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L'importance de la dimension morale dans le projet européen

Démocratie et citoyenneté

Francisco Juan Gomez Martos

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14 septembre 2020
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Gomez Martos Francisco Juan

Francisco Juan Gomez Martos

Docteur en Sciences politiques, économiste et ancien fonctionnaire de l'Union européenne

L'importance de la dimension morale dans le projet européen

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La crise de la Covid-19 a transmis à l'opinion publique européenne le sentiment que l'Union européenne n'a pas la capacité de prévoir ou de répondre à des crises sanitaires graves telles que la pandémie que nous traversons. "L'Europe ne répond pas" a dénoncé, en termes dramatiques, le quotidien italien La Repubblica[1].

Toutefois, cette "paralysie" initiale a été rapidement surmontée par la Commission européenne qui, en utilisant ses compétences, avait facilité pour les États membres la gestion immédiate de la crise, puis proposé un plan de relance ambitieux et novateur. Cette initiative a abouti deux mois plus tard à un succès historique pour l'Union européenne.

Mais "le sauve qui peut", la fragmentation de l'espace politique et géographique européen et l'absence d'un sentiment de solidarité entre les citoyens européens ont été bien plus graves que ce manque de réflexes et de capacité de réaction initiale de la Commission européenne face à cette urgence sanitaire. Les comportements égoïstes de certains États membres et l'absence de coordination au niveau européen ont aggravé le sentiment de désunion et de désaffection ressenti par les citoyens des États les plus touchés par la pandémie. L'opinion publique internationale a été surprise par les faibles liens de solidarité humaine entre des pays qui, pourtant, partagent un marché intérieur, une monnaie commune pour la majorité d'entre eux et qui négocient ensemble des accords commerciaux avec presque tous les pays de la planète.

La gestion des premiers mois de la crise sanitaire et la question de savoir comment faire face au niveau européen à l'impact économique et social de la rupture de production sans précédent qu'a connu l'Europe, ont alimenté une dangereuse tendance : celle-ci, depuis le début de la récession de 2008-2010, conduit certains gouvernements du Nord du continent à prétendre exercer une soi-disant suprématie morale sur leurs partenaires européens du Sud.

Certains discours politiques, truffés de stéréotypes et largement utilisés par les partis xénophobes et nationalistes en Europe, dépeignaient les citoyens du Nord comme étant austères, économes, responsables, travailleurs et "vertueux", alors que les citoyens du Sud se comporteraient comme de bon vivants, gaspilleurs, paresseux, peu respectueux de leurs obligations et même "vicieux". Les citoyens et les autorités des pays les plus touchés par la pandémie ont ainsi été stigmatisés de manière négative.

Rappelons-nous la période 2008-1012, quand l'Union européenne a imposé des programmes d'ajustement structurel extrêmement durs pour sauver les États plongés dans la crise financière et budgétaire. Personne ne remet en question le fait que ces pays ont certainement commis des erreurs de politique économique. Toutefois, leur mise à l'index depuis la chaire de la suprématie morale[2], le rappel de leurs torts, les leçons données et la technique utilisée par certains de leurs partenaires ont été parfois fort humiliants.

En fait, la solidarité financière de l'Union a fonctionné pendant la crise de la dette souveraine, mais à un coût social extrêmement élevé, provoquant l'humiliation des pays concernés et de leurs citoyens, comme l'a reconnu, à l'égard de la Grèce, l'ancien Président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker, dans son discours devant le Parlement européen à l'occasion de la séance solennelle pour célébrer le 20ème anniversaire de l'euro, le 15 janvier 2019.

Souvenons-nous également de la crise des réfugiés de 2015 et de l'impossibilité d'appliquer le mécanisme temporaire de relocalisation des demandeurs de protection internationale - le système des quotas adopté par le Conseil (et récemment validé par la Cour de Justice de l'Union) - en raison du refus non négociable des gouvernements de certains États membres[3]. Les conséquences de ce manque de solidarité ont été très graves. L'opinion publique des pays méditerranéens a été profondément choquée par ce manque d'empathie et de compréhension de la part de certains pays d'Europe centrale et orientale. Dès lors, on ne peut s'étonner de la percée du sentiment anti-européen en Italie qui, traditionnellement, fut pourtant le plus grand champion du projet d'intégration européenne.

Une enquête sur "L'Europe et la proximité des Etats étrangers", réalisée fin mai 2020 pour le quotidien italien La Stampa ne laisse aucun doute sur la désaffection du citoyen italien envers l'Union européenne. Seules 39% des personnes interrogées ont exprimé "une grande ou assez grande" confiance dans l'Union européenne. Lorsqu'on leur a demandé quels pays ils considéraient comme ennemis de l'Italie, étonnamment, 42,2% ont cité l'Allemagne et 30,7%, la France.

Un autre sondage réalisé en Italie, une semaine auparavant, entre le 19 et le 21 mai 2020 pour le portail Internet "Termometropolitico.it", avait demandé au panel s'il serait favorable à la sortie de l'euro et de l'Union européenne : 35,3% ont répondu affirmativement à ces deux questions et 8,6% ont répondu qu'il valait mieux quitter l'euro mais rester dans l'Union[4]. Ces sondages reflètent une évolution inquiétante de l'état d'esprit de l'opinion publique italienne sur le projet européen ; évolution impensable il y a quelques années et qui ressemble au phénomène qui a précédé le référendum britannique sur le Brexit. Ces sondages montrent également une forte polarisation au sein de la société et la méfiance à l'égard de partenaires de longue haleine partageant le même idéal européen depuis soixante-dix ans.

Face à cette évolution, il est urgent et nécessaire de contrecarrer le récit nourri de craintes et de stéréotypes à l'égard d'autres peuples européens, tenu par certains gouvernements et responsables politiques européens, comme tactique pour attirer une partie de l'électorat des partis xénophobes, populistes et anti-européens.

Ces discours qui risquent de saper le fondement même du projet politique européen s'attaquent à un élément trop négligé : la dimension morale en tant qu'élément intégrateur et le manque de liens culturels profonds basés sur la connaissance mutuelle.

Revenir aux origines historiques du projet européen implique un effort pédagogique de taille au sein de nos sociétés, afin de faire revivre cette dimension morale : tout le monde en parle mais rares sont ceux qui la respectent. La majorité des États et des citoyens européens sont d'accord sur le respect des principes et des valeurs insérés dans les traités, même s'il leur est difficile parfois d'entrevoir le lien concret entre ces principes et leur vie quotidienne encadrée dans des réalités socio-économiques nationales.

Il est essentiel de fortifier avec détermination cette dimension morale, car il s'agit de la véritable colonne vertébrale de l'Europe, sans laquelle celle-ci souffre d'un réel handicap l'empêchant d'avancer. Cette dimension morale s'articule autour des préceptes suivants : le respect entre les États et les citoyens, sans signe de supériorité qui incite à l'extrémisme et à l'intolérance ; la solidarité ; la loyauté entre partenaires et institutions de l'Union ; la défense commune des valeurs et principes communs ainsi que la primauté de l'ordre juridique européen avec, en son cœur, le respect de l'Etat de droit, sur lequel l'Europe ne devrait pas transiger. Ensuite, il faudrait s'attaquer conjointement à la lutte contre le populisme xénophobe et le suprématisme nationaliste, et renforcer l'ouverture culturelle qui facilite les liens affectifs entre les peuples.

Dès lors, il me paraît utile d'analyser comment cette dimension morale est respectée dans les quatre piliers fondamentaux du projet européen (le marché intérieur, les transferts budgétaires, la responsabilité budgétaire et la politique fiscale). Cet exercice nous permettra peut-être de contredire certaines déclarations inexactes ou infondées qui nuisent à la rationalité du débat politique sur le projet européen.

À qui profite le marché intérieur ? Le revers de la solidarité

Le marché unique européen, lancé par Jacques Delors, alors Président de la Commission européenne en 1985, a été et reste le grand atout de l'Union européenne pour créer la croissance économique, l'emploi et le progrès social, ainsi que pour assurer la compétitivité européenne sur le marché mondial.

Depuis son achèvement en 1993 et jusqu'à la crise de 2008, le marché intérieur a eu un effet globalement très positif sur toutes les économies nationales de l'Union. Cependant, certains États membres en ont bénéficié et continuent d'en bénéficier beaucoup plus que d'autres. Un document de travail récent de la Banque centrale européenne conclut que, conformément aux prévisions et études précédentes, le marché intérieur, qui a été critiqué ces dernières années par une partie de la population européenne, a apporté une prime de croissance à ses pays fondateurs[5].

En fait, le marché intérieur a augmenté le PIB par habitant entre 12% et 22% pour les douze Etats membres qui le composaient alors. Les avantages du marché intérieur ont été comparativement plus importants pour les petites et moyennes économies que pour les grandes économies.

Au cours de la période 1993-2008, le partage du marché unique a considérablement stimulé la croissance par habitant des petites et moyennes économies avec un différentiel positif de 81,5% pour l'Irlande, 33,4% pour les Pays-Bas, 32,9% pour le Portugal, 19% pour la Grèce, 12,3% pour la Belgique et 5,7% pour le Danemark. Parmi les grands pays, l'Espagne a obtenu une augmentation différentielle de sa croissance de 33,40%, tandis que les bénéfices diminuent de 15,3% pour le Royaume-Uni, 14,4% pour l'Allemagne, 9,8% pour la France et 7% pour l'Italie.

L'Union européenne a le privilège de disposer de son propre commerce intracommunautaire en tant que principal partenaire commercial de chacun des États membres. En 2019, le marché intérieur représentait en moyenne 60,5% du commerce extérieur total de l'Union et, à l'exception de l'Irlande, toutes les économies européennes dépendent principalement du marché intracommunautaire. Ce constat est particulièrement vrai pour les États membres d'Europe centrale et orientale, qui affichent des pourcentages de dépendance au marché intérieur d'environ 75%.

Dans une période où l'on parle souvent de la croissance spectaculaire de la Chine et du danger que l'Europe puisse payer la facture de la confrontation commerciale et technologique entre les États-Unis et la Chine, ces chiffres peuvent, en principe, nous rassurer.

Dans ce contexte, il faudra aussi rappeler que les principaux États exportateurs de l'Union sont beaucoup plus dépendants du marché intérieur que du commerce avec la Chine : l'Allemagne exporte 7 fois plus vers ses 26 partenaires communautaires qu'en Chine ; la France 12,5 fois plus ; les Pays Bas 30 fois ; l'Italie 18,5 fois et la Belgique 36 fois[6].

Concernant l'adaptation au marché intérieur européen des États membres d'Europe centrale et orientale, les données d'Eurostat pour la période 2002-2019 montrent des taux de croissance spectaculaires de leurs exportations vers le reste du marché intérieur, compris entre 8 % et 10% par an. La Pologne en est le leader, réussissant à multiplier par cinq le montant de ses exportations vers le reste de l'Union entre 2002 et 2019, suivie de près par la Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie.

Dans le même temps, les quatre États membres qui composent le groupe dit de Visegrad ont enregistré, depuis 2008, d'importants excédents commerciaux dans leurs échanges avec le reste de l'Union : 12% du PIB pour la République tchèque; 8% pour la Hongrie; 5,6% pour la Slovaquie et 4,4% pour la Pologne, confirmant une fois de plus les bénéfices que le marché intérieur a apportés à ces pays, où le secteur industriel est très présent à la fois en valeur ajoutée et en emploi, grâce à la forte intégration verticale réalisée avec les industries des économies européennes les plus puissantes, Allemagne et France.

Si nous utilisons l'indicateur du solde des balances commerciales, les Pays-Bas et l'Allemagne sont les deux économies qui ont systématiquement dégagé d'importants excédents commerciaux dans leurs relations avec le reste de l'Union et qui bénéficient notamment de l'existence et de la solidité du marché intérieur européen. Les Pays-Bas maintiennent ainsi régulièrement une balance commerciale positive très élevée avec leurs partenaires communautaires allant de 20 à 25% du PIB. Il s'agit de l'excédent commercial le plus élevé de l'Union (184 milliards € en 2019), bien que ces données puissent être surévaluées par l'effet du "port de Rotterdam", auquel Eurostat fait référence. Grâce à la localisation géographique de ce port et aux services logistiques de toutes sortes qui y sont liés, le pays en obtient une part importante de PIB. L'Allemagne est l'autre grand bénéficiaire du marché intérieur depuis 1993, mais elle a régulièrement réduit l'excédent de sa balance commerciale intracommunautaire de 4,3% du PIB en 2008 à 1,7% en 2018.

Depuis l'introduction de l'euro, le problème de la persistance des excédents commerciaux a parfois suscité un malaise chez les gouvernements et dans l'opinion publique des dix-neuf pays de la zone euro, qui voient les protocoles de l'Union pour les déséquilibres macroéconomiques excessifs ne s'appliquer que dans un sens, c'est-à-dire au détriment des pays qui subissent des déficits commerciaux ou budgétaires. Pour corriger, ces pays doivent adopter des mesures d'ajustement douloureuses (dévaluations internes) provoquant récession et chômage[7]. Face à ces critiques, les économistes et hommes d'affaires allemands ont tendance à souligner que l'excédent commercial est un indicateur de l'efficacité de leurs entreprises et de l'attractivité de leurs produits. De plus, grâce à l'intégration industrielle verticale avec notamment les économies d'Europe centrale et aux investissements directs dans des pays tiers, comme la Chine et les États-Unis, les entreprises allemandes créent des emplois dans tous ces pays[8].

Cet argument allemand selon lequel l'excédent commercial du pays génère en échange un volume important de commerce intra-industriel de produits intermédiaires et d'emploi dans d'autres pays européens (République tchèque, Pologne, Pays-Bas, Hongrie et Slovaquie notamment), considère le marché intérieur européen comme s'il était organisé selon une logique centre-périphérie. Ce qui engendre un risque de malentendus, voire de conflits, entre les partenaires.

Il va sans dire que beaucoup dépend du savoir-faire et de la diplomatie des dirigeants du pays ou des pays qui composent le centre économique de l'Europe. L'arrogance peut affecter les bonnes relations entre les États. Les économies interdépendantes sont soumises à une forte relation de dépendance industrielle ayant perdu de ce fait l'autonomie de décision dans des secteurs déterminants de l'économie. C'est pourquoi la confiance entre Etats membres est essentielle. Dès lors, il faut insister sur le fait que les relations intracommunautaires soient plus symétriques et fondées sur le respect mutuel et la responsabilité conjointe.

L'expérience de la construction des gazoducs Nord Stream I et II, qui a provoqué de vives protestations en Pologne, nous apprend qu'il est important que l'Allemagne ne marche pas seule et consulte ses partenaires sur des décisions d'une si grande importance stratégique et ayant des répercussions directes sur leurs économies. La nouvelle stratégie industrielle du ministre allemand de l'Économie, Peter Altmaier, qui propose de renforcer le tissu industriel non seulement de l'Allemagne mais aussi de toute l'Union, devrait peut-être retenir cette suggestion au moins lorsqu'il s'agit de sa mise en œuvre[9]. Plus que jamais, l'Union européenne doit être unie. Le plan de relance européen adopté par le Conseil européen pour surmonter l'impact brutal de la pandémie est la contrepartie permettant au marché intérieur de survivre aux déséquilibres concurrentiels dus aux inégalités dans le volume des aides nationales octroyées aux entreprises.

Contrairement à l'impression que le citoyen européen a pu avoir durant les premiers mois de la pandémie, l'Union européenne, après les ajustements nécessaires de sa structure de production, dépend en grande partie d'elle-même et non d'autres acteurs mondiaux.

Certes, il faut tirer les leçons des erreurs qui ont été commises. L'Europe est fortement dépendante de la Chine en ce qui concerne les produits et équipements de santé délocalisés dans ce pays. Cette politique concernant des secteurs particulièrement sensibles et importants pour la société s'est révélée erronée vu l'absence d'une évaluation adéquate des risques et des coûts sociaux.

Il convient de rappeler que la Chine ne représente que 5,5% du commerce extérieur de l'Union. En fait, l'Union dépend relativement peu de ce pays (19% des importations hors UE, contre 12% des États-Unis et 10% du Royaume-Uni)[10]. Et cela malgré le déficit commercial important avec la Chine, qui a augmenté de 60% au cours de la dernière décennie, et qui affecte tous les États membres de l'Union à l'exception de l'Allemagne, qui a un excédent commercial avec la Chine. Voici une bonne raison pour défendre le marché intérieur qui nous rend plus forts dans le monde, à la condition de rester unis et d'agir de concert.

Transferts budgétaires : la vérité des chiffres

En analysant attentivement les données des soldes budgétaires nets, on découvre une réalité beaucoup plus nuancée et complexe que celle qui anime le narratif de certains médias qui influencent négativement l'opinion publique européenne.

Cette vision présente l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, la Finlande et l'Autriche comme des pays qui assument l'effort de solidarité avec les pays du Sud et de l'Est de l'Europe, oubliant que l'Irlande, pays de l'extrémité ouest de l'Europe, a été, depuis son entrée en 1973, l'un des grands bénéficiaires de l'adhésion à l'Union et pas seulement en raison des importants transferts budgétaires reçus.

L'Allemagne a été et reste, sans aucun doute, le principal contributeur en termes de soldes au budget de l'Union, mais son importante contribution à l'effort de solidarité intra-européenne ne permettrait pas à l'Union européenne de maintenir le niveau actuel de solidarité sans les contributions conséquentes d'autres États membres, dont la France et l'Italie, deuxième et troisième contributeurs nets en termes absolus. Ensemble, ces deux pays ont contribué, depuis l'élargissement de 2004-2007, avec un montant équivalent à celui de l'Allemagne. Même au cours de la période 2009-2012 et en 2016, la contribution nette combinée de la France et de l'Italie au budget européen a dépassé celle de l'Allemagne. En termes relatifs, le pourcentage de la contribution par rapport au revenu national brut (RNB) confirme l'importance du solde net français, qui, bien que généralement inférieur à celui de l'Allemagne, parvint à le dépasser en 2009 et 2016.

Le cas de la France est particulièrement significatif et met en évidence un fort engagement européen au-delà des avantages reçus du marché intérieur. Malgré un fort déficit des échanges intracommunautaires avec le reste de l'Union et le maintien de liens commerciaux intra-industriels solides avec les autres Etats membres dans les secteurs de l'automobile et de l'aviation, la France continue à contribuer de manière décisive au maintien du niveau de solidarité budgétaire de l'Union.

Le cas de l'Italie mérite aussi d'être mentionné. L'Italie était bénéficiaire net du budget de l'Union jusqu'à l'an 2000. Le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), créé en 1975 pour la mise à niveau du Mezzogiorno, a contribué à améliorer l'équilibre régional en Italie. Á partir de 2001, ce pays est devenu un contributeur net majeur au budget communautaire.

Sans compter le Royaume-Uni, la comparaison entre l'Italie (troisième Etat contributeur net en termes absolus) et les Pays-Bas (quatrième Etat contributeur net en termes absolus et deuxième contributeur net en termes relatifs définis en pourcentage du RNB) montre que, depuis 2008, la contribution nette italienne a progressé plus rapidement que celle des Pays Bas, au point que dans les années 2009, 2012, 2016 et 2017, elle a dépassé le solde net négatif des Pays-Bas. En outre, l'effet "port de Rotterdam" est susceptible de fausser à la hausse les chiffres des ressources propres apportées par ce pays.

La logique implicite du système budgétaire européen nous enseigne qu'une fois qu'un pays converge et atteint la moyenne communautaire, sa relation avec le budget change. C'est également le cas espagnol jusqu'en 2018 : au fur et à mesure que l'Espagne augmentait la convergence réelle avec la moyenne communautaire, les transferts nets positifs qu'elle recevait diminuaient en s'approchant au solde zéro, avant la pandémie.

Paradoxalement, l'expérience danoise s'éloigne de ce schéma. Pendant plus de deux décennies et jusqu'en 1997, le Danemark a été un bénéficiaire net du budget communautaire malgré le revenu par habitant le plus élevé de l'Union, notamment grâce aux avantages que l'industrie agricole et agroalimentaire danoise a retirés de la Politique Agricole Commune. Depuis lors, à l'exception de l'an 2000, le Danemark a été un contributeur modérément net au budget européen.

La contribution nette au budget de l'Union des autres pays scandinaves (Suède, Finlande) et de l'Autriche, qui ont adhéré en 1995, a été presque systématiquement comprise entre 0,2 et 0,52% de leur RNB pour la Suède, et entre 0,15 et 0,4% pour la Finlande et l'Autriche. Cependant, en termes absolus, le montant de la contribution nette de ces trois pays au budget de l'Union est relativement limité étant donné qu'en 2018 - dernières données disponibles à ce jour - le solde budgétaire négatif de l'Italie (5059,4 millions €) était plus élevé que la contribution nette combinée du Danemark, de la Suède, de l'Autriche et de la Finlande (4 650,2).

Ces chiffres soulignent la modicité, en termes absolus, de la contribution nette de ces pays au financement d'une politique de cohésion budgétaire ambitieuse menée après l'élargissement de 2004-2007. L'opération historique de réunification de l'Europe et de la mise à niveau des économies et des administrations des États d'Europe centrale et orientale a impliqué un effort budgétaire très considérable de la part de l'Union. Toutefois, la contribution conjointe des pays scandinaves et de l'Autriche n'aurait même pas permis de financer le montant du solde positif dont la seule Hongrie a bénéficié (5207,4 millions €) en 2018.

Sans la participation de l'Allemagne et du Royaume-Uni, mais aussi de la France et de l'Italie qui, depuis 2001, ont également contribué au financement des transferts budgétaires, la politique de cohésion de l'Union en faveur de l'Europe centrale et orientale n'aurait donc pas donné les résultats escomptés.

Sans aucun doute, l'esprit de solidarité européenne, bien présent au cours des seize dernières années (2004-2018) a rendu possible cet effort budgétaire considérable sans préjudice de la continuité de la politique de cohésion européenne envers l'Irlande et les pays du sud de l'Europe qui ont continué à bénéficier des transferts budgétaires de l'Union[11] . Les données publiées dans le rapport financier annuel de la Commission européenne pour la période susmentionnée montrent l'importance des transferts en faveur des États membres de l'Europe centrale et orientale.

Tous les indicateurs reflètent la dimension de l'effort de solidarité. Quelques chiffres suffisent pour comprendre son ampleur : au cours des quinze dernières années, la Pologne a reçu 116 954 millions € du budget de l'Union, ce qui représente un montant annuel compris entre 2 et 3% de son RNB. Dans le cas de la Hongrie, le montant relatif de l'aide est encore plus élevé : 44981 millions €, ce qui représente un stimulus moyen approximatif compris entre 3 et 5% de son RNB.

Il va sans dire que l'Union européenne a beaucoup travaillé au renforcement du tissu économique et industriel et des infrastructures des pays d'Europe centrale et orientale. Elle a contribué de manière décisive au fonctionnement efficace de ces États au profit de leurs citoyens. C'est la raison pour laquelle la comparaison de l'Union européenne avec l'ancienne URSS, qu'effectuent les actuels gouvernements polonais et hongrois, est un ingrat et triste paradoxe de l'histoire. Lors d'un récent meeting électoral, le Président polonais Duda a présenté l'Union comme "une communauté imaginaire" tandis que le Premier ministre polonais Morawiecki se félicitait publiquement du fait que le Conseil européen avait renoncé au lien entre le déboursement des fonds du plan relance et le respect de l'État de droit qu'il qualifie de "soi-disant État de droit". Ceci illustre à quel point un des pays jadis profondément engagés dans la défense de la démocratie et des libertés en tant que valeurs fondamentales, s'enlise désormais dans le nationalisme autoritaire et néglige la dimension morale du projet européen.

Il est regrettable que certains États membres avivent le feu des ressentiments historiques par le biais d'une démagogie nationaliste tout en profitant largement du marché intérieur et des transferts budgétaires généreux. En même temps, certains d'entre eux ne remplissent pas les engagements démocratiques essentiels concernant le respect de l'État de droit, notamment l'indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs et le pluralisme des médias. Ils mettent ainsi en danger non seulement les droits de leurs citoyens, mais également l'égalité des droits de tous les citoyens européens dans le cadre du marché intérieur.

La loyauté fiscale, un must pour la stabilité budgétaire

La crise financière importée des États-Unis et ses séquelles - crise budgétaire et de la dette - ont mis en question l'existence de l'euro en affectant en même temps la stabilité politique et sociale du projet européen.

L'ampleur des problèmes et les attentes de l'opinion publique, vivement secouée par la crise, se sont largement répercutées dans le travail des institutions. Le modèle de gestion des crises a radicalement changé. Les décisions intergouvernementales du Conseil européen ont eu, comme jamais auparavant, un impact direct, tangible sur la vie quotidienne de tous les citoyens européens partageant la monnaie unique.

Sauver un pays de la faillite impliquait l'adoption de mesures d'assainissement et d'ajustement budgétaire pour dégager un excédent primaire qui permettrait de payer les intérêts de la dette. Ces mesures, souvent draconiennes, ont eu de graves conséquences sur les salaires, les pensions de retraite, l'épargne en dépôts bancaires et les investissements financiers. Elles ont débouché sur des licenciements d'agents publics et la réduction des dépenses et des investissements publics dans le domaine de la santé et des services sociaux. D'autre part, ces mesures comportaient la prise en charge des risques sous forme de garanties pour le reste des pays de la zone euro.

Les contraintes imposées par la troïka (Commission européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne) ont été perçues par l'opinion publique de ces pays comme une imposition de la part de certains Etats membres prestataires. L'absence de débat démocratique et de contrôle de ces mesures au niveau européen a sans aucun doute contribué à cette perception. Le Parlement européen a été écarté de la procédure décisionnelle et la méthode communautaire a brillé par son absence.

La plupart des débats parlementaires ont eu lieu dans les parlements des pays prestataires où, à l'occasion, les hommes politiques donnaient libre cours à des commentaires humiliants à l'adresse des pays. L'impact de ce type de discours politique sur l'opinion publique a été profondément négatif, alimentant les comportements populistes, le rejet de la "technocratie européenne" et, de surcroît, la méfiance envers le projet européen.

Bien que la grande majorité des économistes soient d'accord sur la nécessité d'appliquer la discipline budgétaire, le choix des paramètres utilisés et de leurs niveaux porte à discussion. Les travaux empiriques semblent montrer qu'une dette publique supérieure à 90% du RNB réduit la croissance économique, même si au-delà de cette limite l'évidence empirique n'est pas concluante. Il est donc difficile d'expliquer l'anomalie que représente le Japon avec un ratio (dette publique/RNB) supérieur à 200%.

Pour de nombreux observateurs, insister sur la comptabilisation uniquement de la dette publique des pays et non de leur dette privée est surprenant. La zone euro peut-elle être stable avec une dette publique faible (moins de 60% du RNB) et une dette privée élevée ? Pourquoi certains pays du Sud sont-ils stigmatisés pour leur dette publique élevée tandis qu'on néglige consciemment des pays avec une forte dette privée ? C'est à juste titre que la Banque centrale européenne et l'Agence bancaire européenne ont relevé ce problème, insistant ces dernières années auprès du gouvernement néerlandais pour qu'il fasse le nécessaire afin de réduire la dette privée du pays.

Il est évident que la crise de 2008-2010 a inversé la tendance à la convergence économique entre les pays et les régions de l'Union. Certains économistes affirment, sans avoir tort, que les pays du Sud n'ont pas appliqué les réformes structurelles avec la même efficacité que les pays du Nord. Il est cependant difficile de maintenir la rigueur budgétaire et l'application à tous les pays du même modèle de réformes comme condition sine qua non de l'aide. Toutes les économies de la zone euro n'ont, en effet, pas le même degré de développement, la même solidité de leur structure productive et sociale, la même base technologique ni la même capacité institutionnelle pour appliquer les réformes. L'adaptation des indicateurs à la situation spécifique de chaque pays, assouplissant le "fétichisme" donné à certains ratios macroéconomiques, pourrait faciliter la mise en œuvre des réformes avec le soutien social nécessaire.

Les dévaluations internes que les pays du Sud, soumis à des programmes d'ajustement budgétaire rigoureux, ont dû appliquer, n'ont pas leur contrepartie dans des ajustements macroéconomiques des pays qui présentent systématiquement de forts excédents dans leurs échanges intracommunautaires.

Par ailleurs, les problèmes d'insuffisance de moyens budgétaires dans les pays soumis à la discipline budgétaire de la zone euro sont exacerbés lorsque nombre de leurs plus grandes entreprises décident de changer de juridiction fiscale afin de payer l'impôt sur leurs bénéfices dans d'autres pays, pourtant situés dans la zone euro, où des taux d'imposition sont beaucoup plus bas. Ce comportement constitue une véritable concurrence fiscale déloyale, provoque de fortes distorsions entre les États membres et diminue les ressources fiscales des pays touchés par ces pratiques, tout en sapant le respect et la confiance des citoyens.

Ce problème a déjà acquis une dimension internationale préoccupante comme le rappellent Johan Lanerock et Maarten Hietland dans un article paru dans la revue Foreign Affairs en novembre 2019, portant un titre sans équivoque : How the Netherlands Built One of the World's Worst Tax Havens.

Il y a déjà dix ans, l'administration Obama accusait les Pays-Bas d'être un paradis fiscal et de puiser des ressources fiscales auprès du Trésor américain via son système d'ingénierie fiscale (shell companies o Special Purpose Entities - les sociétés écrans ou entités à vocation spéciale) qui permet aux multinationales de pays tiers de se domicilier pro forma dans ce pays et éviter de payer, dans une large mesure, l'impôt sur les sociétés dans leur pays d'origine pour les avantages, dividendes ou redevances/royalties obtenus dans les pays tiers[12].

Grâce au grand nombre d'accords fiscaux signés avec des pays tiers pour éviter la double imposition, ce pays est devenu un pays attractif qui sert de levier de transit des fonds vers d'autres pays à la réputation fiscale douteuse. En fait, comme le soulignent les juristes Vleggert et Vording, le secteur néerlandais de la planification fiscale détient une part de 25% du marché mondial du détournement des investissements directs étrangers fondé sur la fiscalité, ce qui a motivé les mesures anti-évasion fiscale de l'OCDE[13]. Ils démontrent l'ampleur du problème de distorsion créé par la législation néerlandaise et ses effets sur d'autres pays[14]. L'accusation a également nui à l'image internationale de l'Union européenne.

Dix ans plus tard, le système est toujours en place et selon la dernière analyse du Tax Justice Network, une association d'experts fiscaux indépendants, les Pays-Bas prélèvent au moins 10 milliards $ d'impôts par an auprès d'autres partenaires de l'Union européenne. Ces estimations ne prennent en compte que les distorsions causées par le transfert des bénéfices des multinationales américaines vers ce pays (où les taux d'imposition effectifs aux entreprises peuvent même être inférieurs à 4,6%) et n'incluent pas les grandes entreprises des autres pays tiers et les partenaires européens eux-mêmes.

Le préjudice causé à la France serait de 2,7 milliards $ de recettes fiscales perdues du fait de la fuite vers les Pays-Bas des bénéfices des entreprises américaines. L'Allemagne et l'Italie perdraient environ 1,5 milliard $ chacun, tandis que pour l'Espagne, la perte serait de près d'un milliard $ en raison des distorsions fiscales créées par les lois et pratiques fiscales adoptées par les gouvernements de ce pays[15].

Les distorsions fiscales, qui existent également dans d'autres Etats membres de l'Union (Irlande, Luxembourg) et jusqu'à leur sortie de l'Union, dans les îles et enclaves territoriales sous souveraineté du Royaume-Uni, ont réduit les recettes fiscales des États membres soumis aux règles de discipline fiscale de l'euro.

Même la Cour de justice vient d'exprimer sa préoccupation face à l'opacité de ce type de lois fiscales et d'accords entre États et multinationales qui portent atteinte à la perception fiscale d'autres États[16].

Le choix d'enquêter sur ces pratiques fiscales comme s'il s'agissait d'aides d'État a montré ses limites avec la décision de la Cour de Justice sur l'amende infligée à Apple. S'il semble difficile de démontrer qu'il s'agit d'aides d'État portant atteinte à la concurrence, les institutions européennes devraient concentrer leurs efforts pour mettre un terme au désordre fiscal actuel. Elles devraient s'employer à garantir l'harmonisation de la législation fiscale sur l'impôt des sociétés, afin d'empêcher que certains États membres de l'Union profitent des distorsions fiscales et des modèles fiscaux qu'ils ont mis en place au détriment des citoyens des autres États européens.

La responsabilité budgétaire est une condition nécessaire pour maintenir la crédibilité de la zone euro, toutefois l'appropriation des recettes fiscales d'autres partenaires menace la notion d'équité et de justice entre citoyens et/ou entre États membres. Les droits des citoyens à la justice découlent non seulement des traités internationaux entre partenaires qui sont censés partager les mêmes valeurs, une communauté de droit et un espace économique et commercial commun, mais aussi des attentes morales que ces droits ont créées chez les citoyens de la communauté.

La loyauté fiscale entre les États membres devrait constituer une exigence élémentaire au sein de l'Union. Sans loyauté fiscale, non seulement la concurrence sur le marché intérieur, mais aussi le bon fonctionnement des règles du jeu équitables concernant la discipline budgétaire au sein de la zone euro, risquent de s'effondrer et, avec elle, la crédibilité européenne.

Il est regrettable que certains États membres profitent des lacunes des traités européens en matière fiscale. La loyauté fiscale est un must pour la stabilité budgétaire. Par ailleurs, l'exemplarité des États membres dans ce domaine est essentielle pour la dimension morale de l'Union.

***

Lorsqu'on analyse les données sur l'interdépendance commerciale et budgétaire entre les États membres de l'Union, on en déduit que le modèle d'intégration de l'Union a bénéficié dans une plus ou moins grande mesure à tous ses partenaires sur la base d'une application pragmatique du principe quid pro quo.

Cependant, comme le montrent les conflits au sein de l'Union au cours de la dernière décennie et le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, nous n'avons pas réussi à communiquer ces réalités à l'opinion publique. De surcroît, les citoyens européens ont souvent entendu le langage des "donneurs des leçons", faisant même allusion à la prétendue "suprématie morale" de certains États sur d'autres. La poursuite d'une telle politique serait sans aucun doute la voie la plus sûre pour la fragmentation de l'espace économique et monétaire, vers la désunion entre les États membres et, en fin de compte, vers la marginalisation internationale de l'Union.

En ces temps historiques que vit l'Union, la solidarité entre États est invoquée comme un principe fondamental inscrit dans les traités. Mais il est généralement davantage conçu comme un concept pragmatique que comme un principe moral. Cette approche est sans doute réductrice si l'on veut que l'Europe fonctionne comme une véritable communauté de valeurs, épaulée par une pleine adhésion de ses citoyens.

L'attractivité de l'Union et son influence dans le monde en tant qu'acteur mondial se jouent en son sein. Elles sont construites dans le respect des valeurs et des intérêts communs par tous les gouvernements nationaux et sur la base d'une application exemplaire de ses politiques.

L'Union doit de toute urgence renforcer la confiance à tous les niveaux : entre les États membres eux-mêmes, entre États et institutions européennes, et entre les citoyens et l'Europe en proposant des solutions communes efficaces avec une forte valeur ajoutée.

Les négociations sur le contenu et les modalités de financement du plan de relance de l'économie européenne (à travers l'émission de dette conjointe) viennent d'aboutir à un résultat historique afin de faire face à la forte récession qui affecte l'Union suite à la pandémie. Il y a lieu de s'en féliciter. Le calendrier exigeant l'approbation des normes législatives par les institutions européennes, ainsi que la ratification par les parlements nationaux de la décision modifiée relative aux ressources propres, marqueront la vitesse à laquelle les économies pourront sortir du profond marasme économique et social dans lequel la pandémie a placé les économies et sociétés européennes.

Le succès dépendra d'abord de l'efficacité avec laquelle les programmes innovants d'intérêt commun seront mis en œuvre par les États membres sous le contrôle de la Commission européenne. Il dépendra aussi de la manière dont les résultats des négociations seront expliqués et présentés aux opinions publiques de tous les États membres. Un effort accru de communication et de pédagogie de la part des institutions européennes s'avère nécessaire pour contrer les critiques populistes infondées. Celles-ci prennent déjà pour cibles les procédures politiques et administratives, qui impliquent des délais inévitables dans la mise en œuvre du plan.

En outre, l'adoption du plan de relance européen pour sauver l'économie des Etats membres risque de ne pas "sauver" certains d'entre eux de la poursuite de leur dérive nationaliste et autoritaire qui va à l'encontre des valeurs européennes, notamment l'indépendance judiciaire et la liberté des médias.

Le futur de l'Union dépendra de la fermeté mise dans la défense des valeurs et principes qui sont enracinés dans le projet européen. Il dépendra de notre capacité à faire vivre, à l'aide des programmes éducatifs innovants et d'une intégration culturelle beaucoup plus intense cette dimension morale[17] qui est déficitaire.


[1] Gianluca di Feo, Europa no responde , El País, 16 mars 2020.
[2] Coen Teulings : De staatschuld mag gerust oplopen, zoals Japan laat , 17 avril 2020
[3] Arrêt dans les affaires jointes C-715/17 Commission / Pologne, C-718/17 Commission / Hongrie et C-719/17 Commission / République tchèque. 2 avril 2020.
[4] Lorsqu'on leur a demandé s'ils étaient favorable à la proposition d'un fonds de relance de 500 milliards , 34% seulement le considèrent comme un objectif très positif; 30,5% seraient en faveur, mais seulement si vient sans conditionnalité, 6% l'accepteraient également mais seulement si la Commission européenne le gère et non les gouvernements et 27,2% des répondants ne seraient pas favorables, soit parce qu'il est considéré comme un piège et impliquerait l'intervention de la troïka en Italie (15,9%) ou relierait davantage l'Italie à l'UE, d'où, au contraire, il faudrait partir le plus tôt possible (11,3%).
[5] Jonne Lehtimäkiy David Sondermann:"Baldwin vs.Cecchini revisited: the growth impact of the European Single Market "., ECB Working Paper Series n° 2392, avril 2020.
[6] Eurostat : mars 2020
[7] AJohn Springford et Simon Tilford: "Why Germany's trade surplus is bad for the eurozone " .CER Bulletin 93. décembre 2013/janvier 2014 ; Ben S. Bernanke: "Germany's trade surplus is a problem ". Brookings, avril 2015.
[8] Selon une étude de Prognos de juin 2017 "Des emplois pour l'Europe ", l'Allemagne créerait 4,8 millions d'emplois chez ses partenaires européens, 1 million d'emplois en Chine et 850 000 aux États-Unis.
[9] National Industrial Strategy 2030: Strategic Guidelines for a German and European Industrial Policy .. Ministère allemand de l'économie, 2019
[10] Luke Patey: "Europe Can Afford to Fight With China " 28 avril 2020
[11] La Grèce a reçu 67.585 millions €, ce qui correspond à entre 2 et 3% de son PNB ; le Portugal lui a reçu 40.062 millions €, c'est-à-dire, entre 1,5 et 2% de son PNB et l'Espagne à quant à elle reçu 50.014 millions €, des financements qui diminuent progressivement, se situant aux alentours du 0 ;1 et 0,5% de son PNB.
[12] Arjan Lejour, Jan Möhlmann, Maarten van't Riet, Thijs Benschop: Dutch Shell Companies and International Tax Planning . juin 2019.
[13] Jan Vleggeert et Henk Vording: How The Netherlands Became a TaxHaven for Multinationals .19 janvier 2019 et "The Use of Offshore Tax Havens by Fortune 500 Companies "2017
[14] Comme le soulignent les auteurs de l'article "En 2017, les investissements étrangers directs aux Pays-Bas ont totalisé 5,2 trillions de dollars. Mais la grande majorité de cet argent n'a pas été investie du tout : seulement 836 milliards de dollars sont effectivement entrés dans l'économie néerlandaise. Les 4,3 trillions de dollars restants sont allés à des sociétés écrans ou à des filiales mises en place pour éviter de payer des impôts ailleurs". Les auteurs concluent en signalant que. "En fonctionnant comme un paradis fiscal, les Pays-Bas permettent aux entreprises de priver d'autres gouvernements des fonds dont ils ont besoin pour les services de base : infrastructures, soins de santé, éducation, etc. Cela fait mal aux gouvernements et aux gens ordinaires partout, mais l'effet est peut-être le plus pernicieux dans les pays en développement, où les besoins sont les plus désespérés et l'assiette fiscale est déjà réduite.
[15] Tax Justice Network reports juillet 2020.
[16] Arrêt dans les affaires T-778/16, Irlande/Commission et T-892/16, Apple Sales International et Apple Operations Europe/Commission. 15 juillet 2020
[17] "Le commencement de l'Europe c'était une vue politique, mais c'était plus encore une vue morale" (Jean Monnet, Mémoires)

Directeur de la publication : Pascale Joannin

L'importance de la dimension morale dans le projet européen

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