Le casse-tête du grand jeu gazier et de la reconfiguration stratégique qui l'accompagne, en Méditerranée orientale

L'UE et ses voisins méditerranéens

Jean Marcou

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21 septembre 2020
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Marcou Jean

Jean Marcou

Titulaire de la Chaire Méditerranée-Moyen-Orient de Sciences Po Grenoble (Université Grenoble Alpes - France), chercheur associé à l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) d'Istanbul.

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Au cours de l'été 2020, les tensions ambiantes en Méditerranée orientale[1] se sont muées en une escalade inquiétante, au point qu'en août dernier, Heiko Maas, ministre allemand des Affaires étrangères, estimait que " chaque petite étincelle pouvait déclencher une catastrophe "[2]. Au cours des deux dernières décennies, la découverte d'importants gisements gaziers dans cette zone a réveillé des différends anciens entre Grecs et Turcs (partition de Chypre, plateau continental de la mer Égée, etc.), mais les tensions s'étendent à d'autres pays du bassin oriental de la mer Méditerranée et concernent aussi l'Union européenne et l'OTAN. Plus généralement, elles s'inscrivent dans un contexte où des conflits récents (Syrie, Libye) déstabilisent le Proche-Orient. Le paradoxe de ce grand jeu gazier est qu'il intervient au moment où la crise de la Covid-19 a fait chuter les cours des hydrocarbures de façon spectaculaire, rendant exorbitant le coût des exploitations offshore. Dès lors, le gaz n'est sans doute pas le seul enjeu de cette suite de discordes et apparaît comme la manifestation la plus visible d'une recomposition stratégique beaucoup plus large.

Retour sur les racines d'un antagonisme gréco-turc ancien

À l'issue du premier conflit mondial et surtout de la guerre d'indépendance turque (1919-22), les Grecs chassés d'Anatolie par les troupes de Mustafa Kemal conservent la plupart des îles de la mer Égée. Le traité de Lausanne (1923), qui scelle la fin des hostilités entre les deux belligérants, débouche néanmoins dans l'entre-deux-guerres sur leur réconciliation avec la signature d'un traité d'amitié en 1930 et du pacte balkanique en 1934. Mais, après la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs événements contribuent à réactiver l'antagonisme gréco-turc.

En premier lieu, en 1947, l'Italie vaincue cède à la Grèce l'archipel du Dodécanèse, au sud de la mer Égée, au grand dam de la Turquie, qui n'est entrée en guerre contre les puissances de l'Axe qu'en février 1945. En deuxième lieu, la décolonisation de Chypre est marquée par des incidents intercommunautaires graves entre Grecs et Turcs. Le fragile équilibre établi après l'indépendance chypriote est définitivement rompu en 1974, lorsqu'un coup d'État contre le régime de Monseigneur Makarios, ourdi par le régime des colonels, provoque une intervention militaire turque dans le nord de l'île et la division de celle-ci en deux[3] avec, en 1983, la création d'une " république turque autoproclamée de Chypre du nord " reconnue uniquement par la Turquie, qui y installe nombre de ses ressortissants. En dernier lieu, à partir de la fin des années 1950, l'élaboration du droit international de la mer alimente un différend durable entre la Grèce et la Turquie, la seconde refusant de souscrire aux principales conventions qui en résultent, estimant que celles-ci donneraient une souveraineté presque complète à la première sur la mer Égée. De fait, Ankara oppose ses propres concepts à ceux établis par le droit de la mer auxquels la Grèce souscrit et déclare, en particulier, que si Athènes venait à porter en mer Égée ses eaux territoriales à douze milles marins, elle commettrait un casus belli[4]. À deux reprises, en 1987[5] et 1996[6], des différends maritimes entre les deux États manquent de dégénérer en conflits armés.

Il faut bien reconnaître pourtant qu'au cours des deux dernières décennies, ces tensions avaient connu une certaine accalmie, avec la reconnaissance officielle de la candidature turque à l'Union européenne en décembre 1999 et l'ouverture en 2005[7] de négociations d'adhésion qui sont au point mort, un seul chapitre ayant été clôturé sur trente-cinq. Par ailleurs, la fin de la guerre froide et la volonté des deux pays de réinvestir leur environnement régional en veillant à sa stabilité ont favorisé un rapprochement inédit au tournant du millénaire. Précédant la politique turque de voisinage qui sera par la suite celle de l'AKP au pouvoir, les chefs des diplomaties grecque et turque de l'époque, Georgios Papandreou et Ismail Cem, saisissent l'opportunité de l'empathie mutuelle, suscitée par des séismes survenus presqu'au même moment dans leurs pays respectifs, pour s'engager dans une coopération dense en particulier dans le domaine économique.

Il reste que ces initiatives déçoivent. Chypre entre dans l'Union européenne en 2004 sans avoir été réunifiée, malgré les efforts de l'ONU et de l'Union européenne, et provoque les premiers blocages dans les négociations avec la Turquie. Quant à la célèbre " politique du zéro problème avec nos voisins " d'Ahmet Davutoğlu, c'est sur le terrain des relations gréco-turques qu'elle obtient ses résultats les moins convaincants[8]. On espère alors que les premières découvertes énergétiques en Méditerranée orientale sortiront ces relations de l'ornière et inciteront à la coopération[9]. Mais la confirmation de l'existence d'une manne gazière dans la zone tend à l'inverse plutôt à aviver les désaccords. Après l'échec du dernier round de négociations entrepris en 2017[10], Chypre annonce la mise en exploitation de ses gisements, tandis que la Turquie dénonce une violation des droits des Chypriotes turcs, tout en inaugurant une politique de la canonnière visant à empêcher cette initiative et à mener ses propres prospections dans des zones contestées.

Les acteurs du nouveau grand jeu de la Méditerranée orientale

Comme pour compliquer l'affaire, la Turquie, Chypre et la Grèce ne sont pas les seuls protagonistes du nouveau grand jeu qui se dessine. En effet, le premier bénéficiaire du gaz de Méditerranée orientale a été Israël, avec la découverte, en 2010, des champs gaziers Tamar 2 et Léviathan,[11] qui en ont fait un pays exportateur, désormais en mesure d'alimenter son ancien fournisseur égyptien. Après la localisation du gisement chypriote Aphrodite en 2011, l'Égypte n'a pas tardé pas à être servie à son tour, lorsque Zohr, la réserve de gaz considérée jusqu'à présent comme la plus importante de la zone, a été identifiée en 2013[12].

Les deux nouveaux producteurs ont des relations difficiles avec la Turquie. Longtemps regardé comme son allié privilégié au Moyen-Orient, Israël est devenu l'objet de critiques incessantes d'Ankara, qui entend devenir le héros de la cause palestinienne dans un monde musulman divisé. Quant à l'Égypte, depuis qu'en 2013 le président Morsi et les Frères musulmans, soutenus par la Turquie, ont été renversés par l'armée, elle est à nouveau pour les Turcs la rivale qu'elle avait pu être au XIXe siècle, à l'époque de Mehmet Ali, ou au XXe siècle, pendant la période nassérienne.

Les découvertes gazières ont suscité, par ailleurs, un phénomène d'appropriation des espaces maritimes de la Méditerranée orientale, avec la multiplication des déclarations de zones économiques exclusives (ZEE) par les États producteurs. Ainsi, tandis que la manne gazière confortait une nouvelle configuration stratégique de la Méditerranée orientale, elle a contribué à l'isolement de la Turquie[13].

En froid avec Israël à l'époque des premiers conflits de l'État hébreu avec le monde arabe, la Grèce et Chypre n'ont cessé de s'en rapprocher depuis les premières découvertes gazières. Après la signature, en janvier 2020, du projet de gazoduc Eastmed,[14] ces deux États membres de l'Union européenne pensent pouvoir aider à réduire la dépendance européenne à l'égard du gaz russe, en permettant un nouvel approvisionnement israélien et chypriote[15]. L'Égypte, pour sa part, affiche des ambitions stratégiques dans ce domaine. Liquéfiant son propre gaz et celui de son voisin israélien à des fins d'exportation, entre autres, vers l'Europe, elle se pose en hub énergétique incontournable, rival de la Turquie mais aussi du gazoduc israélo-grec EastMed[16]. Toutefois, la construction d'un gazoduc reliant les gisements chypriotes et les usines égyptiennes de liquéfaction pourrait aplanir ce différend naissant[17]. Plus généralement, l'Égypte entend devenir le centre de gravité de la coopération entre pays producteurs. Ainsi, outre les multiples sommets tripartites qu'elle a régulièrement organisés avec la Grèce et Chypre depuis 2013, elle est parvenue à mettre sur pied, en 2019, un forum gazier qui rassemble autour d'elle la Grèce, Chypre, Israël, les Territoires palestiniens et l'Italie, mais dont la Turquie et le Liban (qui ne reconnaît pas l'État hébreu et conteste ses découvertes[18]), ne font pas partie[19].

La Turquie mobilisée pour défendre " sa patrie bleue "

Cette géopolitique gazière de la Méditerranée orientale entre directement en concurrence avec les efforts qu'a déployés la Turquie pour devenir le maillon-clef du couloir méridional d'approvisionnement gazier de l'Europe, en s'impliquant dans les gazoducs TANAP (2018) et TurkStream (2020), respectivement pourvoyeurs de gaz caucasien et russe[20]. La dimension de puissance régionale acquise par Ankara s'est, en particulier, traduite en Syrie par de multiples interventions militaires et par la participation turque au processus d'Astana, aux côtés de la Russie et de l'Iran. Enfin, par les appropriations maritimes qu'elle génère, cette nouvelle configuration conduit la Turquie à redouter d'être maintenue sur ses côtes et de voir se reproduire en Méditerranée orientale un scénario déjà vécu en mer Égée.

S'appuyant sur les atouts que lui octroient un statut d'économie émergente, des moyens militaires en plein développement et un activisme diplomatique permanent, la Turquie revendique désormais non seulement un accès aux mers qui l'entourent (mer Noire, mer Égée et mer Méditerranée), mais aussi la possibilité d'exploiter les richesses de ces espaces et d'y exercer une influence. Cette aspiration s'exprime désormais fréquemment par la référence à l'existence d'une " patrie bleue " (mavi vatan)[21]. Inventé en 2006 par le contre-amiral Cem Gürdeniz pour justifier un développement des forces navales turques et renforcer leur capacité à intervenir Outre-mer (dans le Golfe ou en Afrique, notamment)[22], ce concept est désormais utilisé par Recep Tayyip Erdoğan pour désigner les espaces maritimes dont la Turquie aurait été injustement spoliée dans son étranger proche[23] !

Elle a constitué la doctrine de l'intervention turque en Libye qui s'est traduite, en novembre 2019, par la signature d'un traité de délimitation d'une ZEE avec le gouvernement libyen de Tripoli, puis au printemps 2020, par une intervention militaire qui a permis de rétablir la situation compromise de celui-ci face aux forces du général Haftar, soutenues par les pays arabes sunnites alliés à l'Arabie saoudite (Égypte, Émirats Arabes Unis, etc.) et la Russie. Cette intervention en Libye apparaît comme la riposte de la Turquie à ses craintes d'enclavement : les espaces maritimes qu'elle espère ainsi obtenir ouvrent un corridor entre les positions grecques en mer Égée et les champs gaziers de Méditerranée orientale, et ruinent les chances de réalisation du gazoduc EastMed qui doit les traverser. La Grèce a tenté de réagir en définissant à son tour, en août 2020, les frontières de sa zone économique exclusive avec l'Égypte sur des espaces qui recoupent la délimitation turco-libyenne opérée antérieurement[24]. Mais Athènes compte surtout sur Bruxelles pour contenir les ambitions turques.

L'Union européenne et l'OTAN une fois de plus fragilisées sur leur flanc sud

Les Etats membres de l'Union européenne sont divisés dans l'approche et la résolution de cette crise. La France a pris résolument le parti de soutenir la Grèce, en demandant à Bruxelles de prendre des sanctions contre la Turquie et en envoyant même pendant l'été 2020 des avions Rafale et deux bâtiments de la Marine nationale à Chypre. Cette implication française est le dernier avatar d'une confrontation entre Ankara et Paris que l'on a pu déjà observer sur plusieurs théâtres d'opérations : la Syrie (avec le soutien français aux milices kurdes YPG), la Libye (où les deux pays ne sont pas dans le même camp), le Liban (où, après l'explosion du 4 août 2020, la diplomatie turque a tenté de faire de l'ombre aux déplacements à Beyrouth du président français Emmanuel Macron), le Kurdistan irakien (dont le gouvernement régional a du mal à concilier ses relations avec la France et ses liens avec la Turquie) et même, plus récemment, le Mali (où le chef de la diplomatie turque s'est rendu ostensiblement après le coup d'État qui a renversé le président Keïta)[25]. En Méditerranée orientale, l'engagement français provoque l'ire de la Turquie, qui dénonce une posture partiale, voire coloniale[26]. Le dernier épisode de cette rivalité franco-turque a opposé Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdoğan en personne, à l'issue du sommet MED7, le 10 septembre en Corse, le premier ayant demandé aux pays du sud de l'Europe d'être " durs avec la Turquie mais pas avec le peuple turc qui mérite mieux qu'Erdoğan " et le second lui ayant répondu : " Monsieur Macron vous n'avez pas fini d'avoir des ennuis avec moi...ne cherchez pas querelle au peuple turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie. "[27]

La plupart des États membres semblent moins désireux de s'impliquer directement dans ces tensions. L'Allemagne, qui assure la présidence du Conseil de l'Union au second semestre 2020, paraît surtout préoccupée par la gestion de son importante communauté turque et par le souci de pérenniser le pacte que l'Union a conclu, en 2016, avec Ankara, pour contenir les poussées migratoires, provoquées par la guerre civile syrienne et d'autres causes de déstabilisation régionale (embargo sur l'Iran, conflit afghan, etc.). Par ailleurs, comme l'a encore montré le MED7, les pays de l'Europe méridionale (Espagne, Portugal, Italie, Malte) essayent de tempérer les ardeurs de la Grèce, de Chypre et de la France qui sont encore montés d'un cran avec l'annonce par Athènes de l'achat de matériel militaire français, notamment 18 avions Rafale[28]. Quoi qu'il en soit, la Turquie tente d'exploiter les divisions de l'Union européenne[29], en lui demandant de jouer un rôle d'arbitre, ce qui a suscité le déplacement sur place, à plusieurs reprises, du Haut-représentant Josep Borrell[30], et mi-août 2020, du chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.

Si le Conseil de l'Union a, dans un premier temps, hésité à accéder aux demandes françaises de sanctions, il n'a pas non plus tourné le dos aux appels à l'aide de la Grèce et de Chypre, surtout lorsqu'Ankara a repris ses prospections dans des espaces disputés pour répondre à l'accord gréco-égyptien de délimitation d'une ZEE. Ainsi, le 28 août 2020, les ministres européens des Affaires étrangères réunis à Berlin ont menacé la Turquie " d'établir une liste de nouvelles mesures restrictives "[31]. Cette option devrait être débattue lors du prochain Conseil européen, les 24 et 25 septembre 2020. Josep Borrell a évoqué des sanctions graves qui pourraient aller jusqu'à l'interdiction des ports européens aux navires turcs. Lors d'une conversation téléphonique, le 6 septembre 2020, avec Recep Tayyip Erdoğan, Charles Michel, président du Conseil européen, a tenté de temporiser, en déclarant que l'Union européenne pourrait user de la méthode de " la carotte et du bâton ", soumettant la prise d'un certain nombre de décisions européennes en faveur de la Turquie (actualisation de l'accord d'union douanière, levée des visas pour les Turcs se rendant dans l'espace Schengen, etc.) au retrait des navires turcs prospectant dans les zones litigieuses. Cette proposition a néanmoins été accueillie avec scepticisme par les observateurs turcs[32]. Le 16 septembre, Charles Michel a affirmé au Président chypriote Nicos Anastasiades son entier soutien. Dans son discours sur l'état de l'Union du 16 septembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a décrit la voie que l'Europe devrait suivre " Se garder d'agir unilatéralement et reprendre les pourparlers en toute bonne foi, car c'est la voie qui mène vers la stabilité et les solutions durables", tout en réassurant la Grèce et Chypre de la solidarité européenne :

La situation de l'OTAN n'est guère plus simple. Les tensions qui opposent deux de ses membres suscitent des divisions au sein de l'Alliance, que la Turquie pourrait être tentée d'exploiter[33]. Soucieux de préserver l'unité de celle-ci, son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a préconisé, début septembre 2020, l'ouverture de " pourparlers techniques " entre les deux protagonistes qui ont été reportés plusieurs fois. Car la Grèce pose comme condition à telles négociations le retrait immédiat des navires turcs de prospection, pendant que la Turquie, qui se dite prête à négocier sans conditions, accuse son voisin de saper toute tentative de dialogue.

Depuis plusieurs années, Ankara est devenue un allié problématique pour les Occidentaux, du fait notamment de son rapprochement avec Moscou et de l'achat de matériel militaire russe (notamment des missiles de défense S-400). Pourtant, rappelant la complexité historique des relations de la France avec l'OTAN et les récents propos d'Emmanuel Macron jugeant cette dernière en état de " mort cérébrale ", la Turquie n'a cessé de réaffirmer son attachement à l'Alliance en lui demandant d'arbitrer la crise. En tout état de cause, Ankara demeure un allié important pour les États-Unis, qui utilisent la base d'Incirlik, y compris en y stockant des armes nucléaires, et qui n'ont guère apprécié l'engagement militaire français aux côtés de la Grèce. Ils ont, en revanche, salué le soutien turc au gouvernement de Fayez al-Sarraj, parce qu'il a porté un coup d'arrêt aux ambitions russes en Libye. Mais les États-Unis restent très prudents dans cette crise qui les a vu aussi lever partiellement un embargo sur les armes à destination de Chypre qui remontait à 1974 et signer un accord cadre pour ouvrir une base navale sur l'île d'Aphrodite. Il faut dire que Serguei Lavrov, chef de la diplomatie russe, s'est récemment rendu à Chypre pour offrir sa médiation[34] et que Washington ne souhaite pas voir Moscou intervenir dans ce conflit entre deux membres de l'OTAN.

***

Les tensions croissantes que connaît la Méditerranée orientale reflètent donc une reconfiguration stratégique qui est loin d'être achevée dans cette aire. Ce processus, d'abord lié aux découvertes d'hydrocarbures réalisées dans la zone et aux appropriations maritimes qui en ont résulté, est sensiblement transformé par l'entrée en lice d'une Turquie qui se veut désormais un acteur incontournable. Aux marges d'un espace constituant le flanc sud de l'Union européenne et de l'OTAN, ce pays, qui s'y sent mal accepté, joue une partition complexe, qui le voit combiner la préservation de ses alliances occidentales traditionnelles avec une aspiration à l'autonomie et à la puissance. La résolution de la crise en cours passe pour les Européens, non seulement par la prise en compte de cette situation nouvelle, mais aussi par une réflexion sur la relation qu'ils veulent établir à plus long terme avec leur voisin turc.


[1] CASABIANCA Jean, " Méditerranée: paradigme des conflictualités contemporaines ", Rapport Schuman sur l'Europe, l'état de l'Union 2020, éditions Marie B, Paris, juillet 2020, 276 p.
[2] "Berlin appelle à une désescalade des tensions entre Athènes et Ankara", Toute l'Europe, 26 août 2020.
[3] "ROGER, Ludwig. " La Commission européenne face aux tensions gréco-turques", Matériaux pour l'histoire de notre temps, vol. 108, n°4, 2012, p. 52-57.
[4] OLLIER Johanna, "Les frontières maritimes au cœur de la compétition en mer Égée et au Levant", Diplomatie, n°105, septembre /octobre 2020 p. 50-52
[5] "CHICLET Christophe, "Le lourd contentieux avec la Grèce", Le Monde diplomatique, novembre 1987, p. 21
[6] KADRITZKE Niels, "Athènes et Ankara se disputent la mer Égée", Le Monde diplomatique, octobre 1996, p. 14-15
[7] KAFYEKE Chantal. " L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne : enjeux et état du débat ", Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 1933-1934, n°.28, 2006, p. 5-72.
[8] MARCOU Jean, " La polihttps://www.monde-diplomatique.fr/1996/10/KADRITZKE/5801tique turque de voisinage ", EurOrient, n°35-36, novembre 2011, p.163-180
[9] FURFARI, Samuele. " Le gaz naturel, nouvel élément structurant du Mare Nostrum ", Confluences Méditerranée, vol. 91, n°4, 2014, p. 67-82
[10] Bertrand, Gilles. " Chypre : trop de négociations ont-elles tué la négociation ? ", Confluences Méditerranée, vol. 100, n°1, 2017, p. 111-121
[11] VELILLA Philippe, "Israël et les nouveaux enjeux énergétiques en Méditerranée orientale", Diplomatie, n°105, p. 66-69
[12] MOURAD Hicham, "L'Égypte, nouveau hub énergétique régional", Diplomatie, n°105, p. 61-65
[13] ZAMAN Amberin, "Turkey grows increasingly isolated in Eastern Mediterranean dispute with Greece", Al Monitor, 13 août 2020
[14] RAFENBERG Marina, "EastMed, le projet de gazoduc destiné à contrer la Turquie", Le Monde, 3 janvier 2020 ; KRASNA Joshua, "Israel, Greece Cyprus, take on Turkey in the Mediterranean", Al Monitor, 23 janvier 2020
[15] LITSAS Spyros N., "La Grèce en Méditerranée orientale : énergie diplomatie et perspectives à l'ère de la pandémie de covid-19", Diplomatie, n°105, p. 58-60
[16] MOURAD Hicham, "L'Égypte, nouveau hub énergétique régional", Diplomatie, n°105, p. 61-65 ; HOSNY Hagar, "Egyt unreffled by EastMed pipeline project", Al Monitor, janvier 20 2020
[17] SAIED Mohamed, "Egypt, Cyprus focus on natural gas pipeline amid tensions in eastern Mediterranean", Al Monitor, 13 septembre 2020
[18] MEIER Daniel, "Les hydrocarbures du Liban : entre espoir et incertitudes", Diplomatie, n°105, p. 70-71
[19] SAIED Mohamed, "Is energy league an alliance against Ankara?", Al Monitor, 24 janvier 2019
[20] "Turkey becomes major East-West corridor:", Hürriyet Daily News, 1er janvier 2020 ; "President Erdogan hails benefits of TANAP pipeline", Hürriyet Daily News, 1er mai 2020
[21] Pour avoir un point de vue officiel sur ce concept, "'The Blue homeland': Turkey's largest naval drills", Anadolu Agency, 27 février 2019
[22] Interview of retired admiral Cem Gürdeniz, "Blue homeland shows Turkey has become a maritime power" Hürriyet Daily News, 4 mars 2019
[23] MARCOU Jean, "La Turquie en Méditerranée orientale : des revendications énergétiques aux ambitions stratégiques", Diplomatie, n°105, p. 53-57
[24] MOURAD Mahmoud, "Egypt and Greece sign an agreement on exclusive economic zone", Reuters, 6 août 2020
[25] TASTEKIN Fehim, "Does France failure in Mali spell a victory for Turkey?", Al Monitor, 14 septembre 2020
[26] "Turkey slams Macron's arrogant statement with old colonial reflex", Daily Sabah, 10 septembre 2020
[27] "Le président turc Recep Tayyip Erdoğan menace Emmanuel Macron :'Ne cherchez pas querelle à la Turquie'", Le Monde, 12 septembre 2020
[28] SMOLAR Piotr & CHAPERON Isabelle, "La Grèce, premier pays européen à acheter le Rafale", Le Monde 13 septembre 2020
[29] Voir à cet égard le point de vue officiel turc : "A broken front: why Europe isn't united in the Eastern Mediterranean?", TRT World, 31 août 2020.
[30] CUPOLO Diego, "Rising EU-Turkey tensions take center stage with Borrell visit to Ankara", Al Monitor, 20 juillet 2020
[31] "Faute de progrès dans le dialogue avec la Grèce, en Méditerranée, l'UE se dit prête à sanctionner la Turquie", Le Monde, 29 août 2020
[32] DEMIRTAŞ Serkan, "EU's carrot-stick approach to Med crisis doomed to fail", Hürriyet Daily News, 7 septembre 2020
[33] ÇANDAR Cengiz, "Is Erdoğan trying to split NATO with his EastMed gambit?", Al Monitor, 28 août 2020
[34] "Russia offers to mediate any Cyprus-Turkey talks" Reuters, 8 septembre 2020

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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