L'Allemagne entre patriotisme et mondialisation

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Gérard Foussier

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13 décembre 2004

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Foussier Gérard

Gérard Foussier

Deutsche Welle, Directeur des Projets Européens.

1 L'Allemagne découvre "sa" mondialisation

Coïncidence ou conséquence inattendue de la mondialisation galopante ? En mars 2004, les deux candidats choisis par les formations politiques pour tenter d'accéder à la Présidence de la République fédérale ont appris la nouvelle, alors qu'ils séjournaient aux … Etats-Unis. Horst Köhler, à la tête du Fonds Monétaire International, alors inconnu du grand public en Allemagne, était présenté subitement comme celui, qui depuis 1998 tenait à Washington les ficelles de l'économie mondiale. Fils de paysans de souche allemande établis en Roumanie, né en Pologne à 50 km de l'actuelle frontière ukrainienne, le nouveau président allemand peut témoigner d'un parcours personnel et professionnel autour du globe - en cela, il devenait aux yeux du grand public la personnification même de cette "Globalisierung", dont tout le monde parle sans savoir vraiment de quoi il s'agit. Et sa concurrente Gesine Schwan, présidente de l'Université européenne Viadrina à Francfort/Oder, intellectuelle maîtrisant le français, l'anglais et le polonais, n'a pas contredit ceux qui la désignaient comme la représentante d'une Allemagne européenne. Sa globalisation à elle, ce n'est pas vraiment le monde, mais l'Europe, ce qui traduit bien après tout les écarts d'appréciation et certaines divergences d'approche par rapport à ce que les pays francophones, en particulier la France, appellent la mondialisation, pendant que les Asiatiques parlent d'américanisation ou d'occidentalisation. Ajoutons-y le concept de l'internationalisation et la confusion sera complète.

C'est peut-être donc depuis ce jour de mars 2004 que les Allemands ont pris conscience du fait que la mondialisation n'était pas seulement un phénomène économique, mais bien la réalité quotidienne d'une société qui aime à affirmer son dédain des frontières et son ouverture au dialogue des cultures. "J'aime notre pays", déclare le conservateur Horst Köhler dans son tout premier discours, ajoutant que "si l'Allemagne s'y prenait bien, elle pourra continuer à tirer grand profit de la mondialisation. Cela suppose que les pays industrialisés, y compris donc l'Allemagne, changent leurs comportements, ouvrent leurs marchés aux produits du tiers-monde et acceptent la concurrence et les restructurations." [1] Dans un vibrant appel en faveur d'une action pour "civiliser le capitalisme", Marion Gräfin Dönhoff et l'ancien chancelier Helmut Schmidt avaient lancé dans l'hebdomadaire de Hambourg "Die Zeit" en 1997 une mise en garde contre le glissement vers ce qu'ils appelaient un "capitalisme de casino" et une "économie western". [2] L'ampleur du propos n'est véritablement comprise que si l'on sait que le néologisme allemand "Wildwestwirtschaft", employé par Helmut Schmidt, rend mieux qu'en français l'allusion à l'Occident ("West") et aux méthodes sauvages ("wild"), tout en associant dans un jeu de mots l'économie occidentale ("Westwirtschaft") et le western américain ("Wildwest").

1.1. "Made in Germany", un label en voie de disparition?

Il fut un temps, où l'Allemagne (plus précisément sa partie occidentale, la République fédérale), considérée comme un géant économique et un nain politique par ses voisins, ne cessait de rappeler que l'Angleterre du 19e siècle avait naïvement espéré désavouer les produits en provenance du Reich allemand en leur collant en 1887 l'étiquette "made in germany" – donnant ainsi naissance bien involontairement à un label de qualité international, aujourd'hui quelque peu égratigné par la crise économique. Nombreux sont entre-temps les produits, qui ont fait jadis la réputation de la qualité allemande, mais qui ne sont plus fabriqués uniquement en Allemagne: les crèmes Nivea viennent de Milan et de Paris; les stations-service Aral, symbole du potentiel industriel du Bassin de la Ruhr pendant 80 ans, appartiennent désormais aux Britanniques de BP; Mercedes importe de Turquie la célèbre étoile de ses voitures; Volkswagen produit en Slovaquie une bonne partie des véhicules tous terrains de Porsche; 95% des chaussures de sport Adidas viennent de Chine, d'Indonésie et du Vietnam, y compris les lacets; et les bonbons Haribo, qui doivent leur nom au patron de la maison Hans Riegel et à leur site d'origine Bonn, proviennent en majorité d'usines réparties dans toute l'Union Européenne, essentiellement en France et en Espagne. Le "made in germany" a laissé la place – mondialisation linguistique oblige - au "made by german companies". De fait, les entreprises ne sont plus fondées en fonction de critères de production, mais en fonction d'intérêts financiers, là où le marché est le plus productif. Pour certains, il ne s'agit ni plus ni moins que de libre concurrence, qualifiée par Rainer Hank, rédacteur du "Tagesspiegel" et auteur d'ouvrages sur l'économie, de "conscience morale du capitalisme". [3]

Quant au consommateur, qui regarde d'abord son porte-monnaie avant de dépenser, son réflexe est d'acheter moins cher et pas forcément allemand. Il y a des exceptions cependant: les machines à laver Miele, bien que 70% plus chères que la concurrence étrangère, s'affirment – réputation oblige. Mais le consommateur achète moins. On pourrait multiplier les exemples, y compris, en sens inverse, celui qui démontre que dans les cuisines d'Allemagne les pizzas surgelées de chez Oetker restent imperturbablement "made in germany". La pizza, une spécialité typiquement allemande ! [5]

1.2. Le "Standort", une valeur menacée?

La mondialisation relativise désormais les stéréotypes d'antan. Elle les bouleverse aussi, car s'il est vrai que la réputation internationale de certains domaines d'activités souffre de la crise, il est tout aussi vrai que le "Standort Deutschland", littéralement l'emplacement de l'Allemagne, reste une valeur sûre. Cette traduction est insatisfaisante, car le "Standort" suppose un esprit de compétitivité et de concurrence. L'Allemagne veut être un pôle d'attraction, pour l'industrie notamment, et constituer une place de choix pour tous ceux, Allemands et autres, qui produisent. Du coup, la décision de la firme américaine General Electric d'implanter son centre de recherches européen sur le campus de l'Université technique de Munich à Garching, est vécue comme le succès d'une réputation retrouvée [6]. Et ce, grâce à la mondialisation, même si la référence est formulée du bout des lèvres, tant il est vrai que la mondialisation est plus souvent perçue comme un sceptre que comme une panacée. "Nous sommes bien meilleurs que nous le croyons" [7], titre le magazine "Stern", pourtant rarement en manque de provocations négatives sur l'Allemagne dans le monde. Et de citer quelques exemples sur la force d'un pays champion du monde des exportations et champion d'Europe des inventions: "Etre au cœur de l'Europe, c'est un avantage pour une entreprise mondialisée", explique le président du directoire de Puma, firme bavaroise d'articles de sport, "nous pouvons communiquer avec le monde entier pendant les heures de travail tout à fait normales – le matin avec l'Asie, l'après-midi avec les Etats-Unis, et l'Europe de l'Est est à nos portes [8]." Pour Frank Hein, directeur de la marque "Pustefix", numéro un mondial des bulles de savon, "l'Union européenne, ce n'est pas l'étranger, nous sommes en mesure de livrer dès le jour suivant." Et d'autres de mettre en avant, outre l'argument géographique, la qualité des infrastructures, la fiabilité du système juridique ou encore le nombre limité de grèves en Allemagne. Sous-entendu à chaque fois – par rapport à d'autres pays de ce monde.

Néanmoins, si l'on en croit les chiffres de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Cologne, qui a enquêté auprès de quelque 900 entreprises, plus d'une firme allemande sur trois (35,2% exactement) a investi à l'étranger en 2004. L'année précédente, la proportion était encore d'une entreprise sur quatre (25,2%). La tendance reste à la hausse pour les prévisions de 2005.

1.3. Retours sur l'Histoire

L'Allemagne, avec toutes les précautions qui s'imposent pour respecter ce terme dans un contexte géographique aux frontières fluctuantes, a une expérience "mondialiste" qui remonte pourtant au 16e siècle et qui ne brille pas toujours par un bilan positif. Après la découverte des Amériques, Charles Quint, empereur du Saint Empire romain germanique, mais aussi roi d'Espagne, aimait faire savoir que le soleil ne se couchait jamais sur son Empire, tout comme aujourd'hui, à l'ère Internet, le temps ne s'arrête plus pour les multinationales qui défient les fuseaux horaires et travaillent jour et nuit autour du globe. De même, le mercantilisme des 17e et 18e siècles en France, en Angleterre, en Espagne et en Prusse a jeté les bases d'une première mondialisation commerciale. Ces pays constateront que produire plus pour exporter plus et importer moins est une voie sans issue, car les pays qui ne peuvent pas exporter n'ont pas assez d'argent pour importer. Cette voie sans issue conduira au libéralisme économique du 19e siècle. Dès 1834, les Etats allemands signent une union douanière, le "Zollverein", pour supprimer les barrières commerciales du futur Reich et créer ainsi une première unité économique allemande. La défaite nazie de 1945 et l'effort de réconciliation, notamment avec la France, par le biais d'une intégration occidentale sans faille, ont permis aux Allemands (de l'Ouest du moins) de ne pas se replier sur eux-mêmes et de s'ouvrir au monde libre, sacrifiant parfois une secrète volonté de domination politique au profit d'une supériorité économique. Enfin, la chute du Mur de Berlin en 1989 et la fin de la guerre froide entre l'Est et l'Ouest ont permis la disparition de certaines formes de concurrence entre deux types distincts de société, ouvrant cependant ainsi la porte à une lutte farouche pour les parts de marché sur l'ensemble de la planète.

A cela s'ajoute une conséquence directe du chapitre le plus sombre de l'Histoire allemande. Depuis la fondation de la République fédérale d'Allemagne en 1949, la politique allemande n'a de cesse que de prôner la démocratisation et de défendre les droits de l'Homme, et le consensus est large qui veut que le respect des partenaires de l'Allemagne moderne soit au centre des actions politiques, même lorsqu'il s'agit de protéger les intérêts nationaux. Le propos peut paraître théorique, mais il est fermement ancré dans le subconscient de tous ceux en Allemagne qui craignent que leur pays une nouvelle fois ne devienne trop puissant et ne dicte sa volonté à ses voisins. Mieux vaut déclarer la paix au monde que lui faire la guerre – ce n'est sûrement pas un hasard, si le parti des Verts, né du pacifisme contre la modernisation des missiles américains en Europe et de la contestation contre le nucléaire aussi bien civil que militaire, ait réussi finalement à marquer de son empreinte la philosophie politique des partis de gauche comme de droite, lesquels revendiquent aujourd'hui le bien-fondé de leurs conceptions environnementales, au-delà des clivages purement nationaux. Même le secteur bancaire, personnification du capitalisme à outrance aux yeux des altermondialistes, joue la carte de l'environnement (au sens large) et de l'aide au développement pour justifier son engagement en faveur de la mondialisation. Christine Licci, présidente du directoire de la Citibank jusqu'en mai 2004, estime par exemple que "si la mondialisation est exploitée abusivement pour enrichir les élites d'un pays ou pour accroître le fossé entre pauvres et riches, c'est la mauvaise direction. Mais si mondialisation signifie investir de l'argent dans un pays pour l'aider à se développer, à ne pas commettre certaines fautes que beaucoup d'autres pays ont fait – alors, la mondialisation est une bonne chose. [9]"

On ne saurait néanmoins oublier une constatation quelque peu amère, à savoir que le bien-être promis à tous n'est qu'un leurre et que les avantages reconnus de la mondialisation n'excluent pas des inconvénients qui font peur. L'égalité des chances, thème central des gouvernements allemands lors des campagnes électorales, ne résiste pas à une réalité pragmatique bien moins réjouissante, qui permet sans état d'âme de constater qu'il y a des pauvres et des riches, des petites et des grandes firmes, des pays faibles et d'autres plus puissants et que la libéralisation, supposée devoir accompagner la mondialisation, profite à certains, lorsqu'elle nuit à d'autres.

1.4. L'exemple franco-allemand

Deux pays économiquement concurrents ne cessent de prôner le rapprochement et le partenariat, sans abandonner pour autant la réalité des rapports de force : l'Allemagne et la France. Les perspectives de la mondialisation, d'abord confinée à l'Europe, ont conduit au premier grand divorce franco-allemand, lorsqu'en 1999 France Télécom et Deutsche Telekom ont décidé de se lancer séparément à la conquête du marché du téléphone. Le chapitre des divisions, malgré les discours positifs depuis la célébration en janvier 2003 du 40e anniversaire de la signature du Traité de l'Elysée, est lourd de nombreux exemples d'exaspération, qui émaillent l'actualité: Siemens, Alstom, Sanofi-Aventis, Alcatel, EADS ne sont que quelques-uns des mots qui fâchent entre Paris et Berlin. De tous temps, la France a considéré l'Allemagne comme le meilleur atout pour opposer à la domination américaine une Europe économiquement forte, mais a toujours cherché à considérer le partenaire allemand comme un concurrent qu'il fallait absolument doubler en pleine course. La politique industrielle française est guidée par cette volonté de faire mieux que l'Allemagne, tout en jouant la carte allemande dans la compétition euro-américaine. Pour y parvenir, Paris n'a jamais hésité à recourir à des manoeuvres interventionnistes et même parfois nationalistes, pour faire des entreprises françaises les meilleures du continent, sinon du monde. Au diable le rapprochement franco-allemand, si l'on peut éviter la faillite du groupe industriel Alstom en injectant des fonds publics pour mieux contrer les avances du groupe allemand Siemens. Au diable l'amitié, quand en 2004 le groupe pharmaceutique français Sanofi fait une OPA hostile sur le groupe franco-allemand Aventis avec la bénédiction du gouvernement français, après avoir signifié plus ou moins diplomatiquement au groupe suisse Novartis, qu'il n'était pas le bienvenu en France. Quant au consortium aérospatial franco-allemand EADS, rien n'est fait pour balayer d'une phrase l'impression que le groupe devient de plus en plus français. Ce qui explique la mauvaise humeur des Allemands à l'idée qu'une fusion des chantiers navals des deux pays puisse se faire dans le cadre d'une formule favorisant l'implantation de technologie sur le sol français et la suppression d'emplois dans le Nord de l'Allemagne.

L'origine de ce malaise permanent est à mettre sur le compte de la tradition. La France dispose, contrairement à son voisin allemand, d'une politique industrielle largement interventionniste, en flagrante opposition avec l'économie libre de marché, qui a fait la gloire du miracle économique allemand dès les années 50. En Allemagne, c'est le marché qui décide du succès d'une entreprise, des exceptions régionales étant possibles pour des entreprises locales, tout spécialement en Bavière. En France, c'est le gouvernement, avec plus ou moins de succès d'ailleurs. Néanmoins, les Français - et pas seulement les autorités - ont une approche plus positive de la politique industrielle, alors que les contraintes environnementales et sociales en Allemagne paralysent les meilleures volontés. L'économie, "Wirtschaft", est presque considérée comme une insulte dans le vocabulaire quotidien des Allemands.

Au bout du compte, le contraste franco-allemand en la matière n'est guère profitable à l'Allemagne. Et Paris de souligner que sans l'engagement, sans l'intervention du gouvernement, Airbus ou Ariane n'auraient jamais pris leur envol et connu le succès, dont profite l'Allemagne

Même s'il est vrai, que Hoechst avait pris le contrôle de Rhône-Poulenc en 1998, évocation malheureuse avec des relents de revanchisme, il faut bien dire que ce qui agace généralement les Allemands, ce sont les tendances "révolutionnaires" que les Français aiment à démontrer de temps à autre. Alors que le gouvernement allemand engage la discussion, établit des plans à moyen terme, négocie et définit ses projets dans les moindres détails, au point d'ailleurs de paralyser son action, Paris regarde, envisage d'agir, ne bouge pas d'un millimètre, mais se réveille brusquement, lorsque tout le monde croit que le gouvernement français est pris au piège de son propre immobilisme. Du coup, la France, engagée dans des processus de réforme à peu près similaire, est généralement en retard d'une réforme par rapport à l'Allemagne. L'industrie reste, et restera sûrement encore longtemps, le point névralgique de la coopération franco-allemande.

1.5. Un protectionnisme ambigu

A l'échelle du monde (ou "globalement" parlant, pour rester dans le vocabulaire d'outre-Rhin), les bonnes résolutions, dont se réclame l'Allemagne dans ses divergences avec la France, sont vite oubliées, lorsque les intérêts prédominent.

Le mot protectionnisme semble néanmoins difficile à prononcer, tant il est vrai que les mesures jugées protectionnistes sont considérées en Allemagne comme le résultat de traditions ancestrales à sauvegarder au nom d'un patrimoine culturel ambigu. Deux exemples viennent à l'esprit pour corroborer cette observation: l'interdiction du fromage à base de lait crû a longtemps été un obstacle à l'exportation du chèvre de Touraine vers l'Allemagne, il aura fallu une décision de Bruxelles pour que les consommateurs allemands puissent enfin goûter chez eux ce qu'ils appréciaient au demeurant pendant leurs vacances en France. L'autre exemple a également fait l'objet d'une condamnation en 1987 par la Cour européenne, sans que la longévité des Allemands soient remise en cause pour autant. L'Allemagne se réfugiait volontiers derrière un édit de pureté, promulgué en avril 1516 par le Duc Guillaume IV de Bavière, pour faire valoir que la bière bue en Allemagne devait être composée uniquement de malt, de houblon, de levure et d'eau, sans aucun additif [10]. Un des plus vieux règlements au monde, valable d'abord en Bavière, puis repris dans les différentes régions au fil des siècles. Ce n'est qu'en 1906, que la loi sera généralisée à l'ensemble du Reich – un texte qui sera également adopté par les députés du Bundestag après la fondation de l'Allemagne fédérale en 1949. Patrimoine culturel exacerbé ou protectionnisme caché?

1.6. Un nouveau langage

Face à ces réalités, de nouvelles expressions envahissent le discours politique allemand, sans pour autant apporter plus de lumière aux débats suscités par les sceptiques, voire les adversaires de la mondialisation: on y parle de "Global Governance", de "politique intérieure mondiale" ("Weltinnenpolitik") ou encore de société civile ("Zivilgesellschaft") et de subsidiarité, autant de vocables présentés comme de véritables panacées pour confirmer la phrase-clé du chancelier Gerhard Schröder dans son discours du 4 septembre 2001 devant le 5e Congrès international d'Economie du Parti social-démocrate (SPD): "L'Allemagne a accepté les défis de la mondialisation, parce que cette évolution est inévitable, mais aussi parce qu'elle y voit des chances considérables. Nous devons exercer une influence politique sur ce processus." [11]

Le chancelier prend bien soin dans ce discours de ne pas se limiter aux effets purement nationaux de la mondialisation: "La mondialisation n'est pas un élément naturel, mais un processus pouvant être modelé avec des moyens politiques. Il ne s'agit pas de laisser les pays du tiers monde exposés au libre jeu des forces du marché. C'est la raison pour laquelle nous intervenons si résolument en faveur d'une configuration politique des processus de mondialisation, en faveur de l'adoption de principes politico-éthiques, dans l'économie mondiale également, et d'un cadre régissant les marchés financiers internationaux, ceux-ci devant promouvoir le développement." Berlin entend viser une gestion politique et démocratique de la mondialisation.

A l'initiative du gouvernement allemand, le Sommet économique mondial, réuni à Cologne en juin 2000, a décidé une opération de désendettement pour les pays les plus pauvres. En avril 2002, le gouvernement allemand a adopté une stratégie nationale pour un développement durable, présentée en septembre de la même année au Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg, en Afrique du Sud. [12] Et lors de la conférence sur le climat, en 2002 à Bonn, l'Allemagne a été en mesure d'obtenir la mise en œuvre du protocole de Kyoto: "Sans notre engagement, a déclaré le chancelier, en rappelant la décision allemande de réduire les gaz à effet de serre, le processus de Kyoto serait depuis longtemps mort et enterré".

2 L'Allemagne des idées et non plus celle des records

L'Allemagne, en "pole position" dans la course à la sauvegarde du globe, oubliant ses propres intérêts nationaux? Un peu comme Michael Schumacher, le pilote allemand champion du monde de Formule 1, roulant pour Ferrari? Dans son discours d'investiture le 1er juillet 2004, le nouveau chef de l'Etat a écarté tous les doutes en rendant un vibrant hommage aux qualités nationales de ses concitoyens dans un contexte international, allant même jusqu'à vanter, quelques jours seulement après la cinglante défaite du onze allemand à l'Euro 2004 au Portugal, les qualités du ballon de football mis au point par des ingénieurs allemands [13]. C'est l'Allemagne des idées qui semble désormais prendre le pas sur l'Allemagne des records, encaissés depuis longtemps par les Etats-Unis ou le Japon – ou par la Grèce et le Portugal dans le monde du football.

2.1. La "Leitkultur", un patriotisme nouveau

Il est symptomatique de constater qu'un mot, jusqu'ici largement banni du vocabulaire allemand, soit au centre de maints débats depuis l'élargissement de l'Union européenne le 1er mai 2004, mais aussi depuis le premier discours tenu par Horst Köhler – c'est le patriotisme. Un vocable boudé par la génération de l'après-guerre, utilisé seulement à voix basse. Pour le nouveau chef de l'Etat, "patriotisme et ouverture sur le monde ne sont pas des antagonismes" [14]. Ces propos ont provoqué un large débat dans la presse. Paul Nolte, auteur d'un ouvrage sur la "Generation Reform" en 2004, estime dans une analyse publiée par "Die Welt", que "le patriotisme et la modernisation peuvent être les partenaires d'un projet commun [15]". Il n'en a pas toujours été ainsi: la controverse des historiens au milieu des années 80 a fait peur à tous ceux qui craignaient une relativisation des horreurs du national-socialisme; et la discussion sur la culture allemande en 2001 n'a pas permis de trouver une autre expression que "Leitkultur" pour définir l'ambition culturelle de l'Allemagne moderne. D'ailleurs, les traductions françaises proposées avec hésitation selon les convictions entre "culture dominante" et "culture de référence" reflétaient bien le dilemme. Débat académique, puis politique, faussement idéologique enfin – toutes les questions sont restées sans réponses. Ou plutôt: la peur d'une réponse essentiellement allemande, donc nationale, voire nationaliste, a escamoté le vrai débat.

Car les réponses ont été données depuis longtemps hors du microcosme politique. Eva Gronbach, jeune créatrice de mode de Cologne n'a pas hésité à lancer en l'an 2000 une collection de T-shirts sur le thème "Déclaration d'amour à l'Allemagne" – et l'aigle allemand se vend désormais aussi bien à Paris qu'à Bruxelles, à New York qu'à Tokyo ou Los Angeles, sans que le moindre soupçon ne vienne se porter sur une quelconque tendance extrémiste de droite ou nationaliste réactionnaire.

En octobre 2003, la revue d'architecture de Munich "AD", dont la rédactrice en chef est une Autrichienne, a pu augmenter ses ventes avec un numéro spécial intitulé "The Best of Germany". Seul membre du gouvernement à faire la fine bouche, Michael Naumann, lorsqu'il était encore ministre d'Etat à la culture, avant de diriger la rédaction de l'hebdomadaire "Die Zeit", aimait à clamer en public que "le patriotisme lui était aussi égal que la taille des chaussures de Berti Vogts" [16], alors entraîneur de l'équipe allemande de football. Les sondages lui ont donné tort: selon les récentes enquêtes des instituts de démoscopie, deux tiers des personnes interrogées déclarent avoir toutes les raisons d'être fières de leur nationalité allemande et l'immense majorité de citer la nation, l'hymne national, la patrie et cet intraduisible "Heimat" pour étayer leur conviction. Tant que "Heimat" reste associé à un patrimoine culturel musical ("Heimatlieder" toujours en vedette dans des émissions de grande audience à la télévision), les réactions oscillent entre la nostalgie ringarde du bon vieux temps et la sauvegarde de valeurs surannées concurrencées par le rap et le hip-hop. Faire de "Heimat" un acte de patriotisme, dépasse néanmoins l'entendement, non pas par manque de conviction, mais plutôt par peur du "qu'en-dira-t-on". Mais le vent tourne et a chaque pas favorisant l'ouverture des esprits, le patriotisme gagne du terrain dans le débat public.

2.2. La peur des délocalisations

Qui dit patriotisme, dit aussi par extension manque de patriotisme. La délocalisation, autrement dit l'implantation de firmes allemandes dans des pays, où les impôts et les salaires sont moins élevés, représente sans conteste un avantage pour les entreprises concernées, mais elle est mal perçue, alors que l'Allemagne traverse une crise de l'emploi et assiste à une croissance de sa dette publique et de son chômage.

Qui ne se souvient de la décision de Daimler-Benz, fleuron de l'industrie automobile allemande, de produire la petite Smart non pas à Rastatt en terre de Bade, mais en Lorraine, de l'autre côté du Rhin, où les subventions étaient plus élevées et les coûts de production plus faibles. 1800 emplois avaient ainsi été créés en France, aux dépens de l'Allemagne.

Résultat significatif de cette évolution: l'Allemagne avait 14 millions d'ouvriers au lendemain de son unification, elle n'en a plus que 10 millions. En une quinzaine d'années, le secteur du textile a perdu 65% de ses emplois, celui du bâtiment 58%, la métallurgie 47%.

Est-ce faire preuve de déficit patriotique que d'installer ses machines à l'étranger ? D'aucuns se servent de ce patriotisme redécouvert et redéfini comme d'une arme pour défendre les intérêts nationaux, qui sont parfois uniquement les intérêts d'une entreprise. Hans-Heinrich Driftmann, chef de l'entreprise Kölln-Flocken à Elsmhorn, dans le Nord de l'Allemagne, tente de concilier patriotisme et réformisme: lorsqu'une phase de production de son entreprise est inaugurée à l'étranger, il ordonne que l'on chante l'hymne du Schleswig-Holstein17. Heinrich von Pierer, chef du groupe Siemens, demande quant à lui aux employés de son usine de Kamp-Lintfort de travailler plus pour le même salaire et sans prime, sinon il menace de délocaliser la production de portables vers la Hongrie. En juin 2004, la proposition est entérinée avec l'aval des syndicats, qui jurent certes qu'il s'agit là d'une exception au nom du pragmatisme, mais qui constatent avec amertume que l'opinion publique et la presse approuvent sans trop grogner le retour progressif à la semaine des 40 heures. L'Allemagne sent bien qu'elle a besoin de réformes pour s'imposer dans le monde et garantir chez elle des emplois de plus en plus menacés. Contre toute attente, la mondialisation si décriée est en passe de réévaluer la solidarité nationale.

Les chiffres sont certes éloquents: aucun pays au monde effectivement n'exporte autant que l'Allemagne: avec une valeur de 748 milliards de dollars en 2003, elle devance les Etats-Unis (724), le Japon (472) et la Chine (438), notamment grâce au cours de l'euro. La France, meilleure cliente de l'Allemagne depuis de longues années, occupe la 5e place avec un volume de 385 milliards de dollars.

2.3. De l'unité allemande à l'Union de l'Europe

Il faut des réformes, tout le monde le dit. Et chacun d'appeler de ses voeux le changement. Un débat semblable à celui de 2004 avait eu lieu, dans des circonstances tout à fait différentes, au début des années 90, lorsque l'unité allemande commençait à prendre forme et que le changement s'appelait "Wende", le tournant: des firmes ouest-allemandes avaient investi à l'Est, où la main-d'œuvre était bon marché et les besoins en infrastructures considérables, à un tel point que des habitants de Cologne ou de Mayence se plaignaient de ne plus trouver d'ouvriers pour réparer un toit ou une fuite d'eau. La première véritable expérience mondialiste des Allemands de l'ère moderne aura été paradoxalement nationale et d'aucuns considèrent aujourd'hui cette réunification, menée tambour battant après une unification monétaire mise en place de main de maître, comme une sorte de répétition générale de l'unification européenne. A cette différence près néanmoins, et elle est de taille, que les compromis à l'échelle de 25 pays, bientôt 27 et plus, sont éminemment plus complexes qu'entre deux Etats allemands soucieux d'harmoniser leurs structures et de réunifier leurs racines culturelles. Après la chute du Mur de Berlin, le patriotisme allemand, même si le mot n'était jamais prononcé, jouait à plein son rôle.

Là encore, les chiffres illustrent bien l'évolution depuis le début du 3e millénaire: l'Union européenne reste de toute évidence la région du monde la plus attrayante pour les entreprises. Près de 60% des firmes présentes à l'étranger misent sur la puissance économique de l'Europe. Seul le secteur industriel semble garder une préférence pour l'Asie et pour l'Europe des Quinze d'avant l'élargissement de mai 2004.

2.4. La mobilisation du Bundestag

Soucieux de gérer politiquement la mondialisation pour apaiser les craintes, le Bundestag aura été la première Assemblée législative au monde à mettre en place une commission d'enquête parlementaire, laquelle a remis un rapport de 600 pages en juin 2002, intitulé "Mondialisation de l'économie mondiale". Un rapport dépassant largement les considérations purement nationales du débat, même si les incidences sur le marché allemand restent bien sûr au centre des préoccupations des uns et des autres. L'opposition chrétienne-démocrate (CDU), qui participait activement aux travaux, a complété ce rapport par une appréciation plus positive de la question, sans pour autant rejeter les défis énumérés par la Commission.

Le débat qui anime les différentes formations politiques du Bundestag a connu un regain d'intensité avec la position du gouvernement de Berlin sur les questions afghane et irakienne. Les rapports entre la mondialisation néo-libérale et la menace de guerre, entre la prévention des conflits et le maintien de la paix, ont redonné quelque élan aux militants du mouvement pacifiste et aux membres de l'association Attac en Allemagne. De nouvelles définitions apparaissent, qui traduisent avant tout les nuances d'opinion, divisant les partisans de l'universalité humaniste et les réactionnaires de l'idenditarisme, les adeptes de l'ordre (et de la pensée) unique et les ennemis du village global. "Une conception globale de la sécurité, estime le chancelier Schröder, doit englober toute la panoplie des moyens politiques, diplomatiques et aussi les moyens offerts par la coopération au développement."[21] Il estime que dans toutes ces régions en conflit, la sécurité doit être à la base des futures activités internationales. "Cela ne se limite pas à assurer la sécurité par des moyens militaires", précise-t-il à la tribune du Bundestag. Là encore, la mondialisation, un processus qui touche bien sûr avant tout le monde de l'économie et de la finance, concerne tout l'éventail de la société. Le sort des femmes, le travail des enfants ou encore l'importance de la famille dans la collectivité sont autant de chapitres liés au phénomène de la mondialisation, au même titre que la communication, l'environnement, l'énergie ou le terrorisme.

2.5. L'exemple des médias

A ce titre, il y a un secteur d'activité en Allemagne, qui a misé sur une internationalisation, bien avant d'autres branches et bien avant que le terme de "Globalisierung" n'apparaisse dans le discours politique. C'est celui des médias. Bertelsmann a commencé dès 1962 à dépasser les frontières, les autres maisons d'édition ont suivi à la fin des années 70 en raison de la saturation des marchés, de la diversification des risques et des coûts à la production. Gruner & Jahr aura été en 1978 le premier éditeur allemand de publications à l'étranger. La stratégie internationale d'Axel Ganz, membre du Directoire de la maison de Hambourg, s'est traduite par des euromagazines, dont les plus connus en France sont "Geo", "Gala" et "Prima". Dans le même temps, Axel Springer à Berlin estimait que le concept allemand n'était pas transposable à l'étranger, opinion revue et corrigée depuis octobre 2003 avec la parution de "Fakt", copie conforme du "Bild-Zeitung" en Pologne et la production de quelques revues spécialisées (automobile, jeunesse) dans une bonne quinzaine de pays européens.

Les magnats de la presse allemande distinguent plusieurs stratégies dans leur effort de conquête de nouveaux marchés (globale, locale, internationale et transnationale) mais la préférence va à la stratégie "glocale", qui associe global et local en un néologisme peu élégant, censé atténuer les craintes de la "globalisation" pour mieux souligner les avantages de la "localisation". [22]

La politique d'ouverture des médias allemands sur les marchés internationaux s'est accompagnée d'une sensibilisation plus grande des analystes au problème de la mondialisation, pas toujours dans le sens d'une plus grande motivation de leur public. La tendance des éditorialistes reste fortement critique, l'information est pluraliste et diversifiée, contradictoire mais constructive. Les ouvrages fort nombreux publiés sur le sujet sont de la même veine.

2.6. Un besoin d'explications

La centrale allemande de formation politique [23] propose, dans une documentation réalisée pour les écoles, une liste des réseaux, qui ont transformé les sociétés des différentes régions du monde en un "global village" et modifié ainsi la vie quotidienne des Allemands: "Les voyages dans les lointains pays en développement ne sont plus seulement l'affaire des 10 000 citoyens les plus riches d'Allemagne, les images et les informations circulent sur Internet en quelques secondes, la télévision supprime les distances et permet au téléspectateur d'être en direct sur les lieux de l'événement quelque soit son éloignement, les entreprises multinationales influencent les modes de vie et de consommation dans tous les pays." Le document se veut objectif et concède que cette énumération n'est pas toute la vérité: "En effet, au lieu de parvenir à une harmonisation des intérêts opposés, l'on assiste à une plus grande inégalité entre le Nord et le Sud et à une injustice croissante d'un point de vue moral." [24] Au lecteur de faire la part des choses.

Les manuels d'enseignement utilisés dans les établissements scolaires d'Allemagne permettent de voir comment les jeunes à l'école sont familiarisés progressivement au concept de la mondialisation. Un tableau récapitulatif des différences entre hier et aujourd'hui permet de discerner l'évolution des mœurs et l'impact de la mondialisation sur tout un chacun. Alors qu'autrefois, les citoyens tentaient d`établir des relations durables au sein de la famille, les relations personnelles du 21e siècle avec des amis ou des partenaires sont souvent limitées dans le temps. La communauté locale de jadis, à vocation politique, économique et sociale, a été remplacée par des systèmes abstraits. Entre d'autres termes, le GATT a pris la place du village. L'intimité a fait place à l'anonymat. Le multiculturel et le "citoyen du monde" ont remplacé la religion et la tradition. La tradition orale et locale a fait place à le réception mondiale des informations par téléphone, radio, télévision, presse écrite et Internet. Les expériences quotidiennes comptent désormais moins que la formation et la connaissance abstraite et hypothétique de l'expert. Les dangers limités dans le temps et l'espace, depuis les cambriolages jusqu'aux catastrophes naturelles, attirent moins l'attention que les craintes et les risques du monde de demain, depuis la guerre nucléaire jusqu'à l'effet de serre en passant par le krach boursier. [25]

2.7. Façons de parler

Sur un tout autre plan, celui du langage, la mondialisation a des effets pervers, pour qui estime que l'héritage de Goethe ne saurait être bradé sur l'autel de la communication anglo-saxonne. Comme si l'Allemagne avait renoncé à défendre son patrimoine linguistique pour encourager l'invasion d'anglicismes dans le discours quotidien. L'Internet est certes passé par là, mais les Allemands n'ont pas freiné le mouvement. Ils inventent même des mots "qui sonnent anglais", comme le "handy" (pour le portable) ou le "talkmaster" (pour celui qui dirige un débat public à la télévision). Konrad Ehrlich, linguiste, professeur à l'Université de Munich et président de la fédération allemande des germanistes, n'hésite pas à faire le lien entre l'appauvrissement de la langue allemande et l'évolution de l'industrie ou du monde scientifique en Allemagne. "Il existe, dit-il, une tendance croissante à baisser les bras, dans l'espoir que si l'on se soumet à certaines orientations internationales, on augmente ses chances." [26] Fascinés par une domination anglo-américaine, qui semble gagner toute la planète, les Allemands en oublient que dans de nombreuses langues du monde l'allemand a réussi lui aussi à trouver sa place dans le passé: les Français connaissent le "ersatz" et le "leitmotiv", les Anglais parlent de "zwieback" pour désigner leurs biscottes, le sucre ukrainien s'appelle "zukor" (comme "Zucker" en allemand), le sac à dos "Rucksack" se retrouve sous forme de "rjuksak" en russe, de "rückssack" en japonais et de "rucksack" en bengali. Quant à savoir pourquoi le "bjustgaler" des femmes russes doit son origine aux "Büstenhalter" (soutien-gorge) des Allemandes, il faudra bien recourir un jour à la sagacité de linguistes éminents, avant que l'anglais ne vienne balayer là aussi les séquelles d'une lointaine influence germanique.

Parallèlement, l'imagination fébrile déborde de tous les dictionnaires, lorsque la fédération allemande des établissements funéraires propose de débaptiser les croque-morts en "funeral master", pendant que l'écrivain Günter Grass, Prix Nobel de littérature et chauvin déclaré de la langue allemande, lance une campagne électorale en faveur du parti social-démocrate sous le nom de "Win 2000". Un petit tour dans les grands magasins suffit pour s'en convaincre: "Lifestyle", "Beautyset", "Fashion for kids", "Power Point Presentation", "Paperback", "Walkman" et autres monstruosités linguistiques permettent d'affirmer sans crainte que si Goethe et Voltaire, aujourd'hui, étaient contraints de parler cet anglais-là de la mondialisation technocratique, Shakespeare serait obligé de payer un interprète pour les comprendre…

Faut-il dès lors craindre pour l'identité des Allemands? Hermann Simon, professeur à la Business School de Londres et auteur d'un bestseller sur "Les champions cachés" (de la mondialisation), donne une réponse sans appel: "Comme les Allemands ne font plus d'enfants, nous n'avons plus besoin de nous tracasser sur la question de l'identité allemande" [27].


[1] Horst Köhler, Bundestag, 23 mai 2004
[2] Die Zeit N° 41, 3 octobre 1997
[3] Rainer Hank, Akzente
[5] Focus 19/2004, "Von wegen Made in Germany",3 mai 2004
[6] Innovate! Das Magazin für Forschung und Technologie, Juin 2004
[7] Stern N° 27, "Wir sind besser, als wir glauben", 24 juin 2004
[8] id.
[9] Chrismon 03/2004
[10] Le "Reinheitsgebot" de 1516 édictait par ailleurs que "la bière soit vendue de la Saint Georges à la Saint Michel, partout sur notre territoire, aussi bien dans les campagnes que dans les villes et les marchés, pour pas plus de un pfennig munichois", détail oublié depuis longtemps par les adeptes de l'édit de pureté.
[11] Gerhard Schröder, 5e Congrès international d'économie organisé par le SPD sous le titre "Politique économique européenne – chances et tendances", 4 septembre 2001
[12] Gerhard Schröder, Déclaration gouvernementale,16 mai 2002
[13] Horst Köhler, Bundestag, 1er juillet 2004
[14] Horst Köhler, Bundestag, 23 mai 2004
[15] Paul Nolte, Die Welt, "In den Spiegel sehen können", 3 juin 2004
[16] Welt am Sonntag, 9 novembre 2003
[17] Focus 19/2004, "Von wegen Made in Germany", 3 mai 2004
[21] Gerhard Schröder, Déclaration gouvernementale,16 mai 2002
[22] Insa Sjurts, "Think global, act local", Aus Politik und Zeitgeschichte, B12-13, 15 mars 2004
[23] Bundeszentrale für Politische Bildung (BPB)
[24] Informationen zur Politischen Bildung N° 280/ 2003 "Globalisierung"
[25] H. Uhl, "Nord und Süd - eine Welt?" N°14/1999
[26] Focus N° 27, "Deutschland nimmt sich selber vom Markt", 28 juin 2004
[27] Hermann Simon, "Die heimlichen Gewinner", Campus 2004, cité dans "Stern N°27, "Wir sind besser, als wir glauben", 24 juin 2004. L'ouvrage existe également en français ("Les champions cachés de la performance - comment devenir n° 1 mondial quand on est une PME", Ed. Dunod)

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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