Modèle social européen
Stefanie Buzmaniuk
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Dans un monde dans lequel les droits des femmes sont de nouveau menacés de tous côtés, l'Europe reste l'endroit où les femmes vivent le mieux. Au sein de l'Union toutefois, des régressions peuvent être observées, des difficultés persistent et des progrès restent encore à faire dans les domaines politiques, économiques et sociaux pour atteindre une véritable égalité hommes-femmes.
Le contexte mondial se complique pour les femmes
Dans le contexte de la pandémie, on a de nouveau constaté que les femmes sont généralement plus touchées par les crises que les hommes, que leur situation reste plus fragile en moyenne que celle des hommes. La pandémie a davantage affaibli les femmes : au niveau économique, avec des taux de chômage plus forts, au niveau sanitaire avec une exposition plus importante au virus du fait d'une surreprésentation des femmes dans des postes impliquant un contact humain et au niveau des violences avec une explosion des demandes d'assistance suite à des agressions domestiques. Avec la fin de la pandémie, la situation des femmes dans le monde ne semble pas s'améliorer pour autant. Les deux dernières années ont apporté certaines mauvaises nouvelles pour la parité hommes-femmes : L'exemple le plus frappant est certainement celui de l'Afghanistan. Depuis la prise de pouvoir des talibans à l'été 2021, les Afghanes ont perdu leurs droits pratiquement dans tous les domaines - les restrictions vont de l'interdiction de pratiquer un sport jusqu'à l'exclusion des filles de l'éducation dès l'école secondaire. En Iran, des femmes courageuses descendent massivement dans la rue pour reconquérir leurs droits. Depuis la mort de Mahsa Amini, à la suite de son arrestation par la police des mœurs en septembre 2022 pour sa tenue vestimentaire jugée "non conforme", les manifestations continuent malgré la répression brutale du pouvoir. En Turquie, la Cour suprême a confirmé, le retrait du pays de la Convention internationale d'Istanbul sur les droits des femmes annoncé en mars 2021 par le président Recep Tayyip Erdogan. Le pays a officiellement quitté la Convention en juillet 2021. Pour autant, les restrictions récentes des droits des femmes ne concernent pas seulement les pays dans lesquels leur situation est traditionnellement défavorable. La Cour suprême des États-Unis a, par exemple, renversé l'arrêt "Roe v. Wade" le 25 juin 2022 et abrogé le droit constitutionnel garantissant depuis 1973 l'interruption volontaire de grossesse au niveau fédéral, limitant ainsi un droit que les femmes américaines considéraient comme acquis depuis des dizaines d'années. L'agression russe de l'Ukraine a également eu un effet dévastateur sur la situation des femmes. Les viols sont, une fois de plus dans l'histoire, utilisés comme arme systématique par l'armée russe, et représentent une menace atroce supplémentaire pour les femmes et les filles vivant dans un pays en guerre. Les Ukrainiens qui ont fui leur pays devant ces menaces, sont majoritairement des femmes (environ 85 %) arrivant avec leurs enfants - deux catégories généralement plus vulnérables aux violences sexuelles et à la traite des êtres humains. Dans certains États membres de l'Union européenne aussi, les droits des femmes sont en recul. C'est notamment le cas dans des pays dans lesquels l'État de droit est menacé. En Pologne, le droit à l'avortement a été sensiblement restreint et le Premier ministre a exprimé son intention de retirer le pays de la Convention d'Istanbul. En Hongrie, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme a constaté des lacunes importantes dans l'approche de l'État pour contrer la violence contre les femmes et a mis en évidence des déclarations discriminatoires récurrentes de la part de responsables politiques. Les liens entre le recul de la démocratie et les reculs des droits des femmes sont évidents.
L'Europe reste le continent des femmes [1] - avec des progrès à faire
Si les femmes rencontrent également des difficultés au niveau des États membres de l'Union, leur situation reste plus favorable au sein de l'Union que partout ailleurs dans le monde. Le principe d'égalité hommes-femmes est une des valeurs fondamentales de l'Union européenne inscrite dans l'article 2 du Traité sur l'Union européenne. L'article 21 de la Charte des droits fondamentaux postule l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe. Il reste, pourtant, des écarts importants entre hommes et femmes à combler dans l'Union européenne dans les domaines économique, politique et social.
Économiquement, les femmes restent défavorisées
L'égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un travail équivalent est inscrite dans les traités européens depuis 1957. L'article 119, titre VIII, chapitre 1 postule : "Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail". Depuis, l'article 157 du TFUE est la base juridique pour le principe d'égalité de rémunération entre hommes et femmes. L'article 23 de la Charte des droits fondamentaux stipule que "l'égalité entre les femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d'emploi, de travail et de rémunération". Pourtant, des écarts de rémunération importants persistent entre les hommes et les femmes au sein de l'Union européenne : 13% en moyenne selon Eurostat. Ainsi, en 2020, en Lettonie, cet écart s'élevait à 22,3%, mais seulement de 0.7% au Luxembourg. Selon une étude de l'OCDE, les femmes gagnent, en moyenne, 10,3% de moins que les hommes dans l'Union européenne - dans l'ensemble de l'OCDE, la moyenne se situe à 12%. Le compte n'y est pas. Pour cette raison, la Commission européenne a proposé, en mars 2021, un projet de directive s'inscrivant dans sa Stratégie en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes et visant à renforcer l'application du principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d'exécution. Un accord provisoire a été trouvé le 30 novembre 2022 et le texte a été finalisé le 15 décembre 2022 - ce qui constitue un progrès considérable pour les femmes en Europe. Outre que les femmes sont financièrement défavorisées dans le monde du travail, elles demeurent encore largement sous-représentées au sein des conseils d'administration des entreprises et donc souvent privées d'une vraie force décisionnelle. En moyenne, dans l'Union européenne 31.5% des membres des conseils d'administration sont des femmes. Malgré le fait que ce chiffre reste loin de la parité parfaite, il est plus élevé que dans toutes les autres régions du monde : Ainsi, aux États-Unis il se situe à 23,9%, en Chine à 13,1% et au Japon à 8,2%. Au niveau européen, la directive du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes stipule que, d'ici 2026, "40% des postes d'administrateurs non exécutifs devraient être occupés par le sexe sous-représenté" - ce qui signifie, au regard du contexte actuel, par les femmes. La base juridique de cette directive est solide. L'article 23 de la Charte des droits fondamentaux stipule "Le principe de l'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté." L'article 157 TFUE va dans la même direction et autorise les actions positives visant à renforcer la position des femmes. Des salaires plus faibles et le fait que les femmes travaillent souvent moins longtemps que les hommes ou qu'elles occupent plus fréquemment des emplois moins qualifiés ou à temps partiel a une incidence pour les femmes qui se manifeste au-delà de leur période active sur le marché du travail : elles touchent des retraites moindres que les hommes. Une étude montre que cet écart des pensions de retraite entre les sexes est considérable. Les femmes reçoivent, en moyenne dans l'Union européenne, une retraite inférieure de 29% à celle des hommes. Pourtant, on constate que l'écart a été réduit de 5 points depuis 2010 - une évolution qui marque un progrès dans l'amélioration de la situation économique globale des femmes. Dans sa Stratégie, la Commission européenne a défini comme l'un de ses principaux objectifs la nécessité de combler cet écart davantage. Un exemple concret de cette situation est révélé dans le débat sur la réforme des retraites en France où la situation spécifique des femmes est posée. Même si l'Union européenne est active en ce qui concerne l'amélioration de la situation des femmes dans le monde économique et qu'elle reste un environnement plus favorable que celui des autres pays du monde, les femmes et filles européennes demeurent pénalisées.
La représentation féminine dans la politique en Europe est plus importante qu'ailleurs
Depuis que la journaliste française et grande Européenne, Louise Weiss, a mené une lutte acharnée pour "faire de la femme une citoyenne" dans les années 1930 et qu'une autre Française, grande Européenne, Simone Veil, a été élue première présidente du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979, l'Europe a fait des progrès considérables en ce qui concerne la représentation féminine dans les institutions politiques. Au plus haut niveau politique, les institutions européennes n'ont jamais été présidées par autant de femmes qu'actuellement : depuis 2019, l'Allemande Ursula von der Leyen est la première femme désignée à la tête de la Commission européenne, la Française Christine Lagarde est aussi la première femme à présider la Banque centrale européenne (BCE) - après avoir été la première à diriger le FMI et ; depuis janvier 2022, la Maltaise Roberta Metsola est la troisième femme présidente du Parlement européen, après Simone Veil (1979-1982) et Nicole Fontaine (199-2002). Les secrétariats généraux de la Commission (Ilze Juhansone depuis 2020) et du Conseil (Thérèse Blanchet depuis 2022) sont également dirigés par des femmes. Cette féminisation des plus hauts postes des institutions européennes est bienvenue. Pourtant, elle doit s'inscrire dans la durée - ce sera un des défis majeurs pour les prochains remaniements politiques qui feront suite aux élections européennes de 2024. La Commission européenne n'est, en revanche, pas parfaitement paritaire - 44,44% des commissaires sont des femmes. Il faut néanmoins noter que cette moyenne est plus élevée que celle des gouvernements nationaux des États membres où actuellement 33% des chefs de gouvernement sont des femmes. En outre, la représentation féminine dans d'autres gouvernements non-européens est souvent moins élevée qu'en Europe : le Brésil, le Japon, l'Inde, la Russie et notamment la Chine (avec zéro femme dans le Comité permanent du bureau politique) sont largement en-dessous de la moyenne européenne. Au sein de l'Union, des disparités importantes existent. D'une part, des taux particulièrement élevés existent : 60,87% des membres du gouvernement actuel sont des femmes en Espagne, 57,89% en Finlande et 53,33% en Belgique. D'autre part, des États membres ont des représentations féminines moins prononcées comme la Grèce où deux femmes uniquement font partie du gouvernement (8,33%), la Roumanie (9,09%) et Malte (10,54%) ainsi que la Hongrie où une femme seulement fait partie du gouvernement (7,14%).
En ce qui concerne le nombre de femmes au sein des Parlements, on constate qu'il est également plus élevé en Europe qu'ailleurs, même si la parité n'est toujours pas une réalité. Pour la législature 2019/2024, 37,77% des membres du Parlement européen sont des femmes, un taux plus élevé que la moyenne dans les États membres qui se situe à 31,53%[2]. Ces deux taux semblent assez élevés comparés à la moyenne mondiale, qui est de 26%, et en comparaison, à titre d'exemple, avec les États-Unis où la Chambre des représentants est composée à 28,57 % de femmes ou avec la Chine qui compte 24,94% de femmes au sein de l'Assemblée populaire nationale. De manière générale, l'Union européenne se distingue par rapport aux autres régions du monde avec une représentation féminine plus élevée dans les différentes instances politiques nationales et européennes. Pourtant, des progrès restent à faire. Il faudra scruter chaque nouvelle élection, qu'elle se tienne au sein des Etats membres ou au niveau européen, pour déterminer si les résultats vont dans le sens d'une meilleure représentation féminine. En tout état de cause, ces progrès nécessiteront une forte volonté politique - de la part des femmes et des hommes à part égale - de promouvoir davantage de femmes aux plus hautes responsabilités. Bien entendu, ceci suppose aussi que les femmes puissent prendre toute leur place dans une société au sein de laquelle des obstacles importants sont systématiquement mis sur leur chemin.
La place des femmes dans la société
Les violences faites aux femmes
En ce qui concerne la violence fondée sur le genre et la violence domestique, les femmes sont disproportionnellement visées. Même si la violence fondée sur le genre touche également les hommes dans certains cas, les statistiques montrent que les femmes restent les victimes les plus fréquentes. La pandémie a de nouveau mis cette problématique en lumière. Selon une enquête menée par le Parlement européen, 77% des femmes dans l'Union européenne estiment que la pandémie de Covid-19 a entraîné une hausse de la violence physique et morale à l'égard des femmes. La Commission européenne a, en mars 2022, proposé un projet de directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique qui vise à renforcer l'accès à la justice des femmes victimes de violence, à ériger en infraction pénale des formes de violence qui ne l'étaient pas auparavant (par exemple, la cyberviolence), à améliorer la prévention des violences et à renforcer la coopération entre les États membres et l'Union européenne. Cette proposition prend en compte le projet d'adhésion de l'Union européenne à la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. La Convention d'Istanbul a été signée en 2017 par l'Union mais n'est toujours pas ratifiée. Le chemin vers une adhésion est rendu compliqué par six États membres qui ne l'ont pas encore ratifié (Bulgarie, République tchèque, Hongrie, Lettonie, Lituanie et Slovaquie) et d'autres, comme la Pologne, qui pourraient s'en retirer ! Un progrès a été enregistré sur ce point le 21 février 2023, lorsque le Conseil a formellement demandé au Parlement de conclure l'adhésion de l'Union à la Convention. La ratification de la Convention d'Istanbul par l'Union en plus de celle des États membres présenterait des avantages majeurs pour l'Union et lui donnerait une base juridique encore plus solide pour proposer de nouvelles législations visant à lutter contre les violences à l'égard des femmes. Le vote des députés devrait être une formalité, car dans une résolution adoptée le 15 février, ils ont souligné "qu'il n'existe aucun obstacle juridique empêchant le Conseil de procéder à la ratification de la convention, étant donné qu'une majorité qualifiée suffit pour l'adopter". En cela, ils font référence à l'
avis 1/19 de la Cour de Justice de l'Union européenne du 6 octobre 2021 qui clarifie les modalités d'adhésion de l'Union européenne à la Convention d'Istanbul et confirme que le Conseil peut procéder à la ratification de la Convention à la majorité qualifiée, sans avoir au préalable obtenu l'accord de tous les États membres.La pauvreté est trop souvent féminine
La pauvreté reste beaucoup plus répandue parmi les femmes que parmi les hommes. ONU Femmes, l'entité des Nations unies consacrée à l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes,
estime qu'en 2022, 388 millions de femmes et de filles dans le monde vivent dans une situation de pauvreté extrême[3] . La part des Européennes est très faible dans cette statistique : seulement 0,8% des femmes touchées par la pauvreté extrême vivent en Europe et en Amérique du Nord. Toutefois, 11,2% des femmes contre 10,3% des hommes se retrouvent dans une situation de pauvreté persistante[4]. En Lituanie, 17,9% des femmes sont confrontées à cette réalité, contre 14,2% des hommes. Même dans les pays dans lesquels ces taux sont moins élevés, les femmes sont toujours surexposées à la pauvreté (par exemple, en Hongrie, où le taux est de 4,9% pour les femmes contre 3,6% pour les hommes, ou en République tchèque, 5,1% contre 2,6%). Ce phénomène s'explique par plusieurs facteurs affectant les femmes : des salaires plus bas et des retraites plus faibles, des taux de chômage plus élevés, davantage d'emplois à temps partiel, des tâches ménagères non rémunérées qu'elles accomplissent beaucoup plus que les hommes, des situations monoparentales plus fréquentes, etc. Si tous les projets sont votés, la Stratégie en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes de l'Union peut avoir un impact positif dans la lutte pour la réduction de la pauvreté chez les femmes dans la mesure où elle tente de réduire l'inégalité entre hommes et femmes à travers une approche holistique, qui prend en compte tous les facteurs désavantageant les femmes.
Les nouvelles technologies et leur impact sur les femmes
Avec l'émergence de la réalité virtuelle et dans un contexte technologique qui évolue à grande vitesse, de nouveaux défis émergent pour l'égalité hommes-femmes. C'est la raison pour laquelle la Commission a inclus des dispositifs sur l'égalité hommes-femmes dans sa proposition de règlement établissant des règles harmonisées concernant l'intelligence artificielle (IA) actuellement examinée par les colégislateurs. En constatant que "les systèmes d'IA peuvent perpétuer des schémas historiques de discrimination, par exemple à l'égard des femmes", la Commission souligne l'importance de veiller à ce que le développement de nouveaux outils n'aggrave, ou ne crée, pas de nouvelles discriminations. Ce règlement prend acte du fait que les nouvelles technologies d'intelligence artificielle peuvent avoir un impact négatif sur les droits fondamentaux et les valeurs européennes. Ce constat est absolument nécessaire pour avancer dans la réglementation liée à l'IA. Carlien Scheele, directrice de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), l'a souligné lors d'une conférence en mars 2022 : "L'intelligence artificielle et l'égalité des sexes sont intimement liées. En effet, l'IA est une création humaine. Et les Humains ne sont pas parfaits". En ayant ce constat en tête, toute nouvelle technologie doit être examinée sous le prisme de l'égalité hommes-femmes. Plus généralement, il faut noter que seulement 17% des spécialistes des technologies de l'information et de la communication dans l'Union européenne sont des femmes. Un manque de représentation qui se traduit, comme en politique, par un manque de voix, et in fine, un manque de considération des différentes formes de discrimination dont sont victimes les femmes et par une augmentation des préjugés sexistes.
Une amélioration de la situation des femmes passe aussi par l'adaptation des politiques à l'égard des hommes
La vie des femmes ne s'améliorera pas si la vie des hommes reste inchangée. Ceci concerne la sphère économique, mais également la prise en charge des enfants, par exemple. Le congé paternité rémunéré n'est, pour l'instant, pas prévu dans tous les États membres de l'Union. La directive sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, adoptée en juin 2019, vise à harmoniser les dispositifs dans les États membres en établissant un congé paternité d'au moins dix jours ouvrables pour les pères. Point important : la rémunération du congé doit être assurée. Les États membres avaient jusqu'au 2 août 2022 pour transposer la directive dans leurs législations nationales. Le texte devrait donc instaurer un dispositif de congé paternité rémunéré dans les quatre États membres qui n'en prévoient pas pour l'instant (Allemagne, Autriche, Croatie et Slovaquie) et allonger celui de six autres États membres de quelques jours (Grèce, Hongrie, Malte, Pays-Bas, République tchèque, Roumanie). Même s'il s'agit d'un geste minimal qui ne concerne que quelques jours seulement, les progrès sont lents dans ce domaine et les Etats membres tardent à transposer la directive. Le 20 septembre 2022, la Commission a ouvert une procédure d'infraction, en envoyant une lettre de mise en demeure, contre 19 États (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Luxembourg, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovénie et Slovaquie) pour transposition insuffisante concernant les congés des parents ou des aidants. En Allemagne, le 24 décembre 2022, la loi de transposition de la directive est entrée en vigueur ("Gesetz zur weiteren Umsetzung der europäischen Vereinbarkeitsrichtlinie in Deutschland"). Même si les changements de politique en faveur des hommes se multiplient depuis quelques années, y compris aux niveaux des États membres - avec, par exemple la France qui a allongé, en 2020, le congé paternité de 28 jours contre 11 précédemment, l'Estonie où il est passé, en 2020, de 10 jours à 30 jours, ou la Belgique qui l'a fait passer de trois à quatre semaines le 1er janvier 2023 - beaucoup reste à faire. En général, la question de la sous-représentation des hommes dans le travail dit care, effectué dans le cadre familial et dans le travail domestique non rémunéré doit être soulevée pour aboutir à une vraie égalité hommes-femmes. De vraies politiques et mécanismes allant dans ce sens sont, pourtant, encore trop rares.
***
Chaque crise renforce l'Union, mais elle est susceptible d'accroître le risque d'un recul pour les femmes. Il est, pour cela, crucial que les politiques socio-économiques appréhendent l'égalité hommes-femmes de manière holistique afin d'éviter que les femmes soient fragilisées dans ces phases critiques. De plus, le contexte mondial semble se durcir et les progrès en faveur de l'égalité hommes-femmes prennent, pour l'instant, trop de temps et ne sont souvent pas assez décisifs afin d'avoir un impact réel et systématique sur la vie des femmes. Les menaces à l'égard de l'État de droit dans certains États membres doivent aussi être comprises en tant que menaces à l'égard des droits des femmes et l'Union doit y répondre. L'Union européenne reste la région du monde dans laquelle les femmes vivent le mieux. De plus, des politiques européennes importantes sont à l'agenda ou sont entrées en vigueur ces dernières années pour s'assurer que les discriminations contre les femmes en Europe diminuent et que de nouvelles formes de discrimination n'apparaissent pas. Pour autant, un long chemin reste à parcourir, au niveau mondial particulièrement, mais aussi en Europe. Forte de son avantage comparatif, l'Union européenne doit veiller à ce que tout obstacle sur le chemin des Européennes soit éliminé car ... elles commencent à s'impatienter. Et elles le valent bien ! L'auteure remercie Lina Nathan, assistante de recherche à la Fondation, pour son aide.
[1] Voir Ramona Bloj, L'Europe des femmes, Fondation Robert Schuman, mars 2021.
[2] Chambres basses ou uniques
[3] Selon ONU Femmes "l'extrême pauvreté est définie comme le fait de vivre avec moins de 1,90 $ par personne et par jour".
[4] Selon Eurostat, la pauvreté persistante touche "la population dont le revenu disponible équivalent se situait au-dessous du seuil de risque de pauvreté pour l'année en cours ainsi que pour au moins deux des trois années précédentes".
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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