Modèle social européen
Pascale Joannin
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L'Europe est le continent où le statut des femmes est le meilleur au monde. C'est ici que désormais la place des femmes dans la société est la plus évoluée, même si tout n'est pas encore parfait. De ce point de vue, l'Europe est en avance sur beaucoup d'autres. En matière de promotion des femmes et d'égalité entre les hommes et les femmes, le continent européen constitue un exemple pour de nombreux autres pays et les femmes regardent, partout dans le monde la situation européenne comme un modèle à suivre. Voilà de quoi rompre avec la langueur sceptique qui semble frapper la construction européenne !
L'Europe, le continent où il y a le plus de femmes dirigeantes
L'analyse de celles qui occupent les postes de chef d'État ou de Premier ministre dans tous les pays du monde fait apparaître clairement un net avantage pour l'Europe[1].
Certes, elles sont encore trop peu nombreuses. En effet, au 1er janvier 2017 on dénombre 12 présidentes de la République et 6 Premières ministres dans le monde.
Sur ces 18 femmes, 9 sont en Europe : 5 chefs d'État (Dalia Grybauskaite en Lituanie depuis 2009, Marie-Louise Coleiro Preca à Malte depuis 2014, Kolinda Grabar Kitarovic en Croatie depuis 2015, Kersti Kaljulai en Estonie depuis 2016 et Doris Leuthard en Suisse depuis le 1er janvier 2017) et 4 chefs de gouvernement (Angela Merkel en Allemagne depuis 2005, Erna Solberg en Norvège depuis 2013, Beata Szydlo en Pologne depuis 2015 et Theresa May au Royaume-Uni depuis juillet 2016).
À noter qu'à rebours d'une idée souvent reçue selon laquelle les forces de gauche seraient plus enclines à la parité, la plupart de ces 9 femmes sont issues de partis classés à droite ou au centre-droit de l'échiquier politique.
Dans le reste du monde, il y a aussi 9 femmes chefs d'État ou de gouvernement : 4 en Asie (Bidya Devi Bhandari, présidente du Népal depuis 2015, Tsai Ing-wen, présidente de Taiwan depuis 2016, Park Geun-hye, présidente de Corée du Sud depuis 2013 - mais dont la destitution est en cours –, Sheikh Hasina, Première ministre du Bangladesh depuis 2009), 3 en Afrique (Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Liberia depuis 2006, Ameenah Gurib-Fakim, présidente de Maurice depuis 2015, Saara Kuugongelwa-Amadhila, Première ministre de Namibie depuis 2015) 1 seule en Amérique (Michelle Bachelet, présidente du Chili depuis 2014) et 1 enfin en Océanie (Hilda Heine, présidente des îles Marshall depuis 2016).
Au total, il y a donc autant de femmes dirigeantes en Europe que partout ailleurs dans le monde.
L'Europe, le continent qui compte le plus grand nombre de femmes ministres et parlementaires
La proportion de femmes dans les gouvernements ou les parlements a certes doublé en 20 ans mais elle évolue encore trop lentement malgré les incitations existantes dans certains pays, voire les obligations constitutionnelles pour la France. Mais la réalité tend à prouver qu'il y a encore loin de la parfaite égalité entre les hommes et les femmes. Dans le monde, l'Europe affi pourtant la meilleure performance quant au nombre de femmes ministres ou parlementaires.
D'abord les institutions européennes
Depuis la démission de Kristalina Georgieva le 31 décembre 2016, la Commission européenne ne compte plus que 8 femmes sur 28 (28,5 %). Mais elles y détiennent des postes clef comme la concurrence (Margrethe Vestager) ou le commerce (Cecilia Malmström), deux compétences communautaires de plein exercice, ou la diplomatie (Federica Mogherini).
Au sein du Parlement européen, 37,42 % des élus sont des femmes. 7 États membres y envoient plus de 50 % de femmes, ce qui n'est le cas d'aucun des États membres dans leur parlement national.
Dans un cas comme dans l'autre, c'est plus que la moyenne de ce qu'on observe au sein des 28 États membres qui se situe en janvier 2017 pour les femmes ministres à 26,7 % et pour les femmes parlementaires (chambres basses ou uniques) à 29 %.
Ensuite dans les États membres
Cette moyenne fait apparaître de profondes différences entre États membres. Seuls 2 États (Suède et France) présentent un gouvernement paritaire comprenant un nombre égal d'hommes et de femmes ministres (de plein exercice).
2 États également (Grèce et Hongrie) ont réussi l'exploit de constituer un gouvernement sans aucune femme ministre.
Dès lors, la moyenne de l'Union européenne se situe à près de 27 %. Dans le monde, elle est de 10 points inférieure à 17 %[2].
Dans les parlements, la moyenne de l'Union européenne est à peine légèrement supérieure. (29 %). Cette situation est loin d'être satisfaisante surtout si l'objectif est d'avoir un parlement représentatif de la société, composée pour moitié de personnes de sexe féminin.
Pourtant si on examine la situation dans les parlements du monde, on constate de nouveau que l'Europe fait figure de pionnière et de meilleure élève. En effet, avec 29,07 %, l'Union européenne se place à la première place devant l'Amérique (27,8 %), l'Afrique (23,5 %), l'Asie (19,5 %) et l'Océanie (14,2 %)[3].
Au niveau mondial, la moyenne de femmes parlementaires se situe à 23,9 %. C'est aussi en Europe que l'on dénombre le plus grand nombre de femmes présidant la chambre basse (ou unique) du Parlement : 10 (dont 8 pays de l'Union européenne), 9 en Amérique, en Asie et en Afrique et 1 en Océanie.
L'Europe, le continent où la gouvernance des entreprises est la plus féminisée
En matière de gouvernance des entreprises, la place qu'y occupent les femmes a considérablement évolué au cours de la dernière décennie. Et ce sur tous les continents. La progression est particulièrement édifiante : +54 % depuis 2010.
La Norvège, la première, a introduit des quotas de féminisation dans les conseils d'administration des sociétés cotées, ce qui a permis aux entreprises de ce pays de se hisser à la première place mondiale avec un taux de féminisation de 44 % des administratrices. Ce record reste à ce jour inégalé sauf par l'Islande (46 %).
La Suède, sans avoir instauré un tel système de quotas, se place à la troisième place mondiale avec 36 % à égalité avec la France qui, elle, a adopté une loi imposant 40 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du CAC 40 d'ici fin 2017. L'objectif est presque atteint.
Bien d'autres pays ont suivi le mouvement et pas seulement en Europe. Il a fallu en effet recourir à la contrainte, souvent décriée y compris par les femmes, pour faire évoluer une situation d'inégalité qui, sinon, n'aurait été résolue naturellement qu'en... 170 ans[4], soit l'an 2186 !
De la même manière, les femmes sont plus diplômées mais elles gagnent moins que les hommes et restent moins bien placées aux postes à haute responsabilité. Là encore, l'Europe se positionne devant l'Amérique, l'Asie, l'Océanie et l'Afrique.
De ce fait, et pour la seule gouvernance des entreprises, les entreprises cotées européennes "trustent" les 6 premières places au niveau mondial quant au nombre de mandats détenus par des femmes[5]. Sur les 20 premiers pays du monde ayant féminisé leur conseil d'administration, 12 sont européens.
La moyenne européenne est de 23 %[6], soit plus qu'aux États-Unis (19 %)[7]. La moyenne mondiale est de 14,7 %[8].
Ce sont les entreprises asiatiques les moins féminisées.
Ces 3 exemples montrent que si la situation est loin d'être pleinement satisfaisante et de nombreux progrès restent à faire, c'est en Europe que les femmes vivent le mieux et que leur place et leurs droits sont les mieux assurés.
Que ce soit en matière politique ou économique, l'Europe est en tête de tous les classements mondiaux pour ce qui est de la place des femmes dans la société.
Leur statut paraît enviable au regard de la planète. Est-ce à dire pour autant que l'Europe est le paradis sur la terre pour les femmes ? En tout cas la situation des Européennes inspire de nombreux pays, notamment en Afrique. Certains pays africains présentent un taux de féminisation égal ou supérieur à celui de pays européens.
Les défis mondiaux actuels ne pourront pas être relevés par les seuls hommes. Les femmes peuvent utilement y contribuer. Les affaires du monde iraient d'ailleurs sans doute mieux s'il y avait davantage de femmes dans les instances dirigeantes. Cette solution n'a jamais vraiment été expérimentée à grande échelle. Serait-ce si iconoclaste ? Pas forcément... car les femmes "font bouger le monde".[9]
[1] : Ce texte est issu du " Rapport Schuman sur l'Europe, l'état de l'Union 2017 ", éditions Lignes de Repères, à paraître le 10 mars 2017.
[2] : ONU femmes, août 2016.
[3] : Union interparlementaire, décembre 2016.
[4] : Forum économique mondial (WEF), rapport Global Gender Gap 2016.
[5] : Financial times, 1er novembre 2016.
[6] : Commission européenne, 30 avril 2016 et European Women on Boards and ISS, Gender Diversity on European Boards: Realizing Europe's Potential: Progress and Challenges (avril 2016).
[7] : Catalyst, 2015 Catalyst Census: Women and Men Board Directors (14 juin 2016).
[8] : Crédit Suisse, The CS Gender 3000: The Reward for Change 2016.
[9] : L'Express, 2 au 8 novembre 2016.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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