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Dominique Reynié
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ENDominique Reynié
Le premier tour
I.- Les résultats du premier tour (9 juin)
(en % des suffrages exprimés)
II.- UN RECORD D'ABSTENTION (35,6%)
Encore et toujours l'abstention. Depuis le premier tour de l'élection présidentielle, l'abstention ne cesse de croître. On a pu lire ou entendre que l'abstention était plus forte lorsque les élections législatives suivent immédiatement une élection présidentielle. C'est exact. En même temps, il faut demeurer vigilant lorsqu'une explication semble transformer en loi politologique un comportement qui repose sur deux observations seulement. C'est peu dire que cela ne permet pas d'en conclure à une quelconque tendance. En 1981 et en 1988, l'élection et la réélection de François Mitterrand à la présidence de la république avaient débouché sur une dissolution. Considérons ces deux cas. En avril 1981, l'abstention au premier tour de l'élection présidentielle était de 18,3%, tandis que l'abstention au premier tour des élections législatives de juin passait de 29,1%. En 1988, l'abstention au premier tour de l'élection présidentielle se situait à 17,9%, pour atteindre 33,9% lors du premier tour des élections législatives de juin. En 2002, l'abstention au premier tour de l'élection présidentielle a été de 28,4%. Elle était de 35,6% lors du premier tour des élections législatives. Ces trois rappels semblent conforter la théorie évoquée. En même temps, deux remarques s'imposent : premièrement, on observera que dans des conditions comparables, le taux d'abstention au premier tour des élections législatives suivant une élection présidentielle augmente fortement entre 1981 et 2002, puisque dans le premier cas il est de 29,1% pour grimper à 35,6% dans le second cas. Deuxièmement, si nous considérons l'abstention aux élections législatives qui n'ont pas suivi une élection présidentielle, force est de constater le même mouvement de hausse : 21,5% en 1986 (un seul tour en raison du scrutin proportionnel), 30,7% en 1993 et 31,5% en 1997.
Entre 1958 et 1978, le taux moyen d'abstention était de 21,41%. Entre 1981 et 2002, il atteint 32,88%. Sur l'ensemble de la Cinquième république, le taux moyen d'abstention lors du premier tour des élections législatives se situe à 26,26% (hors 1986). Il existe donc bien une forte tendance à l'abstention que la succession des scrutins présidentiels et législatifs ne suffit pas à expliquer.
L'abstention au premier tour de 1958 à 2002
(élections législatives - métropole - en %)
III.- UNE OFFRE PLETHORIQUE DE CANDIDATURES.
(élections législatives – métropole – 1er tour)
IV.- L'EVOLUTION ERRATIQUE DU BALLOTTAGE.
L'évolution du ballottage est plus incertaine. Sur l'ensemble de la période, il est difficile de déceler une véritable tendance à la hausse. Les élections de 1968 et de 1981 se distinguent par le nombre élevé de sièges emportés dès le premier tour. Si ces deux consultations se caractérisent également par une large victoire, celle de la droite en 1968 et celle de la gauche en 1981, il en va de même pour les élections de 1993, au profit de la droite, tandis que le pourcentage des circonscriptions en ballottage est l'un des plus élevés de la cinquième république. En revanche, depuis 1981, et si nous laissons de côté les élections de 1986 en raison d'un mode de scrutin spécifique, on peut observer une hausse régulière du nombre de victoires nécessitant un second tour. Les élections législatives semblent de plus en plus disputées, ce qui est en cohérence avec le poids croissant du vote sanction au détriment du vote de reconduction. Enfin, il faut noter que le pourcentage de circonscriptions en ballottage atteint son niveau le plus haut lors des élections de 1997, notamment en raison de l'évolution de la concurrence à droite et l'effet « triangulaire » lié au maintien au second tour des candidats du Front national. Les élections de 2002 témoignent d'un recul du nombre des circonscriptions en ballottage (501, soit 90% des circonscriptions en métropole), soit un niveau comparable ou proche de celui atteint en 1958 (91,61%), en 1973 (90%), en 1978 (88%) et en 1993 (87%).
L'évolution du ballottage depuis 1958
(élections législatives - métropole - 1er tour)
V.- L'EXPANSION DE LA DISSIDENCE ELECTORALE (55,8%)
Depuis 1958, l'abstention aux élections législatives connaît une évolution sinueuse et atteint des proportions différentes selon qu'il s'agit du premier ou du second tour. Pour autant, depuis 1981, il est possible de parler d'une tendance à l'abstention. Certaines élections sont certainement plus mobilisatrices que d'autres. Ainsi, l'espoir ou la crainte de l'alternance pouvaient expliquer le niveau historiquement bas de l'abstention lors des élections législatives de 1978 (16,75%). Mais en revanche, depuis 1981, alors même que toutes les élections législatives ont été des élections d'alternance, le niveau de l'abstention est devenu beaucoup plus élevé, ce qui, d'une part, met à mal la notion d' « élection mobilisatrice » et, d'autre part, confirme le rôle important joué par les abstentionnistes depuis vingt ans dans le dénouement des confrontations électorales.
Que ce soit par dépit, indifférence, stratégie ou conviction, l'abstention est un indicateur de la relation que les gouvernés entretiennent avec la politique électorale. Il en va de même pour ce qui concerne le niveau atteint par les bulletins blancs et nuls, à ceci près que ces derniers peuvent combiner une approbation de la procédure électorale, l'électeur prenant la peine de se déplacer pour voter, et un refus de l'offre électorale, l'électeur refusant de se plier au choix qui lui est proposé. Il est également possible d'ajouter à l'abstention et aux votes blancs et nuls le vote en faveur de formations politiques protestataires, telles que l'extrême gauche et l'extrême droite, ou encore le soutien apporté à des candidatures « communautaristes », telles que les « chasseurs ». Sans méconnaître tout ce qui différencie les types de comportements que sont l'abstention, le vote blanc et nul, les votes protestataires et communautaristes, il est possible de les regrouper dans un ensemble manifestant l'existence de ce que l'on appellera la « dissidence électorale ».
Le poids de la « dissidence électorale » de 1958 à 2002
(élections législatives – 1er tour – métropole – en %)
De 1958 à 1973, le poids de la dissidence électorale suit une évolution en dents de scie, alternant hausse et baisse avec une parfaite régularité. En revanche, à partir de 1978, on peut observer que chacune des élections législatives se solde par une hausse, pour atteindre en 1997 un niveau « majoritaire » (52,47%), confirmé et dépassé en 2002 (55,8%). La dissidence électorale constitue un phénomène incontestablement nouveau dans l'histoire française des élections législatives. Jamais auparavant n'avaient été conjugués, et avec une telle force, autant de signes exprimant à un titre ou à un autre une mise en cause de l'offre électorale, des pratiques attachées à l'élection, voire de la convention électorale elle-même.
VI.- LE RAPPORT DE FORCES : L'INVERSION DES RESULTATS DE 1997.
Lors du premier tour des élections législatives de 1997, le rapport gauche / droite de gouvernement avait été favorable à la gauche de 6,5 points : 42,3% pour la gauche de gouvernement (total gauche sans l'extrême gauche) et 35,8% pour la droite de gouvernement (total droite sans l'extrême droite). Le total des droites, y compris l'extrême droite (15,2%) maintenait cependant à droite la majorité du corps électoral (51%). Le premier tour du 9 juin 2002 a inversé le rapport des forces de gouvernement. Avec 43,5% des suffrages exprimés, la droite de gouvernement devance de 6,42 points la gauche de gouvernement (37,08%), soit l'écart précédent, mais de sens contraire.
a)un électorat nettement passé à droite (56,05%).
Cependant, si l'on ajoute le score des extrêmes droites (FN+MNR+Divers extrêmes droites = 12,55%) au total des droites on voit que le corps électoral est plus nettement à droite en 2002, atteignant 56,05%, contre 51% en 1997, tandis que le total des gauches, y compris les extrêmes gauches, est passé de 44,5% en 1997 à 39,88% en 2002. En 1997, l'écart gauche / droite est de 6,5 points, en faveur de la droite. En 2002, cet écart est de 16,17 points, toujours en faveur de la droite. L'écart droite / gauche s'est donc amplifié de près de 10 points en faveur de la droite.
b)le rapport gauche/droite de 1958 à 2002.
Le rapport de forces électoral entre la gauche et la droite est un indicateur traditionnel de la vie politique française. Son évolution dans le cadre des élections législatives de la Cinquième république met en lumière une très large domination des droites françaises, en voix. Sur onze élections, la gauche n'est majoritaire en voix qu'à deux reprises (1978 et 1981). De même, si l'écart gauche/droite, en points, varie beaucoup d'une élection à l'autre, l'écart le plus grand (18,42 points) est au profit de la droite (1968). On notera que l'écart le plus faible (1 point) est également, en voix, au profit de la droite, tandis qu'il se transforme cependant en une victoire de la gauche, en sièges (1988). De même on peut relever que la droite est défaite aux élections de 1997, malgré un rapport gauche/droite qui lui était favorable (de 5 points), tandis que la gauche gagne les élections de 1988, malgré un rapport gauche/droite qui lui était défavorable (1 point en faveur de la droite). Enfin, on retiendra que l'écart gauche/droite tend à se réduire au cours de la Cinquième république. De 1958 à 1978, l'écart moyen est de 10 points tandis. De 1981 à 1997, l'écart moyen est de 3,29 points. De ce point de vue, les élections législatives de juin 2002 renouent avec un écart très favorable à la droite (16,17 points).
L'évolution du rapport gauche/droite depuis 1958
(élections législatives – métropole - 1er tour - en % des suffrages exprimés)
VII.- DROITES ET GAUCHES : L'AVENEMENT D'UN BIPARTISME IMPARFAIT
Les élections législatives de 2002 ont été fortement déterminées par un nouvel agencement du jeu institutionnel et par une réorganisation partisane de la droite démocratique. Le nouvel agencement institutionnel est né de la crise du régime de cohabitation. Le passage au quinquennat et l'inversion du calendrier électoral avaient pour but de compliquer le retour de la dyarchie concurrentielle au sommet de l'exécutif. Les électeurs, peu favorables à la cohabitation, ont parfaitement interprété la portée de ces modifications. Le réaménagement partisan à droite, sous la forme de l'Union pour la majorité présidentielle (UMP), s'inscrivait dans la logique de ce nouveau contexte. L'UMP et le PS ont tiré profit du retour du vote utile, après une décennie de dispersion électorale.
a)Le triomphe de l'UMP (33,36%).
A droite, la comparaison des scores par rapport à 1997 est difficile et trompeuse compte tenu de l'absorption par l'UMP du RPR et d'une fraction de l'UDF, notamment à la suite de la scission de DL. Cependant, le rappel des résultats antérieurs permet de mesurer le rendement électoral de la nouvelle offre partisane. Au premier tour des élections de 1997, le RPR qui totalisait 16,5% des suffrages exprimés, faisait presque jeu égal avec l'UDF (14,9%). Le 9 juin 2002, l'UMP rassemble 33,36% des suffrages, contre 4,8% pour l'UDF. On notera enfin que le total RPR/UDF qui représentait en 1997 31,4% des suffrages exprimés rassemble 38,1% des suffrages exprimés en 2002, sous la forme UDF/UMP, soit un gain de 6,7 points.
b)La bonne résistance du Parti socialiste (24,12%).
La défaite de la gauche plurielle est spectaculaire, notamment en raison de l'échec des figures qui la représentaient (Martine Aubry, Robert Hue, Dominique Voynet et Jean-Pierre Chevènement). Cependant, le recul du Parti socialiste est limité. En 1997, il rassemblait 25,7% des suffrages exprimés. En 2002, il en conserve 24,12%. La défaite de la gauche plurielle n'est donc pas celle du PS.
c)L'essor du vote utile (57,48%).
Le triomphe du vote utile est l'un des événements du premier tour. Il faut y voir l'une des conséquences du scrutin présidentiel du 21 avril : à droite comme à gauche, l'extrême dispersion des suffrages avait alors produit des effets désastreux que la plupart des Français ne voulaient pas voir ressurgir. En 1997, le total des suffrages qui s'étaient portés sur le RPR, l'UDF et le PS représentait 57,1%. En 2002, l'UMP et le PS rassemblent à eux deux le même nombre de suffrages (57,48%).
d)la défaite des partis de second rang.
Mécaniquement, ce triomphe favorable au PS et à l'UMP s'est fait au détriment des autres formations politiques. Tel est le cas à gauche. L'extrême gauche atteint 2,8% des suffrages exprimés, ce qui représente un progrès par rapport à 1997 (2,2%), mais un effondrement par rapport au 21 avril (10,42%). De la même façon, les Verts améliorent leur score de 1997 (3,7%) pour atteindre 4,2%, en recul par rapport au 21 avril (5,24%). Le Parti communiste perd 5 points, passant de 9,9% des suffrages exprimés en 1997 à 4,9% en 2002. Son score est divisé par quatre depuis 1981 (16,1%).
Tel est également le cas à droite. L'UDF est, pour le moment, victime de sa stratégie d'indépendance. Elle recule de 10 points entre les deux premiers tours, passant de 14,9% en 1997 à 4,8% en 2002. L'extrême droite subit un revers électoral en 2002. Avec 12,55%, elle est loin de reconduire son score de 1997 (15,2%), soit un recul de 3 points qui ramène l'extrême droite à son niveau de 1993 (12,7%). Rappelons qu'il s'agit là du total FN/MNR/Divers extrêmes droites. En 1997, le FN était seul, tandis qu'en 2002, il est en concurrence avec le MNR. En 2002, le niveau atteint par le FN seul est de 11,2%.
e)L'échec politique de l'extrême droite.
L'échec électoral de l'extrême droite se transforme en un échec politique, les candidats du FN et du MNR ne parvenant pas à se maintenir au second tour. Le nombre des triangulaires comprenant un candidat FN est passé de 14, en 1993, à 76, en 1997, pour retomber à 9 en 2002. De même, le nombre des duels opposant un candidat de gauche à un candidat FN est passé de 5, en 1993, à 25, en 1997, puis à 8 en 2002. Le nombre des duels opposant un candidat FN à un candidat de droite est passé de 81, en 1993, à 31, en 1997, pour finir à 20, en 2002. La capacité de perturbation de l'extrême droite est devenue marginale, pour quelques temps.
LE SECOND TOUR
I.- UN RECORD D'ABSTENTION AU SECOND TOUR (39,33%)
La question se posait de savoir si l'abstention du second tour pouvait être supérieure à son niveau du premier tour. Là encore, une théorie improvisée a circulé, laissant entendre que le second tour était toujours plus favorable à la participation que le premier tour. Si l'on observe l'histoire des élections législatives depuis 1958, on constate que l'abstention du second tour a été inférieure à celle du premier tour dans six cas : 1962, 1973, 1978, 1981, 1988 et 1997. Au contraire, en 1958, 1967, 1968 et 1993, l'abstention avait été plus importante au second tour, soit quatre cas, auquel il faudra ajouter désormais celui de juin 2002, puisque l'abstention a progressé de quatre points d'un tour à l'autre.
L'abstention au second tour de 1958 à 2002
(élections législatives - métropole - en %)
II.- LA DROITE DE GOUVERNEMENT DEVIENT MAJORITAIRE (52,86%)
Elections législatives. Les résultats du second tour
(en % des suffrages exprimés)
III.- PERMANENCE DU VOTE SANCTION
Les résultats des élections législatives sous la Cinquième République font apparaître deux grandes périodes : de 1958 à 1978, les électeurs reconduisent systématiquement la majorité sortante, de droite. C'est la domination d'un vote de reconduction. A chacune des six élections législatives qui jalonnent cette première période, la majorité sortante est reconduite, avec plus ou moins de facilité. Cette période, également marquée par la domination des droites, prend fin lors des élections de 1978. A l'issue d'un premier tour défavorable, la majorité sortante évite finalement la défaite, mais de peu. Les conditions qui ont permis à la majorité de rester en place en 1978 annoncent déjà la seconde période, dominée par l'expression d'un vote sanction. De 1981 à 2002, la majorité sortante, alternativement de gauche et de droite, est invariablement battue. La droite est battue en 1981, 1988 et 1997. La gauche est battue en 1986, 1993 et 2002. L'évolution des résultats aux élections législatives de la cinquième république fait apparaître un bouleversement profond du comportement électoral des français dont la défaite des majorités sortantes n'est que la manifestation la plus visible. Le retour au vote de reconduction ne semble plus être un objectif raisonnable pour les gouvernants.
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