Démocratie et citoyenneté
Stefanie Buzmaniuk
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En 1906, la Finlande fut le premier État européen à accorder le droit de vote aux femmes, avec l'adoption du suffrage universel et son autonomisation par rapport à l’Empire russe. L'année suivante, les Finlandaises ont pu exercer ce droit lors des élections législatives. Tout au long du XXe siècle, a suivi un long combat pour les femmes en Europe et dans le monde, pour obtenir le droit de vote sans conditions supplémentaires que celles exigées aux hommes. Dans certains pays, en guise de première étape vers leur émancipation électorale, seules les veuves avaient le droit de voter (en Belgique, par exemple, jusqu’en 1921). Dans d’autres pays, comme en Bulgarie, le droit de vote a été initialement réservé aux mères d’enfants légitimes et exclusivement à l’occasion des élections locales. Au Portugal, seules les femmes diplômées avaient le droit de vote à partir de 1931. En Espagne, il aura fallu attendre la démocratisation postfranquiste et les élections de 1976 pour que les Espagnoles retrouvent leur droit de vote initialement acquis en 1931 avant la guerre civile. La France va fêter cette année les 80 ans de l’obtention du droit de vote des femmes. Les Chypriotes ont obtenu le droit de vote en même temps que leurs concitoyens masculins au moment de la création de la République en 1960. Ceci peut s’expliquer assez simplement par le fait, qu’à ce moment-là, une telle discrimination ne pouvait plus se justifier. Il aura donc fallu traverser une bonne partie du XXe siècle pour en arriver là.
Dorénavant, dans les États européens, les législations relatives au droit de vote et au droit de se présenter aux élections reconnaissent un égal accès aux femmes et aux hommes. Pourtant, leur participation à la vie politique est toujours marquée par des différences notables et des obstacles importants qui nous semblent injustifiés. Les femmes restent moins représentées sur la scène politique alors qu’elles représentent plus de la moitié de la population. Dans l’Union européenne, la population féminine excède de dix millions la population masculine. Ce constat mérite notre attention en 2024, année qui se distingue par son importance électorale, avec les élections des représentants au Parlement européen prévues du 6 au 9 juin. En outre, cinq élections présidentielles et six législatives se tiennent dans les États membres. Il s’agit donc d’une occasion propice pour étudier la position des femmes sur la scène politique européenne, ainsi que les obstacles persistant en coulisses, et qui entravent leur pleine participation à la vie politique.
Femmes électrices
Des sondages au niveau international ont montré depuis longtemps des taux d’abstention plus élevés chez les femmes que chez les hommes. La politisation des premières a mis du temps à s’installer, mais cet écart s’est largement resserré et n’existe pratiquement plus pour des scrutins nationaux. On le retrouve toutefois au niveau des élections dites de second degré, comme les élections européennes. Pour celles de 2014, 45% des hommes avaient déclaré vouloir se rendre aux urnes, contre 41% des femmes. En 2019 – alors que l’on a retrouvé une participation supérieure à 50% (50,66%), cette différence s’est réduite avec 52% des hommes et 49% des femmes indiquant vouloir se rendre aux urnes. On peut en conclure que les femmes semblent toujours se sentir légèrement moins impliquées dans la politique européenne que les hommes. Difficile de dire en amont si les femmes se rendront plus nombreuses aux urnes en juin, mais il est évident que leur mobilisation peut changer la donne électorale dans certains pays.
En effet, il est intéressant d’observer que, dans un contexte politique européen dans lequel les partis situés aux extrêmes de l’échiquier politique sont présentés comme gagnant du terrain, les femmes apparaissent comme étant moins attirées par eux – ce phénomène est appelé en sciences politiques « Radical Right Gender Gap »[1] que l’on pourrait traduire par « fossé des genres parmi les électeurs d’extrême-droite ».
En Espagne, lors des dernières élections générales du 23 juillet 2023, 11% des hommes, contre seulement 5% des femmes, ont voté pour le parti Vox. Ce parti se présente comme particulièrement hostile aux droits des femmes. Parmi ses propositions de campagne, se trouvaient la restriction du droit à l'avortement, l’abrogation de la législation relative aux violences à l’égard des femmes et le remplacement du ministère de l'égalité par un ministère de la famille. Ces arguments ont donc eu très peu de succès parmi les électrices.
En Autriche, lors des élections législatives de 2019, 11% des femmes, contre 21% des hommes, ont donné leur voix au Parti de la liberté (FPÖ) qui soutient l’idée d’un retour au « bon vieux temps » – avec des femmes qui s’occupent de la famille, des enfants et de la maison. Cette position a été particulièrement critiquée lorsque le Parti populaire (ÖVP) de centre-droit s’est allié avec le FPÖ, dans le Land de Salzbourg, pour former une coalition et envisager le projet d’un versement de subventions publiques aux familles qui gardent leurs enfants à la maison au lieu de les confier à un système de garde. Ceci a été largement décrié en tant que « Herdprämie » (prime du four). Pour les Autrichiennes qui, de manière générale, mettent de côté leur carrière beaucoup plus longtemps pour s’occuper de leurs enfants (60% des femmes ne reprennent leur poste qu’après un congé parental de deux ans – beaucoup d’entre elles à temps partiel), un tel projet les décourage encore plus de poursuivre la possibilité d’avoir des enfants et une carrière. Avec de telles idées, le FPÖ ne convainc pas autant les électrices que les électeurs.
Les votes en faveur du parti AfD en Allemagne ont longtemps été caractérisés comme majoritairement masculins : lors des élections fédérales de 2017, 16,3% des hommes avaient voté pour l'AfD, contre seulement 9,2% des femmes. En 2021, ils étaient respectivement 13% et 7,8%. L’image idéale de la femme, selon l’AfD, ne se différencie pas spécialement de celle de Vox ou du FPÖ et tourne notamment autour du concept de la mère au foyer. Les dernières élections régionales en Allemagne montrent néanmoins que de plus en plus de femmes sont prêtes à voter pour l’AfD. Cette tendance peut s’expliquer d’abord par un contexte social qui se tend avec une inflation importante, des salaires bas et un chômage élevé dans lequel l’AfD propose des solutions simplistes et surtout ne s’attarde pas sur les ambitions d’égalité hommes-femmes ; ensuite, en raison du phénomène que l’on appelle la « normalisation » de l’AfD, le parti réussit à diversifier son électorat vers des catégories socioprofessionnelles plus élevées. Ceci montre que l’AfD devient plus acceptée au milieu de la société et donc auprès des femmes.
En France, l’électorat du Rassemblement national (RN) est aussi féminin que masculin, voire plus féminin lors des derniers scrutins, ce qui est assez nouveau pour ce parti. Cela peut s’expliquer par le fait que la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, Marine le Pen, se présente elle-même comme une femme forte, indépendante et émancipée et que ce parti - comme l’AfD - est de moins en moins perçu comme situé à l’extrême droite de l’échiquier politique. En ce qui concerne l’électorat du parti Reconquête ! d’Éric Zemmour – avec des positions clairement antiféministes – on retrouve de nouveau une différence notable entre le nombre de femmes et d’hommes susceptibles de voter en sa faveur : une étude d’intentions de vote avant la dernière élection présidentielle de 2022 a montré un écart de six points entre le vote féminin et masculin.
Autre exemple intéressant, celui de la Hongrie. Comme l’explique Zsuzsanna Szelényi de la Democracy Institute Leadership Academy de Budapest, le parti Fidesz, qui est au pouvoir et qui n’est pas considéré comme parti d’extrême-droite à l’intérieur du pays, attire un électorat aussi féminin que masculin. Malgré la sous-représentation des femmes en son sein et le rôle défendu par ce parti qui se présente comme conservateur et traditionnel et qui réduit les femmes à leurs rôles de mères et de soignantes, le Fidesz réussit à recueillir des voix féminines. Ceci est surtout dû, premièrement, au fait que, dans l’Histoire, la société hongroise n’a été féministe que du haut vers le bas : le régime de Janos Kádár (1956-1988) mettait les femmes et les hommes sur un pied d’égalité en ce qui concerne la règlementation du travail. Les femmes avaient également le droit de vote depuis 1918. Il n’y a donc jamais vraiment eu de mouvement de la part de la société civile qui aurait lutté pour plus de droits des Hongroises. Cette passivité existe toujours : les droits de femmes ne sont toujours pas une grande priorité des demandes de la société civile. Deuxième raison pour laquelle le Fidesz arrive à obtenir le vote de femmes : le gouvernement accorde un soutien financier particulièrement important aux femmes qui ont des enfants (soutien de maternité très généreux et long ou réductions d’impôts considérables pour des femmes ayant plus de trois enfants). Un soutien qu’il ne vaut mieux pas perdre de vue dans le pays champion d’Europe de l’inflation. Le Mouvement politique Notre Patrie, qui se situe encore plus à droite que le Fidesz sur l’échiquier politique et qui défend une politique radicalement anti-avortement et antiféministe, connaît un succès largement inférieur chez les femmes que chez les hommes. Dans ce cas-là, le « Radical Right Gender Gap » se dévoile de nouveau.
Si l’on constate un fossé entre hommes et femmes au sein des partis peu favorables aux droits des femmes, et l’Union européenne comptant plus d’électrices que d’électeurs, leur plus large mobilisation peut avoir une influence sur la composition du Parlement européen. Cette mobilisation ne nous semble toutefois possible que si les femmes sont mieux représentées.
Représentation féminine
Les femmes ne sont pas que des électrices ; elles réclament une place active sur la scène politique. Dans l’Union européenne et ses États membres, elles sont de mieux en mieux représentées au niveau politique, mais beaucoup reste à faire. Plus que de gap (écart) parlons de gouffre, en matière de représentativité.
L’Histoire retient Simone Veil comme la première présidente du Parlement européen élu au suffrage universel direct en 1979. Les apparences de progressisme sont sauves mais dans les faits, le taux de femmes élues n’est alors que de 16,6%. Dans l’actuelle 9ème législature du Parlement, le taux de députées a augmenté considérablement : il se monte à 38,5%. Un progrès, certes, mais toujours loin de la parité (50%), voire 51 % en termes de juste représentativité de la population européenne. Ces chiffres ne sont toujours pas satisfaisants au niveau européen, on regrette d’autant plus qu’ils le sont encore moins au niveau mondial : en moyenne, seulement 26,5% de parlementaires sont des femmes.
Dans les parlements nationaux des États membres, cette moyenne est légèrement plus élevée, mais reste en dessous de la moyenne européenne, à hauteur de 31,9%. Des disparités importantes entre les différents États membres existent : le Riksdag suédois avec 46,4% de femmes est le parlement le plus féminisé, suivi par l’Eduskunta finlandais qui compte 46% de femmes. L’Országház hongrois est l’hémicycle avec la représentation féminine la plus faible (14,1%) et la House of Representatives de Chypre compte seulement 14,2% de sièges occupés par des femmes.
Il est intéressant de noter qu'une diversité significative existe également au sein des groupes politiques des parlements. Au Parlement européen, le groupe le plus équilibré est celui des Verts/ALE, avec près de 50% de représentation féminine. Ensuite, viennent les groupes S&D (44%), GUE et Renew, qui affichent tous une représentation féminine dépassant 40%. Les autres groupes comptent entre 39 et 30% de femmes.
Au niveau mondial et à la vitesse - ou plutôt la lenteur - à laquelle les progrès se font, nous n’atteindrons pas la parité femmes-hommes dans les parlements nationaux avant l’année 2063. La plus jeune députée européenne – la Danoise Kira Marie Peter-Hansen – qui vient d’avoir 26 ans, ne pourra fêter cette réalisation qu’à l’âge de… 65 ans.
Pour atteindre la parité, certains États membres ont instauré des quotas sur les listes électorales. C’est le cas par exemple de la France et de la Belgique qui exigent une égalité parfaite entre candidats hommes et femmes. D’autres pays, comme l’Espagne, la Croatie et la Slovénie ont fixé le seuil à au moins 40% du sexe défavorisé. En cas de non-respect, les partis peuvent voir leur taux de financement public drastiquement réduit. Beaucoup d’entre eux, pourtant, préfèrent toujours opérer avec moins de moyens financiers que de réellement respecter la parité hommes-femmes sur leurs listes.
Pourtant, beaucoup d’arguments en faveur de la représentativité féminine dans les instances politiques ont déjà été présentés et ne semblent plus vraiment soulever de question. La Chypriote Marina Demetriou Stavrou, secrétaire adjointe du Parti démocrate européen (PDE), souligne notamment que les femmes politiques montrent l’exemple aux autres femmes et les attire ainsi vers l’activité politique. Ainsi, les femmes des autres États membres européens – plus souvent et plus tôt politisées que les femmes chypriotes – ont aidé les Chypriotes à réaliser leur potentiel ce qui leur a permis de se lancer en politique dans les années 1990 et 2000 quand Chypre s’est apprêtée à rejoindre l’Union européenne. Même si ce mouvement était, au début, limité aux partis modérés et de gauche, il a montré le chemin vers une féminisation de la politique chypriote qui se poursuit encore.
En plus de la question du modèle, les Nations unies ont résumé en cinq autres points les arguments en faveur d’une réelle représentativité féminine dans les instances politiques :
- la justice : les femmes représentent environ la moitié de la population et ont donc le droit d'être représentées en tant que telles.
- l'expérience : seules les femmes peuvent authentiquement représenter leurs expériences, différentes de celles des hommes, dans les discussions qui ont comme résultat l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques.
- l'intérêt : les intérêts des hommes et des femmes sont distincts, dans certains cas même contradictoires, et il faut donc des femmes dans les institutions politiques pour articuler leurs intérêts.
- la masse critique : seulement en étant suffisamment représentées, les femmes peuvent atteindre une solidarité d’objectifs.
- la démocratie : la représentation égale des femmes et des hommes renforce la démocratisation des entités politiques.
L’exemple des négociations de paix montre le bénéfice très clair d’une représentation féminine : une analyse de 40 processus de paix, depuis la fin de la guerre froide, a montré qu’une implication plus forte de femmes a pratiquement toujours conduit à un accord. Si aucune influence ou une implication faible n’était exercée par des femmes lors des négociations, le taux de succès serait sensiblement moins élevé.
Au niveau des gouvernements des États membres de l’Union, en moyenne 32,52% des ministres sont des femmes. Malgré le fait que de plus en plus de pays essayent de construire des gouvernements strictement paritaires, une analyse plus profonde montre que cette égalité, très rarement atteinte ne l’est souvent qu’en surface. Généralement, les femmes se voient attribuer des ministères non-régaliens ou des postes de ministre délégué ou de secrétaire d’État. La plupart des ministères qui sont attribués aux femmes sont les suivants : « Femmes et égalité des genres », « Famille et enfants », « Inclusion sociale et développement », « Protection et sécurité sociale » et « Protection des minorités ».
En janvier 2024, quand cinq femmes sont au poste de premier ministre dans les pays de l’Union, seuls dix des vingt-sept pays ont des femmes ministres de la Justice, sept comptent des femmes ministres des Affaires étrangères, six des femmes ministres de l’Intérieur, et seulement cinq des femmes ministres de l'Économie et des Finances. Il faut noter qu’il existe des différences importantes entre les États membres : 80% des ministères régaliens sont aux mains des femmes en Finlande, tandis qu’en Hongrie le gouvernement n’en compte tout simplement aucune.
Données : Fondation Robert Schuman, janvier 2024
Femmes de pouvoir ?
Au niveau mondial, si nous progressons à la lenteur actuelle, l’égalité hommes-femmes dans les positions de pouvoir les plus hautes dans les gouvernements ne sera atteinte que dans 130 ans. Aucune et aucun d’entre nous ne sera donc encore de ce monde pour contempler les résultats. Patience alors, Mesdames ! Ou action… Pour que ce processus soit accéléré, des initiatives fortes doivent être menées.
Zsuzsanna Szelényi souligne la nécessité pour les femmes de se montrer prêtes à accepter plus de risques au niveau politique. Elle note que les différences entre les femmes et les hommes en tant que leaders sont pratiquement invisibles, sauf une : la prise de risque, également bien documentée dans la littérature scientifique. Sans prise de risque, pourtant, une carrière politique est rarement possible. D’autres études récentes montrent pourtant que les différences entre hommes et femmes en ce qui concerne la prise de risque sont moins significatives. Ceci peut signifier qu’une nouvelle génération de femmes émerge, qui pourrait ainsi aider à rééquilibrer la représentation hommes-femmes au niveau politique. Cette prudence ne résulte pas d’un intérêt moins important pour une carrière politique de la part des femmes. L’ambition politique est aussi grande chez les femmes que chez les hommes. Les risques qui sont associés à une carrière politique, pourtant, sont perçus comme plus importants par les femmes car le contexte est moins favorable pour elles. Celles qui parviennent à accéder à des postes de décisionnaire politique rencontrent souvent beaucoup d’obstacles à surmonter pour ne pas y renoncer trop rapidement.
Premier obstacle : les femmes font toujours face à un niveau de défiance important quand elles s’engagent en politique et conquièrent les échelons du pouvoir. Une étude menée dans les pays du G20, en 2021, a démontré que seulement 45% des personnes interrogées s’estiment « très à l’aise » avec l’idée d’avoir une femme à la tête du gouvernement. Ce résultat montre le long chemin qui reste à faire pour normaliser l’égalité hommes-femmes dans les plus hauts rangs du pouvoir.
Deuxième obstacle : les femmes au pouvoir représentent une cible particulièrement fréquente aux attaques sexistes – dans l’espace hors et en ligne. Une étude menée auprès des membres du Parlement européen montre que, sur internet, les femmes élues font plus souvent face à la haine en ligne fondée sur leur apparence physique. Des utilisateurs les infantilisent, font des commentaires malvenus sur leur vie privée ou envoient des appels à la violence sexuelle contre elles. Les réactions des femmes élues face à ce genre d’expérience varient, mais beaucoup d’entre elles choisissent de réduire leur activité sur les réseaux sociaux, leur présence en public, voire de se retirer de la vie politique pour faire une « pause ».
Les nouveaux développements de l’intelligence artificielle ajoutent un autre niveau de complexité à ce constat car de plus en plus de fausses images ou vidéos de femmes au pouvoir circulent et les mettent sous pression. Bien sûr, la menace de deep fakes ne concerne pas seulement les femmes, mais également leurs collègues masculins. Néanmoins, la nature de ce genre de pratique est souvent différente selon le genre et plus accentué vis-à-vis des femmes, qui doivent faire face à des manipulations d’image particulièrement violentes et notamment sexualisées. Ce développement est encore plus inquiétant dans le contexte d’élections multiples qui s’annoncent et alors que des ingérences étrangères tentent d’influencer les résultats et de déstabiliser les démocraties.
Troisième obstacle : les femmes politiques rencontrent le même problème que les femmes qui travaillent dans d’autres secteurs. Il leur faut articuler le projet professionnel avec la vie privée qui est, pour les femmes, plus souvent déterminée par les obligations familiales que pour les hommes. En 2023 au Parlement européen, par exemple, plusieurs députées ont attiré l’attention sur le fait qu’elles étaient de facto exclues des votes au sein de l’hémicycle juste avant ou après avoir eu un enfant, car il n’existe pas de moyen de combiner le congé de maternité ou parental avec le vote à distance (contrairement au système espagnol, par exemple, qui prévoit cette éventualité). Les femmes absentes ne peuvent pas non plus se faire représenter par un autre membre du Parlement.
Tous ces obstacles, et d’autres qui ne sont pas listés ici, ont pour conséquence que les femmes restent souvent moins longtemps en position de pouvoir que leurs collègues masculins, ou que moins de femmes se lancent dans une carrière politique.
***
Le monde politique reste davantage hostile pour les femmes que pour les hommes. Néanmoins, beaucoup de progrès ont déjà été réalisés et surtout, il existe une conscience très forte au niveau européen pour réduire les difficultés qui persistent, ce qui rend les débats plus productifs.
D’abord, il n’y a jamais eu autant de femmes visibles à la tête des institutions. Après les élections de 2024, cela, pourrait encore progresser. Ursula von der Leyen vient d’annoncer sa candidature à un second mandat à la présidence de la Commission européenne. Roberta Metsola pourrait être renouvelée à la tête du Parlement européen comme l’avait été Martin Schulz en 2014. Christine Lagarde préside la Banque centrale jusqu’en 2027 et la Banque européenne d’investissement est désormais dirigée par Nadia Calviño. Pour le Conseil européen, il n’est pas impossible d’envisager la nomination d’une femme !
En réalité, ce qui compte, ce ne sont pas tant les “top jobs” qui sont, bien évidemment, très visibles et symboliques, que tout ce qu’ils cachent : un système de partis politiques qui ne laissent toujours pas autant de place aux femmes qu’aux hommes, un quotidien politique avec toujours plus d’obstacles pour les femmes que pour leurs collègues masculins, ainsi que des politiques qui ne prennent toujours pas assez en compte les expériences féminines et les contraintes propres aux femmes.
L’année 2024 avec tous ces scrutins, notamment les élections européennes, constitue donc une nouvelle opportunité pour les femmes de faire entendre leur voix, par le biais d’un bulletin dans l’urne mais aussi pour être mieux représentées et ainsi initier plus de politiques en faveur de l’égalité femmes-hommes ou avec une dimension féminine. Une hausse de leur mobilisation peut changer la composition du Parlement européen puisqu’elles devraient être plus nombreuses et surtout, beaucoup moins enclines à voter en faveur de certains partis rétrogrades.
[1] Givens, Terri E. (2004) The Radical Right Gender Gap, Dans : Comparative Political Studies, Volume 31, Numéro 1.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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