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Ramona Bloj,
Cindy Schweitzer
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ENRamona Bloj
Cindy Schweitzer
Dans ce contexte, nous rappelons la réorganisation du Collège des commissaires. Celle-ci a impliqué notamment la nomination d'un premier vice-président, Frans Timmermans, présenté en 2014 par Jean-Claude Juncker comme son "bras droit". En plus de la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la Commission comprend 6 vice-présidents, ce qui s'est traduit par une répartition des commissaires par équipes de projet et par la "supervision" par des vice-présidents qui avaient souvent été Premiers ministres dans leur pays (Jyrki Katainen, Valdis Dombrovskis, Andrus Ansip), ainsi que la Fondation Robert Schuman l'avait recommandé avant les élections de 2014. A partir du 1er novembre 2014, la communication a de plus été directement rattachée au Président de la Commission.
Politiquement, la Commission est responsable devant le Parlement européen : c'est lui qui approuve le collège des commissaires (article 17, paragraphe 7, TFUE) et qui les auditionne (article 230 du TFUE). De plus, selon les traités, le Parlement a le pouvoir d'émettre un vote de défiance à l'encontre de la Commission (article 17 TUE et article 234 TFUE). Si la procédure du Spitzenkandidat a renforcé les liens entre les deux institutions, la Commission Juncker a dû trouver une manière d'être plus "politique" dans ses relations avec le Conseil européen, et prendre ses distances avec la tendance visant à la qualifier de "secrétariat général bis".
Car, si officiellement le Conseil européen donne à l'Union des impulsions, des orientations politiques générales et établit ses priorités tout en étant juridiquement exclu de toute fonction législative (article 15, paragraphe 1, TUE), il a vu son poids augmenter suite à la gestion des multiples crises auxquelles les États membres ont été confrontés.
Selon les traités, la Commission peut formuler ses propositions de sa propre initiative indépendamment du Conseil européen. Elle s'est affranchie petit à petit du cadre de ses compétences strictes sous couvert des principes de subsidiarité en respectant toutefois le principe de proportionnalité. Ainsi, même si le nombre d'actes législatifs a diminué sous la dernière mandature, on assiste à une production qui prend différentes formes : communications, objectifs, décisions, consultations citoyennes. Il faut rappeler que la Commission est, à la fois l'organe exécutif de l'Union mais également une véritable administration qui peut s'appuyer sur 75% des effectifs européens de fonctionnaires à elle seule. Cette capacité, à relativiser par rapport aux effectifs nationaux de fonctionnaires[1], lui confère une "force de frappe" qui, à défaut de proposer de légiférer sur toutes les politiques publiques, lui permet d'intervenir à des degrés différents sur plusieurs thématiques, d'autant plus qu'elle n'est pas en charge de la mise en œuvre sur le terrain des décisions européennes, qui reste de la compétence des administrations nationales.
Sous la précédente mandature, la Commission avait su s'adapter et réagir à la crise bancaire et financière qui avait affecté les États membres. L'ère Juncker a connu d'autres crises et mutations internationales. La Commission a dû faire preuve de résilience tout en maintenant le cap des mesures définies en réponse aux 10 priorités arrêtées en début de mandat. Jean-Claude Juncker ne pouvait pas faire abstraction de la situation économique lors de sa prise de fonction. En 2014, le chômage concernait encore 10,4% des citoyens européens notamment 21,7% des jeunes. Le niveau des investissements était encore très en retrait par rapport à la situation d'avant-crise (-10% en 2008). Enfin, la dette publique représentait 88,3% du PIB total de l'Union.
Le bilan du mandat de la présidence Juncker reste positif : pendant les nombreuses crises et mutations géopolitiques qui se sont succédées depuis 2014, l'Europe a continué à avancer, à adopter des textes difficiles sur des sujets majeurs. On constate que les propositions de la Commission ont gagné au fil des années en ingéniosité en ce qui concerne la définition de la base juridique : on peut rappeler les propositions concernant les quotas de migrants, de création d'un "Ministre" européen de l'économie et des finances, ou bien l'habilité avec laquelle elle a su traiter les questions de défense, allant jusqu'aux limites de ses pouvoirs.
I - La Commission européenne face aux crises successives et aux mutations internationales
A - Crises intrinsèques
La crise démocratique
Le taux de participation honorable enregistré lors des dernières élections européennes (50.95%) ne doit pas faire oublier le manque de mobilisation constaté cinq ans auparavant. (42,6% en 2014). A cela se sont ajoutés les scores plus élevés réalisés par les partis eurosceptiques aux élections de 2014 et en 2019.
Dans ce contexte, la Commission n'a eu de cesse de renforcer l'implication des citoyens dans ses processus de décision[2]. La réforme de l'initiative citoyenne européenne a permis de rendre cet outil démocratique plus accessible, avec la mise en ligne d'une plateforme collaborative et d'un service gratuit de collecte de signatures. Depuis novembre 2014, 22 initiatives ont été enregistrées (1 retenue, 7 en cours, 10 rejetées, 4 retirées).
Ce dispositif reste controversé, compte tenu de la difficulté de la procédure. Il existe d'autres outils destinés aux citoyens européens tels que Futurium, le forum web de discussions autour des politiques européennes (la dernière sollicitation concerne l'intelligence artificielle) ou la plateforme du programme Refit, destinée à améliorer les formalités liées à un acte législatif. Enfin, de nombreuses consultations publiques sont régulièrement ouvertes en ligne.
La suite de la crise grecque : une affaire des États
Les stigmates de la crise financière et bancaire se sont peu à peu effacés depuis 2008. Même la Grèce connaît un excédent budgétaire primaire dès 2013[3]. Quelques mois avant l'échéance du deuxième plan de sauvetage arrêté en 2012, le peuple grec a élu en janvier 2015 le parti de gauche radicale Syriza à la tête du gouvernement. S'ensuivent alors des négociations extrêmement tendues entre le gouvernement grec et la Troïka, dont la Commission fait partie avec la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. A l'apogée de cette crise, lors du référendum de juillet 2015 concernant l'acceptation ou non du plan proposé, le risque de sortie de la Grèce de la zone euro est au plus haut. Jean-Claude Juncker, opposant à cette alternative, se mobilise avec l'appui de quelques États membres, quitte à outrepasser sa fonction. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) étant l'organe compétent en la matière, l'intervention de la Commission dans le déblocage des fonds de soutien à la Grèce est limitée, et il a fallu attendre 2018 pour voir la signature d'un protocole d'accord précisant les relations de travail entre les deux acteurs. La Commission intervient néanmoins en termes d'optimisation des fonds à destination de la Grèce en mobilisant 35 milliards € sur la période 2015-2020 et de soutien technique administratif via son service d'appui à la réforme structurelle.
La querelle sur le nom de la Macédoine
Beaucoup moins médiatisé, un autre désaccord avec la Grèce a concerné le nom de la Macédoine. Par l'accord de Prespa du 12 juin 2018, le Premier ministre grec Alexis Tsípras et son homologue macédonien Zoran Zaev acceptent que le pays s'appelle officiellement "République de Macédoine du Nord". Le 12 février 2019, après ratification par les deux parties, l'accord est entré en vigueur, débloquant ainsi l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN, ainsi que sa candidature à l'adhésion à l'Union européenne. Cet apaisement n'aurait probablement pas pu se concrétiser sans la stratégie menée par la Commission envers les Balkans occidentaux.
La crise migratoire : propositions européennes, blocages nationaux
Contrairement à la crise financière, la crise migratoire a pris toute son ampleur pendant la mandature. Trouvant son origine en grande partie dans la guerre civile syrienne déclenchée lors du printemps arabe de 2011, elle a vu les flux migratoires vers l'Europe culminer en 2015.
L'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède sont les destinations finales privilégiées des réfugiés, avec une pression migratoire directe sur les pays qui en permettent l'accès : l'Autriche, l'Italie, la Grèce et la Hongrie.
Outre le constat du déficit de politique extérieure de l'Union, cette situation souligne aussi les limites de l'espace Schengen, chaque État ayant la charge de la gestion de ses propres frontières extérieures européennes. La question qui se pose est alors celle de la gestion des demandes d'asile. Dans ce contexte, la Commission émet une première proposition d'accord pour soulager les pays auxquels le règlement de Dublin impose de gérer et garder les demandeurs. La Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque, habituées à coopérer dans le cadre du groupe de Višegrad, tiennent une position commune à cette occasion et refusent en bloc d'accueillir des demandeurs d'asile sur leur sol dans le cadre d'un système de répartition obligatoire.
Dans les faits, la Hongrie, pays de transit, qui subit une pression temporaire relative, n'accepte pas de jouer l'intégralité de la nouvelle partition proposée par la Commission. Ces pays ne sont toutefois pas les seuls à remettre en cause le règlement de Dublin III, qui fait peser la charge du traitement des demandes d'asile sur les États de première entrée. A l'inverse, l'Allemagne est plutôt exemplaire en la matière. Après cette première tentative avortée, Jean-Claude Juncker rappelle, lors de son discours annuel sur l'état de l'Union en septembre 2015, leur passé et leur héritage en matière de solidarité et en appelle à la responsabilité des États. Finalement, invoquant l'urgence et l'importance du phénomène, un accord temporaire et non obligatoire[4] est trouvé grâce au soutien des États membres de l'espace Schengen. Lors de cet épisode, et il est important de le souligner, la Commission a, comme l'Allemagne, donné un exemple de réactivité.
Ses réponses résident dans un accord avec la Turquie (4,2 milliards € d'aides versées), ainsi que dans sa politique de développement avec 1,5 milliard émanant du fonds fiduciaire régional à destination de projets bénéficiant à 2 millions de réfugiés syriens en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak (ces pays ont accueilli ensemble jusqu'à 4 millions de réfugiés au plus fort de la crise en 2015). Le fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique finance, lui, des projets ayant pour but de remédier aux causes de migration irrégulière à hauteur d'un budget de 4,2 milliards € et le plan d'investissements extérieurs publics et privés d'un montant total de 44 milliards € à actionner d'ici 2020 est destiné à l'Afrique et dans le voisinage de l'Union (énergies renouvelables, agriculture, numérisation, microentreprise, etc.).
On peut également citer l'existence du fonds pour la sécurité intérieure, volet "Frontières extérieures et visas" représentant un total de 2,76 milliards € sur la période 2014-2020. Il vise à garantir un niveau élevé de sécurité au sein de l'Union européenne sans pour autant restreindre la liberté de circulation. La réalisation de cet objectif passe par des contrôles stricts et uniformisés aux frontières extérieures de l'Union afin de lutter contre l'immigration clandestine ainsi que par un traitement efficace des visas "Schengen" garantissant une égalité de traitement aux ressortissants de pays tiers, dans le respect des libertés fondamentales.
Les problématiques de rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures n'ont pas été résolues (cf. terrorisme). De même, aucun régime d'asile commun n'a été négocié garantissant un cadre juridique commun couvrant l'intégralité de la procédure d'asile avec l'appui d'une agence dédiée existante, le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO). Quant au développement de Frontex, devenu l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, il en est encore à son balbutiement avec seulement 1600 gardes aux frontières extérieures de la Bulgarie, de la Grèce, de l'Espagne et de l'Italie.
Polémiques autour de la présidence de la Commission
Quelques jours après la prise de fonction de Jean-Claude Juncker, éclate le scandale fiscal des Luxleaks. Il est question des avantages historiques accordés sous couvert de rescrits fiscaux à de grandes multinationales implantées au Luxembourg. Ces pratiques certes légales, car conformes à la réglementation nationale, posent des questions éthiques et peuvent être à l'origine de distorsion de concurrence au sein de l'Union. L'affaire revêt également un caractère moral car les lanceurs d'alerte à l'origine de la transmission des preuves font l'objet de poursuites judiciaires.
La réaction de la Commission contient, d'une part, un paquet dit de transparence fiscale est proposé puis validé dès 2015. Les échanges automatiques de renseignements quant aux rescrits fiscaux accordés sont toutefois limités aux États entre eux, la Commission et le public n'y ayant pas accès. D'autre part, plusieurs versions de listes des paradis fiscaux hors de l'Union sont arrêtées. Il est important de rappeler que les compétences de l'Union sont limitées en matière de fiscalité au bon fonctionnement du marché intérieur et les dispositions prises font l'objet d'un vote à l'unanimité des États membres au Conseil. Plusieurs dossiers d'enquête de distorsion de concurrence ont été ouverts à l'encontre des multinationales implantées au Luxembourg et elles ont abouti à des amendes (Amazon, Fiat), ainsi qu'au Pays-Bas (Starbucks) et en Irlande (Apple).
L'autre controverse concerne les conditions de la nomination de Martin Selmayr, directeur de cabinet de Jean-Claude Juncker, au poste de secrétaire général adjoint, puis de secrétaire général de la Commission en mars 2018. Depuis, la médiatrice européenne s'est saisie du sujet et a constaté des irrégularités tandis que le Parlement européen a procédé à plusieurs reprises à des votes non contraignants appelant à sa démission.
Une première : le départ annoncé d'un État membre
Lors d'un référendum en juin 2016, le Royaume-Uni se prononce en faveur d'une sortie de l'Union (Brexit). Élément déclencheur d'un long processus à rebondissements, il s'agissait pour le gouvernement de David Cameron d'honorer une promesse de campagne et de tenter de ressouder les membres désunis du Parti conservateur ! L'intérêt du Royaume-Uni pour la concurrence et le libre-échange est historique. Sa défiance à l'encontre de la puissance législative européenne est de notoriété publique. L'obligation de solidarité européenne, au sein de la zone euro et en matière d'immigration, aura probablement fait basculer le peuple britannique, les Ecossais et les Irlandais ayant néanmoins voté majoritairement en faveur du maintien dans l'Union. Depuis, on ne cesse de suivre les épisodes du processus de la difficile sortie de l'Union du Royaume-Uni, annoncée à présent au 31 octobre 2019, mais une fois de plus sans certitude.
La question de l'État de droit et des valeurs européennes
Depuis cinq ans, la montée des populismes est flagrante dans plusieurs Etats membres. 2014 est l'année de la reconduction de Viktor Orban au poste de Premier ministre de Hongrie, sous la bannière du Fidesz. En 2015, Andrzej Duda, candidat du parti Droit et Justice (PiS) accède à la présidence de la Pologne avec le soutien de Jaroslaw Kaczynski. En Roumanie, la victoire en 2017 du Parti social-démocrate (PSD), sous la coupe de Liviu Dragnea, menace de fragiliser le système judiciaire roumain gangrené par la corruption. Fin 2017, le parti d'extrême droite Parti de la liberté (FPÖ) participe à un gouvernement de coalition en Autriche. La même année, on note l'arrivée au Bundestag allemand de 92 députés de l'AfD (Alternative für Deutschland) et la qualification au second tour de l'élection présidentielle française de Marine Le Pen (Front national devenu Rassemblement national). En 2018 est constitué un gouvernement italien atypique composé du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue.
Concrètement, l'État de droit est menacé en Pologne et en Hongrie. L'indépendance de la justice est en péril en Roumanie. La corruption est un fléau en Bulgarie. On se doit de souligner aussi l'assassinat de journalistes à Malte en 2017, en Bulgarie et en Slovaquie en 2018.
L'Union dispose de peu d'outils pour défendre l'État de droit. Il existe bien le recours à l'article 7 TUE, qui prévoit des sanctions allant jusqu'à la suspension du droit de vote de l'État incriminé, mais celle-ci doit être votée à l'unanimité au Conseil (excepté l'État concerné). Le projet de cadre financier pluriannuel (2021-2027) présenté en 2018 propose de lier l'obtention des fonds européens au respect de l'État de droit. Dans les faits, le Parlement européen a voté plusieurs résolutions contre la Hongrie en 2017 et en 2018, qui n'ont pas encore abouti au Conseil. Le gouvernement de Budapest peut en effet compter sur ses alliés du groupe de Višegrad et notamment la Pologne. Cette dernière a fait également l'objet d'un déclenchement de l'article 7 par la Commission en décembre 2017.
S'il est évident que les solutions restent à construire compte tenu de la portée limitée des outils existants, de par la nature même de la prise de décision au sein de l'Union, nous devons noter qu'en 2018, la Commission est arrivée à ses fins contre le gouvernement polonais en déposant un recours en référé devant la Cour de Justice de l'Union contre la loi réformant la justice. Les conclusions de l'avocat général de la Cour ayant été très favorables, le gouvernement polonais a retiré sa loi sans même attendre la décision finale. Il semblerait que la Commission ait l'intention d'agir de même, avec l'appui de la CJUE, sur les autres cas de violation flagrante des principes généraux du droit. Elle a trouvé la procédure la plus efficace pour garantir le respect des traités.
B- Mutations géopolitiques
La mise en cause du multilatéralisme : l'élection de Donald Trump
Parmi les plus marquantes mutations de ces cinq années, on peut citer sans conteste l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis fin 2016. Pour atteindre son objectif de "make America great again", sa ligne de conduite principale "America first" se résume à déstabiliser au maximum le multilatéralisme qui prévaut depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Lors de la réunion du G7 en juin 2018, il considère l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et l'Union européenne comme ses deux ennemis. Il menace plusieurs fois de quitter l'OTAN. L'Union apparaît aux yeux de Donald Trump comme "un système trop compliqué", qu'il qualifie d'"Europe allemande". Il déclare aussi que le Brexit est "une chose géniale". Son but est de parvenir à diviser les Européens au sein de leurs institutions et à favoriser les partis populistes et eurosceptiques. Après avoir augmenté les droits de douane sur l'acier et l'aluminium exportés par l'Union, et menacé de faire de même sur les automobiles européennes, un terrain d'entente est trouvé en juillet 2018 lors d'un déplacement de Jean-Claude Juncker aux États-Unis et d'une négociation qu'il a personnellement conduite avec le président américain. Ainsi est conclue la déclaration conjointe du 25 juillet 2018[5].
En parallèle, l'Union a rejeté la demande des États-Unis d'isoler économiquement l'Iran, et a actionné un règlement de 1996 dit loi de blocage concernant les entreprises européennes qui y sont présentes, pour contrer les sanctions américaines, induites par leur retrait du Plan d'action global conjoint (accord nucléaire iranien).
Toujours pendant l'été 2018, la Commission a dû faire face aux menaces de retrait des États-Unis de l'OMC. Considérant que celle-ci se préoccupe davantage de règlement des litiges que des négociations, Donald Trump continue de bloquer la nomination des juges à l'organe d'appel de l'organisation. Pour pallier ces difficultés, la Commission propose une réforme de l'OMC et un plan de lutte contre les subventions qui entraînent des distorsions de marché[6]. Elle vise notamment les pratiques de la Chine, tandis que les États-Unis se contentent de taxer les importations chinoises.
Plus globalement, les propositions européennes consistent à mettre à jour les règles régissant le commerce international, à renforcer le rôle de surveillant de l'OMC et à surmonter le blocage de son mécanisme de règlement des différends.
La montée en puissance de la Chine
Face à la montée rapide de la Chine sur la scène internationale, illustrée par son poids démographique, la Commission a avancé des propositions. En 2016, elle a su sortir du dilemme dans lequel l'Union était placée sur la question de savoir si l'acte d'adhésion de la Chine à l'OMC rendait automatique son passage au statut (privilégié) "d'économie de marché" au bout de 15 ans. Contrairement aux États-Unis qui ont refusé d'accorder ce statut à la Chine, l'Union a envisagé un changement de méthodologie, en appliquant directement des mesures anti-dumping et anti-subvention qui mettent fin à la différence entre les pays ayant un statut d'économie de marché et ceux qui ne l'ont pas.
De plus, sur la base d'une proposition de la Commission, un nouveau cadre concernant le filtrage des investissements étrangers au niveau européen est entré en vigueur en avril 2019, permettant de mieux veiller aux intérêts stratégiques de l'Union.
La Commission a également publié en mars 2019 une communication commune avec le Service européen pour l'action extérieure, dans laquelle la Chine n'est plus considérée comme "une économie en développement", mais comme un "rival systémique" et un "concurrent stratégique". Alors que le pays est le premier investisseur dans les énergies renouvelables, la Commission dénonce la construction de centrales au charbon dans de nombreux pays, qui a pour effet d'affaiblir la lutte contre le changement climatique. La Chine est aussi une puissance protectionniste, limitant l'accès des entreprises européennes à son marché "par l'ouverture sélective des marchés, l'octroi de licences et d'autres restrictions à l'investissement, ainsi que de fortes subventions aux entreprises publiques et privées".
Dans ce contexte, la Commission a demandé la conclusion, d'ici à la fin 2020, d'un accord bilatéral sur les investissements et la conclusion "rapide d'un accord sur les indications géographiques" et la "sécurité aérienne". Elle invite la Chine à adresser la question des subventions industrielles, à respecter ses engagements sur la réforme de l'OMC et à "plafonner ses émissions de CO2 avant 2030".
La Commission a refusé que l'Union soit associée en tant que telle à l'initiative de "Route de la soie", imaginée par la Chine pour promouvoir ses intérêts.
La lutte contre le terrorisme
L'Union n'est plus épargnée par la montée de la violence. Plusieurs attentats ont été perpétrés sur le sol européen de 2015 à 2017 en France, à Copenhague, à Bruxelles, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. Ces événements tragiques ont accru la détermination des 28 États membres à se mobiliser ensemble.
Les États membres peuvent bénéficier du fonds pour la sécurité intérieure appelé FSI-volet "Police" (coopération policière, prévention et répression de la criminalité, gestion des crises) soit un total de 1 milliard € sur la période 2014-2020, qui renforce leur capacité à faire face aux risques liés aux questions de sécurité pour prévenir et combattre la criminalité organisée, endiguer le gouvernement terrorisme.
Sur le modèle de la liste des paradis fiscaux, la Commission a établi une liste de 23 pays identifiés comme finançant le terrorisme, après une première mise à jour de 16 pays en 2018. Le Conseil l'a rejetée en arguant le manque de transparence lors de sa définition.
Un Centre européen chargé de la lutte contre le terrorisme (ECTC) est créé en janvier 2016 rattaché à Europol, agence pour laquelle la Commission n'a qu'un rôle d'observateur.
Enfin, en décembre 2018 sont entrées en vigueur des règles plus strictes concernant l'infraction de blanchiment de capitaux. Les sanctions sont désormais identiques au sein de l'Union et sont passibles d'une peine d'emprisonnement d'au moins 4 ans.
Par ailleurs, des propositions législatives de la Commission restent encore en négociation :
- Obtention facile et rapide des traces numériques des criminels et notamment des terroristes, pouvant servir de preuves aux autorités policières et judiciaires,
- Suppression automatique de contenus à caractère terroriste diffusés en ligne dans un délai maximum d'une heure.
Enfin, d'autres mesures sont en suspens telles que l'extension des compétences du futur Parquet européen aux infractions terroristes transfrontalières ou encore la sécurisation de l'espace Schengen. Les problématiques de rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures au sein de l'espace Schengen n'ont pas été résolues malgré les idées avancées par la Commission en mars 2016 (Revenir à l'esprit de Schengen) et en septembre 2017 (Préserver et renforcer Schengen). Il s'agit de trouver un équilibre entre la gestion des menaces sur la sécurité intérieure et des contrôles intérieurs qui ne doivent pas entraver la libre circulation en Europe.
On note, de plus, l'établissement du système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS, équivalent européen de l'ESTA américain) qui implique un contrôle systématique d'entrée sur le terrain Schengen. Il devrait être en place d'ici 2021.
L'urgence environnementale
En décembre 2015, la COP 21 a réuni la communauté internationale avec comme conclusion la signature par 195 États de l'Accord de Paris sur le climat qui a notamment pour objectif de contenir l'augmentation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C, voire 1,5°C. Il vise à renforcer la capacité des pays signataires à s'adapter aux effets néfastes du changement climatique et à rendre les flux financiers compatibles avec le développement durable. L'Union européenne a ratifié le 4 octobre 2016 l'Accord de Paris, qui est entré en vigueur un mois plus tard, confirmant une avancée dans l'action internationale en faveur du climat. A ce titre, l'Union s'est engagée à réduire de 80 à 95% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050[7].
En novembre 2018, la Commission a présenté sa stratégie de long terme, appelant à la neutralité carbone de l'Union d'ici à 2050.
Une stratégie globale sur les matières plastiques a également été adoptée. Après les mesures prises en 2015 pour remédier au problème des sacs plastiques, la Commission s'est centrée sur les dix produits à usage unique et les engins de pêche qui, collectivement, représentent 70 % des déchets marins en Europe.
Par ailleurs, la future politique agricole commune[8] serait axée sur neuf objectifs reflétant sa multifonctionnalité économique, socio-territoriale et surtout environnementale.
II - Avancées des politiques publiques européennes au regard des 10 priorités
La transition numérique
Pour la Commission Juncker, le numérique est une priorité européenne avec la proposition, en mai 2016 d'une stratégie pour le marché unique numérique. Objectif : rassembler 28 marchés nationaux fragmentés et tenter de faire face à la domination américaine. Celle-ci s'attaque à un vaste panel de sujets, allant du big data à la régulation des plateformes internet, en passant par le commerce en ligne et l'harmonisation des droits d'auteur.
La baisse progressive puis la disparition des frais d'itinérance en 2017 contribuent à cette stratégie. Plus récemment, les frais d'appel à l'étranger ont baissé jusqu'à être divisés par 10. Le numérique est aussi un domaine soutenu par les fonds européens (cf. Plan Juncker).
Pour permettre à l'Europe de rester compétitive face à la Chine et aux États-Unis dans le domaine de l'intelligence artificielle, la Commission européenne a présenté fin 2018 un plan de 20 milliards € d'investissements privés et publics reposant sur la collaboration entre les États membres. Ce plan doit répondre à 4 objectifs :
- Stimuler un accroissement des investissements publics et privés,
- Favoriser une disponibilité plus importante de données indispensables au développement,
- Cultiver les talents en formant des experts européens, en les retenant, et en attirant des spécialistes venus de l'étranger,
- Développer les garanties de confiance.
Le plan d'investissement couplé au pacte de croissance et de stabilité
Le plan d'investissement pour l'Europe a été lancé dès 2014. Le fonds européen pour les investissements stratégiques, qui en fait partie, avait pour objectif de supprimer les obstacles à l'investissement, d'apporter une assistance technique et de mobiliser l'investissement privé adossé à une mise initiale de 21 milliards € de crédits publics, qui permet d'emprunter le double sur les marchés obligataires.
Ce montant se décompose en un fonds de garantie de 16 milliards € financés par le budget de l'Union européenne et d'une contribution de 5 milliards € de la Banque européenne d'investissements (BEI). Par effet de levier et de mobilisation de fonds privés, ce dispositif a permis, selon la Commission, d'investir 393 milliards € à l'attention de 945 000 PME dans différents domaines ainsi que pour des grands projets d'envergure tels que les infrastructures, la recherche, les énergies renouvelables, l'environnement (7,2 millions de ménages ayant accès aux énergies renouvelables), les projets numériques (15 millions de ménages équipés d'internet à haut débit) et sociaux.
Ce plan cible des projets d'avenir qui n'auraient pas pu obtenir un financement de la BEI. Il ne prévoit pas de quotas géographiques ou thématiques. Les États membres ne sont donc pas bénéficiaires du plan de manière homogène, même si les autorités européennes cherchent à le déployer sur l'ensemble du territoire européen. Il complète mais ne remplace pas les instruments traditionnels de la politique européenne de cohésion, en particulier les fonds structurels et d'investissement (FEDER, FSE, FC, FEADER, FEAMP).
Les "six et two packs", entrés en vigueur en 2011 puis 2013, constituent un ensemble composé de 7 règlements et d'une directive. L'objectif du six-pack est de réformer le pacte de stabilité et de croissance (PSC) et d'approfondir la surveillance budgétaire des États membres grâce à la procédure du semestre européen en donnant à la Commission européenne la possibilité de demander des corrections aux projets de budgets nationaux et d'infliger des sanctions. Le two-pack le complète en renforçant la transparence et la coordination des décisions budgétaires nationales, tout en prenant mieux en compte les besoins spécifiques des 19 États de la zone euro. La Commission a été au-delà de ce dispositif en proposant un mode opératoire garantissant un bon équilibre entre ces deux axes : des pratiques budgétaires saines induisant des réformes pour certains États et le soutien de la croissance via une politique d'investissements (cf. plan Juncker).
Les performances économiques de l'Union conduisent la Commission à penser que ce mode opératoire a eu un impact positif entre 2014 et 2018 :
- Diminution de la dette publique de 6,8 points ;
- Baisse du déficit de 2,4 points à hauteur de 0,6% ;
- Hausse du PIB de 0,8 point ;
- Création de 1,5 million d'emplois.
Reconfiguration des accords de libre-échange
L'accord économique et commercial global (AECG ou CETA), conclu avec le Canada en 2016, est entré en vigueur le 21 septembre 2017. Il supprime plus de 99% des droits de douane entre l'Union européenne et le Canada ainsi que les restrictions en matière d'accès aux marchés publics. Il harmonise les règles applicables en matière de propriété intellectuelle et prévoit la mise en place d'un tribunal de règlement des différends pour la protection des investissements. Seule la partie du CETA qui dépend de la compétence exclusive de l'Union (soit 90% de l'accord) est entrée en vigueur. L'application totale de l'accord ne sera possible qu'après sa ratification - en cours - par les 43 parlements nationaux et régionaux des 28 États membres.
Un accord de partenariat économique (APE) a également été conclu avec le Japon[9], il est entré en vigueur le 1er février 2019. Il s'applique de manière provisoire en attendant la ratification des États membres. La zone d'échange créée par cet accord compte plus de 630 millions d'habitants et représente près d'un tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial. Il permet la suppression des droits de douanes sur près de 90% des produits exportés au Japon par l'Union (58 milliards € de marchandises et 28 milliards € de services annuels estimés par la Commission).
De plus, la Commission et le Japon ont mutuellement reconnu leurs règles concernant le traitement des données personnelles, et créé le plus grand espace de libre circulation des données personnelles au monde (cf. RGPD). Pour la première fois dans le cadre d'un accord commercial de ce type, des références à l'Accord de Paris sur le climat sont intégrées. Des négociations sur un accord de partenariat stratégique ont été menées en parallèle. Il consolide les rapports entre l'Union européenne et le Japon en matière de politique étrangère et de promotion des valeurs telles que les droits de l'Homme, la démocratie, le multilatéralisme et l'État de droit.
Nous rappelons également la conclusion d'un accord de libre-échange avec Singapour, qui ouvre l'accès à une grande partie des marchés de l'ASEAN. D'autres accords sont en cours de négociation.
Mesures en vue des prochains accords
La négociation de ces accords, notamment le CETA, a suscité toutefois de nombreuses controverses. Le manque supposé de transparence des négociations a été relevé par la société civile en dépit des nombreuses études d'impact économiques, sociales et environnementales publiées et des consultations publiques effectuées ; de plus, les parlements des États membres considèrent être intégrés trop tardivement dans le processus.
Se pose aussi la question des compétences de l'Union en matière de négociation des accords commerciaux. Même si elle dispose d'une compétence exclusive dans ce domaine, les nouveaux accords comprennent des volets qui relèvent en partie de la compétence des États membres. Sur saisie de la Commission, la Cour de Justice de l'Union[10] s'est prononcée sur l'accord de libre-échange avec Singapour, qui ne pouvait être conclu que conjointement par l'Union et ses États membres, compte tenu des clauses liées aux investissements étrangers non directs et au règlement des différends.
Pour y remédier, la Commission propose de scinder les accords commerciaux en deux. D'un côté, il y aura les dispositions purement commerciales, qui ne nécessiteront que l'approbation de l'Union pour entrer en vigueur : règles anti-dumping, droits de douane, barrières non tarifaires, etc. De l'autre côté, un accord d'investissement devra être ratifié par tous les parlements car ces dispositions sont de compétence nationale. Cela peut concerner les garanties données en cas de modification législative afin que les investissements réalisés par les pays étrangers ne soient pas remis en cause, les limites des investissements afin de protéger certains secteurs ou encore la juridiction compétente en cas de litige. Il faudra s'attendre à plus de rigidité des partenaires sur l'aspect commercial des accords du fait qu'une partie des accords risque de ne pas être ratifiée nationalement, ce qui peut affaiblir la position de l'Union dans ses négociations commerciales.
Réciprocité dans l'ouverture des marchés publics
En complément des accords négociés ou en cours de négociation, la Commission a proposé en janvier 2016 un nouvel outil en réponse au protectionnisme de nombreux pays hors Union, qui ne permettent pas, de manière unilatérale, aux entreprises européennes d'accéder à leurs marchés publics. En dernier recours, les entreprises de ces pays protectionnistes pourraient à leur tour être désavantagées lors des appels d'offres publiés au sein des États membres. Cette proposition reste toutefois à adopter.
Une innovation, le tribunal multilatéral des investissements
En mars 2018, pour répondre aux préoccupations des ONG, le Conseil a adopté les lignes directrices autorisant la Commission à négocier, au nom de l'Union, une convention instituant un tribunal multilatéral chargé du règlement des différends en matière d'investissements. Ce tribunal remplacerait à terme les systèmes juridictionnels bilatéraux sur la base des principes suivants :
- le tribunal devrait être une institution internationale permanente ;
- les juges devraient avoir un mandat fixe, être dûment qualifiés et percevoir une rémunération permanente. Leur impartialité et leur indépendance devraient être garanties ;
- les procédures engagées devant le tribunal devraient être conduites de manière transparente ;
- il devrait être possible de faire appel d'une décision rendue par le tribunal ;
- l'exécution effective des décisions du tribunal devrait être un élément fondamental ;
- le tribunal devrait statuer sur des différends survenant dans le cadre de traités d'investissement futurs et existants que les pays décideront de soumettre à son autorité.
Sur la base de ce mandat, la Commission entamera des négociations avec ses partenaires commerciaux dans le cadre de la commission des Nations unies pour le droit commercial international.
III - La montée en puissance d'un concept : l'Europe qui protège
Initialement évoqué par Jean-Claude Juncker dans son discours sur l'état de l'Union en 2016, le concept d'"Europe qui protège" semble avoir suivi son chemin et est utilisé de plus en plus communément.
L'Europe protège déjà de différentes manières ses citoyens, ses consommateurs, ses agriculteurs, ses entreprises, les données, les libertés individuelles, l'État de droit, les frontières et la paix en son sein. Elle protège à la fois des risques en matière d'alimentation, de santé, de sécurité, d'environnement, des aléas économiques et agricoles, du dumping social et fiscal, des travers de la mondialisation. Il lui reste à mieux les faire savoir et à développer des nouvelles politiques attendues.
Des avancées importantes en matière de défense européenne
En matière de défense, la Commission est allée aussi loin que le lui permettent les traités[11]. Elle a répondu à un besoin, ayant un rôle central dans les avancements récents (la création en 2017 d'une Capacité de planification et de conduite des opérations militaires non-exécutives au sein du SEAE, la mise en place en décembre 2017 de la Coopération structurée permanente (CSP), réunissant 25 États membres). En effet, en conformité avec le désir de son président de rendre l'exécutif européen "plus politique", la Commission a présenté en novembre 2016 son Plan d'action européen de défense et propose la création d'un fonds européen de défense afin de "soutenir les investissements dans la recherche et le développement conjoints d'équipements[12] et de technologies de défense", "la promotion des investissements dans les PME, les start-up, les entreprises de taille intermédiaire et les autres fournisseurs de l'industrie de la défense" et le "renforcement du marché unique de la défense".
En 2017 est lancé le Fonds européen de Défense, avec deux volets, "recherche" et "capacités", doté de 500 millions et de 1 milliard € annuels respectivement, pour la période 2020-2027. De plus, dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, 13 milliards € devraient être consacrés à la politique industrielle de défense.
Toutes ces avancées sont en droite ligne de la vision présentée en 2014 par Jean-Claude Juncker : "Même les plus grandes puissances pacifiques ne peuvent faire l'impasse sur des capacités de défense intégrées." Il reste à préciser les compétences que la Commission voudrait s'approprier dans la gestion du Fonds européen de défense. Pour la première fois, et contrairement à ce que disent les traités, le budget de l'Union va pouvoir faire abonder les efforts de défense des États membres !
Les mécanismes de protection civile
Pour faire face notamment aux catastrophes naturelles, le mécanisme de protection civile de l'Union peut être engagé. À ce jour, 34 pays y contribuent. En 2017 et 2018, il a été activé 52 fois. Une nouvelle réserve de capacité appelée RescEu (comprenant des hélicoptères et des bombardiers d'eau) a vu le jour en mai 2019. Une phase de transition permet aussi de faire bénéficier les États adhérents d'aides financières dès lors qu'ils mettent à disposition leurs moyens matériels. Elle doit permettre de faire face à tous types d'urgences : médicales, chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires.
La protection des données personnelles et la cybersécurité
Le règlement général de protection des données personnelles (RGPD), entré en vigueur en mai 2018, est une véritable innovation. Il remplace 28 procédures nationales différentes, avec un gain d'optimisation escompté de 2,3 milliards par an à l'échelle de l'Union. Il traite à la fois le droit d'accès, de rectification, de portabilité et la question de l'oubli numérique, afin que les données personnelles ne soient pas l'objet de transactions commerciales à l'insu de leurs "propriétaires". Ce règlement est une source d'inspiration pour les pays hors Union (Argentine, Canada, Inde, Israël, Mexique, Nouvelle-Zélande et Uruguay). On peut par ailleurs citer une plainte déposée dès fin mai 2018 auprès de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés française (CNIL) contre Google, qui a abouti à une amende record de 50 millions €, pour manque de transparence, d'information insatisfaisante et absence de consentement valable pour personnalisation de publicité. Ces manquements qui perduraient encore début 2019 justifient l'importance de la sanction.
Il reste néanmoins à revoir les règles de respect de la vie privée en ligne : les communications des citoyens peuvent être lues par les fournisseurs de service en ligne et partagées sans consentement dès lors qu'elles sortent du cadre du RGPD.
Nous nous devons de mentionner la proposition de directive sur le droit d'auteur d'ores et déjà adoptée en mars 2019[13].
D'ailleurs, pour soutenir les États membres dans la lutte contre les menaces et les attaques en matière de cybersécurité et établir un cadre européen de certification, qui renforce la cybersécurité des services en ligne et des dispositifs grand public, la Commission a proposé en 2017 un acte législatif, adopté par le Parlement en mars 2019.
IV - La Commission européenne : perspectives et défis
A - Perspectives d'ajustements
Futurs contours de la Commission
Pour rappel, le président de la Commission européenne et le Collège des commissaires sont désignés par le Conseil européen et leur nomination approuvée par un vote majoritaire du Parlement "en tenant compte des résultats des élections européennes". Dès 2018, les partis politiques européens ont à nouveau, pour la plupart, désigné leur Spitzenkandidat. Le PPE a encore remporté le plus grand nombre de sièges en mai dernier. Mais, cette fois, une coalition avec le seul PSE, second parti européen, ne suffira pas à avoir la majorité au sein du Parlement : au moins trois groupes devront faire alliance[14].
Dérives de la comitologie
Les actes législatifs peuvent être complétés par des actes "secondaires", qui relèvent de procédures appelées "comitologie". On distingue :
- Les actes délégués : les pouvoirs de la Commission découlent d'une autorisation explicitement mentionnée dans les textes législatifs adoptés par le Parlement et le Conseil, qui peuvent révoquer la proposition de la Commission ou simplement bloquer l'acte à produire ;
- Les actes d'exécution utilisés en cas de nécessité d'application uniforme d'un texte législatif dans l'Union, qui ne peut être laissée à l'appréciation de chaque État membre, en application du principe de subsidiarité. Dans ce dernier cas, la Commission doit rechercher l'avis conforme d'un comité d'experts nationaux (généralement selon la majorité qualifiée).
La portée de certains actes délégués et d'exécution proposés par la Commission est mise en question, notamment parce qu'ils outrepassent son "mandat" ou ses compétences. Ainsi, des éléments substantiels de l'acte initial peuvent se trouver affectés par cette phase de comitologie. En l'absence de majorité dégagée au sein du comité, la Commission peut prendre seule la décision. Selon certaines ONG, elle trancherait souvent au détriment du principe de précaution, dès lors que les avis des comités scientifiques estiment que le danger n'est pas avéré. Ces détracteurs de la comitologie estiment que les intérêts de l'industrie auraient bénéficié de ces décisions au détriment de ceux des consommateurs notamment en matière de protection de la santé. La Commission a donc proposé en février 2019 :
- De rendre publics les votes ;
- De pouvoir saisir, en cas de blocage, le Conseil ;
- De ne plus comptabiliser les abstentions ou les absences dans le calcul de la majorité qualifiée. Jusqu'à présent, elles étaient en effet considérées comme un vote contre. Ce serait désormais l'inverse.
Cette proposition de réforme reste toutefois à adopter.
Un nouveau Parquet européen pour pallier les limites de l'Office européen de lutte anti-fraude
Dans un rapport spécial publié en janvier 2019, la Cour des comptes européenne évalue l'efficacité de la politique antifraude de l'Union. En 2017, le montant des fraudes détectées ne s'élevait qu'à 390,7 millions €, soit 0,29% de l'ensemble des paiements effectués sur le budget européen.
La Cour des comptes considère que la Commission "ne dispose pas d'informations exhaustives sur l'ampleur, la nature et les causes des fraudes". Ses statistiques sur les fraudes détectées sont incomplètes et les fraudes non détectées ne sont pas estimées. Ce déficit d'informations nuirait à la stratégie antifraude de la Commission, ainsi qu'à la prévention de la corruption.
L'efficacité de l'OLAF, responsable des enquêtes administratives qui conduisent souvent à des enquêtes pénales au niveau national, est par ailleurs mise en cause :
- La durée des procédures réduit les chances de poursuites (seules 45% des affaires débouchent sur des poursuites) ;
- Les rapports finaux de l'OLAF manquent parfois d'informations, ce qui empêche le recouvrement des fonds européens indûment versés (moins d'un tiers d'entre eux ont été recouvrés).
En novembre 2017, l'Union européenne a adopté un règlement visant à créer un Parquet européen chargé de lutter contre la grande criminalité transfrontière portant atteinte au budget de l'Union. La compétence du Parquet sera limitée aux infractions relevant de ce champ d'application et il ne sera opérationnel que dans les 22 États membres[15] qui ont décidé à ce jour d'y participer. Il devrait commencer ses activités au plus tard début 2021. Cela permettra d'augmenter le nombre de poursuites et de récupérer plus efficacement les fonds obtenus de manière frauduleuse, estimés à plusieurs milliards en contournant les règles nationales et européennes[16].
Compétent pour les enquêtes pénales, il exercera ses fonctions en toute indépendance, dans l'intérêt de l'Union, et ne sollicitera ni n'acceptera d'instructions d'autorités européennes ou nationales. Il fonctionnera comme un parquet unique pour tous les États membres participants, en dehors du cadre des institutions existantes. Le Parlement européen a déjà souhaité que ses compétences soient étendues aux infractions terroristes transfrontalières.
En parallèle, l'OLAF continuera de mener des enquêtes administratives sur les irrégularités et les fraudes portant préjudice aux intérêts financiers de l'Union dans tous les États membres. Dans ce contexte, il consultera le Parquet européen et travaillera en étroite coordination avec lui. Cette répartition des compétences permettra d'assurer la protection le plus large possible du budget de l'Union.
B - Chantiers prioritaires
Le budget : Cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027
Le départ du Royaume-Uni induira de facto une perte de contribution estimée entre 12 et 14 milliards € par an. Seule consolation : ce départ sonne l'arrêt des rabais accordés à ce pays ainsi que ceux accordés aux États membres en compensation (rabais des rabais). La Commission annonce, à périmètre équivalent de 27 États membres, un plafond d'engagements à 1 279,4 milliards € (prix courants) ou 1 134,6 milliards € (prix constants de 2018). Celui-ci représente 1,11% du revenu national brut (RNB) de l'Union pour 2021-2027, soit un taux légèrement inférieur à 1,13% de 2014-2020 alors même, que serait inclus le Fonds européen de développement.
Par le biais de résolutions, le Parlement européen s'est manifesté sur ce niveau d'engagements manquant d'ambition, que les députés souhaiteraient à hauteur de 1,3% du RNB. Ce taux est jugé non crédible par le Conseil européen compte tenu des exigences des États membres. En effet, les contributions sont jugées trop élevées par certains d'entre eux (Autriche, Pays-Bas, Danemark) et, à l'inverse, insuffisantes par les autres.
Afin de pouvoir maintenir ce niveau, des nouvelles ressources à hauteur de 22 milliards € (soit 12% des recettes) sont évoquées en complément des contributions nationales : des droits de douane collectés dans l'Union (revus à la hausse grâce à la réduction des frais de perception) ainsi que de la TVA. Il s'agit de l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS- cf. harmonisation fiscale) ainsi que d'une taxe sur les plastiques non recyclés, qui devront toutefois faire l'objet d'un vote législatif préalable. Enfin, il est proposé de réaffecter 20% des recettes nationales du régime d'échange des droits d'émission des gaz à effet de serre. La Commission propose d'axer l'intervention financière de l'Union en termes de valeur ajoutée, notamment dans les domaines où un État membre n'a pas d'impact suffisant s'il agit seul. Ainsi l'accent est mis sur :
- La gestion des migrations et le contrôle aux frontières (multiplié par 2,6 par rapport à la période 2014-2020) qui se traduit notamment par une hausse du nombre de gardes aux frontières de 1 200 à 10 000 ;
- La défense et la sécurité (multiplié par 1,8) ;
- La politique extérieure (multiplié par 1,3) ;
- L'environnement (multiplié par 1,7 de manière directe et multiplié par 1,6 de manière indirecte en intégrant les questions climatiques), de sorte à ce que 1€ dépensé sur 4 sera consacré aux actions en faveur du climat ;
- La recherche, l'innovation & l'économie numérique (multiplié par 1,6) ;
- La jeunesse (multiplié par 2,2).
Dans une recherche d'efficacité globale, les politiques traditionnelles, telles que la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion, qui correspondent toujours à la majorité des dépenses de l'Union, seraient modernisées, tout en voyant leurs montants alloués réduits respectivement de 5% et de 6 à 7%. La restructuration en sept nouvelles rubriques, ainsi que les difficultés de lisibilité des montants selon qu'ils soient en prix constants ou courants, ne permettent pas de mesurer aisément les évolutions de plafonds d'une même politique entre le futur CFP et celui en vigueur. Cela a conduit dès 2018 à des réactions du Parlement qui conteste les variations, qu'il estime à -15% pour la PAC et -10% pour la politique de cohésion, niveau de baisse relayé par le Comité des régions. Quant à Erasmus, la première propose un doublement des engagements que l'autre dénonce au profit d'un triplement. A ces cadrages financiers, s'ajoute une mesure phare, qui réside dans la protection de l'État de droit via un mécanisme de suspension des fonds. Compte tenu de la situation politique actuelle notamment de la Pologne et de la Hongrie au regard de l'indépendance de la justice et de la liberté de la presse, on peut s'interroger sur la probabilité d'adoption à l'unanimité d'un CFP qui promeut une telle mesure.
Est prévue également la mise en place d'instruments de flexibilité pour pouvoir :
- Faire face aux urgences avec la "nouvelle réserve de l'Union" ;
- Soutenir la convergence économique et sociale ;
- Stabiliser les investissements ;
- Peser sur la scène internationale.
Un effort est fait en direction des citoyens et usagers européens :
- En simplifiant les formalités de subventions pour les bénéficiaires ;
- En diminuant le nombre de programmes de 58 à 37, ainsi que leur nombre d'indicateurs de suivi.
Les différentes propositions sont formulées dans le nouveau règlement fixant le CFP. Le Parlement européen pourra approuver ou rejeter ces propositions sans pour autant pouvoir les amender. A son tour, le Conseil adoptera à l'unanimité ou non ce règlement. Le Conseil européen n'intervient lui que via les orientations, qu'il exprime à l'attention du Conseil dans le cadre des négociations avec le Parlement.
Jean-Claude Juncker, avait émis le souhait d'une adoption avant l'échéance des élections européennes de mai dernier. Avec le renouvellement des institutions à venir, la remise en question des propositions du CFP 2021-2027 est à envisager. L'ultime proposition d'aligner à terme la durée du CFP avec le cycle politique quinquennal du Parlement et de la Commission serait-t-elle une solution pour éviter ce type de situation ? Elle n'est hélas toujours pas d'actualité.
Harmonisation fiscale et sociale
De nombreuses propositions de modernisation fiscale de la Commission sortante sont toujours en négociation. Concernant l'impôt sur les sociétés, une assiette commune consolidée[17] (ACCIS,) permettrait une optimisation financière pour les entreprises, une concurrence plus équitable, une moindre évasion fiscale. En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la création d'un espace unique de taxation dans l'Union permettrait une baisse de la fraude et de facto une hausse des recettes publiques. Quant aux services numériques, une taxe dite "GAFA" imposerait les bénéfices en fonction de leur lieu de réalisation "numérique" et non plus sur la base d'une implantation géographique des sociétés pourvoyeuses.
Par ailleurs, les règles en matière de travail détaché ont été harmonisées : pour un travail identique, sur un même lieu, un travailleur détaché d'un autre État membre bénéficie du même salaire que les travailleurs locaux. L'Autorité européenne de travail a été créée pour vérifier l'application de ces règles harmonisées de mobilité. Son but est de favoriser la coopération transfrontalière en matière de droit de l'Union avec des inspections communes et l'accès des parties prenantes à leurs droits, obligations et services associés en la matière. Néanmoins l'interaction des dispositifs de sécurité sociale au sein de l'Union reste complexe au détriment des habitants ou travailleurs établis dans un autre État membre (17 millions d'Européens en 2017) tant que la proposition présentée par la Commission fin 2016 n'aboutira pas.
La politique de concurrence
La politique de la Concurrence fait partie des compétences exclusives de l'Union européenne et elle repose notamment sur deux piliers : la protection des consommateurs et son application par la Commission d'une manière impartiale et indépendante[18]. Depuis quelques mois, suite au rejet de la fusion Alstom-Siemens, elle fait l'objet d'un vif débat dans les États membres, certains lui reprochant de nuire à l'émergence des entreprises de grande taille, qui pourraient rivaliser avec les acteurs chinois et américains. On remarque surtout les mesures prises pour la règlementation des géants du numérique : en 2017, 2018 et 2019, Google a fait l'objet d'une amende de 2,42 milliards, de 4,34 milliards et de 1,49 milliard € respectivement pour avoir abusé de sa position dominante. La Commission a également infligé une amende de 110 millions € à Facebook pour avoir fourni des informations trompeuses lors du rachat de WhatsApp, et une amende de 13 milliards € à Apple pour ses accords fiscaux avec l'Irlande. Quant au géant russe Gazprom, pour résoudre les préoccupations en matière de concurrence en Europe centrale et orientale, la Commission a adopté en mai 2018 une série de règles juridiquement contraignantes[19].
Si la concurrence reste un chantier pour la prochaine mandature, après l'affaire Alstom-Siemens, la France et l'Allemagne ont fait des propositions pour réformer le droit de la concurrence afin de mieux protéger les champions européens.
L'approfondissement de l'Union économique et monétaire
Les progrès réalisés pour approfondir l'Union économique et monétaire européenne sont modestes[20], malgré les nombreuses propositions avancées par la Commission Juncker (à titre d'exemple : la proposition de créer un poste de ministre européen de l'économie et des finances (MF-UE), un programme d'appui aux réformes et un mécanisme européen de stabilisation des investissements, etc.). Des grands chantiers restent en cours, concernant l'achèvement de l'Union bancaire et de l'Union des marchés de capitaux, la création d'un instrument budgétaire pour la zone euro, la création d'un filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique.
En 2015, la Commission a créé le Comité budgétaire européen, organe indépendant, qui permet de motiver des avis consultatifs à l'égard des politiques budgétaires de l'Union. La Commission a en outre commencé à accorder une attention particulière à l'utilisation de l'euro au niveau mondial et à son rôle international, aspect essentiel pour le renforcement de la puissance géopolitique européenne[21].
Gestion des ressources naturelles
Compte tenu d'une dépendance grandissante aux importations de gaz naturel malgré les débuts de la transition énergétique, la Commission a initié les modifications de la directive sur le gaz afin d'harmoniser les règles, notamment à l'encontre des fournisseurs sur l'ensemble du territoire terrestre et maritime de l'Union.
En matière d'eau potable, une proposition de la Commission reste en négociation. Elle a pour objet de réduire les risques sanitaires liés à l'eau à moins de 1% pour la population contre 5% actuellement et de garantir l'accès à l'eau pour tous, contre 11% de la cette même population touchée actuellement par une pénurie. Ces mesures permettraient de réduire la consommation d'eau en bouteille, source d'économie et de réduction de la production de déchets en plastique ainsi que l'émission de gaz à effet de serre associée.
***
Le bilan de la Commission Juncker est remarquablement positif. Dans un environnement géopolitique particulièrement changeant, elle a su s'adapter, en réagissant vite par des propositions adaptées et novatrices. Elle n'a pas hésité à aller "au bout de ses compétences" pour apporter des solutions à des problématiques que les États membres se sont montrés incapables de traiter ensemble.
Tel est le cas manifestement en matière d'immigration. Sans les mesures prises par la Commission, la vague migratoire de 2015-2016 n'aurait pas été contenue. Dans d'autres domaines, elle a su répondre à des préoccupations exprimées par le Conseil européen et donner des suites concrètes à ses souhaits. C'est le cas en matière de Défense et de sécurité, domaines par excellence de la compétence des États.
Enfin, elle a exercé ses missions avec imagination, ténacité et compétence. L'adoption du RGPD ou de la réforme des droits d'auteur doivent beaucoup à sa constance et à son engagement.
La conclusion de nombreux accords commerciaux avec le Canada, le Japon et Singapour, mais aussi les négociations engagées avec d'autres, malgré des opinions sceptiques et un recul du multilatéralisme chez certains de nos grands partenaires, doivent être portées à son actif.
Dans la plupart des cas, la Commission Juncker a su donner corps aux souhaits du Conseil européen, la réunion des chefs d'État et de Gouvernement chargée de définir "les grandes orientations" des politiques européennes, en surmontant les blocages du Conseil, l'assemblée des représentants ministériels des États membres, souvent paralysée par le choc des intérêts nationaux.
Dans ses relations avec le Parlement, la Commission Juncker a trouvé une collaboration législative plus active et plus efficace au service des citoyens européens.
Le véritable élément négatif demeure, comme depuis longtemps, celui de la Communication.
Longtemps interdite par les États membres de communiquer par elle-même, puis souvent tétanisée à l'idée de les fâcher, Jean-Claude Juncker l'a lui-même reconnu à propos du Brexit, la Commission s'est refusée à communiquer directement, intelligemment et simplement vers les citoyens.
Elle aurait pu le faire et elle devra le faire. Quelques conditions sont pour cela requises :
- Communiquer seulement lorsqu'on a quelque chose à dire,
- Communiquer seulement dans ses domaines de compétences,
- Communiquer seulement au nom de l'Union et pas au nom de la Commission et de ses services,
- Communiquer directement et sans porte-parole.
Sous cette réserve, qui n'est pas nouvelle, il faut reconnaître à Jean-Claude Juncker d'avoir accompli à la tête de la Commission un mandat positif. Son apport personnel ne doit, en effet, pas être sous-estimé, tant il tient à sa vision d'une Union européenne plus politique, plus proche des citoyens, mais aussi plus efficace et plus réactive à des changements si considérables de l'environnement géopolitique.
Une Commission forte et active est indispensable au bon fonctionnement de l'Union.
Il vient de la démontrer une fois encore.
Auteurs :
• Ramona Bloj
Responsable des études de la Fondation Robert Schuman
• Cindy Schweitzer
Assistante de recherche à la Fondation Robert Schuman - Mastère Spécialisé® "Expert en affaires publiques européennes" (MSEAPE) ENA
Les auteurs remercient toute l'équipe de la Fondation pour sa contribution à la présente publication.
[1] Soit environ 33000 fonctionnaires à comparer par exemple aux 2,427 millions d'agents qui travaillent dans la fonction publique de l'État français (79,9 % dans les ministères, et 20,1 % dans les EPA nationaux).
[2] Indépendamment des nouvelles procédures de dépôt de plainte (Solvit).
[3] IMF Country Report No. 14/151.
[4] Décisions UE 2015/1523 du Conseil du 14 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l'Italie et de la Grèce et 2015/1601 du Conseil du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l'Italie et de la Grèce.
[5] On constate environ 10 points d'écarts entre la part d'importations de GNL émanant des États-Unis de 12% versus 2,3 % avant la déclaration conjointe et depuis la première cargaison de GNL américain livrée en Europe en 2016.
[6] http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2018/september/tradoc_157331.pdf
[7] https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-519-fr.pdf
[8] https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-503-fr.pdf
[9] https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-502-fr.pdf
[10] Avis 2/15 du 16 mai 2017 de la CJUE en réponse à une demande d'avis au titre de l'article 218, paragraphe 11, Traité de Fonctionnement de l'UE, introduite le 10 juillet 2015 par la Commission européenne
[11] https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-474-fr.pdf
[12] La Commission estime que le manque de coopération entre les États membres dans le domaine de la défense a un coût annuel compris entre 25 à 100 milliards € par an.
[13] https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-512-fr.pdf
[14] Le nombre de groupes devrait rester identique à la précédente législature.
[15] Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.
[16] En 2015, par exemple — outre la fraude à la TVA —, les États membres ont signalé des fraudes portant atteinte au budget de l'Union pour un montant d'environ 638 millions €.
[17] Sans taux d'imposition commun.
[18] Sébastian Jean, Anne Perrot, Thomas Philippon, Concurrence et commerce : quelles politiques pour l'Europe ? Les notes du conseil d'analyse économique, no 51, mai 2019.
[19] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-3921_fr.htm
[20] Commission européenne - Communiqué de presse, Approfondissement de l'Union économique et monétaire européenne : la Commission dresse le bilan, 12 juin 2019.
[21] https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0506-pour-une-geopolitique-de-l-euro
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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