Élections en Europe
Corinne Deloy
-
Versions disponibles :
FR
ENCorinne Deloy
Comme l'avaient prédit les enquêtes d'opinion, Emmanuel Macron (En marche) est arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle. L'ancien ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique (2014-2016) a recueilli 23,75% des suffrages et a devancé Marine Le Pen (Front national, FN), qui a obtenu 21,53% des voix (+ 3,63 points par rapport au premier tour du scrutin présidentiel du 22 avril 2012).
François Fillon (Les Républicains, LR) a pris la troisième place en obtenant 19,91% des suffrages. " Malgré tous mes efforts, ma détermination, je n'ai pas réussi à vous convaincre. Les obstacles mis sur ma route étaient trop nombreux, trop cruels. La vérité de cette élection sera écrite. J'assume mes responsabilités, cette défaite est ma défaite, c'est à moi seul de la porter " a déclaré l'ancien Premier ministre (2007-2012) à l'annonce des résultats.
Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche, FG) a pris la quatrième place avec 19,64% des suffrages (+ 8,54 points par rapport à 2012). Le député européen a longtemps refusé de reconnaître les résultats de l'élection présidentielle, laissant accroire jusque tard dans la nuit qu'il pourrait effectuer une remontée qui n'est jamais arrivée. A défaut de se qualifier pour le 2e tour, Jean-Luc Mélenchon peut se réjouir d'avoir remporté la bataille à gauche, ce dont il rêvait depuis qu'il a quitté le Parti socialiste en 2008, et d'être désormais bien positionné pour prendre la direction de cette tendance politique.
De son côté, le candidat du Parti socialiste (PS) Benoît Hamon a essuyé un sérieux revers : il a obtenu 6,35% des voix, soit le résultat le plus faible à l'élection présidentielle pour un socialiste depuis 1969, année où Gaston Defferre avait obtenu 5,01% des suffrages. " J'ai échoué à déjouer le désastre qui s'annonçait depuis plusieurs mois. J'en assume pleinement la responsabilité sans me défausser sur le quinquennat et les trahisons. Cet échec est une profonde meurtrissure, je mesure la sanction historique, légitime exprimée à l'égard du Parti socialiste. L'élimination de la gauche par l'extrême-droite pour la deuxième fois en quinze ans n'est pas seulement une défaite électorale. C'est aussi une défaite morale pour le pays " a déclaré Benoît Hamon à l'annonce des résultats. Le candidat a certainement pâti de la division du parti, certains socialistes ne lui pardonnant pas d'avoir participé à la fronde contre le gouvernement sortant lors de la deuxième partie du quinquennat de François Hollande.
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France, DLF) a recueilli 4,75% des voix. Il a devancé l'indépendant Jean Lassalle, qui a obtenu 1,22% des suffrages ; Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste, NPA), 1,10% ; François Asselineau (Union populaire républicaine, UPR), 0,92% ; Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière, LO), 0,65% et Jacques Cheminade (Solidarité et progrès), 0,18%.
La participation a été légèrement inférieure à celle enregistrée lors du premier tour de la précédente élection présidentielle du 22 avril 2012. Elle s'est établie à 78,69%.
Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République française, les candidats des deux principaux partis de gouvernement du pays - le Parti socialiste (PS) et les Républicains (LR) - sont fortement sanctionnés et éliminés dès le premier tour de l'élection présidentielle. A eux deux, ils ont rassemblé 26,26% des suffrages, soit -9,84 points par rapport au premier tour de l'élection présidentielle de 2002 lors de laquelle le candidat socialiste Lionel Jospin avait terminé en troisième position, devancé par Jean-Marie Le Pen (FN).
Quinze ans plus tard, le Front national se qualifie donc pour la deuxième fois pour le second tour de l'élection présidentielle française. Sa représentante, Marine (48 ans), fille de Jean-Marie, sera opposée à un candidat jeune (39 ans), inconnu du grand public il y a encore trois ans, jamais élu auparavant, positionné en dehors des partis traditionnels et du clivage droite/gauche (ni de gauche ni de droite ou de gauche et de droite) et à la tête d'En marche, créé il y a tout juste un an, qui a réussi son pari de se qualifier pour le deuxième tour du scrutin présidentiel.
Emmanuel Macron, dont le talent est indéniable, a également bénéficié de beaucoup de chance tout au long de la campagne. En effet, les élections primaires ont entraîné, à droite - où l'on croyait l'élection présidentielle imperdable - comme à gauche - où on la pensait ingagnable - la victoire de candidats radicaux. Par la suite, les " affaires " dans lesquelles François Fillon était impliqué, puis sa mise en examen pour détournement de fonds publics, complicité et recel de détournement de fonds publics, complicité et recel d'abus de biens sociaux et manquement aux obligations déclaratives, une première sous la Ve République, ont rendu la campagne de l'ancien Premier ministre inaudible et laissé un grand espace au représentant d'En marche.
Une page se tourne dans la vie politique française qui devrait conduire à de nombreuses recompositions.
" En une année nous avons changé le visage de la vie politique française " a indiqué Emmanuel Macron. En dépit des résultats et de la qualification de la candidate populiste pour le second tour de scrutin, les choses sont, en 2017, très différentes de ce qu'elles étaient en 2002. Le clivage gauche/droite est à la peine, c'est bien un clivage système/antisystème qui semble s'imposer, doublé d'un clivage pro-européen/anti-européen.
Le candidat d'En marche, Emmanuel Macron, qui veut rassembler droite et gauche, exprime, comme son adversaire du Front national, une volonté de transformer le système politique. " Le défi est de rompre avec le système qui n'a pas été capable de résoudre les problèmes depuis plus de trente ans " a-t-il répété durant la campagne.
S'il parvient à s'imposer face à Marine Le Pen le 7 mai prochain, il devra ensuite obtenir la majorité à l'Assemblée nationale lors des élections législatives qui suivront les 11 et 18 juin. Pour ce faire, le candidat d'En marche a appelé à un large rassemblement " de tous les progressistes " pour former sa majorité parlementaire : " Les Français ont exprimé leur désir de renouvellement. Notre logique est désormais celle du rassemblement que nous poursuivrons jusqu'aux élections législatives ".
Emmanuel Macron est indéniablement le grand favori du second tour. Il dispose d'importantes réserves de voix et dès l'annonce des premiers résultats, de nombreuses personnalités, de droite comme de gauche, ont appelé à voter pour lui le 7 mai prochain.
A gauche, cela a été le cas de Benoît Hamon qui a déclaré souhaiter " faire barrage à l'extrême droite ", du porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll (PS) ou encore du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone (PS). Le président de la République sortant François Hollande (PS) devrait faire de même dans les jours qui viennent.
A droite, François Fillon a immédiatement appelé à voter pour le candidat d'En marche lors du 2e tour. " L'extrémisme ne peut qu'apporter malheurs et divisions à la France. Il n'y a pas d'autre choix que de voter contre l'extrême droite. Je voterai en faveur d'Emmanuel Macron. J'estime de mon devoir de vous le dire avec franchise, il vous revient en conscience de réfléchir à ce qu'il y a de mieux pour votre pays et pour vos enfants " a indiqué l'ancien Premier ministre. Le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur Christian Estrosi (LR), le sénateur et maire de Troyes François Baroin (LR), le président du Sénat, Gérard Larcher (LR) ou l'ancien Premier ministre (1995-1997) et actuel maire de Bordeaux Alain Juppé (LR) ont déclaré qu'ils se prononceraient en faveur d'Emmanuel Macron lors du 2e tour.
En revanche, Jean-Luc Mélenchon n'a pas donné de consigne de vote pour le second tour. " Je n'ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont soutenu ma candidature. Elles seront donc appelés à se prononcer " a-t-il précisé. Philippe Poutou et Nathalie Arthaud ont pour leur part indiqué qu'ils voteraient blanc le 7 mai prochain.
"Ce résultat est historique (...) Je suis la candidate du peuple. Je lance un appel à tous les patriotes sincères, d'où qu'ils viennent et quel qu'ait été leur parcours et leur vote, à sortir des ressentiments parce qu'il y va de l'intérêt supérieur du pays. C'est maintenant l'essentiel qui est en jeu : la survie de la France. Je les appelle à l'unité nationale derrière notre projet de redressement " a déclaré Marine Le Pen à l'annonce des résultats.
Si la candidate du Front national peut se réjouir de sa qualification pour le 2e tour, elle est certainement déçue de son résultat, inférieur à celui qu'elle espérait, et de sa deuxième place derrière Emmanuel Macron.
A l'issue du premier tour, la dynamique est davantage du côté du candidat d'En marche qui est toutefois la personnalité que Marine Le Pen souhaitait le plus affronter.
La candidate populiste n'a jusqu'à maintenant jamais réussi à imposer ses thèmes de prédilection (identité nationale, antimondialisation) dans cette campagne inédite. L'entre-deux tours devrait être différent tant les projets et les visions de l'avenir que portent chacun des candidats sont distincts. Emmanuel Macron représente le social-libéralisme, l'ouverture, l'Europe ; son adversaire se réclame de l'étatisme économique, la nation, la protection, l'étatisme économique, la remise en cause de l'intégration européenne et de l'euro.
Marine Le Pen, qui se veut la représentante du peuple, devrait, dans la campagne de l'entre-deux tours, présenter son adversaire comme l'héritier du président sortant François Hollande et le candidat des élites et de l'Europe. Emmanuel Macron est en effet le candidat le plus pro-européen de tous les candidats et il s'est imposé au premier tour. L'Europe, au même titre que la mondialisation, devrait figurer au cœur des débats de la campagne du deuxième tour.
Un " front républicain " s'est dessiné dès l'annonce des résultats. Celui-ci sera cependant de plus faible ampleur que celui qui avait fait échec à Jean-Marie Le Pen en 2002. Pour l'heure, toutes les enquêtes d'opinion créditent Emmanuel Macron de la victoire au deuxième tour de l'élection présidentielle le 7 mai prochain, avec environ 65% des suffrages.
Le résultat sera déterminant d'une part, parce que le candidat d'En marche devra s'il l'emporte construire (et faire gagner) sa majorité parlementaire à l'issue du scrutin présidentiel, ce qui est loin d'être acquis, et, d'autre part, parce qu'un Front national à 35% des voix, voire 40%, pourrait, dans l'état de délitement dans lequel se trouvent le Parti socialiste et les Républicains, devenir le premier parti d'opposition du pays.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
Sur le même thème
Pour aller plus loin
Élargissements et frontières
Snizhana Diachenko
—
12 novembre 2024
Marché intérieur et concurrence
Jean-Paul Betbeze
—
4 novembre 2024
Liberté, sécurité, justice
Jack Stewart
—
28 octobre 2024
Démocratie et citoyenneté
Elise Bernard
—
21 octobre 2024
La Lettre
Schuman
L'actualité européenne de la semaine
Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais
Versions :