Union économique et monétaire
Sébastien Richard
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ENSébastien Richard
L' "ancien modèle" suédois
Le "modèle suédois" a longtemps été appréhendé comme une troisième voie entre le capitalisme et la collectivisation, au point d'être envisagé de façon récurrente comme une solution aux problèmes économiques que pouvaient rencontrer un certain nombre de pays d'Europe occidentale ou méridionale. La construction de ce " modèle suédois " date des années trente. A partir de 1932, le royaume est dirigé par le parti-social démocrate (PSD) qui se maintient au pouvoir jusqu'en 1976. Il s'appuie alors sur le syndicat LO (Landsorganisationen) pour définir une politique économique hétérodoxe visant le plein emploi, servie en partie par un Etat-providence surdéveloppé. Celui-ci doit constituer une protection contre le marché. De fait, jusqu'au début des années quatre-vingt dix, le modèle suédois était caractérisé par cinq éléments :
• La coproduction par les partenaires sociaux du droit du travail. Depuis l'accord de Salstjobäden (1938), les accords négociés et les conventions collectives se substituent à la loi, afin notamment de maintenir la compétitivité d'une économie concurrencée par ses voisins. Le salaire minimum n'a ainsi pas de base légale en Suède, il est le fruit d'une convention collective. Représentants syndicaux et patronaux sont, par ailleurs, associés au sein des " groupes d'intérêt organisé ", en charge de la gestion des institutions publiques liées au monde du travail ;
• Une politique économique pour partie inspirée par les principes keynésiens. Celle-ci se caractérise notamment par l'utilisation de la dépense publique en cas de récession et la thésaurisation des excédents budgétaires en période d'expansion. Les entreprises sont également incitées à agir de la sorte via la mise en place de fonds d'investissement dans lesquels elles placent une partie de leurs profits et qui sont débloqués sur décision de la Banque centrale. Au protectionnisme des années trente a, par ailleurs, succédé après 1945 la pratique de dévaluations compétitives ;
• Un rôle important accordé à l'action syndicale dans le fonctionnement même du marché du travail. Les syndicats mettent en effet en place une politique dite " salariale solidaire " au terme de laquelle un même type de travail est rémunéré de façon identique, quelle que soit la situation financière de l'entreprise qui l'emploie (modèle de Rehn-Meidner). La réduction de l'éventail des salaires permet de limiter à la fois la hausse des prix mais également de garantir la compétitivité-coût et la compétitivité-prix des produits des entreprises [1]. Conjuguée à des mesures publiques ciblées (politique active de l'emploi) en faveur de régions ou de secteurs en forte demande de main d'œuvre (aides financières à la mobilité, formations), cette politique a contribué à restructurer l'économie d'après-guerre et à dynamiser la croissance ;
• Un système d'assurance sociale développé (maladie, congés parentaux, chômage, retraite) liant depuis 1959 l'indemnisation aux revenus du travail et destiné à couvrir toutes les catégories de la population ;
• Un grand service public prenant en charge assistance maternelle, éducation, santé et accompagnement des plus anciens. L'instauration d'un tel système a eu trois conséquences : l'augmentation des impôts dans les années soixante, allant jusqu'à représenter plus de la moitié de la richesse nationale, l'entrée des femmes sur le marché du travail et le développement de l'emploi public (35 % des emplois au début des années quatre-vingt dix).
La croissance économique et l'augmentation concomitante du niveau de vie est parallèlement permise par la position neutre adoptée par le pays durant la Seconde Guerre mondiale. Bénéficiant d'un potentiel industriel intact à la fin du conflit et de ressources naturelles abondantes (bois, minerai de fer), la Suède participe pleinement à la reconstruction du continent.
Une remise en cause du modèle
Cette spécialisation a cependant atteint ses limites avec la crise pétrolière et le renchérissement du prix de l'énergie au début des années soixante-dix. Le ralentissement des investissements industriels, à partir du milieu de cette décennie, fragilise également le royaume, la diminution des exportations favorisant l'apparition des déficits extérieurs. La variable d'ajustement que constitue la valeur de la couronne suédoise est pleinement utilisée, les dévaluations répétées conduisant néanmoins à une diminution substantielle du pouvoir d'achat. On constate dans le même temps une mue des politiques actives de l'emploi, jusque-là guidées par une volonté de garantir la compétitivité des entreprises. Elles sont désormais orientées vers la compensation des suppressions des emplois industriels et se concentrent sur la création d'emplois publics, financés par la collectivité. Le nombre de fonctionnaires va ainsi tripler entre 1960 et 1990.
La centralisation des négociations salariales va pâtir de cette évolution économique. Alors que, jusque-là, l'évolution des revenus était envisagée au niveau national et prenait notamment en compte la situation des entreprises exportatrices, la tertiarisation de l'économie comme les critiques de plus en plus fortes du syndicat patronal à l'égard du " modèle suédois " vont aboutir en 1990 à la fin de ce système centralisé et à la mise en place de négociations par branche.
Le secteur public est progressivement libéralisé à l'image de la réforme de la société des transports ferroviaires, scindée en deux entités en 1988, l'une chargée des infrastructures et l'autre du trafic en tant que tel. La concurrence est introduite deux ans plus tard dans le secteur, anticipant de la sorte la réglementation de l'Union européenne dont la Suède n'est pas encore membre.
La déréglementation du système financier opérée entre 1978 et 1986 constitue également un élément de rupture avec le modèle suédois. La réglementation bancaire est alors une des plus poussées d'Europe occidentale avec pour ambition notable de faire bénéficier le secteur public et le logement des placements financiers, les Pouvoirs publics fixant les taux d'intérêt. Motivée par la volonté de fluidifier le secteur, la dérégulation a eu comme effet pervers le développement d'une bulle spéculative liée à l'explosion de l'offre de crédit. La surchauffe et l'inflation qui en ont découlé ont conduit ménages et entreprises à limiter placements et achats, notamment immobiliers, conduisant le pays à la récession, selon un schéma bien connu actuellement en Irlande ou en Espagne. Le taux de chômage qui touche 2 % de la population active en 1990 est multiplié par 6 en quatre ans.
La spéculation immobilière a dans le même temps conduit à une augmentation des créances dites " douteuses " au sein des actifs des banques, incitant les établissements financiers à majorer leurs provisions. Pour répondre aux difficultés des banques les plus fragiles, l'Etat a dû mettre en place en septembre 1992 un plan de sauvetage, impliquant la nationalisation de certains établissements. Il crée parallèlement une structure de cantonnement destinée à racheter aux banques leurs créances douteuses. Ce vaste plan est financé sur fonds publics et contribue à l'augmentation de la dette publique. La couronne suédoise est, parallèlement, dévaluée de 20 %.
Le dérapage des comptes publics va conduire le royaume à réviser définitivement sa stratégie économique et financière. Le déficit public atteint ainsi 11,9% du PIB en 1993 et la dette près de 80 %. Les dépenses publiques représentent 71% du PIB. Si la libéralisation du secteur bancaire a été à l'origine de la crise de 1991-1992, elle ne remet pas pour autant en cause l'ambition de libéraliser d'autres pans de l'économie suédoise et de réviser le format de l'Etat providence.
Un nouveau modèle : anticiper la crise
La mise en place en 1996 d'un " modèle cadre " qui modifie les conditions dans lesquelles le Parlement suédois adopte le budget de l'État constitue le symbole du changement de cap idéologique. Il vient, de fait, pérenniser le retour à l'équilibre budgétaire. Un excédent budgétaire est même atteint dès 1998. Il n'est pas le simple fruit du retour de la croissance mais bien d'une réduction substantielle des dépenses couplée à une hausse des prélèvements obligatoires et notamment des cotisations sociales. L'effort de consolidation budgétaire entre 1992 et 1995 a ainsi atteint 7,5 % du PIB, l'augmentation des recettes y contribuant à hauteur de 43 % alors que les coupes dans les dépenses représentaient 57 % de ce plan. Sur la période 1994-1999, l'effort budgétaire s'élève à 14 % de la richesse nationale.
Les fondements du modèle suédois ont été largement touchés par cette réduction des dépenses comme en a témoigné la baisse du niveau des pensions, des allocations familiales, des prestations chômage (taux de remplacement abaissé de 90 à 80 %) ou des remboursements des frais médicaux (introduction d'un jour de carence, diminution des taux de remplacement de 90 à 75 % pour les congés de moins d'un an et à 70 % pour les congés plus longs). Le régime de retraites, à prestations définies, est remplacé en 1998 par un système à cotisations définies. Celles-ci, pour partie placées, donnent droit à des arrérages qui évoluent en fonction de l'âge de liquidation, l'âge minimum de départ en retraite étant fixé à 61 ans. La durée des congés est limitée afin d'accroître la compétitivité des entreprises, alors que les cotisations sociales des employeurs sont réduites. Les coûts salariaux des entreprises sont diminués de la sorte de 2%. De fait, évaluées à 27% du PIB en 1994, les dépenses sociales ne représentent plus que 19% de la richesse nationales six ans plus tard.
A cette action en faveur de la compétitivité-coût, s'ajoute la mise en place d'une véritable stratégie en faveur de la compétitivité hors-prix des biens produits dans le pays [2]. Celle-ci repose sur un investissement massif dans la recherche/développement (R&D), les dépenses en la matière atteignant 3,4% du PIB. Le financement par le secteur privé représente plus de la moitié de cet investissement (2 % du PIB). La Suède dépasse d'ores et déjà les objectifs de l'Union européenne dans ce domaine, la stratégie UE 2020 fixant un objectif de 3% du PIB assigné à la R&D dans chaque pays d'ici à la fin de la décennie. La Commission européenne estime d'ailleurs que la Suède est l'un des principaux acteurs de l'innovation au sein de l'Union européenne, avec l'Allemagne, le Danemark et la Finlande.
Un tel investissement s'explique en partie par l'importance de la recherche académique dans le pays et le lien créé entre les universités et les entreprises. La réforme de l'enseignement supérieur mise en place en 1993 a permis une telle évolution. Le gouvernement définit objectifs et priorités, les programmes de formation étant adaptés par chaque université pour répondre aux orientations gouvernementales. La loi " nouveau monde, nouvelle université " adoptée en 2004 permet une évaluation de chacune d'entre elles, préalable indispensable à une affectation des crédits gouvernementaux. Une partie de ces sommes est notamment affectée aux conseils de recherche de ces universités, chargés de nouer des liens avec les entreprises. La quasi-totalité des grands groupes industriels, 71% des entreprises et 37% des PME ayant des activités de recherche, ont ainsi formalisé des programmes de travail avec l'Université.
La qualité de la formation professionnelle en Suède a également permis le développement d'entreprises de pointe. Cette formation est dispensée dans le cadre universitaire et financée sur fonds publics. Au moins 15% du temps d'étude est passé sur le poste de travail. La formation continue a été réformée en 1995. Le programme national a désormais pour ambition d'améliorer et d'actualiser la formation d'une main d'œuvre déjà qualifiée, sur la base d'enseignements répartis sur une durée allant de 40 à 120 semaines. Les cours sont organisés par les entreprises, les municipalités, des organismes privés et des établissements d'enseignement supérieur. L'État peut accorder des subventions aux entreprises qui répondent aux objectifs d'un programme national de formation continue. La formation continue n'est pas réservée aux seules personnes disposant d'un emploi, puisque 90% des chômeurs suivent une formation pendant leur période d'inactivité, 70% des personnes formées retrouvant immédiatement un emploi.
L'absence de régulation concernant les fonds d'investissement a également favorisé le développement des secteurs de pointe. Les gestionnaires de fonds suédois ont ainsi privilégié les entreprises du secteur médical et de celui des biotechnologies : 28,1% de leurs investissements entre 2007 et 2011.
De fait, le retour à l'équilibre budgétaire ne s'est pas effectué au détriment des performances économiques du pays, puisqu'il a été accompagné d'une véritable stratégie en faveur de la compétitivité des entreprises suédoises. Avec les gains de productivité obtenus, celles-ci ont pu continuer à investir, prenant de fait le relais des financements d'un Etat-providence dont le périmètre est réduit. La croissance du PIB, + 2,7% par an en moyenne entre 1996 et 2011, en est le résultat le plus tangible.
Dans le même temps, la privatisation des entreprises publiques a continué, permettant une ouverture à la concurrence des transports aériens (1er juillet 1992), des postes (1er janvier 1993) et télécommunications (1er juillet 1993) ou de l'électricité (1er janvier 1996). La Suède a, là encore, anticipé la déréglementation souhaitée par la Commission européenne. Elle devient membre de l'Union européenne en 1995 [3].
Selon le nouveau cadre budgétaire, le gouvernement doit désormais respecter deux règles pluriannuelles : le plafond de dépenses triennal et l'objectif de surplus sur un cycle conjoncturel. Aux termes de cet objectif, le gouvernement doit dégager un excédent de 1% du PIB sur l'ensemble du cycle. La définition du cycle économique n'est pas précisée : le gouvernement réévalue chaque année l'évolution des finances publiques sur les sept derniers exercices, en ne tenant pas compte d'éventuelles dépenses ou recettes ponctuelles et limitées dans le temps. Le budget a, par ailleurs, été réorganisé en 27 " secteurs de dépense ". La procédure budgétaire implique de déterminer les limites globales à la dépense avant de répartir les crédits. En 2000, quatre ans après l'adoption de ce nouveau dispositif, l'excédent budgétaire atteint 5% du PIB.
Les collectivités locales (21 régions et 290 communes) sont, depuis 2000, concernées par une règle d'équilibre. Si elles connaissent un déficit, elles sont tenues de le corriger et revenir à l'équilibre au cours des deux exercices suivants.
Ce dispositif n'a pas été sans incidence lorsque la Suède a subi les conséquences de la crise économique de 2008. Les excédents dégagés auparavant ont permis à Stockholm de maîtriser la dérive des dépenses publiques et de mener une politique budgétaire active. En situation d'excédent en 2008 (+ 2,5% du PIB), le gouvernement a enregistré un déficit public de 2,2% du PIB l'année suivante. Il devrait s'établir à 1,1% du PIB cette année, après un retour à l'équilibre en 2011. Le gouvernement entend néanmoins aller plus loin en vue de renforcer les plafonds de dépense et pérenniser l'objectif d'excédent budgétaire.
Le nouveau cadre budgétaire mis en place par le gouvernement suédois anticipe le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). L'objectif poursuivi par les autorités du royaume, l'excédent budgétaire, va même plus loin que la règle d'or introduite par le Pacte budgétaire communautaire, qui autorise un déficit structurel de 0,5% du PIB.
Le pays a également mis en place une autorité indépendante, le Finanspolitika radet, dont les huit membres sont nommés par le gouvernement pour trois ans. Six économistes et deux hommes politiques le composent actuellement. Il est chargé d'évaluer si le gouvernement atteint ses objectifs en matière budgétaire.
Plusieurs objectifs sont étudiés : la soutenabilité à long terme, la cible d'excédent budgétaire, le plafond des dépenses de l'État et la cohérence de la politique budgétaire avec la trajectoire économique du pays. Il juge également de la compatibilité entre la structure de l'économie suédoise et les principes de croissance saine de long terme, c'est-à-dire sans apparition de bulle spéculative, et de haut niveau d'emploi. Là encore, la Suède a anticipé les dispositions du TSCG. Le Pacte budgétaire prévoit, en effet, que l'application de la règle d'or qu'il introduit soit contrôlée par un organe national indépendant.
Une telle réforme n'a pas été sans effet sur l'évolution de la dette publique suédoise. Estimée à 38% du PIB cette année, elle devrait être ramenée à 35% en 2013. Le service de la dette ne représente plus qu'environ 3% des dépenses du budget de l'Etat. Placée dans la catégorie triple A par les agences de notation, la Suède emprunte à des taux inférieurs à l'Allemagne.
Rupture ou continuité ?
Dans le cadre du nouveau modèle suédois, l'Etat doit toujours avoir comme objectif de lutter contre l'inflation et favoriser l'ouverture à l'extérieur de son économie. L'intégration à l'Union européenne ou l'abolition en 1993 d'une disposition plafonnant la part de capital d'entreprises suédoises détenues par des investisseurs étrangers ont, notamment, participé de cet effort. La part des exportations dans le PIB est ainsi passée de 28% à 50%, les principaux partenaires commerciaux du pays ayant pour trait commun de disposer de forts potentiels de croissance : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud ou Turquie.
L'État-providence demeure, en outre, une réalité quand bien même il s'appuie sur des services publics fortement libéralisés. Son fonctionnement justifie pour partie un taux de prélèvements obligatoires relativement élevé puisqu'il dépasse 46% du PIB. Ce chiffre appelle néanmoins deux observations. La première concerne sa diminution de six points depuis 1990. La seconde tient à l'adaptation de la fiscalité des entreprises à l'objectif de compétitivité. Les prélèvements obligatoires ne pèsent pas en effet trop sur les entreprises – le taux de l'impôt sur les sociétés est fixé à 26,3% alors que leurs cotisations sociales représentent environ 31% de leurs revenus – et visent plus directement les revenus des ménages, le taux marginal atteignant 57% pour les salaires dépassant 5 300 € bruts mensuels. Il est même envisagé une réduction du taux de l'impôt sur les sociétés à 24%, puis à 20%.
Ce nouveau modèle moins réglementé, qui découle de cette phase de réformes, accentue le côté pragmatique de la pensée économique suédoise, qui cherche avant tout à mettre en avant les solutions les plus adaptées à la poursuite du développement économique du pays. L'évolution économique du pays dans les années soixante-dix puis au début des années quatre-vingt-dix a contribué à l'émergence d'un consensus politique en Suède sur la nécessité de réformer ce modèle et de l'adapter. Les Libéraux, au pouvoir entre 1976 et 1982 puis entre 1991 et 1994, ont, les premiers, pris acte de cette nécessité de moderniser un Etat-providence qui hypothéquait l'avenir de la Suède. Le gouvernement de Carl Bildt s'emploie ainsi à mettre en pratique les 111 propositions de réforme contenues dans un rapport commandé à une commission indépendante, dirigée par un économiste, Assar Linbeck, publié en mars 1993. La cure d'austérité que le gouvernement impose au pays au début des années quatre-vingt dix sera sanctionnée électoralement un an plus tard. Elle ne sera pas pour autant abandonnée à l'occasion de l'alternance. Convertis à l'idée d'une nécessaire mue du modèle, les Sociaux-démocrates ont ainsi mené une politique de rigueur relativement uniforme, sans retour en arrière, jugé de fait impossible. Les Suédois ont préféré depuis 2006 confié les rênes du gouvernement et des réformes au centre-droit de Fredrik Reinfeldt qui a été réélu en 2010. La recherche constante d'un équilibre budgétaire fait ainsi l'objet d'un véritable consensus entre les partis de gouvernement. Le nouveau cadre budgétaire et la réforme des retraites ont été obtenus au terme d'un accord politique réunissant près de quatre cinquièmes des parlementaires suédois.
Le refus d'intégrer la zone euro, affirmé par referendum en 2003 puis en 2007, ne peut pas être analysé a posteriori comme une des clés du renouveau suédois. La Suède a en effet renoncé aux dévaluations compétitives au début des années quatre-vingt-dix, la couronne étant intégrée au système monétaire européen. La politique d'inflation ciblée menée par la Banque centrale de Suède, elle-même privatisée, n'est pas sans rappeler les mesures en ce sens adoptées par la Banque centrale européenne. La Banque centrale de Suède se cale d'ailleurs sur les taux d'intérêts fixés par la Banque centrale européenne.
L'adoption de la monnaie unique conforterait même la bonne santé économique du pays. Une étude publiée en 2009 [4] souligne que l'adhésion à l'Union économique et monétaire aurait des effets positifs, puisque la Suède pourrait notamment influer sur les activités de la Banque centrale européenne. Elle serait en effet représentée au Conseil des gouverneurs. Son secteur financier assez ouvert et exposé à l'étranger bénéficierait de surcroît des avantages liés à la monnaie unique.
Conclusion
Alors qu'il répondait, des années trente au milieu des années soixante-dix, à une structure économique bien précise et s'avérait par conséquent inexportable, le modèle suédois réformé peut plus directement inspirer les politiques budgétaires de ses partenaires européens, tant un certain nombre de réformes ont été anticipées, avec près de vingt ans d'avance pour certaines d'entre elles. La crise suédoise du début des années quatre-vingt-dix – éclatement d'une bulle immobilière, effondrement du système bancaire, explosion de la dette publique et déficit de compétitivité – n'est pas sans analogie avec celle que traverse un certain nombre d'Etats membres de l'Union européenne à l'heure actuelle.
Le nouveau modèle suédois reste néanmoins confronté à de réels défis, de nature sociale pour l'essentiel. Ils tiennent à l'éducation – le niveau scolaire étant en baisse selon l'OCDE – ou à la politique d'intégration du royaume confrontée à une immigration importante ces dernières années. La croissance dont bénéficie le pays semble surtout ne pas avoir résolu le problème du chômage, qui touche 7,5% de la population active. Alors qu'il était estimé à 4% de la population active avant la crise du début des années quatre-vingt-dix, le taux de chômage structurel [5] s'élèverait à 6,5%. L'inactivité concerne principalement les jeunes, 22,8% soit un taux proche de la moyenne européenne. Le chômage des jeunes et la question concomitante de l'éducation devraient être les enjeux d'une nouvelle mue du modèle suédois si l'État-providence local venait à ne pas trouver de solution à ce problème.
[1] La compétitivité-coût est liée aux coûts de production, qu'il s'agisse des coûts du travail ou du capital. Un produit ou une économie seront d'autant plus compétitifs face à des concurrents que ces coûts seront bas. La compétitivité-prix consiste en une baisse des prix qui doit permettre de vendre plus.
[2] La compétitivité hors-prix repose sur l'amélioration constante de la qualité des produits. La hausse des prix est compensée par un attrait renforcé chez le consommateur pour un produit me meilleure qualité.
[3] Ce mouvement de privatisation continue encore aujourd'hui comme en témoignent l'ouverture à la concurrence des pharmacies le 1er juillet 2009 ou le contrôle technique des véhicules le 1er juillet 2010.
[4] J. James Read et Ulrich Volz, Too much to lose, or more to gain ? Why Sweden should join the Eurozone, Economics series working papers 442, Univesrity of Oxford, 2009.
[5] Le taux de chômage structurel mesure le niveau d'inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi, Compte tenu de l'évolution technologique d'une économie, une partie de la population active n'a plus la formation adaptée pour répondre aux exigences d'un emploi. C'est cette proportion inemployable de la population active que mesure le taux de chômage structurel.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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