Élections en Europe
Corinne Deloy
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En Allemagne, les élections se suivent et se ressemblent. Contrairement aux derniers scrutins européens, du référendum britannique sur la sortie du pays de l'Union européenne en 2016 à l'élection présidentielle française en passant par les législatives aux Pays-Bas cette année, le scrutin fédéral allemand du 24 septembre prochain apparaît comme un élément de stabilité. Dans un mois, 61,5 millions d'électeurs sont appelés aux urnes outre Rhin pour renouveler le Bundestag, chambre basse du parlement. Le combat oppose la chancelière sortante Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU), qui est en lice pour un quatrième mandat à la tête du gouvernement allemand, à l'ancien président du parlement européen (2012-2017) Martin Schulz (Parti social-démocrate, SPD), candidat pour la première fois au poste de chancelier.
Angela Merkel est la grande favorite de ces élections législatives. Lors de l'annonce de sa candidature au début de cette année, son rival avait enregistré une hausse de sa cote de popularité et fait augmenter les intentions de vote en faveur du SP'D qui avait également atteint, dans les enquêtes d'opinion, ses résultats les plus élevés depuis très longtemps, parvenant même à devancer la CDU à dix-sept reprises entre la fin du mois de janvier et le début du mois d'avril. Cependant, cette éclaircie a fait long feu et les sociaux-démocrates sont désormais largement distancés dans les sondages par la droite chrétienne-démocrate.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Emnid, l'Union chrétienne-démocrate arriverait largement en tête du scrutin législatif du 24 septembre prochain avec 39% des suffrages. Elle devancerait le Parti social-démocrate, qui recueillerait 24% des voix ; le Parti de gauche (Die Linke), qui obtiendrait 9% des suffrages ; les Verts et le Parti libéral-démocrate (FDP), qui recueilleraient chacun 8% des voix (les libéraux du FDP devraient donc retrouver les bancs du Bundestag dont ils avaient été exclus à l'occasion des précédentes élections législatives du 22 septembre 2013) et l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui ferait son entrée au parlement avec 7% des suffrages.
La victoire du parti de la chancelière sortante semble écrite. "Tout porte à croire que le nom du vainqueur est déjà connu, tout comme le nom du perdant. Martin Schulz se donne du mal. Mais il lui manque l'élément détonateur, l'esprit. Il a le plus grand mal à se positionner en candidat alternatif à Angela Merkel" peut-on lire dans l'hebdomadaire Der Spiegel. La seule interrogation qui demeure concerne le (les) parti(s) politique(s) avec lequel (lesquels) la chancelière sortante choisira de s'allier pour gouverner l'Allemagne au cours des quatre prochaines années. Si sa cote de popularité a chuté, elle reste néanmoins élevée (59%), soit 26 points au-dessus de celle de son adversaire Martin Schulz (33%).
Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Infratest Dimap durant la première quinzaine du mois d'août, la moitié des Allemands (52%, dont près d'un quart des sympathisants du SPD - 22% - et la moitié des proches des Verts, 49%) souhaitent qu'Angela Merkel conserve son poste, un petit tiers (30%) préfèreraient voir Martin Schulz la remplacer.
L'Union chrétienne-démocrate a remporté les trois élections régionales qui se sont tenues cette année en Allemagne : le 26 mars dans la Sarre, le 7 mai dans le Schleswig-Holstein et une semaine plus tard, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, région industrielle d'où sont originaires de nombreux dirigeants sociaux-démocrates dont Martin Schulz. Les facteurs locaux n'expliquent qu'en partie ses défaites successives du SPD. A l'issue de ces scrutins locaux, les chrétiens-démocrates et les libéraux-démocrates ont fait alliance dans le Schleswig-Holstein et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie qu'ils gouvernent désormais ensemble.
La campagne officielle pour les élections législatives a débuté le 13 août dernier. Angela Merkel et Martin Schulz s'affronteront lors d'un débat télévisé le 3 septembre prochain.
Angela Merkel, grande favorite du scrutin
" Le moment est venu. J'ai énormément réfléchi. J'ai de nouvelles idées " déclarait Angela Merkel le 20 novembre dernier en faisant acte de candidature à sa propre succession. Avec le slogan " Une Allemagne oú il faut bon vivre " et sous les couleurs noir, rouge et or de l'Allemagne afin de ne laisser à personne la défense du patriotisme, la chancelière "teflon" comme l'appellent ses ennemis qui regrettent qu'aucune critique ne semble l'atteindre et qu'elle n'offre aucune prise à ses adversaires, Mutti (maman) comme la surnomment les Allemands est donc repartie en campagne.
Comme lors des précédents scrutins, la chancelière sortante fait campagne sur sa propre personne, une stratégie qui lui a toujours particulièrement réussi. Véritable incarnation de l'Allemagne, elle sait mieux que quiconque saisir ce que veulent ses compatriotes et comprendre leurs désirs. Les deux tiers d'entre eux (65%) ont d'ailleurs approuvé son choix d'être de nouveau la tête de liste de l'Union chrétienne-démocrate aux élections législatives.
Pour Angela Merkel, l'exercice du pouvoir constitue la meilleure campagne électorale. La chancelière sortante peut s'appuyer sur son bilan, notamment économique, de ces quatre dernières années à la tête du gouvernement, un bilan jugé satisfaisant par la grande majorité de ses compatriotes.
La croissance du PIB s'est élevée à 1,9% en 2016, soit la plus forte progression depuis 2011 , elle s'est établie à 0,7% au 1er trimestre de cette année et 0,6% au 2e. Le taux de chômage est le plus faible depuis la réunification en 1990 et s'élève à 3,9% (6,7% pour les plus jeunes), soit le plus faible taux de l'Union européenne. La population active atteint 43,7 millions de personnes, un record, et la Fédération des industriels allemands table sur la création de 500 000 nouveaux emplois cette année.
Les comptes publics sont excédentaires, l'excédent des comptes courants s'établit à 8,7% du PIB et l'excédent commercial a atteint 252 milliards € en 2016. La dette souveraine s'élève à 66% du PIB et devrait respecter en 2020 les règles budgétaires fixées par l'Union européenne en passant sous la barre de 60% (57%).
Le programme de la CDU met l'accent sur le bilan des trois dernières législatures dirigées par Angela Merkel. Cette dernière se présente comme la garante de la stabilité et de la prospérité du pays. Pas touchée par le " dégagisme " dont ont été victimes plusieurs dirigeants européens (David Cameron au Royaume-Uni, François Hollande et le Parti socialiste en France, Matteo Renzi en Italie), Angela Merkel continue à recueillir la confiance de la grande majorité de ses compatriotes. Son message est toujours le même : pourquoi prendre le risque de l'inédit alors que l'économie allemande est conquérante et que l'Allemagne est plus forte que jamais, en Europe comme dans le monde ?
" Les Allemands considèrent que leur économie va mieux qu'en 2005 quand Angela Merkel est arrivée au pouvoir, qu'elle est dans un meilleur état que celle des autres grands pays européens et cela profite naturellement à la chancelière sortante " affirme Michael Kuneert de l'institut d'opinion Infratest Dimap. Les Allemands sont en effet persuadés d'avoir mieux traversé la crise que les autres Européens grâce à la bonne gestion et à la politique rigoureuse menée par la chancelière sortante.
Angela Merkel peut également s'appuyer sur la reconnaissance internationale de son autorité. " La politique étrangère est devenue un thème majeur de préoccupation en Allemagne. La victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine, les doutes sur l'avenir de l'Europe avec le Brexit, les tensions de plus en plus fortes avec la Turquie, la relation compliquée avec la Russie, tout cela inquiète beaucoup les Allemands. Or dans ces domaines l'expérience de la chancelière joue en sa faveur et les électeurs estiment qu'elle est la mieux à même de défendre les intérêts du pays. Dans ce monde incertain elle incarne une stabilité qui rassure " analyse Michael Kuneert de l'institut d'opinion Infratest Dimap. " Martin Schulz est pour ainsi dire un provincial. Angela Merkel dispose d'un bonus, elle est la femme au sommet. Face aux inquiétudes suscitées en Allemagne par l'élection de Donald Trump, par le Brexit, par la montée des populismes, la chancelière apparaît aux yeux de l'opinion comme le meilleur rempart et un pôle de stabilité " confirme Gero Neugebauer, politologue de l'université libre de Berlin.
" Les Allemands voient que leur économie est florissante et que les exportations sont au plus haut. Ils ont du mal à imaginer que leur pays puisse aller mieux. Ils pensent au contraire, que demain sera forcément pire qu'aujourd'hui, d'où une volonté de prolonger le présent le plus longtemps possible. Or qui incarne mieux cette permanence qu'Angela Merkel ?" s'interroge Stephan Grünewald, fondateur de l'institut Rheingold. " Réélire Angela Merkel, c'est à la fois prolonger cet état présent et continuer avec celle qui, par le calme qu'elle dégage et l'expérience qui est la sienne, est volontiers considérée comme la plus capable de "dompter" des dirigeants impulsifs et inquiétants comme Donald Trump, Vladimir Poutine ou Recep Tayyip Erdogan " ajoute-t-il.
Enfin, la chancelière sortante bénéficie de la faiblesse de ses adversaires et de l'absence de candidat alternatif crédible au point que l'ancien ministre-président du Schleswig-Holstein Torsten Albig (SPD) a pu dire : " Tant qu'Angela Merkel est chancelière, on pourrait faire l'économie d'un candidat social-démocrate pour l'affronter ".
L'Europe et l'emploi constituent les deux enjeux les plus importants de la campagne électorale pour la chancelière sortante. Le programme de la CDU promet la prospérité et la sécurité pour tous grâce au plein emploi (taux de chômage sous la barre de 3%) qui devrait être atteint en 2025. "Si nous avions parlé du plein-emploi en 2005, les gens nous auraient ri au nez, j'avais eu à l'époque à assumer 5 millions de chômeurs. en 2017, nous avons réussi à réduire de moitié leur nombre et à présent nous disons que nous voulons diviser ce chiffre encore une fois par deux " a déclaré Angela Merkel.
Le parti prévoit une baisse de l'impôt sur le revenu de 15 milliards € par an pour les classes moyennes et l'augmentation du seuil de la tranche d'impôt la plus élevée (42%) de 54 000 € annuels à 60 000, la suppression par étapes de l'équivalent de la CSG, la distribution d'une aide fiscale aux familles pour tout premier investissement immobilier, le renoncement à toute réforme des pensions de retraites dans les 30 années à venir, la construction de 1,5 million de nouveaux logements d'ici à 2019, la création de 15 000 emplois dans la police et un investissement à hauteur de 12 milliards € dans le réseau numérique, le tout sans toucher à l'équilibre des finances publiques.
Angela Merkel a déclaré souhaiter qu'un tiers des excédents budgétaires soit consacré à des investissements dans les infrastructures.. Elle a également promis de revoir la taxe sur la réunification, contribution de 5,5% sur les revenus des particuliers et des entreprises introduite en 1991 afin de financer la mise à niveau des Länder de l'ex-République démocratique d'Allemagne.
Les opposants à Angela Merkel lui reprochent de refuser le débat et de se garder de s'engager. " Angela Merkel depuis 2009 n'a qu'une seule stratégie : ne pas se positionner. Pendant que nous nous soumettons au débat avec l'opinion, l'autre camp se tait. L'Union chrétienne-démocrate n'a d'autre stratégie que de mettre en avant la personne d'Angela Merkel " a déclaré son principal adversaire, Martin Schulz, qui a qualifié cette attitude " d'arrogance et de menace pour la démocratie".
Angela Merkel excelle également à adopter les arguments de ses adversaires. L'adoption de la loi sur le mariage entre personnes du même sexe est un exemple parfait. Alors que le SPD et les Verts avaient fait de son adoption la condition de leur participation à une nouvelle coalition gouvernementale avec la CDU, la chancelière sortante, qui s'était opposée au mariage entre personnes du même sexe au cours des quatre années de la législature afin de ne pas froisser son électorat catholique, a soudain fait volte-face, assoupli sa position et autorisé chacun des députés de son parti à voter en conscience sur le sujet. Conséquence : le 30 juin dernier, soit trois mois avant la fin de son mandat, l'Allemagne est devenue le 14e pays d'Europe à légaliser le mariage entre personnes du même sexe, auquel les trois quarts (72%) des Allemands étaient favorables, en adoptant par 393 voix contre 226 une loi en ce sens. 75 députés CDU ont voté en faveur du texte.
Des sociaux-démocrates, condamnés à la défaite ?
Martin Schulz a officiellement fait acte de candidature au poste de chancelier le 27 janvier dernier. Son annonce a fait grimper les intentions de vote pour le SPD dans les enquêtes d'opinion. Le parti a même accueilli de nouveaux membres en son sein (environ 17 000 en 3 mois). L'effet Martin Schulz a cependant fait long feu et le discours à gauche a failli à remobiliser la partie des sympathisants sociaux-démocrates déçus de l'idéologie de plus en plus centriste de leur parti.
"En début d'année, alors qu'Angela Merkel était fragilisée par la crise des réfugiés, Martin Schulz présentait un visage nouveau et constituait une solution alternative potentielle. Or, ensuite, l'intégration des réfugiés n'est plus apparue comme un thème majeur et la popularité de la chancelière sortante est revenue à son plus haut niveau" a indiqué Gero Neugebauer, politologue de l'université libre de Berlin. "les électeurs veulent surtout entendre parler de la sécurité et des crises qui secouent la planète, ce qui est traditionnellement l'apanage de l'Union chrétienne-démocrate " a-t-il souligné.
L'ancien président du parlement européen a pourtant été élu avec 100% des suffrages à la tête de son parti le 19 mars dernier, le meilleur résultat obtenu par un candidat à ce poste depuis 1948. " Martin Schulz est presque un homme neuf. Il ne porte pas les stigmates des crises qu'a traversées le SPD au cours des 15 dernières années. Il a soutenu les réformes libérales de Gerhard Schröder mais son nom n'est pas associé à l'Agenda 2010 " a indiqué Gero Neugebauer. " Martin Schulz apparaît comme un homme extérieur à la grande coalition entre son parti et la CDU qui dirige le gouvernement fédéral depuis 2013. Il donne le sentiment d'avoir les pieds sur terre, d'être crédible et proche des gens " a souligné Nico Siegel, président de l'institut d'opinion Infratest Dimap.
Martin Schulz, élu au parlement de Strasbourg depuis 1994, n'a jamais été membre du Bundestag. " C'est la première fois que quelqu'un qui a fait toute sa carrière politique au niveau européen tente de s'installer sur la scène nationale. D'habitude, c'est l'inverse " avait remarqué l'ancien député européen (1994-2014), Daniel Cohn-Bendit (Verts).
Martin Schulz mène campagne sur le thème de la justice sociale. " La combinaison de la protection sociale et de la formation, tel est mon projet " affirme celui qui veut redistribuer davantage aux plus pauvres et imposer davantage les plus riches. Il veut inscrire dans la Constitution une obligation d'investir.
" Beaucoup de gens pensent qu'il ne faut rien changer parce que l'Allemagne va bien. C'est une grosse erreur. Oui, l'Allemagne est forte. Mais tout ne va pas bien. Et tout ne va pas bien pour tous les Allemands. Attention à une chose : si nous n'investissons pas maintenant, c'est notre avenir que nous mettons en péril " répète-t-il, ajoutant : " Il ne faut certes pas laisser de dettes aux générations futures mais pas d'infrastructures délabrées non plus ". Cependant, Martin Schulz doit sans cesse veiller à ne pas dresser un tableau trop noir de la situation actuelle, le SPD ayant gouverné avec la CDU au cours de la dernière législature.
Le programme du SPD promet d'alléger le volume de l'impôt sur le revenu des classes moyennes de 15 milliards € et, à l'inverse, de renforcer les taxes payées par les plus riches afin d'augmenter les dépenses en faveur de l'investissement public et la relance de la consommation. Martin Schulz veut dans le même temps réduire l'excédent commercial allemand en renforçant les importations en provenance d'autres pays européens. " Notre projet est bon pour l'Allemagne mais aussi pour l'Europe " aime-t-il à répéter. Pour éviter de pénaliser les classes moyennes, les sociaux-démocrates veulent relever à 76 200 € le seuil de revenus annuels à partir duquel s'établirait la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu (ce seuil est de 54 000 €, 60 000 € pour une personne célibataire). Les revenus les plus élevés, soit ceux supérieurs à 250 000 € annuels, seraient soumis à une taxe spéciale qui atteindrait 48% du revenu (contre 45% du revenu actuellement). Enfin, le SPD veut, pour les revenus du capital, remplacer le prélèvement forfaitaire à la source (fixé à 25% des revenus privés issus du capital) introduit en 2009 par le ministre des Finances Peer Steinbrück (SPD) pour lutter contre l'évasion fiscale, par un système de paliers de façon à ce que le travail et le capital soient dorénavant taxés de la même manière.
Martin Schulz a également promis d'allonger la durée durant laquelle il est possible de percevoir l'allocation chômage, de restreindre le recours aux contrats précaires, notamment pour les jeunes, et de revoir à la hausse la pension minimum de retraite de façon à maintenir le niveau des retraites à 48% du revenu moyen. S'il est désigné chancelier, il souhaite mettre en place une alliance pour l'éducation dans les premiers 50 jours de son mandat et créer un compte épargne formation financé par l'Etat pour tous les adultes.
Martin Schulz se bat pour la relance de l'intégration européenne, un combat pour lequel il estime ne jamais avoir été soutenu par Angela Merkel au cours des douze dernières années. Il est favorable à l'idée d'un budget commun aux pays de la zone euro pour promouvoir la croissance et l'emploi et prévenir les crises financières et à la nomination d'un ministre des Finances européen mais il est opposé à tout recours aux eurobligations, c'est-à-dire à toute mutualisation de la dette.
Enfin, il n'est pas favorable au respect de l'exigence de l'OTAN qui veut que chacun de ses Etats membres consacre au moins 2% de son PIB à l'effort de défense. " On ne garantit pas la sécurité avec le réarmement. Porter le budget de la défense à 2% du PIB reviendrait pour l'Allemagne à consacrer 20 à 30 milliards € de plus par an à la Bundeswehr. Cela voudrait dire que, dans une dizaine d'années, l'Allemagne serait la principale armée d'Europe. Je suis pour la limitation des armements en Europe et dans le monde même si nous devons mieux coopérer en matière d'armement et d'achat d'équipements militaires en Europe " a-t-il déclaré dans un entretien au quotidien Le Monde le 24 juillet dernier.
Selon les enquêtes d'opinion, la majorité des Allemands souhaitent la reconduction de la grande coalition actuelle. Mais à l'identique : c'est-à-dire dirigée par Angela Merkel et dans laquelle le SPD est le junior partner. Le SPD ne tire aucun profit de sa participation au pouvoir alors que la mise en place du salaire minimum, la réforme des retraites, la mise en place de quotas de femmes à la tête des grandes entreprises, l'acceptation du mariage entre personnes du même sexe ont été des projets initiés par lui.
Le SPD peut difficilement envisager un retour au pouvoir sans une alliance avec les Verts mais également avec le Parti de gauche. Mais alors que les écologistes penchent de plus en plus vers le centre, Die Linke a adopté, lors de son congrès fédéral organisé à Hanovre du 9 au 11 juin dernier, un programme très à gauche et très éloigné des idées défendues par les sociaux-démocrates, se prononçant en faveur de la sortie de l'Allemagne de l'OTAN ou pour la levée des sanctions contre la Russie.
Avec qui Angela Merkel pourra-t-elle gouverner ?
Les Verts vont-ils franchir le pas ?
Les Verts souhaitent devenir le parti pivot des coalitions gouvernementales à l'image de ce que fût le Parti libéral-démocrate FDP durant de nombreuses années. Une alliance entre l'Union chrétienne-démocrate et le parti écologiste est désormais d'autant plus envisageable que le parti d'Angela Merkel a modifié son discours sur le plan sociétal tandis que les Verts l'ont fait sur le plan économique. La décision le 4 août dernier de la députée régionale de Basse-Saxe, Elke Twesten, de quitter les Verts pour rallier l'Union chrétienne-démocrate a d'ailleurs fait perdre au gouvernement formé par les sociaux-démocrates et les écologistes conduit par Stephan Weil (SPD) la majorité d'une voix dont il disposait au parlement régional et, par conséquent, entraîné la convocation d'élections régionales anticipées qui auront lieu le 15 octobre prochain dans ce Land.
Le retour des libéraux-démocrates
Le Parti libéral-démocrate, chassé du Bundestag lors des élections législatives du 22 septembre 2013, compte bien retrouver les bancs du parlement. La bonne tenue du parti dans les enquêtes d'opinion pourrait permettre à Angela Merkel de le mettre en concurrence avec les Verts lors de la formation du prochain gouvernement. La chancelière sortante pourrait également, en cas de victoire, les inviter tous deux dans son gouvernement en choisissant de former une coalition dite Jamaïque en raison des trois couleurs principales (le noir, le jaune et le vert) qui composent le drapeau de ce pays et qui sont aussi respectivement celles de l'Union chrétienne-démocrate, du Parti libéral-démocrate et des écologistes.
" Nous sommes indépendants et nous n'allons pas prendre le premier partenaire qui se présente " a déclaré le dirigeant libéral-démocrate Christian Lindner lors du congrès de son parti organisé à Berlin en avril dernier. Ce dernier veut rajeunir et diversifier les enjeux sur lesquels se positionne le FDP de façon à ce que celui-ci ne soit plus seulement identifié avec la défense des plus riches ou des revendications en faveur des baisses d'impôt.
L'entrée annoncée des populistes au parlement
Fondée au printemps 2013, l'Alternative pour l'Allemagne est dorénavant divisée entre un courant conservateur, centré sur les enjeux comme l'immigration, le maintien de l'ordre et la place de l'islam dans la société, et un courant plus réaliste, représenté par Frauke Petry, mise en minorité par la direction de l'AfD lors de son congrès de Cologne les 22 et 23 avril derniers. A l'occasion de ce rassemblement, Alexander Gauland, ancien membre de l'Union chrétienne-démocrate, et Alice Weidel ont été désignés à 67,7% par les 600 délégués du parti pour mener la campagne électorale de l'AfD.
Le parti est favorable à la sortie de l'Allemagne de la monnaie unique, à la démocratie directe, à la fermeture des frontières, à la fin de la binationalité, au durcissement du droit d'asile et à la mise en place d'expulsions massives d'immigrants jugés dangereux ou vivant en Allemagne de façon irrégulière. Le parti veut empêcher la réunification des familles de réfugiés vivant en Allemagne et déchoir de la nationalité allemande les immigrants coupables de crimes. Il souhaite également que l'islam soit déclaré incompatible avec la culture allemande.
L'Alternative pour l'Allemagne qualifie son programme de 78 pages de texte de Realpolitik et se déclare confiante de parvenir au pouvoir dès 2021. " Nous sommes un mouvement populiste et fiers de l'être " a déclaré Alexander Gauland, qui s'est fixé pour objectif de conquérir 15% des sièges du Bundestag. Depuis le scrutin législatif du 2 décembre 1990, aucun nouveau parti n'est entré à la chambre basse du parlement allemand. L'AfD, qui est représentée dans 13 des 16 assemblées régionales du pays, pourrait être le premier parti d'extrême droite [1] à le faire depuis 1949.
Le système politique allemand
Le Parlement allemand est bicaméral, composé d'une Chambre basse, le Bundestag et d'une Chambre haute, le Bundesrat. Les élections par lesquelles sont désignés les membres du Bundestag ont lieu tous les 4 ans selon un système mixte qui combine vote uninominal majoritaire et vote à la proportionnelle de liste. Chaque électeur dispose de deux voix. La première (Erststimme) lui permet de désigner, au scrutin uninominal, le député de la circonscription (Wahlkreise) dans laquelle il réside.
Le pays compte 299 circonscriptions et le nombre d'élus désignés de cette façon, qui obtiennent ainsi un mandat direct, va de 2 à Brème et 4 en Sarre jusqu'à 64 en Rhénanie du Nord-Westphalie.
La deuxième voix (Zweitstimme) permet à l'électeur de voter par ordre préférentiel en faveur d'une liste présentée par un parti politique au niveau du Land (l'Allemagne compte 16 Länder). Les sièges sont attribués selon la méthode de Sainte-Laguë/Schepers. Le pourcentage des deuxièmes voix détermine le nombre de sièges revenant proportionnellement à chaque parti et, in fine, le rapport de forces entre les partis au sein du Bundestag.
Seuls les partis ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés au niveau national ou 3 mandats directs au scrutin uninominal peuvent être représentés au Bundestag. Si, dans un Land, un parti remporte davantage de mandats directs que le nombre de sièges qui lui est accordé en fonction du nombre de deuxièmes voix, il conserve néanmoins ces mandats excédentaires (Uberhangmandate). Ce qui explique que le nombre de membres du Bundestag varie d'une élection à l'autre.
Le système électoral allemand vise à assurer le parti d'une majorité parlementaire stable et à éviter l'émiettement de la scène politique que le pays a connu sous la République de Weimar (1919-1933), où le grand nombre de partis représentés au parlement avait rendu la formation d'un gouvernement quasiment impossible. En 1949, 11 partis politiques étaient représentés au Bundestag, ils n'étaient plus que 4 en 1957 et seulement 3 (en regroupant l'Union chrétienne-démocrate et l'Union chrétienne-sociale en un seul parti) entre 1961 et 1983 (SPD, CDU/CSU et FDP). En 1983, les Verts sont parvenus à franchir la barre de 5% des suffrages exprimés et à entrer au Parlement ; ils ont été suivis en 1990 du Parti du socialisme démocratique (PDS), issu du Parti socialiste unifié (SED) de l'ex-République démocratique allemande (les députés anciennement communistes sont entrés au Bundestag un an après la chute du Mur), ancêtre du Parti de gauche (Die Linke).
5 partis politiques sont actuellement représentés au Bundestag :
– l'Union chrétienne-démocrate (CDU), fondée en 1945, dirigée par la chancelière sortante, Angela Merkel, au pouvoir depuis 2005, compte 255 députés ;
– l'Union chrétienne-sociale (CSU), créée en 1946 et dirigée depuis fin 2008 par le ministre-président de Bavière, Horst Seehofer, coopère électoralement avec la CDU depuis 1953. Selon leur accord, la CDU ne présente pas de candidat en Bavière et la CSU ne concourt que dans ce seul Land. La CSU possède 56 sièges ;
– le Parti social-démocrate (SPD), fondé en 1863, est le plus ancien parti politique d'Allemagne, compte 193 députés ;
– le Parti de gauche (Die LinkedIn), parti populiste de gauche, est né en juin 2007 de la fusion du Parti du socialisme démocratique (PDS), issu du Parti socialiste unifié (SED) de l'ex-RDA, avec l'Alternative pour le travail et la justice sociale (WASG), mouvement créé le 22 janvier 2005 et qui rassemblait l'ancienne élite communiste et les déçus de la social-démocratie. Dirigé par Katja Kipping et Bernd Riexinger, il compte 64 sièges ;
– les Verts/Alliance 90 (Grünen), issus de la fusion, en 1993, d'Alliance 90, mouvement pour les droits civiques de l'ex-RDA, avec le parti écologiste. Emmenés par Katrin Göring-Eckhardt et Cem Özdemir, ils comptent 63 députés.
Le parlement allemand possède également une Chambre haute, le Bundesrat, composée des membres des gouvernements des 16 Länder du pays. Chaque région y dispose d'au moins 3 voix ; celles comptant plus de 2 millions d'habitants possèdent 4 voix ; celles de plus de 6 millions, 5 voix et enfin celles de plus de 7 millions, 6 voix. Au total, le Bundesrat compte 69 membres.
L'Allemagne élit également (de façon indirecte) son président de la République tous les 5 ans. Frank-Walter Steinmeier (SPD) a été élu le 12 février dernier à ce poste par l'Assemblée fédérale (Bundesversammlung), qui regroupe les 630 membres du Bundestag et un nombre égal d'élus des 16 Länder du pays et de personnalités de la société civile.
Source : Der Bundeswahlleiter
[1] : L'Alternative pour l'Allemagne est de plus en plus souvent qualifiée de parti d'extrême droite. Le 8 mai dernier, le parti a organisé à Dresde un meeting commun avec les Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident (Pegida), association qui lutte contre l'islamisme radical et l'" islamisation de l'Allemagne ".
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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