L'impact de la hausse des prix du pétrole sur la croissance de la zone euro

Climat et énergie

Jean-François Jamet

-

7 janvier 2008

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Jamet Jean-François

Jean-François Jamet

Enseigne l'économie européenne et internationale à Sciences Po.

L'impact de la hausse des prix du pétrole sur la croissance de la zone euro

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Introduction

La hausse des prix du pétrole depuis 2002 est comparable à celle qu'avaient provoquée les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Le prix du baril de Brent a été multiplié par 5, dépassant pour la première fois 100 dollars en janvier 2008. L'impact de cette augmentation spectaculaire des prix sur la croissance de la zone euro a été néanmoins relativement modéré pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles :

l'appréciation de l'euro depuis 2002 a réduit de moitié la hausse des prix du pétrole pour les acteurs économiques de la zone euro (et donc l'impact de l'augmentation des prix du pétrole sur la croissance) ; la dépendance de l'économie au pétrole a largement diminué depuis les années 1980 ; la fiscalité élevée appliquée aux produits dérivés du pétrole amortit paradoxalement la hausse des prix de ces produits dans la mesure où elle est proportionnelle aux volumes vendus et non à leur prix unitaire ; la concurrence accrue sur le marché du travail et sur le marché des produits réduit le risque de spirale inflationniste.

Nos estimations montrent que la hausse des prix du pétrole, après prise en compte de l'appréciation de l'euro, a eu un effet récessif sur l'économie de la zone euro en 2004, 2005 et 2006 : son coût cumulé est compris entre 1 et 2,2 points de croissance selon les estimations. En 2002, 2003 et 2007, la hausse des prix du pétrole en dollar a été complètement compensée par l'appréciation de l'euro. En moyenne sur 2002-2007, le coût, en termes de croissance, de la hausse des prix du pétrole aura été compris entre 0,14 et 0,34 point de pourcentage par an.

Malgré les importantes difficultés qui entourent la prévision de l'évolution du taux de change et du prix du pétrole, nous nous sommes soumis à un exercice de prévision pour 2008 : l'impact du prix du pétrole sur la croissance sera nul dans notre hypothèse basse (prix moyen du baril à 85 dollars et euro à 1,53 dollar) et compris entre 0,4 et 0,8 point de pourcentage dans notre hypothèse haute (prix moyen du baril à 100 dollars et euro à 1,47 dollar).

Nous analyserons finalement les implications de la hausse des prix du pétrole pour la politique monétaire. Le contexte économique général et l'impact modéré que les prix du pétrole devraient avoir en 2008 sur l'activité et l'inflation suggèrent que la Banque centrale européenne devrait préserver la neutralité de sa politique monétaire et maintenir ses taux d'intérêt réels constants, ce qui impliquerait un relèvement de ses taux directeurs d'un quart de point début 2008.

1. L'augmentation des prix du pétrole depuis 2002 est d'une ampleur comparable à celle des chocs pétroliers de 1973 et 1979

Entre janvier 2002 et novembre 2007, le prix en dollars du baril de Brent de la mer du Nord a été multiplié par 4,8 : il est passé de 19,4 à 92,5 dollars (graphique 1). Au cours de la seule année 2007, il a augmenté de 39 dollars, soit une hausse de 72%. Plusieurs raisons permettent d'expliquer cette augmentation spectaculaire :

la croissance mondiale a été forte au cours de ces dernières années (4,6% en moyenne entre 2002 et 2007), ce qui a accru la consommation de pétrole (+11% en volume entre 2002 et 2007) malgré la flambée des prix. La croissance de la demande a été particulièrement forte en Chine ; les pays non membres de l'OPEC (Organisation des pays exportateurs de pétrole) n'ont pas pu augmenter leur production au même rythme que la demande ; l'OPEC a pris des décisions de nature à soutenir la hausse des prix du pétrole et à lisser ses revenus dans le temps en n'accélérant pas sa production ; le potentiel d'augmentation de la production et du raffinage est limité, du fait du niveau relativement faible des investissements consentis ces dernières années ; l'instabilité géopolitique depuis 2001 (terrorisme, intervention américaine en Irak, etc.) et l'incertitude politique dans plusieurs pays producteurs (Irak, Iran, Nigeria, Venezuela) ont fait peser des risques sur la production de pétrole, qui ont provoqué des achats de précaution et des mouvements spéculatifs.

La flambée des prix du pétrole depuis 2002 est comparable à celle constatée lors des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Exprimé en prix de 2006, le prix du baril était passé de 20 à 100 dollars entre janvier 1973 et décembre 1979, tandis qu'il est passé de 22 à 90 dollars entre 2002 et 2007. Or, on se souvient que les chocs pétroliers des années 1970 avaient eu un fort effet récessif, amplifié par le retournement d'une politique monétaire jusque-là trop accommodante [1]. Pourtant, la hausse des prix du pétrole des années 2000 semble avoir eu des effets bien plus modérés à ce jour dans la zone euro. Ce changement procède de facteurs conjoncturels, comme l'appréciation de l'euro face au dollar, et d'évolutions structurelles, comme la diminution de l'intensité pétrolière de l'économie (c'est-à-dire de la quantité de pétrole consommée par rapport au PIB).

2. Plusieurs facteurs ont limité l'impact de la hausse des prix du pétrole dans la zone euro, en particulier l'appréciation de l'euro face au dollar

2.1. L'appréciation de l'euro a absorbé la moitié de la hausse des prix du pétrole

Dans la mesure où les cours du pétrole sont libellés en dollar, l'appréciation de l'euro depuis 2002 a contribué à protéger la zone euro de l'effet de la flambée des cours du pétrole. En effet, la valeur de l'euro en dollars a été multipliée par 1,7 en 6 ans. L'euro valait 1,47 dollar en novembre 2007 contre 0,88 dollar en janvier 2002 (graphique 2).

Pour mieux se représenter l'effet modérateur de l'euro sur les prix du pétrole, on peut comparer les cours du Brent en euro à ce qu'ils auraient été si le cours euro/dollar était resté à son niveau de 2002 (graphique 3). Entre janvier 2002 et novembre 2007, le cours du Brent est passé de 22 à 63 euro le baril, soit une augmentation de 187%. Or, si le dollar était resté à son niveau de janvier 2002, le cours du Brent aurait été de 104,7 euro en novembre 2007, soit une augmentation de 376%. Autrement dit, l'appréciation de l'euro a permis d'absorber la moitié (50,4%) de la hausse des prix du pétrole.

2.2. Plusieurs facteurs structurels modèrent l'impact de la hausse des prix du pétrole

2.2.1. La diminution de l'intensité pétrolière de l'économie européenne

La diminution de l'intensité pétrolière de l'économie de la zone euro figure au premier rang des évolutions structurelles qui limitent actuellement l'impact de la hausse des prix du pétrole : la quantité de pétrole consommée rapportée au PIB réel a diminué de moitié depuis le début des années 1970 dans la zone euro. Cette réduction de la dépendance au pétrole s'explique tout d'abord par la diminution de l'intensité énergétique de l'économie de la zone euro, permise par les politiques d'économie d'énergie, l'utilisation de technologies plus performantes et la croissance moins rapide des secteurs les plus consommateurs d'énergie. En outre, la part du pétrole dans la consommation totale d'énergie a reculé en raison des politiques mises en place à la suite des chocs pétroliers pour développer les autres sources d'énergie (gaz, nucléaire et énergies renouvelables).

2.2.2. L'amortisseur fiscal

Dans la zone euro, les taxes sur les produits pétroliers (carburant et fioul domestique) jouent également un rôle d'amortisseur de la hausse des prix du pétrole. En effet, la plus grande part des prélèvements y sont des droits d'accise calculés en euro par litre (entre 0,331 et 0,679 euro dans les Etats membres en 2007), c'est-à-dire en fonction de la quantité achetée et non en proportion du prix. Par conséquent, l'augmentation relative des prix des produits pétroliers après impôt est généralement bien plus faible que l'augmentation du prix du pétrole qui en est responsable. En France, par exemple, une hausse de 10% des prix du carburant hors taxes se traduit par une augmentation de 3,7% de l'essence super sans plomb et par une augmentation de 4,5% du prix du diesel (qui est proportionnellement moins taxé).

2.2.3. Des marchés plus concurrentiels qui limitent le risque inflationniste

L'impact de la hausse des prix du pétrole dépend aussi de leur effet d'entraînement sur les prix : si les entreprises peuvent répercuter l'augmentation de leurs coûts sur les prix ou si les salariés sont en mesure d'obtenir des augmentations de salaires pour compenser leur perte de pouvoir d'achat (sans rapport avec les gains de productivité réalisés), il existe un risque de spirale inflationniste qui nuit à l'investissement et qui rend nécessaire une forte augmentation des taux d'intérêt dont l'effet est potentiellement très négatif pour la croissance. Ce risque est limité si le degré de concurrence sur le marché des produits et le degré de flexibilité du marché du travail sont élevés : les entreprises ne peuvent pas augmenter leur prix sans risque de perdre des parts de marché et les salariés ont moins de pouvoir dans la négociation salariale. L'impact de la hausse des prix du pétrole est alors limité à court terme : l'accélération de l'inflation et le ralentissement de l'activité restent temporaires. À moyen terme, l'ajustement se fait par la réallocation des ressources et de la consommation (les secteurs consommant moins de pétrole deviennent plus compétitifs) et par la réduction du taux d'épargne des ménages.

Or, dans la zone euro, les marchés du travail et des produits sont plus flexibles et concurrentiels qu'ils ne l'étaient dans les années 1970. Les Etats membres ont, par exemple, supprimé les mécanismes d'indexation des salaires sur les prix qui existaient encore à l'époque. Ceci contribue à diminuer fortement le coût inflationniste de la hausse des prix du pétrole.

Le risque de spirale inflationniste est d'autant plus limité que les anticipations d'inflation n'augmentent pas brutalement en cas d'augmentation des prix du pétrole, ce qui suppose que les agents économiques savent que la Banque centrale ajustera sa politique monétaire pour empêcher toute accélération permanente de l'inflation. En ce sens, la crédibilité acquise par la Banque centrale européenne en matière de lutte contre l'inflation contribue à " ancrer " les anticipations d'inflation et donc l'inflation elle-même, ce qui réduit en fait le risque de devoir augmenter les taux d'intérêt au détriment de l'investissement et de la croissance.

3. Estimation de l'impact de la hausse des prix du pétrole sur la croissance de la zone euro depuis 2002

3.1. L'effet récessif de l'augmentation des prix du pétrole

L'augmentation de la facture pétrolière a un impact négatif sur les performances macroéconomiques des pays importateurs de pétrole au travers de plusieurs mécanismes :

elle détériore la balance commerciale en augmentant le montant total des importations ; elle a un impact immédiat sur l'inflation et réduit ainsi le pouvoir d'achat des ménages, ce qui diminue leur consommation et/ou leur épargne ; elle augmente le prix des consommations intermédiaires et donc les coûts de production des entreprises, ce qui s'apparente à un choc de productivité négatif ; selon le pouvoir de négociation des salariés et le degré de concurrence sur le marché des produits, elle entraîne une réduction du taux de marge des entreprises et/ou une augmentation du prix de l'ensemble des biens dont le coût de production a augmenté du fait de la hausse des cours du pétrole ; elle crée de l'incertitude pour les investisseurs et les consommateurs, tentés de différer leurs investissements et leurs achats par précaution ; confrontées à l'accélération de l'inflation, les banques centrales relèvent leurs taux d'intérêt directeurs ; l'effet combiné des mécanismes précédents est de ralentir l'investissement et l'activité, ce qui contribue à détériorer la situation de l'emploi.

3.2. Un impact non négligeable sur la croissance, mais limité par l'appréciation de l'euro

La quantification de l'impact sur la croissance de la hausse des prix du pétrole (tableau 4) repose sur des estimations réalisées à partir des modèles économétriques de l'OCDE, du FMI et de la Commission européenne. Ces mesures varient sensiblement et nous avons donc choisi de donner dans chaque cas une estimation basse et une estimation haute correspondant aux différents résultats obtenus. Les modèles prennent en compte le resserrement de la politique monétaire induit par la hausse des prix du pétrole. Par ailleurs, nous présentons les coûts associés à cette hausse selon que l'on prend en compte ou non l'appréciation de l'euro face au dollar, ce qui permet d'en souligner l'importance.

Nos estimations montrent qu'en moyenne, le coût de l'augmentation des prix du pétrole en euro a été compris entre -0,14 et -0,34 point de pourcentage par an entre 2002 et 2007. L'appréciation de l'euro a absorbé près de la moitié de l'effet sur la croissance de la flambée des cours du pétrole au cours de cette période. Elle a même complètement compensé la hausse des prix du pétrole en dollars en 2002, 2003 et 2007. L'impact sur la croissance s'est donc concentré sur les années 2004, 2005 et 2006, avec un coût cumulé compris entre 1 et 2,2 points de pourcentage. En particulier, la hausse des prix du pétrole a eu un effet particulièrement négatif en 2005, freinant la reprise dans la zone euro.

4. Perspectives pour 2008

4.1. L'évolution prévisible des prix du pétrole et son impact sur la croissance en 2008

La prévision économique est difficile, en particulier lorsque l'on s'intéresse à des variables aussi volatiles que les prix du pétrole et le taux de change. Au cours de la période récente, la plupart des institutions internationales n'avaient pas prévu que les cours du pétrole dépasseraient 90 dollars et pensaient que la hausse des prix du pétrole ne serait que temporaire. Néanmoins, nous nous sommes soumis à un exercice de projection en présentant plusieurs scénarios, ce qui permet de donner une fourchette de prévision (tableau 5).

Pour élaborer une prévision concernant les prix du pétrole en 2008, il convient de s'intéresser à l'évolution probable de leurs déterminants :

le Département américain de l'énergie [2] prévoit que la consommation mondiale en volume augmentera de 1,7 %, soit autant qu'en 2007. Cette hausse est rendue probable par le maintien de la croissance mondiale à des niveaux élevés en 2008 malgré le ralentissement attendu aux Etats-Unis et en Europe ; les stocks commerciaux des pays de l'OCDE diminuent après avoir atteint un niveau record en 2006 ; la production des pays non membres de l'OPEC devrait augmenter significativement, mais insuffisamment pour couvrir à elle seule la croissance de la demande ; l'OPEC a annoncé une augmentation de sa production qui, ajoutée à la production hors OPEC, devrait être suffisante pour couvrir l'augmentation de la consommation mondiale ; à moyen terme, les capacités d'augmentation de la production restent limitées ; les marchés restent très sensibles aux facteurs géopolitiques susceptibles d'influer négativement sur la production (notamment en Iran ou au Nigeria).

Ces éléments rendent probable une augmentation du prix moyen du baril de pétrole en 2008 par rapport au prix moyen en 2007. La prévision du Département américain de l'énergie est de 85 dollars le baril en moyenne sur 2008 (soit une augmentation de 20% mais un niveau inférieur à celui atteint fin 2007), tandis que la Commission européenne privilégie, dans ses dernières prévisions [3], un scénario où le baril de pétrole se maintiendrait autour de 90 dollars (ce qui représenterait une augmentation de 27% par rapport au cours moyen en 2007). Cependant, le franchissement du seuil de 100 dollars le baril en janvier 2008 oblige à considérer un scénario plus extrême. Nous utilisons donc la prévision du Département américain de l'énergie comme hypothèse basse et un baril se maintenant a 100 dollars en moyenne sur 2008 comme hypothèse haute.

La variation du prix du pétrole en euro dépendra de l'évolution du taux de change euro/dollar. L'euro s'est fortement apprécié en 2007 et certains observateurs soulignent que le déficit de la balance commerciale américaine a commencé à se réduire. Cependant, les incertitudes sur la croissance américaine, les risques que font courir aux investisseurs la possibilité d'une nouvelle baisse du dollar et le caractère probable d'une politique monétaire plus accommodante aux Etats-Unis qu'en Europe pendant l'année 2008 risquent de peser négativement sur le cours du dollar. Ces éléments sont, d'ores et déjà, pris en compte par les marchés, mais ils peuvent renforcer l'inquiétude des investisseurs et créer des mouvements spéculatifs, alimentant une nouvelle baisse du dollar. Dans ce contexte, nous retenons comme hypothèse basse un maintien de l'euro à son cours actuel face au dollar (1, 47 euro pour un dollar, soit une appréciation de 7,8% par rapport au cours moyen de 2007) et comme hypothèse haute 1 euro = 1,53 dollar en moyenne en 2008 (soit une appréciation de 12,3% par rapport au cours moyen de 2007).

Les hypothèses retenues pour les prix du pétrole et le taux de change construisent 4 scénarios pour 2008. Le scénario où l'impact des prix du pétrole sur la croissance est le plus limité est celui d'un euro à 1,53 dollar et d'un baril à 85 dollars : dans ce cas, le prix du baril de pétrole en euro augmenterait de seulement 7% par rapport à 2007 et l'effet sur la croissance serait limité (entre -0,1 et -0,2 points). Le scénario le moins favorable est celui d'un baril de pétrole à 100 dollars et d'un euro à 1,47 dollar. Dans ce cas, le prix du baril en euro augmenterait de 31%, ce qui entraînerait une réduction de la croissance comprise entre -0,4 et -0,8 point de pourcentage (tableau 5).

4.2. Quelle réponse de politique monétaire ? La BCE face à l'impact de la hausse des prix du pétrole sur l'inflation et l'activité

Face à la hausse des prix du pétrole, qui est essentiellement un choc symétrique (c'est-à-dire qu'il touche tous les Etats membres de la zone euro de la même façon) et qui affecte l'inflation, les acteurs économiques attendent une réponse de la politique monétaire et, donc, de la Banque centrale européenne. Or cette réponse n'est pas évidente dans la mesure où la flambée des prix du pétrole alimente l'inflation (ce qui plaide pour une hausse des taux d'intérêt), mais pèse négativement sur l'activité (ce qui plaide pour une baisse des taux d'intérêt). Il faut donc évaluer les risques respectifs sur l'inflation et sur l'activité et tenir compte du contexte économique général. Le tableau 6 évalue l'impact de la hausse des prix du pétrole sur l'inflation entre 2002 et 2007. Cet impact est resté relativement modéré, coûtant moins de 0,2 point d'inflation en moyenne annuelle. Même lors de l'augmentation la plus forte des prix du pétrole en euro (en 2005), le coût en termes d'inflation n'a pas dépassé 0,5 point de pourcentage et l'inflation a été contenue à 2,2%.

Cependant, les décisions actuelles de politique monétaire de la BCE dépendent de l'évolution prévisible des prix en 2008 : la BCE doit anticiper car une modification des taux d'intérêt directeurs met du temps à produire son effet sur l'inflation et l'activité. Nos estimations montrent qu'en 2008 l'effet des prix du pétrole sur l'inflation sera quasi nul dans notre hypothèse basse et au maximum égal à 0,4 point de pourcentage, dans un contexte général où l'inflation sera comprise entre 2,3 et 2,6%, un niveau plus élevé que les années précédentes mais encore très modéré (tableau 7).

Quelle position doit adopter la BCE dans ce contexte ? Une possibilité est de préserver la neutralité de sa politique monétaire, ce qui suppose de maintenir constants les taux d'intérêt réels. Dans ce cas, la BCE devrait relever ses taux directeurs d'un quart ou d'un demi- point. On peut néanmoins se demander si cette neutralité est justifiée. D'un côté, certains estiment que pour préserver sa crédibilité, la BCE doit adopter une politique plus restrictive (l'objectif d'inflation de la BCE est de 2% et elle s'en est donc éloignée), ce qui évitera tout risque de retour d'une spirale inflationniste. De l'autre, certains plaident pour une politique plus accommodante car ils craignent qu'un relèvement des taux d'intérêt directeurs ne brise la reprise dans la zone euro et contribue à l'appréciation de la devise européenne. Cependant, il est légitime de penser que la neutralité est plus prudente à ce stade. Le ralentissement de la croissance devrait par lui-même limiter la hausse des prix, les anticipations d'inflation semblent solidement ancrées dans la zone euro et la flexibilité des marchés rend peu probable une spirale inflationniste. Par ailleurs, l'effet net de l'appréciation de l'euro sur la croissance est relativement limité (-0,1% selon les estimations de Morgan Stanley) : elle réduit la compétitivité-prix des exportations mais elle diminue simultanément le coût des importations. Dans ce contexte, la BCE devrait maintenir ses taux d'intérêt réels constants et conserver ses marges de manœuvre pour faire face à des chocs imprévus (par exemple un ralentissement plus fort qu'attendu aux Etats-Unis et dans la zone euro ou de nouveaux signes de tension sur les prix).

Conclusion

La hausse spectaculaire des prix du pétrole entre 2002 et 2007 a coûté entre 1 et 2,2 points de croissance dans la zone euro. Cet impact n'est pas négligeable, mais il reste modéré compte tenu de l'ampleur du choc. L'appréciation de l'euro a fortement contribué à atténuer les effets de la flambée des prix du pétrole, de même que la diminution de l'intensité pétrolière de l'économie. En outre, le caractère plus concurrentiel des marchés du travail et des produits, ainsi que la crédibilité de la BCE, limitent le risque d'une spirale inflationniste. Nos prévisions pour 2008 et le contexte économique général suggèrent que la politique monétaire devrait rester neutre, ce qui implique une hausse des taux d'intérêt directeurs d'environ un quart de point début 2008.


[1] Pour une discussion des effets macroéconomiques de la hausse des prix du pétrole dans les années 1970, on se reportera à Kenneth Rogoff, " Oil and the global Economy ", Conférence Walras-Pareto de l'Université de Lausanne, mai 2006.
[2] US Department of Energy, Short-Term Energy Outlook, décembre 2007
[3] Commission européenne, " Autumn economic forecasts 2007-2009 ", European Economy, n.7, 2007

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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