (GL) et à 320 000 pour le CDA, qui souhaite également réformer la loi sur le travail. Le VVD promet de créer deux fois plus d'emplois que le PvdA : 400 000 au total.
Enfin, côté retraites, syndicats et patronat sont parvenus le 27 mai dernier à un accord sur les grandes lignes de la loi sur les pensions. La loi sur la vieillesse prévoit que l'âge de la retraite sera porté à 67 ans d'ici 2025 (66 ans en 2020 et 67 ans en 2025). Celui-ci est fixé à 65 ans. Cet âge devrait par la suite être lié à l'espérance de vie et revu tous les 5 ans. La majorité des partis politiques sont favorables au recul de l'âge de la retraite.
Selon les études réalisées par le Bureau central (CPB) sur les programmes électoraux, le Parti socialiste (SP), le Parti du travail et la Gauche verte (GL) –positionnés à gauche sur l'échiquier politique – préserveraient le plus le pouvoir d'achat des Néerlandais. "Les efforts demandés par les partis dépassent de loin ceux qui ont été annoncés lors des dernières élections de 2006. La classe politique est apte à faire face à un grand défi. C'est une bonne nouvelle pour l'électorat qui a de quoi choisir" a déclaré le directeur du CPB, Coen Teulings. "Le Parti socialiste, qui est celui qui prévoit les plus faibles économies, arrive tout de même à une réduction de 10 milliards €. Le Parti populaire pour la liberté et la démocratie demande les coupes les plus importantes : les Libéraux annoncent 20 milliards d'économies et affichent le meilleur résultat concernant la solidité financière : dans les projets du parti, le déficit budgétaire se sera transformé en excédent en 2015" a-t-il ajouté.
Le CDA souffre de la mauvaise image du Premier ministre sortant, Jan Peter Balkenende. Traditionnellement aux Pays-Bas, le parti du chef de gouvernement sortant bénéficie de sa position et remporte les élections, c'est ce que l'on appelle le "bonus" du Premier ministre sortant. Les observateurs politiques parlent du "malus" de Jan Peter Balkenende. "Il est impossible que Jan Peter Balkenende rejoigne Mark Rutte (leader du VVD) et Job Cohen (leader du PvdA) dans les enquêtes d'opinion. L'image du Premier ministre est trop endommagée pour que celui-ci renverse la situation. Jan Peter Balkenende ne parait pas solide, or c'est précisément ce que recherchent les gens dans les moments de crise économique" souligne le spécialiste du marketing, Frank van den Wall Bake.
A la peine dans les sondages, le CDA doit affronter l'offensive de l'Union chrétienne (CU), membre de la coalition gouvernementale sortante. Son leader André Rouvoet a déclaré que durant son mandat à la tête des Pays-Bas, Jan Peter Balkenende s'était davantage occupé des intérêts du CDA que de ceux du pays.
Mais Job Cohen n'a pas non plus la partie facile. Ainsi le 27 avril dernier, lors du 1er débat télévisé organisé dans la perspective des élections législatives du 9 juin prochain, le leader travailliste n'a pas vraiment convaincu. Il a notamment été pris en défaut de ne pas connaître le nombre de Néerlandais qui ont contracté un emprunt immobilier, la question de la déductibilité fiscale des intérêts sur les prêts immobiliers figurant pourtant au cœur de la campagne électorale. Ses adversaires sont nombreux à mettre en avant les lacunes de Job Cohen en matière économique et à pointer son manque de compétence en la matière.
Lors du 2e débat qui s'est déroulé le 5 mai, le leader travailliste a de nouveau été montré du doigt, pour avoir déclaré avoir reçu un texto de l'un des organisateurs de l'émission, Paul Witteman, qui contenait la phrase suivante : "Soyez vous-même". Enfin, il y a quelques jours, Job Cohen s'est montré confus concernant l'âge de la retraite, affirmant que son parti souhaitait relever l'âge de la retraite à partir de 2020 alors que le programme du PvdA prévoit l'application de cette mesure dès 2015, ce qui représente une économie de 1 milliard € supplémentaire. Cette confusion et ces lapsus expliquent en partie le recul du PvdA dans les dernières enquêtes d'opinion.
A quelques jours du scrutin, le VVD a le vent en poupe. Pour la 1ère fois depuis plus de 9 ans, il est en tête des intentions de vote dans les enquêtes d'opinion. Selon les analystes, le VVD attire surtout des anciens électeurs du CDA et du PVV, notamment en raison de son programme économique qui inspire davantage confiance que celui de ces 2 autres partis. Selon la dernière enquête du Kieskompas (Boussole électorale), la moitié des électeurs du CDA s'apprêtent à voter en faveur des libéraux. Ce chiffre s'élève à 60% parmi ceux du PVV. "Le Parti populaire pour la liberté et la démocratie, en tant que pont entre la gauche et la droite, peut obtenir 3 sièges aussi bien que 24" a déclaré le politologue André Krouwel.
Mark Rutte a indiqué qu'il n'était pas favorable à une alliance avec le PvdA : "les différences avec les sociaux-démocrates sont trop importantes" a-t-il déclaré dans un entretien avec le Dagelijkse Standaard. Actuelle commissaire européenne chargée de la société numérique, Neelie Kroes n'exclut pas de devenir Premier ministre si son parti arrive en tête le 9 juin.
Le Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders connaît quelques problèmes, notamment pour recruter des candidats pour le scrutin législatif. "Ce genre de parti attire surtout des chercheurs d'or, des types marginaux qui ne trouvent pas de place ailleurs" indique André Krouwel, politologue à l'université Vrije d'Amsterdam. Le député Hero Brinkman, qui figure en 11e position sur la liste nationale le 9 juin prochain, a critiqué Geert Wilders et affirmé que le PVV "n'était pas démocratique", demandant une plus grande ouverture. Il souhaite ainsi que les électeurs puissent devenir membres du parti – ce qui n'est pas le cas– et donc donner leur avis sur son programme et sur son action.
"Geert Wilders a perdu du terrain et certains sont un peu fatigués du personnage, de sa logique et de la polarisation qu'il suscite" a indiqué Dirk Oegema, professeur à l'université Vrije. De nombreux Néerlandais s'interrogent également sur la capacité de gouverner du PVV, notamment après les élections locales du 3 mars dernier. Alors que le PVV est arrivé en 2e position à La Haye, et en 1ère position à Almere, 6e ville du pays, il a, par son intransigeance et par tactique politique, choisi de rester dans l'opposition dans ces 2 villes. "Si nous ne concluons pas de compromis, nous deviendrions un 2e Parti socialiste (parti néerlandais d'extrême gauche) qui se fait beaucoup entendre mais qui n'obtient jamais le moindre changement" avait déclaré Geert Wilders qui soulignait le lendemain des élections locales que "l'électeur a parlé et (que) l'on doit prendre la démocratie au sérieux".
"Le leader populiste va essayer de rester en dehors du gouvernement et de bénéficier de la position de principal parti d'opposition" affirme Dirk Oegema. Alfred Pijpers, de l'institut néerlandais de relations internationales Clingendael, estime que la percée de Geert Wilders aura pour conséquence de renforcer la cohésion entre les partis de gouvernement qui, en 2002, avaient gouverné avec le parti de Pim Fortuyn (leader populiste assassiné en mai 2002, 9 jours avant les élections législatives du 15 mai 2002 où son parti, la Liste Pim Fortuyn était arrivé en 2e position avec 26% des suffrages). "Même si le PVV obtient de 25% à 30% des voix, il n'entrera pas au gouvernement" affirme le politologue.
Le PVV a indiqué que le fait que le CDA fasse de la question de la déductibilité fiscale des intérêts sur les prêts immobiliers un "point de rupture" augmentait ses chances d'entrer au gouvernement. En effet, si le parti du Premier ministre arrive en tête du scrutin, il devrait faire appel à des partis qui partagent son opinion (le maintien de la déductibilité fiscale des intérêts sur les prêts immobiliers pour ne pas alourdir les charges pesant sur les propriétaires ou perturber le marché immobilier), c'est-à-dire le VVD et le PVV.
En recul dans les enquêtes d'opinion où il figure actuellement à la 4e place, Geert Wilders s'est de nouveau exprimé sur l'un de ses thèmes de prédilection : l'immigration. Il a rendu publics des calculs selon lesquels les immigrés "non Occidentaux" coûteraient chaque année 7 milliards € à l'Etat à cause du chômage dont ils pâtissent et du taux de criminalité qui serait le leur, précisant "Les Néerlandais vont devoir décider : sommes-nous un pays d'immigration ou un pays de services sociaux ?".
Le président des Démocrates 66 (D 66), Alexander Pechtold, a indiqué qu'il souhaitait, à l'issue du scrutin du 9 juin, voir les Pays-Bas gouvernés par une coalition qui rassemblerait, outre le D66, le PvdA, le VVD et la Gauche verte. "En votant en faveur de Démocrates 66, les électeurs savent quel gouvernement ils auront. Un vote pour nous évitera à Mark Rutte de s'associer à Geert Wilders et à Job Cohen de faire appel au Parti socialiste" a-t-il déclaré. Il a également affirmé que son parti ne rejoindrait pas "une coalition qui laisserait le marché du logement en l'état".
Mark Rutte a été désigné comme le vainqueur du débat télévisé entre les têtes de liste qui a eu lieu le 23 mai. 34% des téléspectateurs l'ont désigné comme tel pour 23% qui ont cité Job Cohen et 18% Geert Wilders et Jan Peter Balkenende. Les leaders politiques étaient chacun appelés à désigner à la fois un adversaire et un thème pour débattre. Mark Rutte et Geert Wilders ont choisi Job Cohen et Jan Peter Balkenende a choisi Mark Rutte. "Les projets de Mark Rutte ne sont pas sociaux, il veut assainir les finances publiques froidement et de façon irresponsable et son refus de garantir la déductibilité fiscale des intérêts sur les prêts financiers ouvre la porte à un nouveau gouvernement violet (c'est-à-dire rassemblant le VVD et les partis de gauche)" a déclaré le Premier ministre sortant.
Selon toutes les enquêtes d'opinion, la partie devrait se jouer entre le PvdA de Job Cohen et le VVD de Mark Rutte. Les deux partis sont en tête des intentions de vote (le parti de Mark Rutte étant en 1ère position) tandis que le CDA du Premier ministre sortant Jan Peter Balkenende semble distancé.
Selon l'enquête d'opinion réalisée par l'institut Peil et publiée le 26 mai dernier, le VVD remporterait 36 des 150 sièges de la Chambre des Etats généraux, le PvdA 29 sièges, le CDA 25, le PVV 17, le Parti socialiste et la Gauche verte, 11 chacun, le D66 9 et l'Union chrétienne, 8.
Une coalition rassemblant le VVD, le PvdA et D66 (et éventuellement la Gauche verte) est la perspective la plus fréquemment évoquée par les analystes politiques. Cependant, il existe beaucoup de différences entre les Libéraux et les Travaillistes, notamment en ce qui concerne l'énergie, le système de santé, le droit du travail, la fiscalité et la déductibilité fiscale des intérêts sur les prêts immobiliers (que le PvdA souhaite réduire de 30% contrairement aux Libéraux). Le VVD pourrait également s'allier avec le CDA du Premier ministre sortant Jan Peter Balkenende et le PVV de Geert Wilders.
A l'issue des élections législatives, les négociations risquent d'être longues. La prochaine coalition gouvernementale néerlandaise pourrait s'avérer difficile à former.
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