Le Brexit et la question irlandaise

Marché intérieur et concurrence

Marie-Claire Considère-Charon

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8 février 2021
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Considère-Charon Marie-Claire

Marie-Claire Considère-Charon

Professeur à l'Université de Franche Comté.

Le Brexit et la question irlandaise

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L'évocation de la question irlandaise renvoie à la partition de l'île d'Irlande, entérinée par le Government of Ireland Act du 23 décembre 1920, destinée à répondre aux aspirations de la majorité protestante de l'Ulster, partisane du maintien de la province sous l'autorité de la Couronne. La partition fut tracée sur la base d'un calcul sectaire de façon à dissocier les six comtés d'Ulster,[1] majoritairement protestants, de la République d'Irlande très majoritairement catholique. Elle soulève inévitablement la question de la frontière qui sépare les deux juridictions et qui fut, au cours du siècle dernier, un symbole d'injustice pour la minorité catholique et une cible pour les groupes paramilitaires républicains et, plus particulièrement, l'IRA. Grâce à l'Accord de Belfast, dit du Vendredi saint en 1998, qui fut l'aboutissement d'un long processus de paix, on aurait pu supposer que la question de la frontière irlandaise ne resurgirait pas dans les débats. Mais c'était compter sans l'ampleur du courant nationaliste et europhobe en Angleterre, qui déboucherait par voie référendaire le 23 juin 2016 sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

L'aboutissement du processus de paix

Après trois décennies d'affrontement, pudiquement appelées les Troubles, où la frontière entre les deux parties de l'île d'Irlande a constitué la zone la plus militarisée d'Europe à l'ouest du Rideau de fer, l'Accord du Vendredi saint de 1998, suivi de l'Accord de Saint Andrews[2] en 2006, a marqué l'aboutissement d'un long processus de paix et ouvert la voie à une normalisation politique en Irlande du Nord.

Grâce au processus de décentralisation (devolution), et conformément au premier volet de l'Accord multipartite du Vendredi saint, la province britannique a été dotée d'une forme de constitution, fondée sur le principe de partage de pouvoir et de parité d'estime entre les deux communautés nationaliste et unioniste et conforme au modèle consociationnel[3]. Un édifice institutionnel démocratique a été mis en place avec un exécutif bi-confessionnel et une assemblée de cent-huit membres élus à la proportionnelle. Le processus de devolution s'est renforcé au fil des ans et les compétences de l'Assemblée nord-irlandaise se sont élargies en intégrant la responsabilité en matière de police et de justice, suite à l'Accord de Saint Andrews. L'Assemblée doit légiférer en prenant compte des garde-fous destinés à garantir qu'une communauté ne prenne pas l'ascendant sur l'autre, comme ce fut le cas tout au long du XXe siècle.

Le second volet de l'Accord, destiné à renforcer les liens entre les deux juridictions nord-irlandaise et irlandaise, a fondé un axe institutionnel nord-sud avec la création d'un Conseil ministériel transfrontalier, ayant pour vocation de coordonner des actions et des politiques économiques et sociales conjointes sur des questions d'intérêt mutuel.

Enfin, le troisième volet mettait en place un axe est-ouest avec le Conseil des îles britanniques, dans une perspective plus vaste de changement constitutionnel par la décentralisation des pouvoirs de Londres au profit des nations périphériques : Irlande du Nord, Ecosse et Pays de Galles. Ce volet de l'Accord vise à promouvoir la coopération bilatérale entre les gouvernements britannique et irlandais, conformément à l'Accord bilatéral, qui figure en annexe de l'Accord du Vendredi saint : les deux gouvernements s'engagent solennellement à soutenir et appliquer les dispositions de l'Accord multipartite.

Le rapprochement des deux communautés nord-irlandaises et celui des deux Irlande sous l'égide de l'Union européenne

Si l'adhésion conjointe du Royaume-Uni et de la République d'Irlande à la Communauté européenne en 1973 n'a pas permis, dans le contexte d'affrontement en Ulster, l'augmentation des échanges entre les deux parties de l'île, l'Europe, en s'impliquant politiquement et financièrement, a joué un rôle croissant dans le processus de paix et de réconciliation intercommunautaire, qui suivait dans une certaine mesure les étapes de l'intégration européenne.

Après l'échec de l'Accord de Sunningdale[4] en 1973, d'autres projets inaboutis de résolution politique ont suivi : l'Accord anglo-irlandais de 1985[5] et, après la mise en place du marché unique, la déclaration conjointe de 1993 qui allait amorcer la dynamique d'échanges entre les deux parties de l'île et tracer la voie vers l'Accord de 1998. En 2005, sept ans après la signature des Accords de paix, les quatre libertés de circulation instaurées par le marché unique européen furent rétablies entièrement et permirent une totale fluidité des échanges.

L'effacement progressif de la frontière avec la disparition des postes de contrôle a ouvert la voie au dialogue et à la concertation portant sur douze domaines de coopération[6] entre le nord et le sud de l'île. Cette coopération s'est renforcée au fil des ans au point de déboucher sur un espace socio-économique pan-irlandais grâce à l'expansion des échanges et une mutualisation partielle des ressources, profitable aux deux sociétés. Pour reprendre la formule de Jean Monnet, la cicatrice de l'histoire avait quasiment disparu du visage de l'Irlande[7].

Le rôle primordial de l'Europe dans le processus de paix[8] et le rapprochement des " deux Irlande " a englobé plusieurs champs d'action. D'abord, la volonté d'apaiser les tensions entre les deux communautés nord-irlandaises, unioniste et nationaliste, grâce à une approche pragmatique de résolution des problèmes ; puis des garanties fournies par l'Union européenne aux citoyens nord-irlandais en appui de l'Accord de 1998 et, enfin, sa capacité à transformer les relations entre deux Etats membres, le Royaume-Uni et la République d'Irlande grâce à l'innovation institutionnelle. Selon Katy Hayward, cette approche correspond à la nature plurielle de l'Europe qui permet de fournir une réponse pertinente à chaque cas singulier[9].

L'Union européenne a aussi joué un rôle crucial dans la transformation économique et sociale de la province d'Irlande du Nord et des zones frontalières par le biais des différents programmes d'aide et de développement. Au total, sa contribution financière s'est élevée à 13 milliards € entre 1994 et 2020 irriguant régulièrement l'économie de la région et jouant un rôle majeur dans son développement socio-économique.

Le secteur agroalimentaire nord-irlandais, essentiellement des petites entreprises, a été très largement bénéficiaire des paiements directs de la Politique agricole commune. En 2018, ceux-ci représentaient 70% du total des revenus du secteur agricole nord-irlandais et, d'après les estimations du ministère de l'agriculture, la majorité des fermiers dépendaient à 60% des fonds européens pour leur survie[10]. Dans le cadre de la politique de développement rural des régions transfrontalières, les programmes Interreg III A, financés par le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds Social Européen (FSE), ont contribué depuis vingt-cinq ans à l'aménagement d'un espace transfrontalier d'intérêt économique et social. L'Union européenne a participé activement à la recherche de solutions communes dans les domaines de développement urbain, rural et côtier, et dans la gestion de l'environnement. Ces fonds européens sont cogérés par Dublin et Belfast.

La province d'Irlande du Nord a reçu d'importantes aides financières par le biais des programmes européens pour la paix et la réconciliation. L'objectif de ces programmes est de rapprocher les populations catholique et protestante grâce, entre autres, à des projets éducatifs, ainsi que de promouvoir une stabilité économique et sociale. Le Programme pour la paix et la réconciliation (SSPPR) en Irlande du Nord et dans les zones frontières a été mis en place au début des années 1990. Grâce à Peace I (1995-1999), Peace II (2000-2006), Peace III (2007-2013) et Peace IV (2014-2020), 1,3 milliard € ont été transférés au bénéfice de la province, ainsi que des zones frontières de la République. Le 4e plan était destiné à favoriser les contacts intercommunautaires et à financer des projets éducatifs pour des enfants de quartiers défavorisés, ainsi que pour des jeunes de moins de 24 ans en manque de compétences. L'organe spécial des programmes de l'Union (SEUPB) figure parmi les six organes transfrontaliers créés en 1999 en vertu du deuxième volet de l'Accord du Vendredi saint. Sa mission comprend la gestion financière des programmes Interreg et Peace et implique une cogestion entre Belfast et Dublin.

Tous les programmes européens, orientés vers la résolution de questions socio-économiques, ont doté la province de peace dividends (dividendes ou bénéfices de la paix) qui ont permis d'améliorer l'environnement quotidien de groupes sociaux jusqu'alors marginalisés[11]. Ces programmes européens à portée transfrontière[12] s'appuient sur la dimension totalement ouverte de la frontière, concernant aussi bien les biens que les personnes. La multiplication des projets qu'ils ont suscités, en particulier les projets intercommunautaires et transfrontaliers, ont permis d'améliorer la cohésion des communautés, de réduire les tensions et de créer un nouveau tissu social intracommunautaire, mais aussi intercommunautaire.

Les menaces qui pèsent sur l'Accord du Vendredi saint

La décision britannique, dont les conséquences sur l'Irlande du Nord avaient été occultées pendant la campagne référendaire en Angleterre, a été largement perçue sur le territoire irlandais comme un bouleversement compromettant gravement le nouvel ordre de paix et de stabilité, bâti au prix de nombreux efforts et garanti par l'Union européenne. La démarche du Brexit, fondée sur un repli identitaire et le souci de préserver une spécificité culturelle nationale, allait manifestement à l'encontre de la dynamique d'échanges et de partage initiée par l'Accord du Vendredi saint. La perspective de la sortie du Royaume-Uni a dès lors soulevé un faisceau de questions complexes et de doutes quant à la pérennité des équilibres institutionnels, économiques et politiques qui avaient contribué à la stabilité et au renouveau de la province d'Ulster et des zones frontières.

Beaucoup de chercheurs et de responsables politiques ont tenté d'identifier les risques potentiels que le Brexit pouvait faire peser sur l'Irlande et la province d'Irlande du Nord. Dans un rapport de la commission des Affaires européennes de la Chambre des Lords, réalisé sur la base d'auditions extrêmement larges, la plupart des observateurs s'accordent à dire que le processus de paix est menacé et que de possibles difficultés et déséquilibres pourraient apparaître dans les trois volets de l'Accord. Les risques majeurs identifiés concernent un éventuel durcissement de la frontière, des problèmes d'identité pour les citoyens nord-irlandais, la perte de leurs droits fondamentaux garantis par l'Union européenne et une réduction brutale des soutiens financiers européens aux programmes pour la paix et la réconciliation.

Le système institutionnel complexe et multidimensionnel mis en place par le premier volet de l'Accord du Vendredi saint avait, bien avant le Brexit, révélé son instabilité et sa fragilité. Son fonctionnement s'est révélé largement tributaire de l'état des relations intercommunautaires et des tensions entre les deux partis de gouvernement, représentant les communautés unioniste et nationaliste. Les fréquentes suspensions[13] de l'Assemblée de Stormont, dues à des désaccords souvent vifs sur des projets économiques et politiques au sein des représentants politiques, ont fait que, pendant près de huit ans, l'Irlande du Nord n'a pas eu de gouvernement de devolution.

La situation s'est compliquée en 2006 lorsque les deux partis modérés qui se partageaient le pouvoir exécutif, le parti social-démocrate et travailliste et le parti unioniste d'Ulster (UUP), ont été dépassés dans les urnes par des partis plus radicaux, aux deux extrêmes de l'échiquier politique nationaliste et unioniste, le Sinn Fein et le parti unioniste démocrate (DUP). La dernière suspension, qui a duré trois ans de janvier 2017 à janvier 2020, a privé la province d'un moyen d'expression démocratique dans le contexte du Brexit et ravivé les craintes sur la viabilité des institutions et la fragilité des relations intercommunautaires. Compte tenu de l'imbrication des diverses institutions, l'impasse politique s'est répercutée au niveau du deuxième volet de l'Accord et le Conseil ministériel ne s'est pas réuni en séance plénière pendant la durée de la suspension de l'Assemblée.

La campagne référendaire a fait renaître les tensions entre les deux communautés, qui ont reproduit dans les urnes le clivage politique entre les nationalistes opposés au Brexit et les unionistes majoritairement dans le camp du leave.

La paix est encore fragile en Irlande du Nord, comme le révèle le nombre d'attaques terroristes en 2019 qui, selon Europol, s'élevait à 56 sur un total de 119 au niveau européen. Ces attaques ont été commanditées par des groupes de dissidents républicains dont l'augmentation de l'activité a pu être une conséquence du Brexit. Les deux communautés nord-irlandaises continuent de revendiquer leur allégeance à deux projets politiques distincts et à deux espaces politiques différents. Si elles sont représentées côte-à-côte et à part égale dans les institutions, elles n'ont pas réussi à forger l'esquisse d'un projet d'avenir commun.

La sortie du Royaume-Uni va nécessairement mettre un terme à la coopération entre les deux juridictions. Toutefois, dans le cadre de la politique de cohésion de l'Union européenne (REACT-EU), le programme Peace Plus poursuivra, au cours de la période 2021-2027, l'œuvre accomplie par les quatre programmes Peace, afin de soutenir la paix et la réconciliation entre les comtés irlandais frontaliers.

Dès 2017, dans le Rapport conjoint des négociateurs européen et britannique, le Royaume-Uni s'engageait à protéger la coopération initiée et à la garantir en évitant le retour d'une frontière physique. Il est pourtant évident que le Brexit met un terme brutal à la cogestion des fonds européens entre Dublin et Belfast et pose un risque sérieux à la coopération transfrontalière et au fonctionnement des mécanismes sur lesquels elle repose. Si la politique britannique tend à diverger sensiblement des standards et normes européens, on peut se demander dans quelle mesure le statut hybride de l'Irlande du Nord, que lui a conféré l'Accord de retrait, permettra la poursuite de l'intégration commerciale de l'espace pan-irlandais. On peut également s'interroger sur l'avenir des organes créés pour assurer cette coopération dont les représentants proviennent des deux juridictions.

L'appartenance commune à la Communauté économique européenne, puis à l'Union européenne, du Royaume-Uni et de la République d'Irlande a joué un rôle essentiel dans le rapprochement des deux gouvernements sur la question nord-irlandaise. La coopération policière et judiciaire entre les deux Etats a été largement facilitée par la création du mandat d'arrêt européen[14]. Avec le Brexit, le Royaume-Uni se retire de la procédure du mandat d'arrêt européen, ce qui va fragiliser la coopération judiciaire avec la République d'Irlande, qui a été cruciale pour combattre et limiter le terrorisme républicain en Irlande du Nord. Au lendemain du vote du Brexit, les inquiétudes se sont exprimées au sein de la population irlandaise quant à l'impact dommageable sur les relations entre la province d'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Les revirements successifs des Anglais et les volte-face sur la question de la frontière ont eu un impact négatif sur les relations entre Anglais et Irlandais. Le risque majeur d'un désaccord croissant entre Londres et Dublin irait à l'encontre de l'approche commune sur la question nord-irlandaise.

Les citoyens nord-irlandais ont compris le rôle protecteur positif de l'Europe, notamment grâce aux outils juridiques dont ils peuvent bénéficier. L'adhésion du Royaume-Uni à la Convention européenne des droits de l'Homme, transcrite dans le droit national par l'ancien Premier ministre Tony Blair sous la forme du Human Rights Act de 1998, a très largement inspiré le processus de paix et l'Accord du Vendredi saint. Elle signifie, pour les Nord-Irlandais, la garantie de leurs droits fondamentaux. Mais aussi, au cas où ceux-ci ne seraient pas respectés et une fois épuisées toutes les voies de recours existantes devant la juridiction de leur pays, la possibilité de faire appel, en dernier recours, à la Cour européenne des droits de l'Homme. Si, comme il l'a laissé entendre, Boris Johnson décide de revenir sur certains points du Human Rights Act, en particulier la durée hebdomadaire du temps de travail, cette mesure signifierait pour les Nord-Irlandais la perte de garanties européennes pour la défense et la protection de leurs droits fondamentaux et le risque de voir rapatrier un acquis précieux dans le système judiciaire britannique.

En 1998, l'Accord du Vendredi saint reconnaissait le droit de chaque citoyen nord-irlandais au choix de sa nationalité, y compris celui de la double nationalité britannique et irlandaise. Il était précisé que ce droit, agréé par les deux gouvernements, serait garanti quelle que soit l'évolution du statut de l'Irlande du Nord. Le respect de cette décision peut paraître compromis avec le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Le Brexit : une décision contraire à la volonté des Nord-Irlandais

Si l'Irlande du Nord subit actuellement de plein fouet les effets du Brexit en tant que partie intégrante du Royaume-Uni, elle s'était toutefois prononcée à 55,8% pour le maintien dans l'Union européenne en 2016. Le principe de consentement du peuple nord-irlandais au choix de son avenir constitutionnel est jugé comme un des fondements essentiels de l'Accord du Vendredi saint.

En 2016, deux recours avaient été déposés, au nom de la souveraineté de la province en matière de révision constitutionnelle, auprès de la Haute Cour d'Irlande du Nord contre l'intention du gouvernement de déclencher l'article 50 du traité de l'Union européenne (TUE). Les plaignants, une coalition d'organisations pour les droits de l'Homme, des responsables politiques nord-irlandais et un militant pour les droits des victimes[15], réclamaient le vote du Parlement régional de Stormont en invoquant le principe d'incompatibilité du Brexit avec l'Accord du Vendredi saint. Ils faisaient valoir que la province avait voté majoritairement contre le Brexit et que la sortie programmée de l'Union européenne leur était imposée et violait les accords de paix et le principe de consentement.

Malgré leurs arguments, la Haute Cour jugeait, le 28 octobre 2016, que rien n'obligeait la Première ministre britannique, Theresa May, à obtenir l'aval des assemblées locales pour pouvoir entamer la procédure de rupture avec l'Union européenne. Suite à un appel auprès de la Cour suprême du Royaume-Uni, la décision de la Haute Cour était confirmée. Le 23 janvier 2017, la plus haute instance rejetait la demande des plaignants par une argutie juridique. L'arrêt de la Cour Suprême stipulait que les lois de décentralisation (qui avaient transféré certains pouvoirs aux assemblées régionales) "avaient été votées en présumant que le Royaume-Uni fût un membre de l'Union européenne, mais n'exigeaient pas que le Royaume-Uni en restât membre". Cette décision, qui suscitait l'indignation chez les nationalistes nord-irlandais, allait aussi relancer le débat sur la réunification de l'Irlande.

Le Brexit montre de façon criante que l'avenir de l'Irlande du Nord a été décidé par une majorité de Britanniques sans que puisse s'exercer le libre choix des Nord-Irlandais ni que soit consultée la République d'Irlande, co-garante des Accords de paix.

La décision de tenir un référendum à l'échelle du Royaume-Uni sans en référer au préalable à Belfast signifie que l'Etat britannique ne reconnaît pas la spécificité de l'Irlande du Nord.

Comment résoudre le problème de la frontière ?

La Commission européenne et le gouvernement britannique se sont d'emblée déclarés opposés au retour d'une "frontière dure" entre l'Irlande et la province d'Irlande du Nord et la task force européenne a placé cet enjeu au rang des trois dossiers prioritaires requérant des "progrès suffisants" pour passer à la deuxième phase des négociations. Cet engagement fort des deux parties pouvait augurer d'une issue relativement rapide et favorable au problème de la frontière irlandaise[16]. Mais la question cruciale de la frontière allait s'encastrer dans une problématique plus vaste, celle du choix de la future relation commerciale entre le Royaume–Uni et l'Union européenne.

Les gouvernements britanniques successifs ont été confrontés à un défi qu'ils ont tenté de relever : comment réaliser un hard Brexit - sortie de l'union douanière et du marché unique - tout en garantissant que la frontière irlandaise, seule frontière terrestre avec l'Union européenne entre un État membre (République d'Irlande) et un tiers (Irlande du Nord, partie intégrante du Royaume-Uni) reste ouverte ? Si des contrôles se révélaient nécessaires pour garantir l'intégrité du marché unique, comment les instaurer sans sectionner un espace de libre circulation pour les biens et les personnes ni nuire gravement à la coopération entre les deux parties de l'île ?

La question de la frontière irlandaise a été tranchée par deux accords successifs comportant un Protocole sur l'Irlande et l'Irlande du Nord, l'un en novembre 2018 sous le gouvernement de Theresa May, et l'autre en octobre 2019 sous le mandat de Boris Johnson. Après de multiples blocages et rebondissements, il était décidé, comme solution provisoire dite de dernier recours (backstop) dans un premier Accord que le Royaume-Uni dans sa totalité, et non la province d'Irlande du Nord exclusivement comme cela avait d'abord été envisagé, serait maintenu dans une Union douanière avec l'Union européenne et que l'Irlande du Nord resterait en alignement partiel avec le marché unique. Mais ce premier accord se heurtait à l'hostilité des plus farouches brexiters conservateurs alliés aux unionistes du DUP, qui jugeaient l'option inacceptable et antidémocratique et redoutaient qu'elle n'emprisonnât indéfiniment le Royaume-Uni dans l'union douanière européenne. Malgré trois tentatives, Theresa May ne parvint pas à rallier le Parlement et fut contrainte de démissionner en juillet 2019.

Boris Johnson, qui s'était engagé à en finir au plus vite avec le Brexit, allait être confronté au même défi. Après l'échec d'une première proposition jugée inacceptable par les Européens, puis une rencontre avec son homologue irlandais, Leo Varadkar, un second accord était conclu entre les deux équipes de négociateurs, qui déplaçait la frontière entre les deux îles (frontstop), solution fermement rejetée par Theresa May et les unionistes[17], et introduisait un double régime pour la province nord-irlandaise[18] qui continuerait à faire partie du territoire douanier du Royaume-Uni tout en s'alignant sur un ensemble limité de règles relatives au marché unique.

L'application contestée du Protocole nord-irlandais

Les contrôles douaniers prévus pour être mis en place en mer d'Irlande, détaillés dans toute leur complexité à l'article 5 du Protocole, ont rapidement suscité la controverse et la polémique. Les marchandises acheminées de Grande-Bretagne à l'Irlande du Nord étaient traitées selon deux cas de figure. Celles destinées exclusivement au marché nord-irlandais étaient taxées, puis remboursées par le gouvernement britannique sur la preuve qu'elles ne sortaient pas de la province (article 5 §6a). En revanche, celles ayant vocation à être transformées et exportées vers l'Union européenne, notamment en passant par la République d'Irlande, étaient soumises aux droits de douane et à la TVA de l'Union européenne. Le tri des marchandises devait être effectué sous l'autorité d'un comité mixte en fonction de critères précisés à l'article 5 §2b : la destination finale et l'utilisation de la marchandise, la nature et la valeur de la marchandise, la nature de la circulation et le risque d'une introduction ultérieure non déclarée dans l'Union. Réciproquement, les exportateurs nord-irlandais devraient déclarer les marchandises destinées au reste du Royaume-Uni !

Après avoir affirmé qu'il n'y aurait pas de contrôles douaniers ou réglementaires entre la Grande-Bretagne et la province d'Irlande du Nord, Boris Johnson concédait qu'il y en aurait effectivement sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne et à destination de l'Irlande du Nord mais qu'il s'agirait de contrôles de type sanitaire et phytosanitaire, concernant l'agroalimentaire, et qu'ils pourraient être effectués pendant le transport sur le ferry. Il était très agacé par l'idée que des contrôles soient effectués au sein du territoire britannique, fussent-ils maritimes. Le 9 septembre 2020, pendant les négociations sur la future relation commerciale entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, le gouvernement britannique déposait un projet de loi relatif au marché intérieur britannique (Internal market bill) dont certaines dispositions violaient explicitement le traité conclu en novembre 2019 et entré en vigueur le 1er février 2020 !

Les clauses 42 à 47 du projet de loi contrevenaient aux articles 5 et 10 du Protocole nord-irlandais sur deux points essentiels : celui de l'acheminement des marchandises entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord et celui des aides d'Etat, deux aspects que le Protocole était censé régir sur la base d'une collaboration étroite entre les deux parties et conformément à des conditions de concurrence équitable (level playing field). Une compétence générale et exclusive était confiée aux autorités gouvernementales britanniques pour réglementer le marché nord-irlandais afin d'éviter toute friction au sein du marché britannique et pour décider librement du financement de toute infrastructure ou secteur d'activité.

Cette atteinte au droit international a provoqué la stupeur et l'indignation des négociateurs et responsables européens, ainsi qu'un climat de méfiance très dommageable à la poursuite des négociations. Une procédure en plusieurs étapes, visant à obtenir le retrait des clauses litigieuses, pouvait aboutir à la saisine de la Cour de justice européenne dans la mesure où le Royaume-Uni demeurait encore soumis aux obligations de coopération loyale et de bonne foi de tout État membre durant la période de transition.

Malgré une longue période de marasme dans les négociations, qui butaient sur trois questions cruciales mais apparemment insolubles[19], tant les positions des uns et des autres étaient éloignées, Britanniques et Européens ont finalement réussi à lever les obstacles à la dernière minute et à s'entendre sur un accord commercial et de coopération le 24 décembre 2020. Deux semaines auparavant, le 8 décembre, le Président et le vice-Président du comité mixte avaient trouvé un terrain d'entente visant à rendre pleinement opérationnel le Protocole et, compte tenu des solutions apportées, le Royaume-Uni décidait de retirer les clauses litigieuses 42, 45 et 47 de son projet de loi.

L'accord commercial entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, avec l'application du Protocole nord-irlandais, est entré en vigueur le 1er janvier 2021. On n'a pas constaté, dans les premiers jours, les embouteillages et files d'attente tant redoutés aux ports écossais et gallois concernés par le transit de fret par ferry, d'une rive à l'autre de la mer d'Irlande ou par le chenal du nord. Toutefois, l'augmentation du volume de camions, les nouvelles procédures douanières et les formalités réglementaires ont entrainé des contrôles plus longs et fastidieux, ralenti sensiblement la circulation des poids-lourds, provoqué des retards et entravé le bon fonctionnement des échanges de marchandises. Des centaines de camions ont été temporairement immobilisés, en attendant l'autorisation d'acheminer leur cargaison en Irlande du Nord, où l'approvisionnement en produits frais était devenu problématique.

Les démarches liées au tri des marchandises, avant leur entrée en Ulster, en fonction des divers critères retenus, ont provoqué de nombreux engorgements. Certains chauffeurs se déclarent prêts à renoncer à desservir le marché britannique. D'autres, parmi ceux qui utilisaient la ligne la plus fréquentée de Holyhead à Dublin, envisagent d'emprunter d'autres ports, comme celui de Cairnryan en Ecosse, qui bénéficie d'un système de contrôle plus efficace. La liaison entre l'Irlande et Cherbourg a été triplée.

Il est évident que les entreprises devront peu à peu s'adapter aux nouvelles réglementations complexes du fret. Le traitement informatique des formalités administratives à l'usage des " clients accrédités " devrait leur permettre de s'enregistrer en amont de leur passage et de franchir ainsi beaucoup plus aisément la frontière " intelligente " grâce à un simple code-barres figurant sur leur déclaration en douane.

En attendant ces facilités informatiques, la crainte de rupture récurrente des chaînes d'approvisionnement de la province nord-irlandaise a incité des unionistes du DUP Ian Paisley à invoquer le recours à l'article 16 du Protocole nord-irlandais, qui autorise l'Union européenne ou le Royaume-Uni à prendre " des mesures de sauvegarde appropriées " - en l'occurrence la suspension des contrôles - " si l' application du présent protocole entraîne de graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales qui sont susceptibles de perdurer, ou une réorientation des échanges ". Alerté sur le risque de pénurie alimentaire, Brandon Lewis, Secrétaire d'Etat britannique à l'Irlande du Nord, s'est voulu rassurant et a déclaré qu'il s'emploierait à garantir le flux des échanges. Mais l'annonce, le 27 janvier 2021, de livraisons réduites vers le marché européen de vaccins, par le laboratoire pharmaceutique AstraZeneca allait provoquer un regain de tension entre l''Union et le Royaume-Uni. La première réaction des autorités européennes fut d'avoir recours, à leur tour, à la clause de sauvegarde, figurant à l'article 16 du Protocole, afin de mettre en place, pour plus de transparence un mécanisme de contrôle des exportations de vaccins produits sur le site belge de Seneffe à destination du Royaume-Uni et tout particulièrement de l'Irlande du Nord. Même si la Présidente de la Commission européenne renonçait très vite à prendre une telle initiative, ce geste allait provoquer la fureur de part et d'autre de la mer d'Irlande. Dans un même élan les gouvernements britannique et irlandais ainsi que tous les partis nord-irlandais s'insurgeaient contre un acte jugé inconsidéré qui faisait planer une lourde menace sur les intérêts vitaux de la province.

Cette nouvelle controverse allait encore aggraver les doutes sur l'applicabilité du Protocole et amener les unionistes nord-irlandais à en réclamer à nouveau le retrait pur et simple sans proposer d'autre solution.

***

L'irréductible "question irlandaise", qui a empoisonné la vie politique britannique au cours des deux siècles derniers, et que l'on croyait à jamais révolue, est revenue en force avec la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. À l'ouest de la Grande-Bretagne, les deux parties de l'île d'Irlande sont pénalisées à plusieurs titres par la décision unilatérale des Britanniques.

Si le retour de la frontière irlandaise a été évité, l'Ulster doit toutefois subir le surcroît de procédures douanières destinées à protéger l'accès au marché unique que lui impose le Protocole nord-irlandais. La complexité de son nouveau statut hybride, sous l'autorité conjointe de l'Union européenne et du Royaume-Uni, lui a fermé l'accès aux institutions politiques européennes et aux programmes d'aides tout en lui permettant d'être traitée comme si elle était encore un État membre participant au marché unique. Comme l'affirme Colin Murray[20], chercheur en droit public à l'Université de Newcastle, la province britannique d'Ulster se retrouve au cœur d'un diagramme de Venn, dans cette zone inconfortable située à l'intersection de deux ensembles, qui loin de lui fournir " le meilleur des deux mondes " comme certains l'ont évoqué, risque de lui apparaître très vite comme un étau.

Quant à la République d'Irlande, qui a pu compter sur le soutien indéfectible de l'Union européenne[21], elle subit gravement le contrecoup du Brexit sur le plan économique et commercial. Son économie est étroitement imbriquée dans celle de son voisin et sa situation géographique la rend dépendante du Royaume-Uni pour ses échanges avec le continent[22], mais le Brexit compromet non seulement le bon fonctionnement de ses échanges, mais aussi la qualité de ses relations avec son voisin. Dans la mesure où elle est l'Etat membre le plus affecté par le Brexit, l'Irlande s'est vu accorder la somme d'un milliard € du fonds d'aide européen pour compenser l'impact négatif du Brexit sur son économie.

L'unité irlandaise serait-elle la seule solution politique pérenne pour l'Irlande du Nord après le Brexit ? L'idée du référendum, dont la perspective pouvait paraître lointaine avant le Brexit, est devenue beaucoup plus plausible. Les Nord-Irlandais auraient le choix, dans un délai règlementaire, d'opter pour le prolongement du statu quo ou pour le rattachement à la République d'Irlande, ce qui aurait l'avantage de réintégrer la province britannique dans l'Union européenne. Si une majorité en faveur d'une Irlande unie se dégageait du scrutin, un second référendum aurait lieu au sud. Mais l'aboutissement de façon concertée et pacifique à un tel changement de statut requiert beaucoup d'efforts de part et d'autre du clivage communautaire et l'instauration d'un véritable dialogue qui intègre toutes les parties prenantes.


[1] L'Ulster politique diffère en effet de l'Ulster géographique qui se compose de 9 comtés. Si les 3 comtés d'Ulster, Cavan, Monaghan et Donegal n'ont pas été intégrés, c'est pour des raisons de rapport numérique uniquement. Dans ces 3 comtés, les catholiques étaient en effet majoritaires.
[2] L'Accord de Saint-Andrews du 13 octobre 2006 a mis un terme à l'administration directe de la province et restauré les institutions nord-irlandaises. Il a permis la décentralisation des pouvoirs de justice et de police et le Sinn Fein a reconnu la nouvelle force de police nord-irlandaise. Il a réaffirmé le principe de consentement à tout changement constitutionnel et l'engagement en faveur des moyens pacifiques et démocratiques.
[3] Le mode de gouvernance démocratique de type constitutionnel est un cadre conceptuel qui s'applique à des sociétés marquées par de forts clivages ethniques ou religieux et différents systèmes de valeurs. Il est fondé sur le partage du pouvoir selon les principes de proportionnalité et de réciprocité entre les diverses traditions politiques. L'inconvénient d'un tel modèle est qu'il institutionalise le clivage confessionnel au niveau des élites politiques et ne favorise pas la communication intercommunautaire qui demeure très limitée.
[4] 1973 est l'année de l'adhésion du Royaume-Uni et de la République d'Irlande à la Communauté économique européenne (CEE). L'Accord de Sunningdale stipulait que le futur Conseil d'Irlande devait effectuer " un important travail sur l'impact de l'appartenance à la Communauté européenne " et évoquait les conséquences géopolitiques du nouveau statut d'Etat membre de l'Irlande sur la question irlandaise.
[5] Le préambule de l'Accord anglo-irlandais de 1985 faisait référence aux Irlandais et Britanniques comme " des voisins et des partenaires au sein de la Communauté Européenne ".
[6] Les 6 domaines de coopération choisis par le Conseil ministériel comprennent l'agriculture, l'environnement, le transport, la santé, le tourisme et l'éducation. 6 autres domaines ont été ajoutés incluant le réseau fluvial, la sécurité alimentaire, le commerce et le développement, les programmes européens spécifiques, la langue, l'aquaculture et les questions maritimes.
[7] Jean Monnet considérait que les frontières étaient autant de "cicatrices de l'histoire sur le visage de l'Europe".
[8] En 1994, à la suite des cessez-le-feu déclarés par les paramilitaires républicains et loyalistes, le président de la Commission européenne mettait sur pied un groupe de travail chargé d'étudier comment la Commission pourrait soutenir le processus de paix en Irlande.
[9] Katy Hayward, "Mediating the European ideal: Cross-border programmes and conflict resolution on the island of Ireland", Journal of Common Market Studies, 2007, vol. 45, n°3, p. 675-693.
[10] Francess Mc Donnell, "Northern Farmers ask Johnson to replace CAP payments", Irish Times, 31/1/2020.
[11] Ils ont également bénéficié à d'anciens prisonniers y compris des prisonniers politiques dans les deux communautés et améliorer leurs chances de réinsertion sociale et professionnelle.
[12] Les régions transfrontalières sont parfois totalement intégrées socialement et économiquement, ainsi qu'en matière de ressources hospitalières comme en atteste l'hôpital de la ville de Derry/Londonderry ou nombre d'habitants de la République viennent se faire soigner.
[13] La dernière suspension de janvier 2017 à janvier 2020 a été provoquée par un scandale associé à un projet d'énergie renouvelable impliquant la Première ministre nord-irlandaise, Arlene Foster (DUP).
[14] Le mandat d'arrêt européen est une procédure judiciaire transfrontalière simplifiée, instituée dans le cadre du troisième pilier de l'Union européenne en 2002, qui fonctionne depuis 2004. Il permet à l'autorité judiciaire de l'Etat membre émetteur de se voir remettre un individu présent dans un autre Etat membre pour qu'il soit jugé ou qu'il exécute sa peine. Ce dispositif qui se substitue aux procédures d'extradition s'est avéré un outil essentiel dans la lutte contre le terrorisme.
[15] John McCord, dont le fils avait été assassiné par un groupe paramilitaire loyaliste en 1997, contestait l'application du Brexit à l'Irlande du Nord qui, selon lui, apportait un changement radical aux dispositions constitutionnelles inscrites dans l'Accord du Vendredi saint.
[16] L'Accord de retrait conclu le 17 octobre 2019 a été assorti d'une déclaration politique, non contraignante, destinée à tracer les grandes lignes de la future relation commerciale entre le Royaume-Uni et l'Union Européenne. Elle a été révisée par rapport à celle de 2018.
[17] Les Unionistes se sont sentis trahis par Boris Johnson en décembre 2019 lorsqu'il il a décrété qu'il y aurait un frontstop en mer d'Irlande après avoir promis de ne jamais infliger un traitement différentiel à la province. Certains ont pu regretter d'avoir torpillé l'Accord de Theresa May qui leur était beaucoup plus favorable.
[18] Il importe de souligner que le Premier ministre accordait une concession aux nationalistes irlandais. Cela concerne le principe de consentement qui devait initialement permettre au Parti Unioniste démocrate (DUP) d'opposer son veto au renouvellement des dispositions prises sur l'avenir constitutionnel de l'Irlande du Nord. Selon la nouvelle disposition, au terme de quatre années suivant la fin de la période de transition, soit à la fin de 2024, l'Assemblée nord-irlandaise pourrait décider, par un vote à la majorité simple, de ne pas prolonger l'application du Protocole. Ce principe réitère le droit à l'autodétermination du peuple nord-irlandais.
[19] Il s'agissait des règles de concurrence équitable, du mode d'arbitrage et de règlement des litiges et des droits de la pêche.
[20] Colin Murray, "Oven-ready or half-baked? Implementing the Northern Ireland Protocol", UK in a changing Europe, 17/2/2020.
[21] Pendant toute la durée des négociations, les Européens sont restés unis et solidaires à l'égard de l'Irlande, un Etat particulièrement vulnérable au choc du Brexit
[22] L'Association irlandaise des transporteurs routiers a, en septembre 2020, alerté le gouvernement irlandais des risques que le Brexit posait sur le transport du fret. Dans la mesure ou 80% des véhicules irlandais empruntent la voie terrestre en passant par la Grande-Bretagne (UK-landbridge) pour se rendre sur le continent européen, ils étaient soumis à des contrôles de sécurité qui pouvaient les retarder considérablement. Cette dépendance vis-à-vis de l'espace britannique a conduit à l'aménagement de nouvelles lignes de ferry visant à relier directement l'Irlande à la France. La compagnie suédoise Stena a mis en place une ligne qui relie le port de Rosslare à Cherbourg et l'opérateur danois assure une nouvelle liaison entre Rosslare et Dunkerque. La traversée dure en général vingt-quatre heures, soit six heures de plus qu'en passant par la Grande-Bretagne, mais les transporteurs auront le double avantage d'une part, d'économiser sensiblement leur temps de conduite, et, d'autre part, de ne pas avoir à quitter l'Union européenne.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

Le Brexit et la question irlandaise

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