Marché intérieur et concurrence
Bernard Bourget
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Les choix qui seront effectués pour la politique agricole commune (PAC) des années 2021 à 2027 s'inscriront-ils dans la poursuite du démantèlement de cette politique européenne ou permettront-ils de lui redonner du sens[1] ? C'est la question qui est à nouveau posée depuis que les projets de règlements pour la PAC ont été dévoilés par la Commission européenne le 1er juin 2018, soit un mois à peine après la présentation du projet de programmation budgétaire de l'Union européenne pour cette période de 7 ans.
Ces projets de règlements, qui sont actuellement examinés par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l'Agriculture, ont fait l'objet de critiques portant principalement sur :
- La baisse des crédits alloués à la PAC qui serait de 5% en euros courants, soit environ 12% en euros constants, et pénaliserait surtout le second pilier (développement rural) ;
- Le transfert aux Etats membres de l'élaboration des mesures de mise en œuvre de la PAC dans le cadre d'un plan stratégique pour chacun d'eux ;
- L'insuffisante prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques.
1. Des priorités à établir dans l'hypothèse d'un budget de la PAC en baisse
De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer le maintien, au moins en euros courants, des crédits de la PAC dans la prochaine programmation budgétaire. Ce maintien sera difficile à obtenir en raison à la fois des conséquences budgétaires du Brexit, de la volonté des Etats membres du Nord de l'Europe de ne pas augmenter le budget de l'Union européenne et de nouvelles priorités relatives notamment la sécurité et les migrations.
La baisse des dépenses pour la PAC semble donc probable. Dans le budget en baisse de la PAC proposé par la Commission européenne, des choix devraient être opérés qui n'apparaissent pas clairement ou qui ne sont pas justifiés dans les projets de règlements.
Ainsi, si la proposition de réduire les paiements directs à partir de 60 000 € et de plafonner les paiements supérieurs à 100 000 € par exploitation pour assurer une répartition plus équitable de ces paiements est parfaitement justifiée, leur redistribution au sein de chaque Etat membre ne l'est pas pour une politique qui se veut encore commune. Les économies réalisées par la réduction des paiements directs et leur plafonnement pour les grandes exploitations agricoles devraient donc plutôt servir à préserver les montants attribués aux petites et moyennes exploitations dans l'ensemble de l'Union européenne.
Dans une étude publiée avant la réforme de 2013, Louis-Pascal Mahe[2] rappelait que la convergence des niveaux de paiements directs par hectare entre les nouveaux Etats membres de l'Europe centrale et orientale et les anciens Etats membres ne devrait être que très progressive et rester calée sur la convergence des PIB par tête afin d'éviter de créer des rentes indues. Or, les écarts entre les PIB par habitant actualisés en 2017[3] restent très importants. Pourtant, alors que les PIB par habitant (en parité de pouvoir d'achat) étaient respectivement de 32 300 € pour la France et de 11 800 € pour la Pologne et la Hongrie en 2017, les niveaux des paiements directs à l'hectare pour les exploitations spécialisées en céréales et en oléagineux dans ces trois pays étaient identiques dès 2016[4], autour de 250 € par hectare. Il apparaît que la convergence des paiements directs entre les nouveaux et les anciens États membres est quasiment achevée tandis que les PIB par habitant sont encore très éloignés. Un réajustement des montants des paiements directs accordés aux agriculteurs des nouveaux Etats membres tenant compte des niveaux de PIB par habitant serait donc nécessaire, de façon à ne pas pénaliser leurs homologues des anciens Etats membres dans le contexte d'un budget de la PAC en baisse.
Il convient aussi de rappeler que, depuis leur adhésion à l'Union européenne, les nouveaux Etats membres ont été, à juste titre, les principaux bénéficiaires des crédits européens pour moderniser leurs agricultures et leurs industries agroalimentaires dans le cadre, soit du 2ème pilier de la PAC (programmes de développement rural), soit des fonds structurels (FEDER et Fonds de cohésion).
Quant au financement supplémentaire de 10 milliards € proposé dans le cadre du programme de recherche Horizon Europe pour soutenir des actions spécifiques de recherche et d'innovation dans les domaines de l'alimentation, de l'agriculture, du développement rural et de la bioéconomie, il devrait contribuer à accélérer les transitions agroécologique et numérique de l'agriculture européenne.
2. Une plus grande subsidiarité de la PAC à clarifier et encadrer
La subsidiarité[5] s'applique à la PAC depuis la création en 1999 du second pilier, qui finance les programmes nationaux ou régionaux de développement rural.
Elle a été progressivement étendue à partir de 2003 aux paiements directs, qui constituent la plus grande partie des crédits du premier pilier de la PAC, en offrant aux Etats membres une large latitude pour mettre en œuvre le découplage des paiements directs des productions. Ils avaient la possibilité de procéder à un découplage total ou partiel de leurs productions. Les nouveaux Etats membres, qui ont adhéré à l'Union européenne en 2004, 2007 et 2013, ont bénéficié d'un régime simplifié de paiement direct à l'hectare.
Les possibilités d'adaptation par les Etats membres de la gestion de paiements directs de plus en plus découplés des productions ont été élargies dans le cadre du bilan de santé de la PAC de 2008. Elles leur permettent de maintenir des aides couplées pour quelques productions spécifiques, comme la viande bovine en France, et de redistribuer une partie des paiements directs au-delà de leur secteur d'origine. C'est ainsi que des transferts de crédits ont été effectués en France depuis les grandes cultures de céréales et oléagineux vers les élevages à l'herbe. Puis la réforme de 2013 a permis aux Etats membres de redistribuer une partie des paiements directs en faveur des petites exploitations et de transférer des crédits du premier pilier de la PAC vers le second ou vice-versa. Certains ont alors ironisé en estimant que le sigle PAC ne signifiait plus " politique agricole commune ", mais " politique agricole à la carte ".
La mesure phare de la Commission européenne pour les années 2021 à 2027 va beaucoup plus loin dans la subsidiarité en confiant à chaque Etat membre l'élaboration d'un plan stratégique global relevant de la PAC, dans lequel il pourra adapter les outils à ses propres besoins spécifiques.
L'application du principe de subsidiarité à une partie de la PAC pour tenir compte de la diversité des agricultures européennes et des différents intérêts des Etats membres n'est pas contestable, à condition de maintenir au niveau européen les mesures dont l'efficacité est meilleure dans le cadre d'une gestion commune qu'au niveau de chaque Etat membre.
C'est le cas en matière d'environnement, car la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité requièrent une gouvernance et un financement à l'échelle européenne, tandis que le traitement des pollutions diffuses et ponctuelles des sols, de l'eau et de l'air serait mieux géré par les Etats membres ou leurs régions.
Une distinction claire entre les mesures de la PAC qui doivent continuer de relever du niveau européen et celles qui peuvent être confiées aux Etats membres est donc nécessaire.
On doit aussi s'interroger sur la capacité de certains nouveaux Etats membres à élaborer des plans stratégiques cohérents et conformes aux objectifs communs de la PAC, ainsi qu'à celle de la Commission à faire respecter les engagements qui seront pris dans ces différents plans nationaux.
La politique agricole commune ne peut pas être la simple juxtaposition de 27 plans nationaux.
Des membres du Parlement européen, qui n'est compétent pour le premier pilier de la PAC que depuis le traité de Lisbonne, craignent de perdre une partie de leurs prérogatives si la négociation des plans nationaux s'effectue directement entre la Commission et chacun des Etats membres.
3. Le rôle très positif du Parlement européen pour améliorer l'organisation commune des marchés et le pouvoir de négociation des producteurs
Les propositions de la Commission européenne concernant l'organisation des marchés s'inscrivent dans le prolongement des mesures qui viennent d'être adoptées pour le secteur agricole dans le règlement dit " omnibus ", grâce à une participation très active de députés européens, notamment de Michel Dantin (PPE, FR).
Ces mesures visent principalement à améliorer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur alimentaire :
- En accordant un droit individuel au contrat écrit pour les agriculteurs ;
- En renforçant la capacité de négociation des organisations de producteurs, qui vont pouvoir désormais planifier la production et négocier les volumes et les prix ;
- En permettant aux interprofessions de négocier a priori des clauses contractuelles de partage de la valeur ajoutée et de son évolution.
Le projet de directive de la Commission européenne pour mieux encadrer les pratiques commerciales et interdire certaines pratiques déloyales, qui vient de faire l'objet d'un accord entre les Etats membres et le Parlement européen, va dans la même direction. Il vise à garantir des conditions plus équitables pour les agriculteurs et les petites et moyennes entreprises de l'agroalimentaire dans la chaîne d'approvisionnement en interdisant des pratiques telles que le paiement de produits périssables au-delà de 30 jours après leur livraison, le changement unilatéral des conditions du contrat par l'acheteur ou l'annulation de commandes à très courte échéance.
S'agissant de la gestion des risques climatiques, le règlement " omnibus " abaisse le seuil de déclenchement des assurances climatiques et du nouvel instrument sectoriel de stabilisation des revenus de 30 à 20% des pertes de revenus de l'agriculteur.
Pour la prochaine programmation financière de 2021 à 2027, la Commission européenne propose aux Etats membres d'étendre, s'ils le jugent nécessaire, les programmes opérationnels, qui existent pour les fruits et légumes, le vin et l'huile d'olive, à d'autres secteurs comme les céréales ou la viande.
Pour la réserve de crise, dont le montant de 400 millions € par an peut sembler insuffisant pour surmonter une crise de grande ampleur, la Commission propose de reporter les fonds non utilisés les années suivantes. Il faut espérer qu'il n'y aura pas de grave crise agricole au cours des prochaines années, de façon à permettre des reports de fonds et de constituer ainsi une réserve suffisante pour faire face à une crise ultérieure.
Alors que la stabilisation des marchés agricoles est toujours un objectif de la PAC dans le traité de Lisbonne, la Commission ne semble pas avoir tiré les enseignements de la grave crise laitière que l'Union européenne a connue en 2015 et 2016. Dans la mesure où l'Union européenne est, à côté des Etats-Unis et de la Nouvelle-Zélande, l'un des principaux acteurs sur l'étroit marché international des produits laitiers, la maîtrise de sa production est nécessaire pour éviter un effondrement des prix et la constitution de stocks trop élevés à l'intervention en cas de surproduction. C'est d'ailleurs la mise place d'un système volontaire de réduction de la production qui a permis de sortir de la crise, mais cette mesure fut trop tardive, car les stocks de poudre de lait mis à l'intervention étaient déjà considérables et ont, ensuite, été longs et coûteux à résorber. C'est pourquoi il serait utile de rétablir ce système de réduction de la production et de l'enclencher dès que les prix de marché sont proches des prix d'intervention, mais légèrement supérieurs (de 10 ou 15%), afin d'éviter la constitution de stocks. Il conviendrait aussi que les éleveurs des Pays-Bas, qui n'ont pas respecté leurs engagements et ont même procédé à une fraude de grande ampleur pour augmenter leur production laitière contribuant à aggraver la crise, soient sanctionnés.
4. L'environnement et le climat : la PAC doit faciliter la transition agroécologique de l'agriculture
La principale innovation de la programmation 2014-2020 pour la PAC est le verdissement qui consiste à réserver 30% des aides directes à un paiement vert, dont l'attribution est subordonnée au respect de trois conditions : le maintien des prairies permanentes, la diversification des cultures et la réservation d'au moins 5% des terres arables à des surfaces d'intérêt écologiques telles que les haies ou les mares.
Le verdissement aurait pu être une première étape dans le " recouplage " à la fourniture de biens publics d'une partie des paiements directs, qui avaient été découplés des productions agricoles depuis la réforme de 2003. Or, dans son évaluation du verdissement[6], la Cour des comptes européenne a jugé peu probable que le verdissement entraîne une amélioration significative des performances environnementales et climatiques de la PAC.
Pour répondre aux critiques de la Cour des comptes européenne, la Commission propose de renforcer les exigences environnementales et climatiques[7] que les Etats membres devront introduire dans leurs plans stratégiques, en leur imposant de consacrer au moins 30% de leur budget de développement rural à des mesures de protection de l'environnement et du climat et en fixant à 40% la part des actions en faveur du climat dans le budget de la PAC. Elle tire aussi les leçons des lacunes du verdissement, notamment en imposant les rotations culturales sur l'ensemble des parcelles cultivées.
Cependant, le volet environnemental et climatique de la future PAC ne peut se limiter à des contraintes imposées aux agriculteurs, même si celles-ci font l'objet de compensations financières. Il implique le plus souvent une transformation des systèmes de production qui exige des investissements coûteux et comporte des risques pendant la période transitoire. C'est pourquoi la transition agroécologique d'un grand nombre d'exploitations agricoles ne pourra être menée à bien sans des mesures d'accompagnement comme cela existe pour le passage à l'agriculture biologique. Ces mesures d'accompagnement auraient toute leur place dans les programmes de développement rural du 2ème pilier de la PAC pour permettre aux agriculteurs à la fois de financer les investissements liés à la transformation de leurs systèmes de production et de faire face aux aléas de la période transitoire. Elles pourraient prendre la forme de contrats de transition agroécologique dans les plans stratégiques des Etats membres.
5. Assurer la cohérence de la PAC avec les autres politiques européennes
La PAC est bien coordonnée avec la politique européenne de développement régional dans le cadre de son second pilier et notamment le soutien à l'agriculture des zones de montagne et défavorisées. Elle devrait l'être aussi avec la politique européenne de soutien à la recherche et à l'innovation de l'Union au titre du partenariat européen d'innovation (PEI-AGRI).
Le maintien dans la PAC des programmes européens en faveur de la consommation de lait et de fruits et légumes dans les écoles est très important pour initier les enfants, surtout les plus pauvres, à une alimentation équilibrée et combattre l'obésité dès le plus jeune âge.
En revanche, la politique commerciale de l'Union européenne n'est pas cohérente avec la PAC[8]. Ainsi, les producteurs européens de viande bovine, qui sont déjà confrontés à une consommation en baisse en Europe, risquent d'être les grands perdants des marchandages en cours dans la préparation de l'accord bilatéral avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), dont certains, en particulier le Brésil, ne respectent pas leurs engagements dans la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité.
De même, la relance des cultures de légumineuses, pourtant nécessaire pour réduire la trop forte dépendance de l'Union européenne aux importations de protéines végétales et lutter contre le changement climatique, est une victime collatérale du conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine. En effet, le président américain a exigé et obtenu en juillet 2018 que l'Europe augmente ses importations de soja américain, qui ont plus que doublé au cours du second semestre de l'année 2018, pour compenser la diminution des importations chinoises, en contrepartie de la suspension de son projet de taxer les importations de voitures allemandes.
Dans les accords de partenariat économique (APE) avec les pays de l'Afrique subsaharienne, l'Union européenne doit, pour sa part, veiller à ne pas compromettre par ses exportations l'émergence de productions africaines destinées aux marchés locaux telles que le lait.
***
A quelques mois des élections européennes, il convient de souligner le rôle du Parlement européen dans l'évolution de la PAC, en particulier dans le renforcement du pouvoir de négociation des agriculteurs au sein de la chaîne alimentaire.
Quant à l'application de la subsidiarité, elle doit être clarifiée dans les négociations sur la PAC pour la programmation des années 2021 à 2027. Le Parlement européen peut là aussi contribuer à bien séparer ce qui doit rester au niveau communautaire de ce qui peut être confié aux Etats membres. C'est de cet équilibre que dépend l'avenir de la PAC.
Annexe I
Les politiques agricoles des grands pays
Tandis que l'Union européenne s'interroge sur l'avenir de sa politique agricole, les grands pays, qui sont tous dotés d'une politique agricole, ont tendance à la renforcer.
C'est le cas des Etats-Unis qui, depuis la grande crise des années 1930 et l'Agricultural Adjustment Act, ont toujours eu une politique agricole très active pour, d'une part, soutenir les revenus de leurs agriculteurs par le moyen de paiements compensatoires, puis d'assurances, de façon à les prémunir contre la volatilité des prix agricoles et, d'autre part, promouvoir leurs exportations agricoles sur les marchés internationaux.
Le Brésil est également un grand pays exportateur de produits agricoles, faisant jeu égal avec les Etats-Unis pour les exportations de maïs et de soja et supplantant l'Union européenne pour les ventes de viande, notamment de volailles sur les marchés de l'Afrique et du Moyen-Orient. Le Brésil dispose d'un ministère spécifique pour soutenir les exportations de ses grandes entreprises agroalimentaires, que le nouveau gouvernement s'est engagé à privilégier au détriment des petites fermes familiales et de l'environnement (déforestation en Amazonie).
La Russie a profité de l'embargo mis en place depuis le conflit avec l'Ukraine pour devenir le premier exportateur mondial de blé. La Russie et les autres pays de la mer Noire, en particulier l'Ukraine, sont devenus les principaux fournisseurs de céréales aux pays du Sud de la mer Méditerranée et du Moyen-Orient, où ils prennent des parts de marchés aux pays européens, en particulier à la France.
Les autres grands pays agricoles, le Canada, l'Argentine, l'Australie et la Nouvelle-Zélande (pour les produits laitiers), ont des politiques agricoles offensives sur les marchés internationaux.
Les grands pays d'Asie, importateurs de produits agricoles, soutiennent leurs agriculteurs, au moins au Japon et en Corée du Sud, et assurent, comme la Chine, leur souveraineté alimentaire en riz. La Chine utilise son important marché pour mettre en concurrence ses fournisseurs, en particulier de soja, de maïs et de produits laitiers.
L'Inde parvient, malgré sa nombreuse population qui est encore en croissance, à assurer sa souveraineté alimentaire. Elle soutient ses petits agriculteurs dont le poids électoral est important dans cette grande démocratie. C'est d'ailleurs l'Inde qui a provoqué l'interruption du cycle des négociations multilatérales de l'OMC engagé à Doha en 2001, en s'opposant aux Etats-Unis pour maintenir ses stocks de produits de base nécessaires en cas de mauvaises récoltes.
Annexe II
L'agriculture et le changement climatique
Le changement climatique aura une place de plus en plus importante dans la PAC.
Elle l'est d'abord comme émettrice de gaz à effet de serre, soit environ 10% des émissions européennes et un taux plus élevé (près de 20%) en France en raison de la place prépondérante de l'énergie électrique d'origine nucléaire dans notre pays. Les émissions agricoles de gaz à effet de serre sont essentiellement dues au protoxyde d'azote (N2O) et au méthane (CH4), qui ont un pouvoir de réchauffement très élevé, alors que la part du gaz carbonique (CO2) est beaucoup plus réduite que dans d'autres secteurs de l'économie.
Ces émissions agricoles sont en diminution depuis plusieurs décennies grâce à l'amélioration de la fertilisation azotée des cultures et devraient l'être encore plus si les cultures de légumineuses telles que les pois, les lentilles, la luzerne ou le trèfle, qui n'ont pas besoin d'engrais azotés, étaient mieux soutenues pour se développer à l'avenir en Europe.
L'agriculture est surtout très sensible au changement climatique. Le réchauffement va certes permettre de mettre en culture des terres situées plus au nord dans notre hémisphère, mais il va surtout pénaliser les régions du sud, notamment celles qui sont situées autour de la mer Méditerranée et qui connaissent déjà des sécheresses sévères. Il entraîne des modifications dans les cycles culturaux, dont la plus spectaculaire est l'avancement des vendanges de plusieurs semaines. L'aggravation des phénomènes extrêmes, inondations et sécheresses, est particulièrement préjudiciable à l'agriculture. Le réchauffement climatique est également la cause de stress hydriques qui se font sentir dans la stagnation des rendements en blé, notamment en France. Il favorise la remontée vers le Nord de maladies des plantes et des animaux. Les pratiques agricoles et d'élevage vont donc devoir s'adapter au changement climatique, avec le choix d'espèces plus résistantes, une gestion plus rigoureuse des ressources en eau ou le développement de l'agroforesterie.
L'agriculture est, avec la forêt, l'une des deux activités économiques les mieux en mesure de lutter contre le changement climatique, par, d'une part, l'absorption du carbone par les plantes et les sols et, de l'autre, le remplacement des ressources fossiles par des ressources renouvelables dans la production d'énergie et de matériaux.
La capacité d'absorption de carbone par les sols est considérable. Des pratiques culturales adaptées doivent permettre d'augmenter le taux de matière organique des sols et d'améliorer ainsi leur fertilité : c'est le but de l'initiative " 4 pour 1000 " portée par la France au niveau mondial.
La production de biogaz dans des unités de méthanisation utilisant des effluents d'élevage et des déchets ménagers permettra de réduire le recours au gaz fossile, tandis que les produits de l'agriculture devraient prendre une place de plus en plus importante dans le développement de la bioéconomie.
SI le changement climatique est un problème pour l'agriculture, celle-ci est une part importante de la solution pour le résoudre.
[1] Voir Fondation Robert Schuman ; question d'Europe n°422, " Redonner du sens à la politique agricole commune ", 20 février 2017
[2] Le projet d'une PAC pour l'après2013 annonce-t-il une " grande " réforme ?
[3] Voir " Atlas permanent de l'Union européenne ", Fondation Robert Schuman, Editions Marie B, 4e édition, octobre 2018
[4] " L'évolution des aides directes aux exploitations des grandes cultures dans l'Union européenne : l'impact des choix nationaux ", étude réalisée par Pluriagri à partir du réseau d'information comptable agricole et présentée par Bénédicte Carlotti le 20 juin 2018 au colloque organisé à Montpellier par la société française d'économie rurale sur les politiques agricoles et alimentaires.
[5] " La subsidiarité signifie que l'Union européenne ne devrait agir que lorsque les objectifs visés ne pourraient être atteints de manière suffisante par les Etats membres agissant seuls (au niveau central, régional ou local), mais pourraient être mieux atteints au niveau de l'Union en raison de l'ampleur ou des effets de l'action proposée " (définition de la task-force " subsidiarité et proportionnalité " de la Commission européenne)
[6] " Le verdissement : complexité accrue du régime d'aide au revenu et encore aucun bénéfice pour l'environnement", Rapport spécial n° 27, Cour des comptes européenne, 2017
[7] voir annexe 2
[8] voir annexe 1
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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